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Nouvelle Constitution : La Boucle du Mouhoun outillée pour apporter les amendements

LEFASO.NET | Par Oumar L. OUEDRAOGO
vendredi 30 décembre 2016.

 

Après les régions du Centre-nord (Kaya), du Nord (Ouahigouya), du Centre-ouest (Koudougou), des Hauts-Bassins (Bobo-Dioulasso), c’est la région de la Boucle du Mouhoun qui a accueilli la conférence publique du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) sur « les enjeux de la nouvelle Constitution ». C’était le samedi, 24 décembre 2016 à Dédougou, chef-lieu de ladite région.

C’est par une présentation générale du contexte national que le conférencier, Assegna Anselme Somda, Chargé de programme du CGD, a introduit son public composé entre autre d’enseignants, de représentants des autorités coutumières et religieuses, de représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, d’élèves, d’étudiants, de fonctionnaires. Il replonge dans les temps forts de la lutte contre la modification de l’article 37 qui a abouti à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, la mise en place des organes de transition en passant puis, l’avènement du nouveau régime démocratiquement élu à la faveur du scrutin couplé du 29 novembre 2015. Une Commission constitutionnelle a été mise en place le 29 septembre 2016 pour proposer un avant-projet de constitution dans la perspective d’un passage à la Vème République. Il s’agit donc pour les Burkinabè, de s’outiller pour faire en sorte que cette loi fondamentale en gestation prenne en compte leurs « aspirations profondes », exprimées les 30 et 31 octobre 2014.

Elaboration de la nouvelle Constitution, un procédé plus démocratique

« Les autorités actuelles avaient déjà, dans leur programme (lors de la campagne) promis au peuple burkinabè, le passage à la Vème République ; c’est-à-dire l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle Constitution », a rappelé le communicateur, Assegna Anselme Somda, relevant au passage les tentatives de passage à la Vème République sous la Transition. Un projet étouffé par les acteurs politiques qui avaient estimé que le moment (Transition) n’était propice pour une telle initiative. Tout de même, le Conseil national de la Transition (CNT) a pu procéder à « d’importantes réformes » notamment le verrouillage de l’article 37, l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel aux citoyens, l’adoption de la loi anti-corruption..., si fait que certains Burkinabè s’interrogeaient sur l’opportunité même de l’élaboration d’une nouvelle Constitution, surtout au regard du coût et du contexte économique.

Sur la constitution de la Commission elle-même, le communicateur a aussi fait observer que, contrairement à celle de 1991 qui était composée à 2/3 de membres du Front populaire, celle actuelle prend en compte toutes les couches socio-professionnelles (opposition comme majorité et à part égale). Cette fois-ci, le procédé est encore plus démocratique et la Commission est présidée par un membre de la société civile, dit-il, avant de saluer la démarche participative du Président du Faso.

Tenir compte des valeurs proclamées par la Charte de la Transition

Selon Assegna Anselme Somda, la Constitution peut se comprendre, en un mot, comme la loi fondamentale, la « mère des lois » ; les lois prennent donc leur source dans la Constitution. Il relève également qu’on distingue trois formes de Constitution à savoir, les Constitutions matérielles ou formelles, les Constitutions écrites ou coutumières, les Constitutions souples ou rigides.

Le conférencier a aussi donné les modalités d’élaboration et d’adoption d’une Constitution. Et sur ce point, l’ex-député du Conseil national de la Transition (CNT), précise qu’il existe trois procédés en la matière : le « procédé dit démocratique », le « procédé dit semi-démocratique » et le « procédé non-démocratique ou la charte octroyée ». Dans le vif de son thème (les enjeux du passage à la Vème République), on retient de l’analyse du conférencier, quatre enjeux : les enjeux juridiques, les enjeux politiques, les enjeux sociétaux et, enfin, les enjeux liés à la légitimité constitutionnelle.

De façon précise, par les enjeux juridiques, il s’agit de garantir la suprématie de la Constitution et l’effectivité des droits (justiciabilité des droits, renforcement de l’Etat de droit et du constitutionnalisme).

Les enjeux politiques consistent en la préservation des acquis de l’insurrection populaire (institutionnalisation de l’alternance via la limitation des mandats présidentiels, etc.), la définition de la nature du régime à mettre en place (présidentiel, parlementaire, semi-parlementaire, etc.). Il s’agit ici également, de travailler à un rééquilibrage des prérogatives entre les pouvoirs, assurer une effectivité de la séparation des pouvoirs et l’existence des contre-pouvoirs. A cette liste, le conférencier ajoute la neutralité et l’impartialité de l’administration pour asseoir une administration publique de service et non de commandement, la définition claire de la place et du rôle des autorités traditionnelles dans le jeu démocratique. Il recommande aussi l’équité des règles de la compétition électorale et l’élévation de la loi électorale au rang de loi organique.

