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Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

mardi 6 septembre 2016.

 

Ceci est une contribution de Boubacar ELHADJI, Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré en service à l’ENEP de Dori.

Mais comment donc venir à bout du dramatique et grandissant incivisme au Burkina Faso ? Pour répondre à cette question d’intérêt national, il est nécessaire d’interroger le phénomène afin de comprendre ses sources et de dégager des perspectives susceptibles de le contrer. Aucun aspect de cet exercice n’est aisé, tant le risque de manquer le sujet, de heurter et de se heurter aux multiples sensibilités qui le nourrissent est grand et les conséquences qui en découlent suffisamment graves pour celui qui ose s’y aventurer. Reste que le phénomène menace notre vivre-ensemble. Et la peur de beaucoup de nos concitoyens d’oser le questionner ne fait que lui donner de l’ampleur.

Vraisemblablement, ils sont encore nombreux ceux qui ne souhaitent pas être désagréables en prenant la parole sur ce ‘‘problème de santé publique’’. Et pourtant, cette prise de parole sur le phénomène apparaît de plus en plus comme un devoir individuel et collectif auquel personne ne pourra à terme se soustraire. En particulier, ceux qui ‘‘exercent sur l’humain’’, par vocation ou par destin (peu importe les circonstances qui les ont conduit dans l’enseignement) n’ont plus d’autre choix que de renouveler et renforcer leur engagement dans cette nouvelle armée qui se constitue lentement mais sûrement pour lutter contre le fléau. L’on comprendra donc aisément la légitimité de notre prise de parole sur cette préoccupation commune de l’heure qu’est l’incivisme. Du reste, ce qui compte pour nous, c’est de contribuer à la compréhension de ce véritable ‘‘mal de peau’’ qui ternit l’image de notre société. Et nous ne craignons pas de nous tromper. Comme l’a dit Rousseau « … quand mes idées seraient mauvaises, si j’en fais naître de bonnes à d’autres, je n’aurai pas tout à fait perdu mon temps. »

Deux (2) grands axes vont porter notre réflexion :
Quelques causes (et manifestations aussi ?) de l’incivisme et ;
Des pistes de réponse au fléau.

Avant de développer ces différents points, une entente sur le concept ‘‘incivisme’’ et les enjeux qui font qu’il suscite tant d’intérêt s’impose.
Si l’on accorde à ce préalable tout son sens, il est utile de rappeler que le concept ‘‘ incivisme’’ est un dérivé de ‘‘civisme’’. Pour appréhender notre intérêt pour le premier, il faut cerner le second (civisme).

Selon le Larousse, le civisme est « le sens qu’a un homme de ses responsabilités et de ses devoirs de citoyen », il est la « priorité donnée par le citoyen aux intérêts de la nation sur ses intérêts privés », l’« attitude d’attachement à la communauté nationale et à des institutions et de participation régulière à ses activités, notamment l’exercice du droit de vote. »
Ainsi donc, le civisme est le dévouement pour la ‘‘chose publique’’. Il est l’état du citoyen respectueux de ses droits et devoirs. Lui sont connexes, entre autres, les valeurs tels que l’amour de la patrie, le respect de la chose publique, la loyauté, l’intégrité, la responsabilité, la participation à la vie publique, la tolérance, la promotion de l’intérêt général, la solidarité, le contrôle citoyen de l’action publique.

Le civisme inspire, engage et encadre la citoyenneté responsable, celle-là même que nous recherchons pour clouer au pilori l’incivisme qui n’est rien d’autre qu’une citoyenneté irresponsable. Il s’agit, lorsqu’on évoque cette citoyenneté responsable, de favoriser l’émergence et l’adoption de qualités, d’attitudes et d’aptitudes favorables à une participation efficace du citoyen à la gestion de sa cité. C’est pourquoi, sont réconfortants quand on s’intéresse à la question de la citoyenneté, donc de l’incivisme, ces propos d’André Duhamel pour qui, « la citoyenneté n’apparaît pas comme une donnée ou un titre de naissance, comme la simple consécration juridique d’un état ou d’une condition. La citoyenneté ne se confond pas avec la nationalité, acquise par la filiation (la naissance ou le mariage, le sang) ou par la résidence (la vie sur un territoire, le sol) ; elle implique également et sans doute surtout, dans toutes les conceptions qu’on s’en fait aujourd’hui, un exercice volontaire répondant à certaines habiletés. »
L’incivisme apparaît, au regard de ces propos et de tout ce qui précède, comme étant l’exercice irresponsable de la citoyenneté. Il n’y a donc plus grand-chose à dire sur le sens du concept. Allons plutôt visiter quelques-unes de ses sources.

Quelques causes de l’incivisme au Burkina Faso

Il apparaît, de notre point de vue, que l’incivisme ambiant qui nous éprouve trouve entre autres ses origines dans trois domaines : la mutation de nos valeurs, la gouvernance et la faillite de l’éducation familiale.

La mutation de nos valeurs

L’africain vivait en harmonie avec lui-même, la nature et ses dieux. Puis, de l’orient et de l’occident, ils sont un matin venus rompre cet équilibre. Par la chaine, le canon et surtout par cette ‘‘maudite école,’’ ils ont tué l’africain. Ils ont voulu le tuer devrions-nous dire. Qu’il s’agisse de l’école occidentale ou de l’autre, non moins étrangère, celle coranique, les approches et les contenus éducatifs étaient (et le sont encore) orientés vers les civilisations des nouveaux maîtres. Le comportement du petit nègre sortant de ces deux écoles était déjà incivique vis-à-vis de sa communauté et de ses coutumes. Cette rencontre de l’Afrique avec l’autre a fortement entamé les valeurs du continent, modifié le contrat social existant et créé une nouvelle citoyenneté qui n’a pas forcément de nos jours encore l’adhésion du plus grand nombre. Afin de comprendre donc ce qui se passe actuellement, il ne faut pas oublier ce passé. Il ne faut pas oublier notre histoire faite de recommencement. Chaque fois que nous avons voulu nous relever d’une rupture, une nouvelle circonstance vient rompre le fragile équilibre en construction. Le Burkina Faso est un exemple illustratif de cet état de fait et son histoire récente ne fait que confirmer cette volonté perpétuelle du destin de nous refuser une identité.

