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‘’Presque 80% du budget de l’UA dépend des partenaires extérieurs. Dans ces conditions, peut-on parler de souveraineté, d’indépendance, de dignité ? ‘’, Pr Abdoulaye Bathily, candidat à la Commission de l’UA

LEFASO.NET | Par Oumar L. Ouédraogo
jeudi 22 décembre 2016.

 

En séjour au Burkina dans le cadre de sa candidature à la présidence de l’Union africaine (UA) (élection prévue pour janvier 2017), l’homme politique sénégalais, Pr Abdoulaye Bathily a dévoilé les raisons qui sous-tendent sa candidature et sa vision pour l’organisation continentale. C’était au cours d’une conférence de presse animée dans la soirée de mercredi, 21 décembre 2016.

C’est par une audience avec le Président du Faso, plus tôt dans la matinée, que le candidat a démarré sa journée d’offensive diplomatique au Burkina. Au Palais présidentiel, Kosyam, Pr Bathily est allé solliciter conseils, avis et suggestions au Président du Faso, Roch Kaboré. Dans l’après-midi, c’est entouré de ‘’son staff’’ local, dont des responsables de la Fédération panafricaine des associations et clubs de l’Union africaine (FEPAC/UA) et la Coalition des organisations de la société civile du Burkina, que l’ancienReprésentant spécial adjoint du Secrétaire général à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)a dévoilé les contours de sa candidature.

Ainsi, l’on retient que Pr Abdoulaye Bathily ne part pas à la conquête d’un poste pour un poste. « En ce qui me concerne, ma candidature vient en droite ligne de mon engagement pour les peuples d’Afrique depuis des décennies. Je ne suis pas un candidat de circonstances, actionné par un pays, par une cause spécifique, particulière, égoïste. Je suis candidat pour la cause des peuples d’Afrique dans la logique de ma trajectoire personnelle, dans la logique de ma trajectoire professionnelle et toute mon expérience en atteste. Je suis candidat pour apporter ma contribution à la mise en place d’une Union africaine plus dynamique, au service des gouvernements, au service des populations d’Afrique », a campé le candidat.

A l’en croire, l’Afrique fait face aujourd’hui à des défis énormes dans des secteurs vitaux de la vie nationale des pays. Si de ses analyses, l’organisation ne peut pas régler tous les problèmes en même temps, sa conviction est cependant qu’une Union africaine mieux conçue dans son action, dans sa vision, dans son opérationnalisation, peut contribuer à résoudre de façon efficace, certains problèmes vitaux qui se posent au continent africain dont certains sont vécus au quotidien. C’est le cas du terrorisme. « La question de la paix et de la sécurité est une question capitale aujourd’hui pour le continent africain. Aucun pays tout seul, quelques soient les mesures qu’il prend à l’interne, ne peut résoudre cette question de terrorisme », développe-t-il. Pour lui, l’UA dont la mission est de contribuer aux côtés des Nations-Unies à préserver la paix et la sécurité peut donner plus de quiétude aux citoyens d’Afrique. Il a expliqué qu’il existe une architecture de paix et de sécurité adoptée par l’UA qui découle des expériences vécues au cours des décennies écoulées (guerres au Libéria, Sierra-Leone, en RDC, etc.). Il s’agit donc de donner beaucoup plus de contenu et d’opérationnalité à cette architecture de paix et de sécurité. « J’en connais les tenants et les aboutissements pour avoir participé à différents titres et qualités, pendant toutes ces années, à l’élaboration de textes régissant ce document fondamental pour la paix et la sécurité. (…). Aujourd’hui, face au terrorisme, face à ce qu’on appelle la guerre asymétrique, qui est imposée par les terroristes, beaucoup de nos Armées et de Forces de sécurité ont besoin d’être restructurées, réorientées », confie le candidat Bathily, prônant ici, une unité de ces Forces armées (dans l’action, dans les stratégies et une opérationnalisation de la force africaine en attente).

L’Union africaine doit donc prendre à bras-le-corps cette question et la Commission de l’Union africaine dotée d’un leadership capable de comprendre ces enjeux et de prendre des initiatives à porter à l’ensemble des Chefs d’Etat et de gouvernement.

Le deuxième point important de sa vision est ce qu’il a qualifié de « transition démocratique ». « Toute l’Afrique est dans une période de transition démocratique. Transition plus ou moins réussie dans certains pays, des conflits avant les élections, pendant et post-électorales et souvent, les processus politiques débouchent sur des conflits graves », relève-t-il avant d’ajouter qu’il y a urgence à travailler à ce qu’élections ne riment pas avec crises sur le continent.

