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« Il n’y a pas de vieilles pratiques du CDP au MPP », affirme Pascal T. Benon, deuxième Secrétaire adjoint aux affaires juridiques et aux droits humains du MPP

dimanche 13 mars 2016.

 

A quelques heures de la clôture de l’opération de dépôt des dossiers de candidatures pour le compte des élections municipales du 22 mai 2016, nous avons approché le deuxième Secrétaire adjoint aux affaires juridiques et aux droits humains du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Pascal Témaï Benon. Au menu des échanges : la question capitale de la confection des listes au sein de son parti qui fait des gorges chaudes dans plusieurs localités, à l’image du secteur 29 dans l’arrondissement 7 de Bobo-Dioulasso où des balais et des spatules ont même été brandis en guise de contestation de la « manière de choisir les candidats ». Sans détour, l’ancien Secrétaire général du Ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité, ancien gouverneur … explique le dispositif mis en place par son parti pour la gestion de ces élections de proximité.

Lefaso.net : Quel état pouvez-vous faire, à ce jour, de la confection des listes pour les municipales ?

Pascal T. Benon : De façon globale, pour la constitution des listes, au niveau du MPP, et sur l’ensemble du territoire, nous avons une situation qu’on peut qualifier de satisfaisante. Des assemblées générales se sont tenues au niveau des villages, les comités de sélection se sont aussi réunis ; nous avons un engouement très remarquable (beaucoup de gens veulent se présenter à ces élections de proximité). Globalement donc, c’est satisfaisant à deux points de vue : l’engouement des militants et le fait que les structures que nous avons mises en place pour la sélection des candidats se sont réunies régulièrement.

Lefaso.net : Il y a aussi le quota genre et la représentativité des jeunes ; les listes pourraient-elles respecter ces consignes ?

Pascal T. Benon : De toute façon, dans la directive que nous avons prise au niveau du bureau exécutif national et entérinée par le Bureau Politique National, le quota concernant les communes urbaines est de 50% (pour le genre) alors que la loi sur le quota ne nous impose pas ce taux. Au niveau des communes rurales, compte-tenu de certaines pesanteurs socioculturelles, il est difficile de tenir ce pari. Mais nous avons maintenu que les quotas de 30% de jeunes et de 30% de femmes soient respectés. Il y a des zones où c’est extrêmement difficile (compte tenu des pesanteurs). Il y a des communes où les femmes ne veulent pas se présenter, soit sur le joug du mari (qui ne tient pas à voir sa femme dans les activités politiques), soit ce sont elles-mêmes, parce qu’elles ont des activités tellement absorbantes (ce sont elles qui subviennent pratiquement aux besoins de la famille), tellement d’activités qu’elles sont conscientes qu’elles ne peuvent pas ajouter le rôle de conseiller municipal). Mais en tout cas, sur beaucoup de listes, ces pourcentages sont respectés, surtout au niveau urbain.

Lefaso.net : Parlant d’engouement…, on note des bisbilles, des agitations dans plusieurs localités en ce qui concerne la constitution des listes… Dans ces cas de figures, comment résolvez-vous les litiges ?

Pascal T. Benon : C’est un secret de polichinelle que de dire que, pratiquement, dans un certain nombre de provinces, à l’image du Houet, du Kadiogo, il y a des contestations. Mais cela est inhérent au mode de désignation. Nous avons voulu faire la véritable démocratie à la base, pour que ce soient les militants eux-mêmes qui choisissent ceux qui vont les représenter dans leur conseil municipal. Mais, une telle démarche ne peut pas ne pas créer des contentieux. Des contentieux que l’on essaie de régler à travers le dispositif qu’on a mis en place ; les comités communaux qui sont chargés de centraliser les dossiers, de les examiner et de régler les litiges. Donc, à ce niveau, le bureau exécutif lui-même ne règle pas les litiges ; ils relèvent des compétences des comités communaux. Evidemment, quand ça dépasse le comité communal, il faut forcément saisir une structure provinciale pour régler le litige. Cet engouement est dû au fait que le parti s’est déployé sur l’ensemble du territoire, a mobilisé les populations à sa cause, a suscité beaucoup d’espoirs. Et c’est dans l’élan de cet engouement-là quele candidat du parti a été élu à la Présidence du Faso et le parti a obtenu le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. C’est tout cela qui fait cette large mobilisation, nous sommes maintenant un parti au pouvoir. Ce qui attire aussi bien les opportunistes que des gens qui sont dévoués dans le développement de leur collectivité. Voilà comment se gèrent les litiges, et cela se fait avec tact parce qu’il y a des gens qui ne comprennent pas… Vous avez par exemple le cas des paramilitaires qui ne comprennent pas qu’ils ne peuvent pas être candidats. Un douanier, un agent des Eaux et Forêt, un garde de sécurité pénitentiaire (GSP)…. en activité ne peut pas être candidat à moins qu’il démissionne ou qu’il prenne une retraite anticipée. C’est le code électoral qui le dit, ce n’est pas le MPP.