En effet, notre pays a connu de profondes mutations sociales ces deux, voire ces trois dernières décennies du fait des migrations et des alliances de toutes sortes. Nous n’avons pas de chiffres mais il est aisé de remarquer la grande mobilité et l’interpénétration des populations surtout des jeunes à l’intérieur du pays. Les villes et les sites aurifères en particulier, sont devenus des lieux de rencontre et d’espoir, de chocs de cultures pour nos jeunes venus de tous les horizons. En même temps, le pays est devenu un pôle d’attraction pour d’autres peuples au-delà de nos frontières. Cet intérêt des autres pour le Burkina Faso s’est manifesté au même moment que celui de notre diaspora qui, pour des raisons diverses, a aussi opéré un grand retour aux sources. Trop de valeurs, de cultures et de circonstances se sont donné rendez-vous en même temps dans ce pays qui, de 1983 à 1987, avait (re)trouvé une certaine unité nationale et une certaine citoyenneté enviée par beaucoup d’autres peuples à travers le monde. Les petits Tenga, Djigri, Yéro, Bonizaor, Koudiaba, Mablama… se sont ainsi frottés à l’école, sur les sites aurifères, sur le chemin de leur ‘‘exil’’ vers ces sites et les villes, dans l’administration. Ils y ont aussi croisé les autres, ceux qui sont de la même mère-patrie qu’eux et ceux qui ont été séduits par le pays des hommes intègres. Parallèlement et au même moment, ils ont eu un super- parent, une nouvelle école nommée internet qui a organisé leur rencontre avec d’autres cultures et surtout, qui leur a appris plus que quiconque que la pudeur est un sacrilège, la vertu un vice des temps modernes, l’immoralité plus qu’un droit un devoir. Ces chocs de civilisations observables sur toute l’étendue du territoire ne pouvaient que déconstruire les valeurs et les repères existants et donner naissance à de nouvelles perceptions, à une nouvelle morale dont les contours restent à cerner.

De nos jours, il est difficile d’établir la nuance entre le bien et le mal dans le comportement du Burkinabè nouveau en ‘‘fabrication’’. Il y a longtemps que la morale est passée dans ce pays du stade de l’agonie à celui de la mort. Or, tous les éducateurs vous diront que l’éducation civique n’est pas envisageable sans une éducation morale préalable. Et, si comme l’a dit Kant, « la loi suppose la conscience, elle a dans la conscience sa source première, son principe de vie et de perfectionnement », c’est que le respect de la loi, du contrat social qui nous lie suppose encore plus la conscience (la morale). Ainsi dit, la déchéance morale entraine inévitablement l’incivisme.
Nous souhaitons conclure sur cette cause du fléau dans la foi que le contexte ci-dessus décrit était inévitable. Et ce contexte n’est pas porteur que de charges négatives. Et même si c’était le cas, nous devrions savoir en tirer profit.

La gouvernance

L’histoire du Burkina Faso enseigne qu’il y a eu dans ce pays des régimes qui ont accordé à la gouvernance et à la morale un intérêt certain. Il est aisé de citer le régime du général Sangoulé Aboubacar Lamizana. L’intégrité morale de cet officier devenu homme d’Etat, son amour pour sa patrie, son humanisme, sa générosité, son désintéressement des richesses de ce monde, n’étaient un mystère pour personne. On se rappelle que la justice sous la révolution l’avait acquitté après un procès au cours duquel il s’est révélé comme un serviteur inégalable de la république.

La Révolution Démocratique et Populaire (RDP) est le deuxième régime digne d’intérêt que l’on ne peut éviter de retenir. De 1983 à 1987, la majorité des Burkinabè avait en effet une fierté légitime dans la gouvernance du pays dans tous les secteurs. Les révolutionnaires avaient certes commis des erreurs. Mais l’immensité de leur conviction en la capacité des Burkinabè à prendre leur destin en main, leur intégrité morale, leur volonté d’incarner la transparence, l’équité et la justice, la grandeur de leur esprit, la pertinence de leurs idées, leur détermination pour l’affranchissement du pays de tous les liens intérieurs et extérieurs, leur charisme, leur courage, leur fermeté et leur impitoyable destin enfin, avaient fini par convaincre mêmes les plus sceptiques que la morale et la bonne gouvernance ne sont pas que des concepts. Tout le peuple, à cette époque, épris de justice et de progrès, avait chevauché et incarné la morale et la bonne gouvernance afin d’échapper au sévère jugement de l’histoire, à l’imparable colère divine et à la disparition. Mais c’était sans compter avec le destin qui a trouvé des failles dans notre société pour offrir après la période révolutionnaire à l’incivisme la chance de faire son lit, de prospérer et de menacer sévèrement notre vivre-ensemble.

Le ton est venu des nouveaux maîtres qui ont décidé de substituer la démocratie libérale à la démocratie populaire. Cette démocratie libérale à la burkinabè devait construire une nouvelle valeur susceptible de produire le Burkinabè qui devait la promouvoir. C’est ainsi qu’est née la culture de l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt collectif. Conséquence : reniement des valeurs de patriotisme et d’intégrité qui ont fait leur printemps durant nos quatre glorieuses années ; reniement ayant irrité le destin vengeur. Nous nous sommes ainsi laissé convaincre que le développement de notre pays passe par notre développement personnel et non le contraire. Chacun s’est mis à rêver pour lui-même.

En réalité, ce n’est pas mauvais de faire la promotion du développement individuel. La faute pour notre pays est venue de la façon dont cette promotion a été pensée et mise en œuvre. Il s’est agi d’abord du refus de rechercher, de valoriser et de promouvoir ceux qui ont un minimum d’intégrité morale et de compétences afin d’optimiser les rendements dans tous les secteurs de la vie nationale. C’est cette porte que la corruption a défoncée, ouvrant du même coup les portes et les fenêtres de l’incivisme tous azimuts. Il s’est agi ensuite et enfin, dans la même lignée, de ce que les Burkinabè ont considéré à tort ou à raison comme étant l’ingéniosité qu’ont développée les nouveaux venus pour compter parmi les plus grosses fortunes du pays. Or, on se rappelle que la loyauté et la promotion de l’intérêt général sont des valeurs consubstantielles au civisme. Quand les populations estiment que l’autorité n’incarne plus ces valeurs, elles le déchoient de son autorité. Et là, tous les abus trouvent les moyens de s’exprimer. Et surtout, toute justice devient impossible. C’est ainsi que nous avons conçu la mère de l’incivisme : l’impunité.
Dès lors qu’il y a eu des crimes de sang, des crimes économiques (les rapports du REN-LAC et de l’ASCE renseignent sur le sujet), des comportements répréhensibles depuis des mois, des années, des décennies et pour lesquels les populations ont perdu tout espoir de justice, la règle non prescrite qui en découle est que la justice n’est que virtuelle. Il n’y a donc ‘’rien en face, c’est maïs’’ comme le disent nos frères ivoiriens. Ce sont les populations qui, en entretenant une impunité des hommes politiques pendant les différentes consultations électorales, ont favorisé et renforcé l’impunité des crimes susmentionnés. « C’est dans les ressources propres de son être-son caractère, son tempérament, son physique-que l’individu puise pour assurer le respect de ses engagements » nous instruit J.PATRICK DOBEL.

