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Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

LEFASO.NET | Par Herman Frédéric Bassolé
mardi 13 décembre 2016.

 

13 décembre 1998 – 13 décembre 2016. Voilà maintenant 18 ans que le journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune ont été assassinés sur la route de Sapouy. Un drame qui rappelle les épisodes sombres du régime Compaoré et de l’embrigadement de la justice burkinabè. Cette année, tout comme en 2015, la Coalition contre la vie chère (CCVC) et le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) sont montés au créneau pour dénoncer l’impunité et le silence « radio » dans le traitement du dossier et celui des victimes de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et de la résistance au putsch de septembre 2015.

Ouagadougou, cimetière municipal de Gounghin. Il est 7h00. Les proches de Norbert Zongo et de ses trois compagnons, Blaise Ilboudo, Ablassé Nikièma et Ernest Zongo, sont déjà mobilisés pour rendre hommage aux disparus et réitérer leur détermination à se battre sans relâche pour que justice soit rendue. La douleur se déchiffre sur chaque visage, jeune comme ridé. Des bougies sont allumées et disposées sur les tombes. Vient l’heure de la prière. L’on implore le Saint esprit pour qu’il éclaire le dossier afin qu’enfants, épouses, frères, sœurs, pères et mères sachent enfin ce qui s’est passé ce dimanche 13 décembre 1998. Après ce dialogue intérieur avec Dieu, quelques responsables syndicaux arrivent sur les lieux. Chrysogone Zougmoré de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère (CCVC) et Bassolma Bazié de la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B). Me Bénéwendé Stanislas Sankara, vice-président de l’assemblée nationale est également présent. Après le recueillement et le dépôt de gerbe de fleurs sur les cinq tombes (la tombe de Flavien Nébié y compris, NDLR), Guézouma Sanogo livre le message de l’Association des journalistes du Burkina (AJB).

Une honte

Dans ce message, l’AJB rappelle que le pouvoir de Blaise Compaoré, sous lequel le crime a été perpétré a usé « du mensonge, du dilatoire, du déni de justice pour empêcher que la lumière ne soit faite cet assassinat ». « Certes ton dossier a été rouvert, une rue t’a été dédiée, trois suspects identifiés par la commission d’enquête indépendante ont été inculpés mais ton dossier n’a pas été jugé », a regretté Guézouma Sanogo. Et d’ajouter « Tout ça c’est bien mais c’est la vérité et la justice que le peuple demande. Tant qu’il n’y aura pas vérité, nous allons continuer à clamer que c’est une honte pour ce pays, pour ces personnes qui mentent chaque jour au peuple ».

Une marche contre l’impunité

Il est neuf heures moins le quart. Des manifestants prennent d’assaut peu à peu la place de la Nation pour une marche-meeting. Des slogans propres aux mouvements syndicaux sont entonnés. Quelques artistes engagés d’inspiration reggae font monter le mercure sous l’admiration des jeunes portant par ci et par là des banderoles rouges. A 9h51, les responsables syndicaux donnent le ton et c’est parti pour 45 minutes de marche de la place de la Nation en passant par le rond-point des Nations Unis, les avenues Kwamé N’Krumah, de la Cathédrale, Bassawarga pour revenir au point de départ. Durant le trajet, des usagers de la route se demandent bien ce qu’il se passe. Certains ont pensé qu’il s’agissait d’une marche de soutien à l’activiste Naïm Touré, détenu depuis hier (lundi 12 décembre) par la gendarmerie pour avoir posté sur les réseaux sociaux des informations sur l’état de santé de l’ex-membre du RSP, Moussa Nébié, détenu à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA). D’ailleurs sur la place de la Nation, des jeunes distribuaient des tracts pour exiger la libération de ce jeune activiste, « au nom de la liberté d’expression ».

L’impunité a la peau dure mais…

Dans leur message conjoint lu par Chrysogone Zougmoré, la Coalition contre la vie chère (CCVC) et le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) n’ont pas mâché leurs mots à l’endroit du pouvoir en place qu’ils comparent avec celui de Blaise Compaoré. « Il apparaît aujourd’hui plus qu’évident que le traitement des dossiers de crimes de sang et de crimes économiques connaît les mêmes misères que sous le règne du CDP de Blaise Compaoré. Comme si les nouveaux anciens acteurs de premier plan de la scène politique avaient des choses à se reprocher et donc à cacher ».