La troisième dimension importante est l’intégration économique. ‘’ Quoiqu’on dise, plus de 50 ans après les indépendances, la situation globale sur le continent est que les Africains ne mangent pas encore à leur faim, les jeunes ne trouvent pas de travail, les femmes sont discriminées, l’agriculture ne fonctionne pas comme elle devait l’être, beaucoup de foyers n’ont pas accès à l’électricité, à l’eau potable, etc. Au niveau des Etats, des initiatives sont prises mais elles n’auront de succès durable que si elles s’articulent à un programme continental. Aujourd’hui, il est suffisamment nécessaire que les Africains puissent se nourrir eux-mêmes, il y a suffisamment de terres arables, il y a suffisamment d’eau pour que dans une stratégie concertée, nous puissions avoir une agriculture modernisée qui donne le pain à tous les Africains dans des délais raisonnables’’, scrute Pr Abdoulaye Bathily pour qui également, il y a suffisamment de potentiels pour que tous les foyers africains puissent avoir de l’électricité dans un délai raisonnable.

Convaincu que l’aide ne peut pas développer un pays, le candidat propose que l’Afrique se réorganise pour créer un nouveau paradigme avec ses partenaires en transformant qualitativement ses économies. Toute chose qui, de son avis, n’est pas possible que dans l’unité parce que, chaque pays pris individuellement n’est capable de le faire. « En nous mettant ensemble au niveau sous-régional et au niveau régional, il est possible de créer les bases d’une industrialisation du continent. Pas seulement par des investissements venus de l’extérieur par des compagnies multinationales mais et surtout (et j’y tiens vraiment), créer les bases sociales de l’industrialisation du continent. Nous ne pouvons pas industrialiser l’Afrique avec le type de partenariat que nous avons avec l’extérieur, il faut inverser la tendance… », exhorte le conférencier qui précise que l’intégration régionale est un acte indispensable au progrès économique et social.

L’autre dimension en ligne de mire est le volet social. « Les femmes sont les victimes de toutes les discriminations. Discriminations découlant de l’organisation même de nos sociétés traditionnelles mais découlant également des modes de la vie moderne (en matière d’emplois, éducation, infrastructures sociales de base, accès aux responsabilités sociales et politiques) », déplore-t-il.

L’autre dimension importante est de rendre la Commission de l’UA autonome car, « des quatre points suscités, on ne peut réussir à engager l’Afrique dans cette voie que si la Commission elle-même est opérationnelle ». En clair, il faut reformer l’UA dans ses structures, dans ses moyens d’actions pour qu’elle soit à même d’exécuter les tâches qui doivent être les siennes face aux défis du monde actuel. « Par exemple, presque 80% du budget de l’UA dépend des partenaires extérieurs. Lorsque nous élaborons un programme à l’UA, on compte sur les partenairesextérieurs pour son financement. Même parfois, nous sommes en difficultés pour assurer le fonctionnement normal de l’institution. Peut-on, dans ces conditions, parler de souveraineté, d’indépendance, de dignité ? », dévoile le candidat. Il faut donc rendre la Commission autonome financièrement et indépendante politiquement pour qu’elle puisse exécuter ses programmes par et pour elle-même (donc, au profit des peuples africains).

Outre les axes liés à la paix et la sécurité, la transition démocratique, l’intégration régionale, la dimension sociale et la réforme des organes de l’UA, le challenger vise également à faire de la relation entre la Commission et les diasporas africaines, un point majeur. « L’UA a été créée, non pas seulement pour servir les peuples d’Afrique mais aussi la diaspora. L’Afrique a plusieurs diasporas à travers le monde (la diaspora née de la traite atlantique des esclaves aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, dans les îles caraïbes, la diaspora née de la colonisation, la diaspora née des indépendances) et aujourd’hui, une Afrique unie, forte et dynamique qui répond aux défis du monde contemporain est une source d’inspiration, de dignité pour l’ensemble des peuples d’Afrique et là, la Commission a un rôle extrêmement important à jouer », projette l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale .

De son avis donc, s’il y a un engagement réel autour de ces perspectives, l’UA peut enfin être conforme à l’idéal pour lequel elle a été mise en place.

Oumar L. Ouédraogo
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