Au Burkina Faso pré-insurrection et dans les urnes, a-t-on sanctionné un candidat pour non-respect de ses engagements ? Le seul engagement de notre point de vue non tenu et sanctionné le 30 Octobre 2014 quand tout était presque gâté, est celui de respecter la constitution. Il faut s’en convaincre, l’impunité des hommes politiques dans les urnes les pousse à vouloir se défaire de leurs engagements et faire tout ce qui est permis. Mais dites donc, a-t-on le devoir de faire tout ce qui est permis ? Bref, oublions un instant la justice et les hommes politiques et intéressons-nous aussi à ce qui se passe dans les services publics.

Si aujourd’hui, une étude était commanditée sur la part de responsabilité des enseignants, des agents de santé, des policiers, des gendarmes, des agents des finances publiques, des acteurs de l’administration générale…dans le développement de l’incivisme au Burkina Faso, quels seraient les résultats ? A-t-on du reste besoin d’une étude pour comprendre que tous les services publics sont des écoles de découverte et d’appropriation de l’incivisme par la jeunesse en particulier et les populations en général ?

Une petite discussion avec des élèves de n’importe quel niveau d’enseignement renseigne sur l’incivisme porté et promu par un nombre sans cesse croissant d’éducateurs, plutôt ‘‘d’enseigneurs.’’ La mission première de tout enseignant est pourtant d’incarner la citoyenneté afin de la promouvoir, le but ultime de l’éducation étant de former des citoyens responsables. VERONIQUE TRUCHOT a identifié cinq (5) attributs de la citoyenneté : les responsabilités civiques, le rapport à l’autre, l’engagement social, les savoirs et compétences, les attitudes patriotiques. Quel est le degré d’incarnation de ces attributs par nos ‘‘enseigneurs’’ d’aujourd’hui au primaire comme au post-primaire et au secondaire ? Sondez les élèves et vous serez édifiés. Vous comprendrez que l’incivisme en milieu scolaire, celui des élèves en particulier, n’est qu’une réplique de celui de leurs enseignants. Ceux dont la formation d’éducateurs a pris en compte la connaissance de l’enfant et de l’adolescent, la maîtrise des démarches comme conditions de succès de toute éducation, vous diront tous que tout éducateur est un programme caché. « On enseigne ce que l’on est. » dit-on. Aussi, comme l’a souligné PAUL FRANCŒUR « C’est dans la relation constante entre l’enseignant et ses élèves que doivent se vérifier certaines valeurs et habiletés sociales. »

Dans les autres secteurs publics, les exemples d’incivisme existent et ne sont pas moins graves que ceux pris par les jeunes à l’école. Dans ces secteurs, les victimes n’osent même pas dénoncer leur bourreau ou se plaindre. Ngaw. Leur malade risque de mourir. Ils risquent de se retrouver eux-mêmes en prison avec leur raison ou de perdre le marché. Pire, ne même plus jamais avoir de marché. Ils se cherchent. Ils demandent à la famille et aux amis de réunir les moyens nécessaires pour sauver la situation. Ainsi, toute la famille est instruite sur la ‘‘nouvelle bonne conduite’’ pour retrouver la santé ou ne pas aller en prison ou obtenir un marché. Il y a des exemples indicibles et hautement inhumains sur ces incivilités qu’il est préférable de ne pas évoquer ici.

Quels comportements une victime d’abus de ce genre peut-elle adopter par la suite ? Quels comportements peuvent adopter les membres de sa famille, ses amis, victimes d’actes répréhensibles ? Toute victime d’incivisme, par le bénéfice de l’impunité, devient un ‘‘potentiel citoyen irresponsable.’’ Ainsi donc, la gouvernance, la mauvaise gouvernance plus précisément, du sommet à la base, est une génitrice très féconde de l’incivisme au Burkina Faso.

La faillite de l’éducation familiale (perte de l’autorité parentale ?)

On se rappelle que l’éducation morale est le socle de l’éducation civique. Il se trouve que la formation morale de l’être humain débute, se précise et s’acquière d’abord dans la famille. C’est en effet dans le giron familial que l’enfant apprend les premières règles de vie commune suivant les orientations et l’exemple des parents. De même, c’est la famille qui accompagne l’école dans la formation morale et même civique de l’enfant. Combler les insuffisances de l’institution scolaire en la matière relève aussi de ses prérogatives. C’est encore elle qui, à défaut de pouvoir exercer un contrôle quelconque sur l’éducation parallèle, doit travailler à minimiser l’impact négatif de celle-ci sur l’enfant. Pour être précis et complet, disons que c’est la famille qui fournit à l’enfant les premiers éléments de discernement du bien et du mal, lui permet d’acquérir les premières attitudes et aptitudes favorables au respect des règles de la vie sociale. C’est aussi elle qui lui permet de s’approprier la notion d’altérité et de tout ce que celle-ci induit. Dans la famille, l’enfant apprend ainsi à prendre conscience de l’existence de l’autre, des droits de l’autre et de ses obligations vis-à-vis de l’autre. Ainsi donc, la citoyenneté, « source du lien social » selon DOMINIQUE SCHNAPPER, prend naissance dans la famille. Mais que constate-t-on de nos jours ?

