Retour au format normal
lefaso.net

Mariage des enfants et excision dans la Tapoa : Mwangaza Action, le FNUAP et les populations montent au créneau

vendredi 17 juin 2016.

 

Mwangaza Action et son partenaire le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) ont organisé une cérémonie de rejet des pratiques du mariage des enfants et de l’excision le jeudi 14 juin 2016 à Diapaga dans la province de la Tapoa, région de l’Est.

C’est dans le cadre du 7e programme de la coopération entre le Burkina Faso et le Fonds des nations unies pour la population (FNUAP) 2011-2015, que le projet dénommé : « Actions pour prévenir le mariage des enfants dans le district sanitaire de Diapaga au Burkina Faso », a été lancé par Mwangaza Action, sous la tutelle du conseil national pour la promotion du genre (SP/CONAP genre).

Après une année de mise en œuvre des activités de communication pour le changement social et de comportements, les populations des 50 villages couverts par le projet dans les communes de Diapaga, Partiaga, Tansarga et Tambaga se sont publiquement engagées à travers des déclarations, à renoncer à ces pratiques rétrogrades.

Aussi, tour à tour, les représentants des coutumiers, des femmes, de la jeunesse, des communautés musulmane et chrétienne (catholiques et protestants) ont dit leurs fermes volontés de bouter ces pratiques hors de la province de la Tapoa. En effet, ils ont rappelé les multiples inconvénients liés à la persistance de ces mauvais comportements. Ils ont cité entre autres : les accouchements difficiles, les mortalités infantiles et maternelles, le blocage des perspectives pour les victimes, le retard sur le développement des adolescents, la déscolarisation des enfants etc.

Un projet salvateur et porteur d’espoir

Dans leur intervention, le préfet de Diapaga, Oury Konaté et le coordonnateur terrain de Mwangaza Action, Célestin Ouédraogo ont rappelé combien les violences comme l’excision, les mariages précoces et les rapts sont développés dans la région de l’Est dont fait partie la province de la Tapoa.

Le coordonnateur terrain de Mwangaza Action a fait cas de l’objectif global du projet qui est de faire la promotion et la protection des droits des adolescents une réalité. Il n’a pas manqué de faire le point des actions menées dans ce sens par Mwangaza Action, les résultats obtenus ainsi que les difficultés rencontrées. Comme actions, on retiendra : les plaidoyers et les actions de communication pour un changement de comportement et des mentalités, le renforcement des capacités, la mise en place de clubs etc.

Et ce n’est pas la représentante du FNUAP, Edith Ouédraogo, chargée de programme qui dira le contraire, elle qui est parfaitement imprégnée de la réalité des phénomènes mentionnés dans ces localités. Chiffres à l’appui, elle a dit : « Selon l’enquête nationale de démographie et de santé de 2015, la prévalence de l’excision dans la région de l’Est des enfants dont l’âge est compris entre 0 et 14 ans, est estimée à 1,5% par rapport à la moyenne nationale qui est estimée à 11%. Cette baisse significative des Mutilations génitales féminines(MGF) est la preuve concrète que le changement est bien réalisable et possible. C’est pourquoi nous devons maintenir le cap par le renforcement des actions engagées contre l’excision, afin de réaliser dans un avenir proche la tolérance zéro aux MGF ».

Nécessité de redoubler d’efforts dans la lutte

Au sujet des mariages d’enfants elle dira : « Nous faisons le constat qu’en dépit des efforts consentis par l’État, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers, environ 47,8% des filles de 20 à 24 ans sont mariées avant 18 ans, l’âge minimum requis. Ce phénomène persiste de façon préoccupante dans toutes les régions du pays, et particulièrement dans trois régions que sont le Sahel, l’Est et la Boucle du Mouhoun où les taux sont respectivement de 51,1%, de 23,5% et de 22,1% ». Concernant la commune de Diapaga, une étude de 2015 donne des chiffres de 45,8% comme taux de prévalence et les filles promises en mariage représentent 14,5% de l’ensemble des filles non encore mariées. D’où son appel à redoubler d’efforts dans la lutte contre ces violences qui ont des conséquences néfastes multiples sur les enfants et adolescentes.

Dans son discours, Mme le Haut-commissaire de la province de la Tapoa, Madeleine Bicaba/ Traoré a rappelé l’importance qu’accorde le gouvernement à la lutte contre les mariages précoces et l’excision. C’est ainsi qu’elle a présidé le 22 juin 2015 le lancement du projet dans le district sanitaire de Diapaga. Aussi, elle a dit toutes les attentes des populations et du gouvernement placées au projet. Elle n’a pas manqué de féliciter Mwangaza Action et son partenaire financier pour l’initiative prise, et les populations pour leurs implications réelles dans la lutte pour bouter ces formes de violence sur les enfants hors de la province de la Tapoa.