Lefaso.net : ….vous avez ces cas de figures ?

Pascal T. Benon : Oui, nous avons ces cas de figure… Ce n’est pas facile. Il y en a qui pensent qu’ils ne sont pas para militaires, alors qu’ils le sont. Ils n’ont peut-être pas lu le code ; alors qu’il fallait le faire pour connaitre les conditions d’éligibilité, qui sont claires à l’article 243 (ne sont pas éligibles comme conseillers municipaux, ... les personnels des corps para militaires dans le ressort territorial où ils exercent leurs fonctions). Alors, certains ne l’ont pas compris, ils ont été sélectionnés et maintenant, ça pose problème. Il faut donc les enlever, si on ne veut pas que nos listes soient invalidées par le tribunal administratif.

Lefaso.net : Dans certains litiges, les responsables locaux du parti sont fréquemment mis en cause avec à leur charge, des manœuvres peu orthodoxes et en violation de la directive du parti. N’y-a-t-il pas problème quelque part, dans le choix des personnes qui pilotent les comités ?

Pascal T. Benon : C’est vrai, par rapport aux directives, on ne peut pas empêcher les manœuvres. Il y a des esprits malins qui utilisent les directives en fonction de leur intérêt ; Il y a effectivement certains qui les ont utilisées pour, soit régler des comptes soit pour positionner des gens qu’ils souhaitent voir figurer sur les listes. Mais tout cela, j’allais dire, fait partie des risques encourus dans une opération de ce genre. Au niveau de la direction du parti, nous allons forcément régler cela, on ne peut pas envoyer des listes qui ne sont pas gagnantes. La base a voulu que la direction ne se mêle pas du choix des conseillers, c’est elle qui désigne donc les candidats. Cette procédure de démocratie à la base a donc ses avantages mais aussi ses inconvénients. L’avantage, c’est que c’est la base qui désigne effectivement en votant à main levée ou par alignement pour tel ou tel candidat en cas de non consensus. L’inconvénient est qu’il y a des esprits malins qui ne respectent pas les directives, manœuvrent et font que l’objectif de départ court le risque de ne pas être atteint.

Lefaso.net : Si le choix est laissé à la compétence discrétionnaire de la base, cela voudrait dire que des candidats pourraient aussi user de leurs moyens financiers pour se faire porter sur la liste alors qu’ils n’ont pas d’assise à même de rendre service à la communauté, une fois élu !

Pascal T. Benon : Ce qui est certain, c’est que le parti ne peut pas aller jusqu’à ce niveau ; parce que les assemblées générales se tiennent dans les 8 000 villages (chaque village a tenu son assemblée générale pour désigner ses candidats). On ne peut pas aussi dire qu’il n’y a pas eu des manœuvres corruptives mais, comme on le dit, on cherche à limiter ce genre de pratiques. C’est aux gens aussi de prendre conscience que, quelqu’un qui n’est jamais venu au village, qui ne s’est jamais intéressé aux affaires du village, vienne du jour au lendemain sortir de l’argent pour vous dire qu’il veut être conseiller, si vous l’acceptez, c’est vous qui l’avez cherché ; parce que dès qu’il sera élu conseiller, il ne s’intéressera pas à vous (puisqu’il ne l’avait jamais fait) ! Donc, il faut aussi qu’à la base, les gens prennent conscience que l’argent ne résout pas tout. S’ils savent qu’avec l’argent ils peuvent être sur la liste, ils vont l’utiliser ! En dehors de l’argent, il y a d’autres manœuvres qu’il faut pouvoir éviter. Le parti n’ayant pas les moyens de descendre à tous ces niveaux, nous comptons sur la maturité de nos militants.

Lefaso.net : Des partis politiques ont perdu des circonscriptions électorales du fait de querelles entre militants, n’avez-vous pas peur que ces tensions soient une faiblesse pour le parti dans les zones concernées ?