Certains couples (probablement les plus nombreux) de travailleurs du public, du privé et d’autres secteurs d’activités, en milieu urbain et semi-urbain surtout, ont confié l’éducation de leurs enfants aux aides-familiales (elles-mêmes en général mineures). La télévision et la rue participent également à cette éducation de ces enfants. Les parents fondent leurs espoirs sur l’école qui a ses propres limites et contradictions. Ils estiment avoir joué leur rôle en inscrivant l’enfant à l’école, oubliant que « la famille prépare, accompagne et complète l’éducation publique. » Même dans les zones rurales, l’influence des parents sur les enfants est fortement entamée. Il suffit d’observer la forte présence des enfants dans les rues des grandes et moyennes villes du pays et sur les sites aurifères pour s’en convaincre. Quand des parents poussent –ou sont incapables d’empêcher d’aller - leurs progénitures parfois de moins de dix (10) ans à l’aventure dans ces milieux, il est aisé de comprendre sans grand risque de se tromper que les enfants qui sont restés au village ne bénéficient guère mieux de traitement de la part des mêmes parents.
Plus grave, en ville comme en campagne, une mauvaise conception de la liberté a pris forme et pieds. Cette conception de la liberté est entretenue par les parents sous le couvert d’une autre conception non moins erronée de l’évolution de nos sociétés. Ainsi a-t-on pensé et promu une certaine conception des droits de l’enfant qui a sapé les bases de l’autorité parentale. Ce viol par consentement des parents de leur autorité est une source profonde de l’incivisme ailleurs comme au Burkina Faso. L’enfant sort quand il veut, va là où il veut, regarde le film qu’il veut à la télévision, juge toutes les décisions de ses parents, s’habille comme il veut…Il ne fait plus rien comme il se doit mais comme cela lui plait. Question de droit et de liberté semble-t-il. Nous avons eu la preuve lors d’un cours sur la morale professionnelle que nous avons eu l’opportunité de donner à des élèves-maîtres. Évoquant la nécessité voire l’obligation pour tout éducateur de s’habiller de façon décente, une élève-maîtresse nous a posé une question suffisamment déroutante pour quelqu’un dont la mission est de former des futurs éducateurs. « Mais monsieur, pourquoi on ne peut pas laisser les gens s’habiller comme ils veulent ? » nous a-t-elle interrogé. Question très cohérente et suffisamment illustrative. Ayant eu la liberté de s’habiller comme elle veut jusqu’à ce stade de sa vie, cette fille ne peut vraiment pas comprendre qu’une certaine tenue vestimentaire peut heurter des sensibilités, porter atteinte à la pudeur et empêcher un éducateur d’atteindre les objectifs éducatifs escomptés. A notre corps défendant, nous avons fini par bousculer ses « horribles certitudes », comme le dirait FONTENELLE, en lui signifiant qu’une tenue indécente est non seulement un contre-exemple, mais aussi est contre-productive du point de vue pédagogique.

Repartons dans la famille - l’avons-nous du reste jamais quittée - pour souligner que de plus en plus, elle-même instruit l’enfant sur l’incivisme. Certains parents, dans leurs causeries en famille, justifient devant leurs enfants des comportements inciviques qui suscitent des débats dans le milieu ou dans les médias. D’autres en donnent même des exemples à leurs enfants. Ainsi, des pères et des mères de familles font de la porte de leur voisin une poubelle. Des témoignages font même ressortir des cas où, des membres d’une famille se soulagent dans des sachets qui finissent leur course dans la cour du voisin.

Aussi, combien de Burkinabè peuvent dire qu’ils n’ont jamais jeté un sachet plastique par exemple après usage dans la rue en compagnie de leur enfant ou en présence d’un enfant ? Très peu, sommes-nous tenté de dire. Peut-on dénombrer chaque jour le nombre de parents qui brûlent les feux tricolores en conduisant leur enfant à l’école ? Dans les grands centres urbains, combien d’enfants et d’adolescents sont témoins chaque jour de mauvais comportements de leurs parents ou d’adultes dans la circulation ? Dans ce pays, l’on a même vu des gens et pas des moindres dans l’échelle familiale et sociale, menacer face à des caméras, d’incendier (faire incendier ?) l’une des plus grandes institutions de la république. Nous comprenons bien la profondeur de leur indignation. Mais nous sommes très inquiet aussi de la portée pédagogique de leurs propos, quel que soit le sens qu’ils leur donnent.

En définitive, il est aisé de constater que les adultes d’aujourd’hui, en famille comme partout dans la société, ont œuvré à perdre toute crédibilité aux yeux des enfants en général et de leurs enfants en particulier. Ce qui a conduit à un affranchissement des enfants de la tutelle familiale. Or, un enfant qui n’a pas d’égard pour ses parents, s’en fout des autres et de la république. Nous sommes vraiment loin de cette Afrique où, selon Fodé DIAWARA, « l’enfant est (donc) constamment face au groupe et reçoit les éléments de sa formation du groupe tout entier. Il appelle mère sa vraie mère et chacune des co-épouses, chaque femme du village de l’âge de sa mère. Il appelle père tous les hommes du village ayant au moins l’âge de son père, il appelle frères et sœurs tous les garçons et filles du village ». Une époque où l’éducation de l’enfant incombait à toute la société, où partout et en tout temps, chaque adulte se faisait le devoir de veiller à la bonne conduite des plus jeunes. Nous sommes à l’ère de la démocratie, de la liberté totale, des droits sans limite des enfants à se comporter comme ils veulent partout et en tout temps. Nous sommes au siècle où, comme l’a si bien dit l’artiste musicien ZEDESS, « la télévision remplace les parents. »

Chaque soir, au moment où l’astre du jour finit sa course dans l’atlantique, où les marmites mijotent sur le feu, où les enfants (certains ont fort heureusement gardé ce réflexe) courent à la rencontre de leurs parents qui rentrent du travail, nous fermons les yeux, nous méditons sur cette image de notre société et nous nous disons, mon Dieu, comment et quand tout cela va-t-il finir ?

Quelques pistes de solutions à l’incivisme au Burkina Faso

Nous arrivons au point le plus délicat de notre analyse. La prégnance, l’ampleur et la complexité du phénomène limitent les possibilités d’une réponse définitive à lui apporter. Ce n’est pas pour autant qu’il faut s’interdire de rechercher les voies et moyens susceptibles de renforcer notre résilience vis-à-vis du fléau. D’ores et déjà, nous souhaitons affirmer notre conviction que l’école ne saurait être la panacée. N’étant qu’une partie du problème, elle ne saurait en être à elle seule la réponse. Du reste, le rôle qu’elle peut jouer est fortement tributaire d’un minimum de conditions à satisfaire dans la gouvernance. D’où, les deux solutions que nous entrevoyons à l’incivisme dans notre pays : la gouvernance et l’école.

