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Idrissa DICKO, président de la jeunesse burkinabè au Mali : « Le vote de la diaspora sera l’une des portes d’entrée dans l’histoire du Président Kaboré »

samedi 7 mai 2016.

 

Créée en décembre 2012, la Jeunesse de la communauté Burkinabè au Mali(JCBM) se veut une structure fédérative de l’ensemble des associations de jeunes Burkinabè vivant dans ce pays voisin. Depuis deux ans, la JCBM est dirigée par Idrissa Dicko. Dans cet entretien, il présente cette structure sans langue de bois. Il parle également de l’attachement de ses compatriotes pour la mère patrie. Ils souhaitent de tous leurs vœux que les Burkinabè de la diaspora puisse voter en 2020.

Qu’est-ce que la JCBM et quelles sont les actions qu’elle peut afficher à son compteur ?

JCBM signifie Jeunesse de la Communauté Burkinabè au Mali. Elle a été mise en place enfin 2012 pour changer une situation. Il y avait beaucoup d’associations et groupes de jeunes qui agissaient ça et là, sans aucune coordination. Elles ne se connaissaient pas et chacune se réclamait représentative de la jeunesse burkinabè au Mali. Nous nous sommes dit qu’il n’y a pas deux jeunesses burkinabè, il n’y en a qu’une. C’est ainsi que nous avons entamé les démarches pour mettre en place un regroupement qui prend en compte tout le monde et qui sera véritablement représentative de cette jeunesse.

Le 9 décembre 2012, la JCBM a été créée avec 7 associations au départ. De décembre 2012 à septembre 2013, la JCBM n’a pas fonctionné, le Président de l’époque n’ayant jamais convoqué une seule réunion. Il a été vigoureusement interpellé par les jeunes pour explications. Ne s’étant pas entendu avec ses camarades, il a été contraint à la démission pour laisser place à un intérim. Le 14 janvier 2014, une assemblée générale a mis en place un bureau définitif. C’est à cette date que les camarades m’ont placé à la tête de la structure.

Au quotidien, nous gérons les cas sociaux tels que les décès des burkinabè dont on ne connaissait pas les parents, les difficultés liées aux pièces administratives, les tracasseries, les détenus, etc.Nous avons mené plusieurs activités dont deux journées culturelles burkinabè, des matchs de football avec les jeunes des autres communautés africaines et plusieurs conférences et formations. Nous avons instauré ce que nous avons appelé le grin du mois qui réunit chaque mois tous les jeunes chez un camarade afin de mieux solidifier l’esprit de famille.

Je dois ajouter qu’à notre arrivée, nous avons trouvé qu’un siège existe au nom de la jeunesse et payée par l’Ambassade sur instruction de l’ex Président Blaise Compaoré. Le hic c’est que c’est le président des jeunes qui s’en était emparé pour en faire et son bureau et son domicile. Et cela simplement parce qu’il représentait le parti au pouvoir à l’époque et qu’il avait l’onction de l’Ambassadeur de l’époque. Nous on n’exige pas que l’Etat paye un siège, seulement tant qu’il le fait, il n’est pas question qu’un seul Burkinabè se l’approprie sur le dos de tous les autres.

Aujourd’hui, il est devenu le siège de tous les Burkinabè et le domicile de personne. Je ne serai certainement pas exhaustif mais je n’oublie pas d’ajouter que nous avons été constamment présents aux côtés de l’Ambassade et de la communauté entière pour toutes les organisations liées à la vie de notre pays ou des Burkinabè au Mali.

Vous êtes à la tête de la JCBM il y a seulement deux ans et vous êtes déjà sur le départ. Pourquoi une alternance aussi rapide ?

C’est parce que nous sommes la génération de l’insurrection populaire et que personne ne doit s’éterniser au pouvoir (Rires !!!). Non, pour parlerplus sérieusement, c’est parce que nous pensons que cela répond aux besoins du moment. Tout au long de ces dernières années, nous avons travaillé à bousculer des habitudes, à faire comprendre que le Burkinabè le plus méritant est le plus attentif aux intérêts du pays et qui en porte les valeurs qu’il n’a pas à se cacher parce qu’il est à l’extérieur. Le fait d’être au Mali depuis 1930 ne vous confère pas, si vous me permettez l’expression, un coefficient de « burkinabéité » supérieur à celui qui a atterri à la gare hier.

Cela nous a valu beaucoup d’animosité surtout ceux qui disent « avant, quand nous avions décidé, c’est fini ». Mais c’est cela aussi la réalité des choses. C’est au prix des contradictions et parfois des confrontations qu’on peut parvenir à des progrès. Mais aujourd’hui, nous sommes fiers de savoir que la jeunesse burkinabè au Mali est active et sa voix compte. Nous pensons que même pour des questions d’efficacité il faut laisser la place à d’autres camarades qui ont perdu moins de temps et d’énergie dans les combats que j’ai mentionnés. Et nous pensons qu’ils pourront non seulement préserver les acquis mais surtout, faire plus.

Quelle a été la participation de la jeunesse burkinabè du Mali dans la vie sociopolitique du Burkina ?

