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Crise à la CAMEG : Regard croisé sur une affaire qui déjoue les pronostics

LEFASO.NET | Marcus Kouaman
mercredi 18 janvier 2017.

 

Que peut-on attendre encore de ce feuilleton politico-judiciaire de la crise CAMEG (Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux) ? Rien qui nr puisse étonner le commun des mortels diront certains. Une jurisprudence, diront d’autres. Tant les contours de cette affaire deviennent complexes de fil en aiguille et échappent à la raison humaine.

Il est rare, sinon très rare, de voir une affaire balancer dans tous les ordres de juridiction (judiciaire, administratif) qui peuvent exister au Burkina. Que ce soit au Tribunal administratif, comme au Tribunal de grande instance, sans oublier le Tribunal du travail, l’affaire CAMEG est passée partout où de besoin et y a laissé des traces. Des traces qui feront tâche d’huile peut être le 30 janvier 2017, du moins en ce qui concerne les procédures devant le Tribunal de grande instance. En effet à cette date, deux faits majeurs pourront donner une autre tournure à ce marathon sans fin devant les cours, palais ou tribunaux.

A cette date, l’on pourrait connaitre le délibéré du premier procès pour faux et usage de faux, faux en écriture, intenté contre ‘’la nouvelle équipe’’ mise en place. Celle composée de Dr Salifou Konfé, Dr Damien Koussoubé et Ruth Sawadogo (respectivement PCA, DG et présidente du comité de supervision). Un délibéré qui tarde à venir alors que le jugement de ces derniers a eu lieu depuis le 7 novembre 2016.C’est à cette même date du 30 janvier 2017, que ‘’l’ancienne équipe’’ évincée, composée de Dr Bokar Kouyaté et Dr Jean Chrysostôme Kadéba (PCA et DG de la CAMEG) passera devant le tribunal. Ces derniers sont poursuivis pour faux et usage de faux sur les statuts de la CAMEG, escroquerie à jugement et usurpation de titre.

Nourrir l’espoir de gagner

Cet imbroglio politico-juridico-judiciaire, digne d’une série des temps nouveaux, n’ébranle pas pour autant la conviction de chaque partie d’avoir raison et d’agir en toute âme et conscience pour « le bien-être du peuple burkinabè ». Dans le dossier déjà jugé, même étant confiant que ses clients n’ont rien à se reprocher, Me Edasso Rodrigue Bayala, l’un des avocats du camp Konfé, reste prudent. « On attend tout d’une décision de justice », lance-t-il. Pour lui, l’issue d’un procès est toujours incertaine, mais il reste « certain et serein » quant à la victoire. C’est le même état d’esprit qui anime Me Jean-Charles Tougma, avocat du camp Kouyaté. « En tant qu’avocat qui ait initié la procédure, nous mettons la bonne foi sur notre dossier et nous pensons que la juridiction va trancher en droit. Donc nous attendons sereinement la décision », avance-t-il également.

Qu’en est-t-il de la supposée transformation du statut juridique de la CAMEG qui est une association en société d’Etat ? A cette question, la réponse de Me Bayala est catégorique. « Je gère les aspects juridiques. Ce que je sais, c’est qu’il n’est pas exclu qu’à tout moment bien entendu, des parties à un différend puissent aller à une transaction. Mais de la transformation je ne peux pas dire grande chose car je m’occupe des aspects juridiques », martèle-t-il. Selon lui, il est vrai que cette transformation peut avoir un aspect juridique, mais il n’est pas saisi de cette question. De sorte qu’il ne peut pas dire à quel niveau on en est actuellement à part ce qu’il a lu dans la presse notamment.

Me Bayala continue en ces termes : « il n’est pas exclu que du point de vue procédural, même à toute étape de la procédure, même après avoir gagné un procès, que vous puissiez procéder à une exécution amiable ». Pour lui, il peut même y avoir entente après le procès, mettre le jugement de coté, et essayer de faire prévaloir un certain nombre de considérations. Puisque de son avis, cela n’est pas interdit par la loi. Mais pour l’heure, le professionnel du droit n’est au courant d’aucune transaction entre les deux parties.

Cette probable transformation de l’association, Me Tougma, n’en saisit ni la raison, ni l’opportunité à ce stade de la procédure. « Je vois que le ministre de la Santé (Smaïla Ouedraogo), continue son entêtement et pose des actes inconséquents. Il veut manu militari transformer l’association en société d’Etat alors que les procédures sont en cours et que rien n’est finalisé », s’indigne-t-il. C’est à ne rien comprendre selon l’avocat, puisque des statuts avaient été discutés par un comité ad’ hoc en son temps et remis au ministre à sa prise de fonction pour adoption. Il ne comprend pas que le ministre passe outre ces statuts qui ont été étudiés par une commission, forme une nouvelle commission à laquelle il ne permet pas d’étudier le document qu’il a sous la main et part de rien.

Une nouvelle procédure devant le Conseil d’Etat

Pour l’avocat de Dr Kouyaté et Dr Kadeba, cette façon de faire est cavalière, car une association dans laquelle se trouvent des institutions internationales honore le Burkina Faso. Donc, cela serait mal venu de transformer en société d’Etat et de dire que les institutions internationales sont « persona non grata ». « Je ne vois pas ce qu’on peut leur reprocher puisque l’association marche, au point que le ministre en fasse son point de convoitise et qu’il ne peut plus dormir », ironise Me Tougma. Il s’offusque du fait que le ministre de la Santé ait pris la décision, alors que le gouvernement n’en a pas encore pris. « Il a déjà dit ce que le gouvernement doit dire et apparemment c’est lui qui dicte ce qui doit être fait », avance-t-il.

L’avocat en appelle donc au premiers responsables du pays à savoir le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, au président du Faso Roch Kaboré, pour que ce fleuron de l’Etat burkinabè soit respecté parce que quoi qu’on dise, une association c’est la chose de l’Etat. Il les invite à ne pas vouloir satisfaire le ministre « juste pour son égo », car là, il s’agit de l’intérêt du plus grand nombre, de l’intérêt des plus pauvres. Et de se souvenir des raisons qui avaient poussé à la transformation du statut juridique de la CAMEG d’Etablissement public de l’Etat (EPE) à sa création en 1998, en association en 2000.

A quand la fin de cette crise sans précédent, qui secoue le domaine sanitaire depuis huit mois déjà, sommes-nous tentés de demander. Qu’adviendra-t-il après la transformation de l’association en société d’Etat ? N’est-il pas temps de s’asseoir autour d’une même table et de trouver un compromis dans l’ultime intérêt de la population ? Surtout pour la réussite du programme présidentiel en matière de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans, lancé il y a bientôt une année. Un programme pris en otage sans conteste par cette crise sans lendemain.

En attendant des éventuels pourparlers et décisions, les protagonistes ont rendez-vous ce 14 février, jour de la fête des amoureux, devant le Conseil d’Etat. Pas pour célébrer ‘’le parfait amour’’ entre eux, mais pour attaquer le décret de nomination des nouveaux administrateurs passé en Conseil des ministres. Cette procédure a été enclenchée, naturellement par la défense du camp Kouyaté et Kadéba.

Marcus Kouaman
Lefaso.net



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