La gouvernance

Le règlement de tous les contentieux

Qu’il s’agisse de crimes de sang ou de crimes économiques avérés, pour ne pas passer « le temps à regarder dans le rétroviseur » comme l’a dit le président ROCH MARC CHRISTIAN KABORE, nous pensons qu’ il y a urgence à crever l’abcès, même si certains compatriotes ne seront pas satisfaits des procès qui auront lieu. Ces crimes sont un véritable boulet aux pieds de tout régime, de la société et de l’économie burkinabé. Juger ces crimes pourraient contribuer à minimiser l’impunité supposée ou réelle dans le pays. Tant qu’ils ne seront pas jugés, les populations continueront à les prendre comme exemples et la sanction de tout autre crime ou délit restera difficile. Le président KABORE a, là, une chance inouïe d’être un véritable héros, une idole pour le peuple et la jeunesse burkinabè et africaine en ce 21ème siècle. Les risques ne manqueront certainement pas pour lui et surtout pour son entourage. Mais il le sait déjà, il n’y a pas plus grand risque pour lui et son entourage que l’exercice du pouvoir. Et le service qu’il va rendre au pays, qu’il doit rendre au pays transcende toutes les pressions.

La refonte de toutes les institutions
La famille :

Cela peut paraitre trop idéale et presqu’impossible à réaliser. Cependant, bien de choses ‘‘imaginables par l’homme’’ sont ‘‘ réalisables par l’homme’’. Il s’agira d’organiser les états généraux de l’éducation familiale. Le travail devra commencer à la base, précisément dans toutes les communes. Par village ou secteur, toutes les sensibilités coutumières, religieuses, politiques, toutes les couches socioprofessionnelles feront un diagnostic sans complaisance des forces et des faiblesses de l’éducation familiale, des causes de l’incivisme dans le milieu. Des propositions de solutions seront faites en tenant compte du contexte de la mondialisation des mauvaises mœurs. Ce sera des propositions réalistes et réalisables, assorties d’engagements fermes et d’un échéancier de leur mise en œuvre. Un comité de pilotage de la mise en œuvre des activités planifiées composé d’élus locaux, de leaders coutumiers, religieux et des jeunes sera mis sur pieds dans chaque village ou secteur. Les différents comités de pilotage des villages ou des secteurs pour les centres urbains, se retrouveront au chef-lieu ou dans un village de la commune pour faire la synthèse communale des diagnostics et des suggestions produits à la base. Dans chaque commune, il y aura un comité de suivi de la mise en œuvre des activités prévues par village ou secteur. Ce comité présentera tous les six (6) mois dans chaque village, la synthèse de ses constats et fera des recommandations. Il transmettra au maire cette synthèse. Celui-ci se chargera de la transmettre à son tour à sa hiérarchie. Les comités communaux de pilotage vont se retrouver pour faire la synthèse provinciale des diagnostics et des suggestions, et les comités provinciaux feront de même au niveau régional. Il en sera de même pour les comités de suivi. En vingt et quatre (24) ou trente et six (36) mois, ce travail peut être fait ou tout au moins essayé d’être fait et beaucoup de choses pourront changer. On aura retrouvé une certaine identité en sauvegardant ce qui reste de nos valeurs. On aura appris aussi même dans les villages les plus reculés, à comprendre et à s’enrichir de l’environnement et du contexte mondial de rencontre inévitable des peuples et des cultures.

Les services publics :

La première mesure à prendre est de (re) faire prêter serment à tous les travailleurs du public. Dès lors qu’il y en a déjà qui prêtent serment, donc qui jurent de bien faire leur travail, nous pensons que ce que nous allons proposer ne devra pas poser de problème. Il s’agira d’organiser des cérémonies publiques, de créer les conditions pour que chaque travailleur, en fonction de sa foi, prête serment au nom de son Dieu (sur la bible, le coran, les fétiches…) et de la constitution, ou au nom de ses enfants ou en leur honneur et de la constitution ; bref, que ceux qui soutiennent ne croire en rien jurent au nom de ce qu’ils veulent. Par exemple sur les masques de leur village. Ceux qui ne voudront pas prêter serment auront rendu service au peuple. Leur refus traduit leur volonté de rester incivique. Alors, il faudra rompre leur contrat, payer leurs droits et les surveiller de très près. Ceux qui vont jurer, le feront, la main sur leur livre saint ou leur fétiche ou leur masque ou sur on ne sait quoi d’autre et la constitution, de faire leur travail ‘’ dans l’intégrité, dans la loyauté, dans le respect des horaires, des conditions et des règles prescrites, dans l’équité, dans la transparence, dans le respect de leurs clients, loin de toute forme d’escroquerie et de corruption.’’ Il n y a pas à avoir peur à prêter serment dans ces conditions, puisque si vous enfreignez à ce serment par erreur, c’est-à-dire de façon non intentionnelle, vous êtes assuré du pardon de votre Dieu ou de votre fétiche. Dieu ou les dieux, c’est selon, est/sont juste (s). Du reste, comme dans notre majorité nous partons régulièrement à la mosquée ou au temple ou à l’église, au village pour confier nos problèmes aux fétiches ou nous initier au ‘‘do’’, espérant une miséricorde divine, cet exerce ne pourra que renforcer nos liens avec ‘‘notre Dieu ou nos dieux respectifs.’’ Que ceux qui vont arguer la laïcité de l’Etat burkinabè pour trouver cette suggestion anticonstitutionnelle, regardent du côté des Etats Unis d’Amérique ou du Niger, deux Etats tout autant laïcs que le nôtre. Sans oublier que cette disposition peut être inscrite dans la nouvelle constitution en écriture, le temps d’évaluer son impact et de résoudre nos problèmes.