Pascal T. Benon : Peur, oui ; parce qu’effectivement, on peut perdre des communes du fait de ces pratiques. Mais en matière électorale, on n’est jamais sûr des résultats dans une compétition loyale et démocratique car l’élection est le beau moyen pour l’électeur d’exprimer sa volonté.

Lefaso.net : D’aucuns pensent que ce sont les mêmes pratiques qui avaient cours au CDP qui se déportent au MPP…

Pascal T. Benon : Non, il n’y a pas de vieilles pratiques du CDP au MPP. Vous savez, quand le CDP était au pouvoir, et qu’il y avait des élections municipales, il y a eu les mêmes bagarres. Ce n’est pas dû à la nature du parti, c’est dû à la dimension du parti ; quand un parti est grand, vous ne pouvez pas tout contrôler (la moindre action prend une ampleur nationale). Au CDP, ce n’était même pas comme ça, ce n’était pas le mode de démocratie directe car, il y avait peu ou prou l’intervention de la direction du parti dans le choix des conseillers. Et c’est ce que nos militants qui ne sont pas tous des ex-CDP n’en veulent pas. C’est pourquoi le MPP a donné quitus à la base de choisir ses conseillers. Si on ne vous a pas choisi, ne venez pas poser plainte au niveau de la direction. Le mode de désignation est que s’il n’y a pas un consensus, on vote à main levée ou par alignement derrière le candidat.

Lefaso.net : Demander aussi aux gens de s’aligner derrière un candidat ou de choisir à main levée n’est-il pas de nature à biaiser le choix ?

Pascal T. Benon : Non ! Ce sont eux-mêmes qui l’ont demandé. Ils ont dit qu’ils se connaissent ; il n’y a pas à se cacher. Sinon, au départ, on avait proposé dans la directive le « vote à bulletin secret », Mais, comme ce sont des directives qui sont adoptées par le bureau politique national, dans les discussions au niveau de cette instance, les choses doivent être claires ; le vote à bulletin secret est compliqué (il faut chercher des accessoires : urnes, bulletins etc.) et au village les choses sont claires : quand on ne vous connaît pas, on dit qu’on ne vous connaît pas. Quand on vous connaît, on dit qu’on vous connaît. Donc, il n’y a pas de bagarre. Parfois, le petit-frère même s’aligne derrière quelqu’un d’autre que le grand-frère. C’est dire donc qu’il y a certes des difficultés liées à ce mode de désignation, mais c’est encore mieux que si la direction elle-même s’y mêlait directement.

Lefaso.net : Quel est l’enjeu de ces élections pour votre parti ?

Pascal T. Benon : L’enjeu principal, c’est qu’il faut nécessairement avoir la majorité des communes. L’enjeu pour nous est que nous ne comptons pas nous limiter à un mandat présidentiel, ni législatif. Donc, nous comptons avoir le maximum de communes. Pour d’abord asseoir l’autorité du parti sur les structures et, ensuite envisager un second mandat pour notre candidat et continuer à être majoritaire à l’assemblée nationale afin de permettre au président du Faso de mettre en œuvre son ambitieux programme pour le bonheur de notre peuple.

Lefaso.net : Y-a-t-il des partis qui se présentent pour vous aujourd’hui comme une menace sur le terrain ?

Pascal T. Benon : Tous les partis sont menaçants ; surtout les partis de l’opposition. Que ce soit le CDP, l’UPC…tous ceux qui sont dans le CFOP-BF (Chef de file de l’Opposition politique au Burkina Faso) constituent une menace pour nous. Ils se préparent sérieusement et nous aussi, on se prépare…pour gagner à la régulière, j’ai bon espoir.

Lefaso.net : Après la confection des listes, quel est le mot d’ordre désormais au sein de votre parti ?

Pascal T. Benon : Le mot d’ordre est clair : on mobilise, on vote MPP pour la victoire. Vous êtes sur la liste ou pas, vous votez MPP, parce que c’est la seule façon de pouvoir régler d’autres problèmes. Dans un parti, tout le monde ne peut pas être conseiller, tout le monde ne peut pas être maire. Mais, il y a des possibilités qu’on peut trouver ailleurs pour satisfaire chacun. Qu’on se mette ensemble pour que, d’une seule voie, on vote le MPP pour qu’on ait la majorité des communes. Il faut vraiment qu’on ait une vision à long terme en dépassant les contentieux pour voir l’intérêt du parti car, si le pari est fort, on est individuellement fort. Par contre, si le parti est faible, on est individuellement faible aussi.

Entretien réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
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