Les organisations syndicales n’ont été du tout tendre avec les forces militaires étrangères établies. Elles ont à cet effet exigé leur démantèlement car « ces présences étrangères constituent des instruments de domination et d’agression contre le peuple ». Pour ce qui est enfin de l’impunité, la CODMPP et la CCVC ont indiqué qu’elle a la peau dure certes mais « le peuple entend véritablement prendre sa place non plus en simple observateur résigné mais en acteur de premier plan s’affirmant davantage comme artisan de son propre destin ».

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 14 décembre 2016 à 01:17, par Moi aussi En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    J’aimerais ici adresser un salut personnel militant à M. Chrysogone Zougmoré de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère (CCVC) et à tous ceux qui luttent et résistent avec lui ou comme lui dans diverses structures anonymement ou ostensiblement, pour leur exprimer mon respect pour leurs sacrifices. Ayant été et étant au cours de ma vie un résistant et ayant également conduit mes semblables dans des luttes, je vous tire mon chapeau car, il est de notoriété publique que cela relève d’un sacerdoce tant le prix est énorme pour soi et pour sa famille. Cependant, quand on est altruiste, on en tire des plaisirs presque jouissifs quand, seul, on fait le point de ses combats et de ceux des grands hommes qui ont lutté et qui luttent à travers les 4 coins du globe depuis la nuit des temps. Et de se dire qu’on a eu une petite vie utile consacrée à défendre ses semblables, c’est très valorisant.
    Résistants de tous les pays, ayez longue vie et soyez toujours armés de votre courage en répétant au fond de vous-même cette phrase ‘’Que je trépasse si je faiblis !’’.

  • Le 14 décembre 2016 à 07:59, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    - Chrizogome et ses potes devraient exiger que les juges Sagnon, Wanceslas, Barry et Yaméogo soient traduits devant le Tribunal et jugés. Ainsi, on connaitra une lueur de vérité sur le cas de Norbert ZONGO car ils ont tous eu à faire à ce dossier d’une manière ou d’une autre.

    C’est le cas de DABO Boukary qui est aussi très inquiétant ! Ce jeune a disparu complètement ! On ne sait même pas où est sa tombe. Vraiment ceux qui à l’origine de cette affaire sont de veritables criminels impitoyables et sans coeurs ! Ses parents ne savent même pas où il est enterré ! Comment et avec quelle fierté peut-on régner sur une monticule de cadavres !?

    Par Kôrô Yamyélé

    • Le 14 décembre 2016 à 12:02, par SOULY N. Stéphane En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

      Merci cher ami, Kôrô Yamyélé !
      Tu sais, ce qui me trouble dans cette histoire Dabo Boukary, tout comme d´ailleurs les autres, c´est le silence assourdissant des autorités. Comment faut-il l´interpréter !? L´insurrection avait donné un espoir immense quant à une réouverture assez rapide de tous les dossiers. Mais depuis silence radio, mais si occasionnellement quelques responsables en parlent. En fait beaucoup des tenants de l´actuel régime traînent aussi des casseroles. N´ayons pas peur de le dire. Au temps chaud de l´affaire Norbert ZONGO, qui a entendu, Salif DIALLO, Simon COMPAORÉ…ou même Rock Marc Christian KABORÉ !? Que l´on me corrige si je me trompe. En fait à l´époque, ils ont tous mouillé. Je reste convaincu qu´ils n´ont ni de près ni de loin été mêlés à cette histoire, mais ils ont fermé les yeux pour ne pas subir le courroux du « maître de l´époque ». Pourtant Salif DIALLO que l´on dit courageux, du fait de sa proximité avec Blaise COMPAORÉ, et de sa supposée puissance, aurait pu être un acteur qui pouvait aider le pouvoir à reculer en son temps. Il n´a rien fait publiquement !! Quid de Simon COMPAORÉ, le « Goôm-mal-deur ». Maintenant qu´ils constituent le « trio » puissant du pays, il faudra qu´ils facilitent rapidement la manifestation de la vérité. Ne politisons pas la justice, comme l´avait fait le président Blaise COMPAORÉ. Beaucoup épousent aujourd´hui les idées de Thomas SANKARA, mais ne se comportent pas comme lui. Si en 1998, un des trois avait démissionné, lançant au passage, « Malheur à ceux qui assassinent ou font assassiner les journalistes », il serait aujourd´hui un héros. Mais hélas, qu´avons-nous vécu !? Un silence poltron, ou à la limite complice.
      Quant à l´affaire DABO Boukary, j´ai perdu espoir depuis longtemps. La justice dans cette affaire est un lointain rêve. Nous allons nous ronger les ongles, en attendant la justice divine, qui elle, même si elle dure, reste et demeure inévitable !
      La Patrie ou la Mort, Nous Vaincrons !!