La deuxième chose à faire est de recruter (ce sera l’occasion de créer des emplois) un ou des agents selon la taille de chaque structure, pour enregistrer les heures d’arrivée et de départ, de sortie et de retour des agents au service ainsi que les motifs y relatifs. Des registres seront ouverts à cet effet. La liste des travailleurs de la structure ayant enfreint aux horaires sera dressée par les agents commis à cette tâche. Cette liste sera affichée devant la structure et transmise à sa hiérarchie qui fera la synthèse de la situation des services placés sous sa responsabilité avant de rendre compte aussi à qui de droit. Il faudra réécrire les textes qui régissent la fonction publique pour déterminer les comportements répréhensibles et les sanctions qui s’imposent dans ces nouvelles dispositions. Il reste bien entendu qu’il faudra d’abord créer toutes les conditions favorables au travail, veiller à une évolution normale des carrières et à la motivation des agents.

La troisième et dernière proposition consiste à créer des corps de contrôle spécifiques (encore une opportunité de création d’emplois) ou à réorganiser et à renforcer les corps de contrôle existant pour leur permettre de suivre régulièrement dans chaque structure, la mise en œuvre des programmes d’activités, le respect des règles et des principes qui régissent son fonctionnement, les goulots d’étranglement. Il conviendrait de s’accorder sur l’exploitation possible des différents rapports produits lors des contrôles. Toutes les structures seront concernées : établissements primaires, secondaires et supérieurs, police, EPE, ministères etc. Chaque année, un annuaire faisant ressortir la situation nationale de fonctionnement des structures publiques sera produit et publié. De nos jours, il n’est plus pertinent de demander aux travailleurs d’aimer leur métier mais de trouver les voies et moyens susceptibles de les amener à l’exercer conformément à la loi pour produire les résultats attendus afin de mériter leurs salaires. En tout état de cause, nous ne demandons pas de supprimer les corps de contrôle existants qui peuvent avoir de nouvelles orientations et missions. Pour ce qui concerne l’armée, elle se chargera elle-même de mener ses propres réflexions pour trouver un dispositif à l’interne lui permettant d’optimiser son efficacité.

L’école

Elle est considérée à tort comme étant l’unique responsable de l’incivisme. Tous nos espoirs aussi sont fondés sur cette institution pour répondre au fléau. Il n’est pas aisé de nier le rôle oh combien inestimable qu’elle peut effectivement jouer pour réduire les espaces d’expression de l’incivisme dans nos sociétés en général et en son sein en particulier. Quatre (4) démarches nous semblent envisageables et urgentes à adopter.

L’analyse de l’incivisme en milieu scolaire :

Tout partira des salles de classes. A partir du CE2 pour le primaire et toutes les classes au post-primaire et au secondaire, les élèves vont faire leur diagnostic de la situation du problème et proposer des solutions de remédiation. Une synthèse de l’analyse des élèves par établissement sera faite. Les enseignants et les parents d’élèves de chaque établissement feront de même. Un groupe composé d’élèves, de parents d’élèves et d’enseignants sera désigné dans chaque école pour faire la synthèse des réflexions des trois (3) sensibilités. Ce document final va être l’agenda pour tous les acteurs pour la promotion de la citoyenneté responsable au sein de chaque espace éducatif.

La rédaction du règlement intérieur de l’école suivant une démarche participative :

Il faut en finir avec les règlements intérieurs conçus et imposés aux élèves par le corps enseignant et l’administration scolaire. Plus que jamais, il est urgent de respecter les principes d’élaboration du règlement intérieur de l’école. Il s’agira d’amener chaque classe à proposer un règlement intérieur pour l’école. Les différentes classes feront une synthèse de leurs projets. Les enseignants et les parents d’élèves feront de même. Une synthèse générale des trois (3) projets sera faite et tiendra lieu de règlement intérieur de l’école. Quand des acteurs définissent ensemble les normes de leur vivre-ensemble, les risques d’entraves à ces normes pourraient être minimisés et l’incivisme manquera d’espace pour prospérer.

La création d’un conseil des élèves dans chaque établissement :

A tous les échelons de notre système éducatif, les enseignants ont un cadre d’introspection et de prospection des solutions à leurs préoccupations. Il est grand temps de dépasser chez les élèves la seule instance qu’est leur bureau. Nous suggérons de créer les conseils de classe et des élèves de l’école. Le conseil de classe réunit tous les élèves de chaque classe. Le conseil des élèves de l’école regroupera les représentants de chaque classe qui seront désignés de façon tournante. Il aura pour vocation de suivre et de veiller à la mise en œuvre des activités prévues dans l’agenda de l’école et au respect du règlement intérieur de l’établissement. Cette instance siègera à la fin de chaque trimestre alors que le conseil de classe la préparera en se réunissant à la fin de chaque mois. Le procès-verbal du conseil des élèves de l’école sera transmis au responsable de l’établissement. Des copies seront transmises aux bureaux des parents d’élèves, des mères éducatrices et des Comités de Gestion (COGES) des écoles. Là où les membres de ces structures sont tous ou toutes analphabètes, les membres du conseil des élèves peuvent leur expliquer le contenu du procès-verbal.

La valorisation de l’éducation morale et civique à l’école :

Cette discipline n’est pas nouvelle aussi bien à l’école primaire qu’au secondaire même si sa réalité est plus perceptible dans le premier niveau d’enseignement. L’id »e selon laquelle elle n’est pas inscrite aux programmes et qu’il faille l’y inscrire désormais relève d’une profonde ignorance de l’histoire et du présent de notre école. Ce qu’il faut, c’est de relire les contenus (les valeurs) de cette éducation et de revoir le processus de leur appropriation. Nous ne pouvons plus continuer à lui accorder moins de deux (2) heures, parfois moins d’une heure de temps par semaine et attendre un quelconque résultat dans la conduite des élèves. C’est une aberration. Dans ce pays, en dehors des écoles professionnelles, a-t-on vu une note de conduite attribuée aux élèves dans un établissement primaire ou secondaire public ? Ce sont de simples appréciations parfois laconiquement rédigées et sans aucune justification que l’on voit sur les bulletins des élèves au post-primaire et au secondaire. Au primaire, on n’est même pas à ce stade. Est-ce parce que là-bas, la réprimande et le fouet ont su résister à leur désaveu et sont encore porteurs de quelques vertus ? Et par conséquent, la conduite des élèves n’y pose aucun problème ?

