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Jean Nacoulma, maire de l’arrondissement 6 de Ouagadougou : « Notre mandat est placé sous le signe du changement »

vendredi 5 août 2016.

 

Elu conseiller municipal de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) lors du scrutin de mai 2016 au secteur 26 de l’arrondissement 06, Jean Nacoulma, été porté à la tête de la mairie par ses pairs et installé le 20 juin dernier. Attaché en droit humains au ministère de la Justice, des droits humains et de la promotion civique, précisément à la direction de la promotion de la tolérance et de la paix, il est titulaire d’un master 2 en gestion de risques environnementaux et doctorant en histoire africaine à l’université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo. Les rumeurs de corruption suite à son élection, la gestion des inondations du 20 juillet 2016, la gestion du pouvoir d’Etat par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le fameux coup de fil du président Roch Kaboré à l’ancien président Blaise Compaoré, sont entre autres sujets sur lesquels a porté notre entretien avec le nouveau maire.

Lefaso.net : Comment vous sentez-vous dans votre peau de nouveau maire ?

Jean Nacoulma : Je me sens bien dans la peau de maire car je suis un homme politique, donc préparé à occuper un certain nombre de responsabilités. En 2012, j’ai été élu conseiller. Etant encore conseiller et maire, c’est une continuité pour moi car je suis déjà familiarisé avec les B.A.-BA de la chose. Je suis dans une maison que je connais déjà et je tente de faire avancer les choses.

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivé à la tête de la mairie ? Et que répondez-vous à ceux qui disent que c’est par la corruption que l’UPC a remporté la mairie de l’arrondissement 06 ?

Jean Nacoulma : J’ai présenté m’a candidature à la mairie et les camarades conseillers ont décidé de me soutenir. Nous avons aussi sollicité le soutien d’un parti allié qui est le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Et c’est ensemble que ma candidature a été portée à la tête de la mairie. Dans notre arrondissement, nous avons 25 conseillers repartis dans 5 secteurs. L’UPC en a 11, le CDP 4 et le MPP 10. La rumeur sur l’achat de conseillers MPP nous a fait sourire. D’abord, nous partions à l’élection du maire de l’arrondissement avec une majorité confortable grâce à notre alliance avec le CDP soit 15 conseillers contre 10 pour nos adversaires du moment.

Nous partions avec rassurance, donc nous n’avions pas besoin d’acheter qui que ce soit. Ensuite, l’achat de conseillers est une pratique qui est aux antipodes des textes de notre parti donc nous n’allions pas faire cela et nous n’avions pas ces moyens-là mêmes pour acheter des conseillers. Si nous avions 1.800.000, ou c’est 18 millions -je ne sais même pas de combien l’on parle-, nous allions mettre plutôt cet argent dans la campagne pour avoir plus de conseillers car nos moyens étaient très modestes. Au finish, j’ai été élu avec 17 conseillers, avec 2 conseillers du parti MPP ayant voté pour moi.

Lefaso.net : Sous quel signe votre mandat est placé ? Et quelles sont les premières fortes actions marquant le début de ce mandat ?

Jean Nacoulma : Notre mandat est placé sous le signe du changement. La rupture d’avec ce que les gens connaissent et pose les bases du vrai changement que les gens attendent. Dès que nous avons pris la mairie, nous nous sommes attelés à réorganiser d’abord sa fonctionnalité pour qu’elle soit encore plus au service de la population. Ensuite nous sommes allés très vite sur le terrain, parce que nous avons juste après notre prise de fonction, vécu les inondations du 20 juillet dernier, pour secourir les sinistrés en leur trouvant un toit en attendant le gouvernement.

Lefaso.net : A quel degré votre arrondissement a été touché ? En dehors de la forte pluviométrie qu’est ce qui explique cette situation ? Et que prévoyez-vous pour minimiser les risques ?

Jean Nacoulma : Notre arrondissement a sérieusement été touché par ces inondations. L’on déplore beaucoup de dégâts matériels suffisants, avec près de 400 sinistrés. Quand je parle de 400 sinistrés c’est essentiellement ceux que nous avons accueillis et relogés dans les écoles. Il y a ceux qui ont été accueillis par des amis, des parents et ceux qui ont entrepris la reconstruction de leurs logements. Si l’on comptabilise toutes ces personnes, nous atteignons le millier de sinistrés dans notre arrondissement. Dieu merci nous n’enregistrons pas de perte en vie humaine.

De manière générale, il y a un manque de caniveaux dans la ville de Ouagadougou et notre arrondissement n’est pas en reste. En plus du manque de caniveaux, ceux qui existent sont bouchés. Cela, par l’action de l’homme qui jette des ordures et du tout dans les caniveaux. Pendant la saison pluvieuse, nous sommes dans des difficultés car l’eau ne peut plus circuler. A certains endroits, le caniveau se confond même au bitume et cela est dangereux. Pour éviter encore ces problèmes de caniveaux bouchés, juste après les inondations, la mairie centrale a lancé une opération commando de curage des caniveaux dans la ville.

Nous avons utilisé les jeunes du projet HIMO (Haute intensité de mains d’œuvres) et demandé à la population d’accompagner ces jeunes dans le curage des caniveaux. Aussi nous avons profité sensibiliser et demander à ceux qui sont installés sur les caniveaux de déménager un peu afin que l’eau puisse couler. Nous procèderons bientôt à une vérification et ceux qui ne respecteront pas les consignes, verront leurs autorisations d’occupation du domaine public retirées. Chacun doit en faire une propriété lorsqu’il occupe le domaine public. Si j’ai un caniveau devant ma porte ou ma boutique, je dois l’entretenir comme ma maison et comme ma boutique. Si chacun s’y met, nous allons amoindrir ces problèmes d’inondations.