Des élèves récompensés

Mwangaza Action n’a pas fait le déplacement de Diapaga les mains vides. En effet, à l’issue de la cérémonie de renonciation publique et d’abandon des pratiques du mariage précoce et de l’excision, la soirée a vu des élèves recevoir des récompenses. Et c’est « l’école B de Diapaga » qui a servi de cadre à la remise de matériel scolaire.

D’une valeur de 5,5 millions de FCFA, le matériel est composé de sacs, de stylos, de gommes, de cahiers, de tee-shirts etc. Et c’est la chargée de programme de Mwangaza Action, Brigitte Yaméogo qui a remis symboliquement le matériel au Haut-commissaire de la province de la Tapoa, Madeleine Traoré/ Bicaba.

Ce matériel est destiné aux élèves les plus méritants de 30 écoles et collèges qui ont été retenus dans le cadre du projet. En effet, les élèves des écoles et collèges concernés étaient invités à dénoncer les cas de mariages précoces et d’excision dont ils auraient connaissance. Et ce sont les meilleurs de ces établissements qui ont été primés.

La joie se lisait évidemment sur les visages des enseignants et des élèves à l’occasion. Le Haut-Commissaire n’a pas manqué de prodiguer des conseils et d’inviter les élèves à redoubler d’efforts dans le travail.

Angelin Dabiré
Lefaso.net

Ils ont dit

Brigitte Yaméogo, chargée de projet à Mwangaza Action : « Nous avons lancé ce projet de lutte contre les mariages précoces et le projet de promotion de l’abandon de la pratique de l’excision dans la province de la Tapoa parce que quand on prend la région de l’Est, Il y a un fort taux de prévalence de ces pratiques et la Tapoa vient en troisième position au plan national. Et, il n’y a pas beaucoup d’intervenants dans le domaine dans la Tapoa.

Nous sommes venus en concert avec l’administration pour faire une campagne de communication de proximité pour que les gens comprennent d’abord pourquoi cette pratique traditionnelle aujourd’hui ne doit plus être d’actualité.

Nous sommes satisfaits des résultats après un an d’exécution du projet parce que nous aboutissons à un engagement public de renonciation à ces pratiques et là ce n’est que le début des choses. Avec cet engagement, il faut travailler avec la communauté pour l’aider à la maintenir.

C’est vrai qu’une année c’est très peu pour un changement de comportement mais cet engagement nous encourage et nous indique la voie à suivre pour encore réorienter nos stratégies d’action dans la zone. Nous sommes disponibles à accompagner d’autres communautés à emprunter ce chemin vers l’abandon de ces pratiques. Surtout que les résultats sont probants. Nous ne sommes pas seuls et si l’accompagnateur financier est disponible pour toujours nous accompagner, nous pouvons encore progresser et mieux faire ».

Madeleine Traoré/Bicaba, Haut-commissaire de la province de la Tapoa : « Ce sont des sentiments de joie qui m’animent. Car nous savons tous que ces problèmes constituent des fléaux qui minent le bien être des jeunes filles dans la Tapoa. Aussi, j’invite les différentes communautés à maintenir le cap et que leurs déclarations soient réellement de vrais engagements afin qu’ensemble, nous puissions éradiquer ces fléaux dans la Tapoa.

Nous avons pris à bras le corps cette problématique et sans l’implication des populations, la lutte sera vaine. Mais avec l’engagement des différentes communautés, nous allons ensemble mettre fin à ces fléaux dans la Tapoa.
Cependant, le programme ne couvre pas toute la province. Et quand on prend par exemple Logobou qui fait frontière avec le Niger, Kantchari et Botou, souvent nos populations quittent la Tapoa et ils partent pratiquer l’excision et le mariage forcé ailleurs. Puis, ils se réfugient au niveau des frontières. S’il y a la possibilité d’étendre ce projet au niveau des autres localités de la Tapoa, les résultats seront meilleurs pour l’atteinte de la tolérance zéro en matière de mariage précoce et d’excision dans la province ».

Jean-François Yoali, résident de Diapaga : « C’est un bon projet pour notre province et notre département de Goubnangou qui souffre de l’excision et du mariage précoce. Avec les actions menées dans le cadre du projet, la situation a beaucoup changé.
Nous avons la chance d’avoir cet appui qui nous aidera à sensibiliser davantage nos populations et lutter efficacement contre ces fléaux. D’ici l’année 2017, nous pensons que ces fléaux seront totalement éradiqués à notre niveau ».

Propos recueillis par Angelin Dabiré



Vos commentaires