En tout état de cause, nous devons changer de paradigme pour passer de l’instruction à l’éducation morale et civique. Nous devons tout revoir de sorte à ce que toutes les disciplines et tous les enseignants puissent prendre en charge cette éducation. Du professeur d’histoire-géographie, de philosophie, de mathématiques, d’anglais, d’EPS… au moniteur des jeunes enfants en passant par l’enseignant du primaire, nous devons envisager comment chacun en fonction de sa spécificité peut faire de sa discipline et de ses enseignements un moyen d’éducation à la citoyenneté. Dès lors qu’il est incontestable que l’école est de plus en plus un lieu idéal de socialisation de nos enfants, il n’y a plus de temps à perdre.

Nous souhaitons conclure en ayant conscience d’avoir osé nous intéresser à un géant tentaculaire et impitoyable, ayant traversé les âges et visité tous les espaces humains. Cet ‘‘audace’’ n’est qu’un coup de pieds donné à une montagne. Probablement, nous n’avons rien dit aussi de nouveau. Mais qui peut nous dénier le droit de rêver et de partager nos rêves avec nos concitoyens ? Nous voyons déjà des compatriotes prendre leur calculette pour évaluer les coups des propositions faites. Mon Dieu, où veut-il que l’on trouve les moyens de mise en œuvre de ses élucubrations ? Eh bien, cet ’’ élucubreur’’ ne sait pas. Une chose est certaine. Selon la banque mondiale, la corruption (rien qu’elle) pèse (négativement bien entendu) pour25% sur le PIB du Burkina Faso. La mise en œuvre de ces solutions ou d’autres solutions, certainement plus pertinentes et porteuses, peut-elle coûter mêmes 5% des recettes du pays ? Nous ne saurons répondre à cette question. Ce qui est encore indiscutable, c’est qu’aucun pays ne peut prétendre à un développement quelconque quand, pendant que certains construisent, d’autres détruisent. Au nom de la liberté. Si nous refusons le combat contre l’incivisme maintenant, nous sommes assurés d’une instabilité politique et sociale dont les conséquences seront sans précédents dans notre histoire. Tous nous devons avoir le courage des rwandais et repenser notre vivre-ensemble. Nous devons refuser que la liberté soit la plus grande menace pour notre existence. Nous ne sommes pas en train de suggérer que le pouvoir en place transforme le Burkina Faso en Etat policier. Mais il y’a un choix à faire. Et c’est le moment. De nous parler les yeux dans les yeux. De nous dire les yeux dans les yeux ceci : notre vivre-ensemble ne nous oblige peut-être pas à nous aimer, mais elle nous oblige à nous respecter.

Il faudra que l’on termine, et en terminant, nous invitons nos compatriotes à méditer sur ces propos d’ERNEST RENAN : « Je vis un jour dans un bois un essaim de vilains petits insectes, qui avaient entouré de leurs filets une jeune plante et suçaient ses pousses vertes avec un si laid caractère de parasitisme que cela faisait répugnance. J’eus un instant l’idée de les détruire. Puis je me dis :’’ Ce n’est pas leur faute s’ils sont laids ; c’est une façon de vivre’’. Il est d’un petit esprit, me disais-je de moraliser la nature et de lui imposer nos jugements. Mais maintenant je vois que j’eus tort ; j’aurais dû les tuer ; car la mission de l’homme dans la nature, c’est de réformer le laid et l’immoral. »

Dori, le 02 Septembre 2016

Boubacar ELHADJI

Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré
Chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques
En service à l’ENEP de Dori
Tél : 70 10 05 50/78 64 08 70
Mail : boubacar.elhadji@yahoo.fr



Vos commentaires

  • Le 6 septembre 2016 à 22:07, par LY En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Bravo et félicitations à M. L’inspecteur ELHADJI Boubacar ! C’est la première fois que je vois une analyse aussi fine, prenant en compte l’incivisme dans sa globalité. Jusqu’ici on se contentait de se focaliser sur l’incivisme de la circulation routière ou sur le drapeau national brûlé par des jeunes en manque de repère. Vous n’avez pas hésité à ne pas caresser dans le sens du poil vos collègues enseignants et vous avez vu juste. Autrefois l’enseignant était l’exemple même de vertu dans tout son comportement et servait de modèle. La jeunesse en effet n’a plus de modèles in vivo. Elle se réfugie dans le virtuel et se coupe de la cité ou elle devrait vivre en symbiose. Merci également pour la critique constructive, avec des pistes de solutions proposées. Ce document est à lire et à relire et pourrait servir de sources d’inspiration à nos dirigeants en prenant les problèmes à la racine et non en faisant baisser la fièvre sans guérir le malade. La thérapie doit prendre en compte le diagnostic complet et y apporter les principes actifs appropriés pour l’obtention de la guérison totale. Merci pour cette contribution qui me réconforte dans mes prises de position.

  • Le 6 septembre 2016 à 22:27, par (In)digeste En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

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    Ca vous étonne que les citoyens ont perdu le sens des responsabilités ? Mais pendant un quart de siècle tout a été entrepris pour ça. Qu’avez-vous fait pendant ce temps ? L’incivisme trouve sa source dans l’incivisme des grands voleurs qui ont "dirigé" ce pays comme une barque à la dérive, et vous sous étonnez,et c’est seulement maintenant, quand tout un chacun y a de son couplet, que vous apportez le vôtre !
    Le moins qu’on puisse dire est que n’avez pas le sens de la concision, et pour être honnête, je n’ai pas lu plus de dix pour cent de votre écrit.
    On dirait que vous ignorez que les Burkinabè n’aiment pas lire. Quand on peut dire en dix mots ce qu’on dit en cent, pourquoi choisir d’être aussi long sinon pour se faire plaisir ?

    Un dernier point, comme je suis allé lire le dernier paragraphe. Rien dans la nature n’est laid, chaque chose y a sa place, où alors il faudrait en conclure que Dieu est laid.

  • Le 6 septembre 2016 à 22:41, par Valeurs ancestrales En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

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    La mutation de nos valeurs, Monsieur Ladji, vous en êtes en partie responsable, affilié que vous êtes à une religion importée et imposée il y a fort longtemps, peut-être, pour rendre les Africains plus bêtes qu’ils ne le sont. Résultat, ils ne sont plus Africains, et porter des prénoms sémites n’en fera jamais des Arabes. Alors ils ne sont plus rien, et vous voudriez qu’ils aient le sens du civisme !
    Vous parlez d’immoralité, mais pour cela il faudrait parler de moralité, et alors de quelle moralité, et de quelle morale ? De bienséance,celle des biens assis,celle de ceux qui nous ont tenus en arrière durant près de trente ans, avec l’aide de votre religion. Quelle tristesse.