Lefaso.net : Avez-vous un plan de gestion de votre arrondissement ?

Jean Nacoulma : Nous avons un plan de gestion de l’arrondissement. En tant que maire, nous sommes en train de le finaliser et il sera présenté en début 2017. Nous avons pris la mairie en cours d’année. Il y a déjà des exécutions qui ont débuté avec les présidents de délégations spéciales (PDS). Nous ne sommes pas comptables de cela. Nous avons notre vision pour l’arrondissement que nous avons commencé à mettre en place mais qui sera officiellement présentée en début 2017. Etant donné que les mairies d’arrondissements n’ont pas d’autonomie financière, il est difficile de mettre en œuvre notre plan. S’il faut se baser sur ses propres partenaires, cela n’est pas évident. Il est souhaitable que nos mairies soient autonomes financièrement.

Lefaso.net : Quelles sont vos relations avec le président de votre parti Zéphirin Diabré ?

Jean Nacoulma : Nous avons des relations politiques car il est le président de notre parti et nous sommes des militants, des conseillers. Nous nous rencontrons dans le cadre politique et échangeons au cours des rencontres. On se donne des idées pour le fonctionnement du parti. Nous tentons autant que faire se peut de mettre en œuvre les instructions qui émanent de notre parti et de notre président.

Lefaso.net : Quelle appréciation faites-vous de la gestion du pouvoir par le MPP ?

Jean Nacoulma : Le MPP est au pouvoir depuis bientôt huit mois. La lecture que je fais selon ce qui se dit et ce qui se voit, est que les gens attendent toujours. On nous a sorti des slogans « Roch la réponse » et on pensait que c’était la réponse à tous nos problèmes. Nous attendons toujours de voir la réponse qu’on nous propose et quelle est la solution, l’alternative. Comme notre parti l’a dit dans le temps, il ne faut pas faire un changement dans la continuité. Pour certains analystes, ce n’est même pas un changement dans la continuité car nous régressons encore. Je ne suis pas satisfait de leur mode de gestion. Je m’attendais à mieux que cela. La population attend encore et les attentes sont nombreuses. Il faut des mesures pour la soulager. Ce n’est pas ce que les gens attendaient en élisant Roch comme président.

Lefaso.net : Quelle lecture faites-vous de la relance du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre le Burkina et la Côte d’Ivoire ?

Jean Nacoulma : C’est très important de relancer ce traité car la Côte d’Ivoire et le Burkina son historiquement amis, des pays frères. Sans ce traité, il était difficile pour notre pays de pouvoir s’adosser surtout sur le plan du développement car beaucoup de choses passent par la Côte d’Ivoire pour arriver ici. Cette coopération permet une facilité dans nos échanges économiques. Mais il ne faut pas trop s’adosser sur des gens. Il faut que le développement soit endogène. Pourquoi ne pouvons-nous pas trouver les solutions à nos propres problèmes. Il ne faut pas tout le temps passer par certains pays. Prenons pour exemple l’électricité. Dès que la Côte d’Ivoire coupe l’électricité, nous ressentons cela. Pourquoi ne développons-nous pas des initiatives pour régler nos problèmes au Burkina Faso.

Nous sommes un pays indépendant et devons prendre des mesures dans ce sens. Il y a les énergies renouvelables comme le solaire. Il faut qu’on aille dans ce sens, plutôt que d’être lié au nombril de quelqu’un. Comme on le dit souvent, si on vous tient par le ventre, vous ne pouvez pas faire quoi que ce soit. Si tout doit venir de dehors, il nous sera difficile de nous développer.

Lefaso.net : Que pensez-vous des rumeurs sur le supposé appel du président Roch à l’ancien président Blaise Compaoré ?

Jean Nacoulma : Le président Roch peut appeler qui il veut, même Blaise Compaoré parce que c’est un ancien président. Même s’il vit actuellement en Côte d’ivoire, c’est un citoyen burkinabè et le président Roch peut l’appeler pour discuter sur quel que sujet que ce soit. Pour moi c’est normal, on n’a pas besoin de faire la polémique dessus car c’est ce qu’on sait. Et ce qu’on ne sait pas ? (rire).

Lefaso.net : Pour terminer

Jean Nacoulma : Je voudrais remercier l’ensemble des conseillers municipaux qui me soutiennent, mon parti qui m’a fait confiance, la population de l’arrondissement 6 pour sa confiance placée en ma personne. Et leur demander de continuer à apporter leurs soutiens à la construction de notre arrondissement. Nous avons une vision et au-delà de nos cinq ans de mandat, que la population puisse se retrouver dans un arrondissement convivial, saint, où la solidarité est désormais de mise. C’est pourquoi nous demandons la participation citoyenne aux actions que la mairie entre temps va mettre en œuvre. Il faut la participation, la compréhension, l’accompagnement et beaucoup de retenue de la part de la population.

Nous sommes dans une période où beaucoup de problèmes peuvent surgir de gauche à droite. Il faut de la retenue et aller à l’information. Là nous saurons quelle est la situation et les actions à envisager avant d’entreprendre quoi que ce soit. C’est un appel que je lance à la population. Je suis un maire ouvert et accessible. Le maire est un élu du peuple pour le servir. Nous sommes là à leur service, donc ils n’ont pas à hésiter pour nous demander quels que services que ce soit. Merci à Lefaso.net de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer.

Marcus Kouaman
Lefaso.net



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