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« Il semblerait que de hauts responsables de notre pays demandent à ce que les OSC qui ont œuvré pour le départ de Blaise Compaoré soient démantelées », Marcel Tankoano, président du M21

LEFASO.NET | Par Marcus Kouaman
mercredi 5 octobre 2016.

 

Actif dans la société civile, Marcel Tankoano est le président du M21. Lors du procès de Safiatou Lopez, le vendredi 30 septembre 2016, il était au Tribunal de grande instance de Ouagadougou, aux côtés d’autres leadeurs de la société civile. Il ne manque pas de qualificatif sur l’institution judiciaire burkinabè et dénonce l’attitude de certains responsables politiques qui souhaitent les « démanteler ».

Lefaso.net : Que s’est-il passé au juste dans la salle d’audience pour qu’on en vienne à la vider ?

Marcel Tankoano : Au palais de justice, nous sommes allés assister notre consœur Safiatou Lopez qui devait être entendue ce matin. Nous sommes arrivés, à notre étonnement, dans la salle lorsqu’elle a été convoquée, les jeunes qui étaient là, dynamiques, ont entonné l’hymne national. Les juges ont demandé à ce que la salle soit évacuée. Ce qui a été fait. 20 mn après Safiatou a été entendue sur…, ils appellent cela que, sur invitation à incendie. Appel à incendie, quelque chose comme cela. On n’a pas le concept réel. Ce qu’on retient c’est qu’ils ont renvoyé cela pour le 7 novembre.

Pourquoi venir avec des partisans remplir le palais de justice ? Est-ce pour mettre la pression sur les juges ?

Non. Nous sommes venus en tant que camarades de lutte pour une sœur qui se bat pour la liberté et la communication, et pour que notre pays avance. Vous savez que cette dame, quoi qu’on dise, à son mot à dire dans la gestion de notre pays. Aujourd’hui parce qu’elle a eu à regretter un fait à un niveau de la justice burkinabè, en disant vraiment qu’elle aura le regret d’apprendre si d’aventure un jour la justice burkinabè connaissait le même sort que notre Assemblée nationale. C’est le conditionnel qu’elle a employé. Aujourd’hui cette phrase-là, la suit.

Nous pensons que convoquer des gens qui ont simplement parlé, qui ont simplement donné leur point de vue alors qu’on a des criminels qui se promènent, qui se pavanent. Et qu’on libère des gens impunément. Je prends le cas de Norbert Zongo, Dabo Boukary. Je prends le cas du juge Nébié qui a été tué froidement. Aujourd’hui on laisse tous ces gens-là et c’est nous les leadeurs de la société civile qu’on dit qu’il faut inquiéter. Il semblerait que de hauts responsables de notre pays demandent à ce que les OSC (Organisations de la société civile) qui ont œuvré pour le départ de Blaise Compaoré, soient démantelées.

Quelles autorités ? Celles du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, au pouvoir) ?

Nous ne savons pas. En tout cas il semblerait que ce sont des responsables qui demandent à ce que les leadeurs de la société civile soient démantelés et tout de suite. Surtout ceux qui ont pris part activement au départ de Blaise Compaoré. Et nous, nous disons, nous sommes fils de ce pays, nous allons nous battre jusqu’à la dernière goutte de sang. Nous allons libérer ce peuple qui est sorti vaillamment pour l’insurrection, en passant par le coup d’Etat. Le même peuple qui est sorti comme un seul homme veut tout simplement la liberté d’expression. Le peuple qui est sorti et qui à chassé Blaise Compaoré du pouvoir parce que ce peuple avait faim.

Mais cette souffrance n’a pas changé, ça continue. Et nous ne pouvons pas être inquiétés à partir du moment où tous nos QG (quartier général) sont déjà alertés et sont au courant des mouvements donc de ces gens-là. Ceux qui veulent nous démanteler, je vous le dis et le répète, ils seront eux-mêmes démantelés avant nous. Nous sommes là, nous allons nous battre pour ce pays-là. Pour que l’impunité, l’injustice s’arrête. Nous avons lutté pour qu’il y ait un grand changement. Nous n’avons pas lutté pour qu’on revive encore les mêmes situations d’il y a deux, trois ans.
Pourquoi Blaise Compaoré est parti ? Blaise Compaoré est parti parce que les Burkinabè ont refusé l’impunité, le clientélisme. Les Burkinabè ont refusé qu’il y ait une sorte de supers hommes qui dirigent, qui font ce qu’ils veulent. Nous allons bannir et au Burkina Faso et en Afrique les hommes forts. Nous voulons seulement des institutions fortes qui vont amener tous les peuples africains, surtout burkinabè dans le bonheur, dans un avenir radieux et propre. Donc nous ne pouvons pas accepter cela.

Pour vous la justice n’est pas à la hauteur des attentes du peuple Burkinabè ?

Aujourd’hui, il faut tendre votre micro partout. Vous allez vous rendre compte que le peuple burkinabè et sa justice, il y a un hiatus, il y a un problème de confiance. Nous avons confiance en cette justice, il faut que cette justice ait confiance à ce peuple-là. Si la justice continue à être sélective, on ne peut pas encourager cela. Aujourd’hui quand vous volez un poulet, vous êtes à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou) pour dix ans. Il n’y a pas de liberté provisoire pour quelqu’un qui a volé un mouton. Mais il y a une liberté provisoire pour des gens qui ont dit « tuez-les ». Et ils sortent, ils ne sont pas inquiétés. Il y a un problème.

Que faites-vous de la présomption d’innocence alors ?

C’est ce que je viens de vous dire. La présomption d’innocence-là, il faut que la justice elle-même communique sérieusement. C’est lorsqu’il y a un problème, on a libéré quelqu’un, on intervient. On dit qu’il y a la présomption d’innocence, on nous parle de liberté provisoire. Ce sont ces dernières années on entend parler de cela. Il y a peut-être cinq ans on n’entendait pas cela. Nous pensons qu’il y a un problème. Il est profond. Le peuple veut avoir confiance en sa justice. Mais il faut aussi que cette justice ait confiance en son peuple.

Ce peuple qui refuse l’imposture. Et ceux qui pensent qu’ils peuvent continuer à manipuler ce peuple, la jeunesse du Burkina Faso a changé et a pris son destin en main. Vous allez vous rendre compte que tout ce qui s’est passé, l’insurrection, le coup d’Etat… Qui a payé le plus lourd tribut ? Ce sont des jeunes. Le bas-âge de ceux qui sont morts, c’est onze, douze ans. Aujourd’hui on ne peut pas accepter que ceux qui nous gouvernent, pensent (ils ont été aux affaires, à un moment donné ils n’étaient plus aux affaires. Ils sont revenus aux affaires), qu’ils comprennent que les années 83 à nos jours, il y a un grand fossé.

Et qu’aujourd’hui nos enfants qui naissent ont la même information que ceux qui naissent aux Etats Unis à l’instant T. Quoi que l’on dise, les peuples changent, les peuples évoluent. Le Burkina Faso est arrivé à un grand changement. Nous sommes dans un nouveau Burkina. Mais ceux qui ne comprennent pas que nous sommes dans un nouveau Burkina, nous allons les regarder par derrière.



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