  • Le 6 septembre 2016 à 23:22 En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Diagnostic implacable. Les exemples servis sont concrets. Pour rester au niveau de l’éducation j’ajouterai que souvent,dans l’exécution de certaines activités aux nobles objectifs, des actes apparemment anodins sont posés sans qu’on ne pense un seul instants aux conséquences désastreuses que cela peut avoir sur la formation du jeune enfant. Est de ceux-là un exemple banal comme le recrutement d’éléments dits "mercenaires " au niveau de l’OSEP qui peut contribuer à faire naître le sentiment selon lequel la tricherie fait partie des moyens pour parvenir à ses fins. L’enfant grandit donc avec l’idée selon laquelle la tricherie fait partie du jeu pour réussir dans la vie. Imaginez la suite.

  • Le 7 septembre 2016 à 11:22, par tankou En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    merci petit peulh pour cette contribution à la réflexion sur ce serpent mer qui nous désole tous.

  • Le 7 septembre 2016 à 13:04, par LY En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Internaute N°2 (in)digeste : Prend le soin ou la patience de lire cet écrit fort enrichissant avant de le critiquer sans en connaître le contenu. Comment peux-tu dire : "les burkinabè n’aiment pas lire" pour justifier que l’écrit aurait du être court. Es-ce une qualité que tu prônes de ne pas aimer lire ? Pour être cultivé et amasser de bonnes connaissances utiles et pouvoir discuter d’égal avec les autres, il faut aimer lire. Peux-t-on traiter d’un sujet aussi important que le civisme ou l’incivisme en deux mots et permettre aux uns et aux autres de comprendre ? M. l’Inspecteur a cerné le sujet dans tous ces contours et a donné des exemples à l’appui avec beaucoup de pédagogie. Il y a des livres qui font 400 pages et sont lus en entier. La décence voudrait qu’on s’abstienne de critiquer ce dont on a pas pris connaissance et ne balayer du revers de la main un travail bien construit scientifiquement. Soyons constructifs pour faire avancer le Burkina nouveau.

  • Le 8 septembre 2016 à 00:23, par bintoa En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Internautes 2 et 3, c est cela l incivisme ! L un dit qu il n a lu tout l écrit et cependant il critique négativement, l autre s en prend à sa religion, s est il baptisé lui même ? Est ce pour autant qu il n a pas eu une bonne éducation ? Et vous mêmes où étiez vous durant ces 30 ans ? Voyez vous il est difficile de parvenir à de bonnes choses dans ce pays avec ce genre de réflexion car c est ainsi que de bonnes idées sont tuées.

  • Le 8 septembre 2016 à 09:03, par KAFANDO DANIEL En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Monsieur Boubacar ELHADJI. toutes mes félicitations pour cette analyse critique du phénomène qu’est l’incivisme. pour ma part je dirai que c’est cela "la responsabilité des aînés" je ne connais pas votre âge mais je suis convaincu que vous faites partie "des gens d’une certaine génération" . C’est-à-dire celle qui a la charge de tracer des profondes orientations pour la jeune génération. Monsieur BOUBACAR permettez moi de saluer votre courage intellectuel, votre sens élevé du patriotisme et vous rendre hommage à la grandeur de votre personne . Quand on vous suit, on peut dire sans le risque de se tromper que vous êtes comme un héraut qui annonce le héro. A travers cet écrit vous nous (jeunesse) donnez une fois de plus la raison d’aimer notre patrie le BURKINA FASO. De Gaule n’a t-il pas dit par rapport à la déliquescence de la jeunesse française ceci : "la jeunesse a besoin d’une seule chose, que notre éducation,notre génération et nos institutions leur donnent la raison d’aimer la FRANCE." Aujourd’hui encore vous nous l’apprenez d’une autre manière. Monsieur ELHADJI cela me laisse dire avec la plus grande insistance que vous êtes un trésor monumental pour la jeunesse d’aujourd’hui.Surtout du courage et penser donc, à chaque instant que vous faites une oeuvre utile pour la NATION. Vivement que des voix puissent s’adjoindre à la votre pour vaincre cette aura monstrueuse "incivisme" qui menace notre vivre ensemble, comme vous l’avez su bien dire.

  • Le 8 septembre 2016 à 15:34, par Made En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Bravo pour cette analyse !
    Je résumerais tout ce long discours en une seule phrase : c’est l’État Burkinabé qui responsable de tout : aucun parent, aucun fonctionnaire, aucun élève, etc... n’est responsable de l’incivisme au Faso ; c’est l’État, tout simplement, l’éducation et l’instruction d’une peuple relève de l’État ; Malheureusement (ou heureusement), tout peuple n’as que des dirigeants taillés à sa mesure. Même vous Boubacar, vous ne pouvez pas jurer n’avoir jamais jeté un sachet hors d’une poubelle, car vous ne mettrez jamais votre déchet en poche, en attendant de trouver (peut-être) une poubelle publique.

  • Le 1er novembre 2016 à 15:47, par llboudo Augustin En réponse à : Incivisme au Burkina Faso : Oser combattre « le laid et l’immoral » ou périr

    Une analyse exhaustive du problème d’incivisme au B.F. Un diagnostic sans complaisance de l’origine du mal.Des solutions réalistes impliquant chaque individu quelque soit son niveau de responsabilité. Félicitation à vous cher maître pour cette réflexion qui nous lnterpelle tous de l’avenir que nous réservons à notre nvivre ensemble.
    Dans vos solutions vous aviez privilégié de part et d’autre des concertations (implication de tous les acteurs). De ces concertations pourront émerger des idées novatrices comme :
    - l’institution d’une journée citoyenne dans chaque établissement , dans chaque commune ;
    - des dispositions pénales à l’encontre des élèves qui consomment et font circuler les stupéfiants dans les établissements scolaires et par ce fait font de l’école le creuset de l’incivisme.
    - il y a aussi le fait qu’aujourd’hui des élèves connaissent plus que leur enseignants d’où leur nécessaire implication dans les instances de décision comme vous l’aviez si bien préconisé.