En ce qui concerne les enjeux sociétaux, il faut les comprendre comme la garantie de la démocratie sociale. Le juriste suggère en outre de tenir compte des valeurs proclamées par la Charte de la Transition que sont entre autres, le pardon et la réconciliation, l’inclusion, le sens de la responsabilité, la tolérance et le dialogue, la probité, la dignité, la discipline et le civisme, la fraternité, l’esprit de consensus et de discernement. Prendre en compte les femmes, les jeunes et les personnes vivant avec un handicap, assurer la justice sociale et économique par la redistribution équitable des fruits de la croissance. « La démocratie sociale est fondamentale pour l’émergence d’une citoyenneté éclairée et responsable », signe le Chargé de programme du CGD.

Quant aux enjeux de la légitimité constitutionnelle, elle s’analyse sous l’angle de l’appropriation de la Constitution ; faire en sorte que la Constitution réponde aux valeurs de la société burkinabè, de sorte qu’elle ne souffre pas d’un déficit de légitimité auprès des populations qu’elle doit régir.

Le passage à la Vème République, un virage à ne pas rater !

« La vision vers laquelle doivent se projeter tous les acteurs, quels qu’ils soient, doit être celle de l’étude prospective Burkina 2025 à savoir : ‘’Faire du Burkina Faso, à l’horizon 2025, un Etat démocratique, capable, efficace et intelligent porté par des citoyens conscients, mobilisés et responsables’’ », soutient le conférencier pour qui, la traduction dans les faits de cette vision exige la poursuite des trois objectifs stratégiques : œuvrer à la réalisation d’une société qui assure le plein épanouissement de l’homme, consolider l’Etat de droit et la démocratie en construction et, enfin, promouvoir une culture de la paix. « Pour y parvenir, les Burkinabè ont tout à gagner à asseoir un dialogue démocratique fécond et sincère qui aboutirait à des reformes politiques consensuelles, gage de stabilité politique et de développement », exhorte Assegna Anselme Somda avant de conclure avec l’ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies, Kofi Annan que : « Les Constitutions existent pour servir les intérêts à long terme des sociétés et non les objectifs à court terme des dirigeants ».

Une communication qui a suscité de nombreuses réactions focalisées, la plupart, sur les réformes à opérer au niveau du pouvoir judiciaire, la perte des valeurs d’intégrité, la traite des actes d’incivisme, la gouvernance politique, etc. C’est pourquoi, les intervenants, parmi lesquels, des représentants d’autorités coutumières et religieuses, ont tous galvanisé le CGD à multiplier cette initiative d’éveil de consciences en faveur des Burkinabè de l’intérieur du pays. Ils ont également souhaité que ce genre d’activités soient exercées dans les langues nationales et décentralisées jusqu’au niveau commune pour permettre aux populations d’émettre des avis éclairés sur l’avant-projet de texte (nouvelle Constitution) qui leur sera soumis lors de la tournée dans les treize régions.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 30 décembre 2016 à 19:47, par L’insurgé En réponse à : Nouvelle Constitution : La Boucle du Mouhoun outillée pour apporter les amendements

    Très bonne initiative du CGD, si toutes les OSC qui nous cassent les tympans pouvaient se consacrer maintenant à ce sacrifice. La Nouvelle Constitution est un tournant à ne pas rater, sinon le sang versé de nos martyrs serait vain et c’est l’échec de tout le peuple. Je suggère aussi que le CGD ne se limite pas à une seule conférence publique au niveau de Bobo, il faut bien d’autres parce que les gens en ont besoin. Il faut aussi descendre à Banfora et dans les autres villes du pays. Je tire mon chapeau à ANSELME SOMDA pour la pertinence de sa communication sur le thème. C’est le seul gars du CNT en pleine activité d’éveil de consciences que je connais et cela montre qu’il méritait d’être plus que là bas, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale actuelle. C’est de ce type de jeunes qu’on veut dans les institutions comme le parlement, les mairies, les coins stratégiques des ministères....

  • Le 30 décembre 2016 à 21:29, par Bouki En réponse à : Nouvelle Constitution : La Boucle du Mouhoun outillée pour apporter les amendements

    Bravo au CGD, vous faites œuvre utile pour le pays. Bravo au Pr LOADA et à toute son équipe !