Notre mandat a commencé en janvier 2014. Vous remarquerez donc que le contexte était essentiellement marqué par les velléités de modification de l’article 37, la Transition, le coup d’Etat de Diendéré et l’élection présidentielle. J’ajoute d’ailleurs que les Maliens qui suivaient nos actions de soutien aiment à nous féliciter quand la victoire populaire a été consacrée à toutes les deux phases. Et nous répondons immédiatement que le mérite revient à nos parents qui ont combattu sur place au pays sous le soleil et face aux canons et qui, au prix de la sueur et du sang ont vaincu.

Ce qui vaut une légitime fierté à chaque Burkinabè et partout. Dans la cadence du soulèvement au pays, nous nous sommes retrouvés pour une rencontre de soutien au mouvement. Par la suite, il y a eu une projection d’images de l’insurrection suivie d’une conférence intitulée : « Insurrection populaire d’Octobre 2014 au Burkina Faso : quels enseignements pour la jeunesse africaine ? ». A la suite du coup d’état du RSP, nous avons organisé une marche-meeting pendant laquelle nous avons remis à l’Ambassadeur, un message de protestation contre le putsch. Puis, nous avons initié des visites à certaines entreprises tenues par des Burkinabè à Bamako, suivie d’une conférence dont le thème était :« La jeunesse face aux défis de l’emploi et de l’entreprenariat ».

Nous estimons que cela a aussi toute son utilité car nous considérons que former le jeune burkinabè où qu’il se trouve, c’est aussi contribuer à la vie et au devenir du pays. Pour le cas du Mali, certains membres de notre bureau étaient à Ouaga et à Bobo pour participer à l’insurrection et aux manifestations contre le coup d’état. De nombreuses manifestations ont été initiées à travers le monde entier. Ce sont des actions menées par devoir mais qui ont contribué à forger une opinion internationale favorable à lutte du peuple burkinabè.

Comment avez-vous vécu les décisions successives de la transition de faire voter la diaspora dans un premier temps puis de surseoir à cette participation ?

La diaspora était déçue lorsque sous Blaise Compaoré déjà, le vote promis pour 2010 a été reporté. Elle l’a été davantage lorsque la Transition a également décidé d’y surseoir après que la Charte l’ait clairement adopté. C’était la frustration dans un premier temps et nous l’avons dit à qui de droit en son temps. Nous l’avons d’abord signifié à l’ex Ministre Auguste Denise Barry lors de son voyage de Bamako. Je me rappelle que j’ai été par la suite interpellé par un de nos diplomates pour dire que je n’aurais pas dû afficher une telle position.

J’avais répondu qu’en tant que Burkinabè, nous ne pouvions que dire ce que nous pensions. Mais nous avions échangé en famille. Mais en même temps, nous étions engagés à contribuer à la bonne marche de la Transition.En plus, certaines manifestations violentes contre les autorités sous d’autres cieux nous ont inquiétés. Ce qui n’était pas de nature à faciliter la sortie de crise. Et comme tous les Burkinabè, nous nous sommes interrogés. A certains appels, nous avons répondu par la négative en notant au passage que quelque soit le devoir d’une nation vis-à-vis du citoyen, ce dernier est encore plus redevable à son pays.

C’est pourquoi, pour ce qui concerne le Mali, vous remarquerez que toutes les manifestations organisées étaient en faveur du processus de sortie de crise. Je fais partie de ceux qui ont fait ce qu’ils pouvaient pour satisfaire leur devoir civique.Je suis venu à Ouaga m’inscrire avant la fin de l’enrôlement. Je suis revenu plus tard pour voter. Je suis aussi revenu suivre l’investiture du Président au Palais des Sports.

Quelles sont les attentes de la diaspora vis-à-vis des nouvelles autorités ?

Il est clair qu’aujourd’hui, le vote de la diaspora sera l’une des portes d’entrée dans l’histoire du Président Kaboré. Nous avons tous suivi le débat sur le vote de la diaspora et certains excès de langage qui l’ont jalonné. Je comprends que certaines questions cruciales surtout quand elles interviennent dans des circonstances très difficiles, puissent susciter des passions et une propension au clivage. Il est souvent difficile de dire à qui profite ce clivage mais ce qui est sûr, ce n’est pas le pays.

Je ne rappellerai pas la contribution classique et bien connue de la diaspora dans l’amélioration des conditions socio-économiques au pays et qui est largement au dessus de l’aide au développement. Mais pour revenir aux circonstances récentes qui ont fait l’actualité internationale, il y a eu des actes concrets comme je l’ai mentionné plus haut.

Certains le savent mais beaucoup de Burkinabè ne savent pas que nous sommes presque le seul pays dans nos environs à ne pas faire voter la diaspora. Ici au Mali, la diaspora vote depuis 24 ans. La Côte d’Ivoire, le Niger, le Benin et bien d’autres votent il y a bien longtemps. C’est pour dire que c’est à la fois une aspiration profonde de la diaspora mais aussi une question d’honneur pour notre pays qui ne mérite pas d’être le dernier sur des aspects aussi importants de notre souveraineté. Si le Président Roch Marc Christian Kaboré venait à concrétiser ce projet, il aura réussi ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a réalisé.

Interview réalisée par Daouda Maïga
Correspondance particulière