    • Le 14 décembre 2016 à 15:12, par Ka En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

      Je confirme, mon ami Körö Yamyélé : Sans passé par ces personnes qui ont la racine de l’affaire Zongo, la vérité ne verra jamais le jour. La commission d’enquête et les chefs coutumiers à l’époque, ont cherché un consensus avec ces derniers pour que la vérité éclate sans succès. Et comme tu le dis ils doivent être entendu et jugé.

  • Le 14 décembre 2016 à 10:21, par Ka En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    Aujourd’hui l’espoir est permis, car le nouveau régime qui a le pouvoir a la main droite et la justice a la main gauche, sans le clan Compaoré et son ministre délégué a la sécurité nationale Djibril Bassolé, peut aider la famille de Norbert Zongo assoiffée de justice depuis le 13 Décembre 1998 a être soulagé, en condamnant les assassins de leur fils. En Janvier 1999 le nouveau patron de la sécurité nationale Djibril Bassolé s’est jeté à l’eau en prenant le dossier Norbert Zongo en main, et demandait au peuple de se calmer et d’avoir confiance : C’est ce même peuple qui est toujours sur sa faim d’une vraie justice, pourtant Djibril Bassolé avait la justice dans sa main droite, et rien n’a été fait à cause de celui qui a commandité l’assassinat. Aujourd’hui, sans ce sinistre commanditaire, l’espoir est permis et nous devons persévéré.

  • Le 14 décembre 2016 à 10:30, par camarade En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    Ya ALLAH accorde nous la chance de punir les coupables de ce massacre.

  • Le 14 décembre 2016 à 11:37, par Affrontons la réalité En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    Nous savons tous qu’il n’y aura aucune justice rendu pour les crimes de quelle nature qu’elles soient, perpétrés sous le régime de Blaise Compaoré, tant que ses acolytes de longue date tiendront les rênes du pouvoir. Voyez-vous Rock laisser les filons de la justice remonter jusqu’au petit président pour qu’il soit inculpé ? Ils ont trempé dans la soupe du diable et je pense que le diable n’est pas bête ; il n’a pas encore dit son dernier mot. Pour le moment, tout semble calme parce qu’on n’a pas encore reveillé les vieux démons en triturant les "gros dossiers". Mais nous préferons dormir debout que d’affronter la réalité. Tant pis pour nous.

  • Le 14 décembre 2016 à 12:48, par Alexio En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    Seule dans les republiques bannanieres qu un crime de cette envergure soit balayer sous le tapis pendant 18ans. Nous sommes esclaves de nos mauvaises habitudes sosiales et de l inculturelles. Tout le monde le sait qui sont les commanditaires de ce affreux besogne. DEs hommes sde mains drogues pour tuer et sauver des interets d une famille mafieuse qui ne voulait pas que la verite soit dite par la justice du Faso.

    En l obstruant avec les intimidations et les traffics d influences de tous les appareils judiciaires. un journaliste dans sa legalite. Liquider deux fois par nos instititions republicaines ou les memes premiers responsables , ont les mains dans ce baignoire du sang du Journaliste Zongo et ses confreres.

    Qui ce actuel gouvernement attend pour lancer un mandat d arret international pourque les coupables repondent a leur sale besogne. Le Petit President Francois Compaore et son grandfrere Blaise Compaore coupables de cette barbarie honteuse ont fuit leur responsabilite. Le bourreau a toujours craint le gourdin son arme preferee.

  • Le 14 décembre 2016 à 16:47, par Pifff En réponse à : Dossier Norbert Zongo : 18 ans après, le peuple réclame justice

    Tout comme l’affaire Thomas Sankara,je doute du dénouement par un jugement exemplaire de ces 2 affaires parceque je n’ai pas confiance du binôme politique-justice qui se tiennent dans un jeu de la barbichette.Nous savons ceux qui ont commis ces 2 crimes crapuleux mais ils sont toujours en liberté profitant bien de la vie alors que pendant ce temps,de nombreux autres citoyens pour de petits vols de poulets,subissent les caprices de cette même justice digne des pires démocraties bananières qui s’admire le nombril avec ses nombreux avantages qui frisent l’indécence.