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Marche silencieuse à Fada : Des jeunes filles disent « non » au mariage forcé et/ou précoce

lundi 29 février 2016.

 

A l’initiative de Christian Children’s fund of Canada, des manifestants ont entamé une marche silence, le samedi 27 février 2016, à Fada pour dire non aux mariages forcés et/ou précoces. La cérémonie a été co-présidée par la représentante du ministre de la femme, de la solidarité nationale et de la famille et le l’Ambassadeur du Canada, empêché. En outre, elle a été co-parrainée par sa majesté Kupiendieli, Roi du Gulmu et l’évêque de Fada qui s’est fait représenté par le vicaire général.

Au Burkina Faso, les mariages forcés et/ou précoces sont toujours omniprésent, en particulier dans les zones rurales. Ces pratiques ancestrales constituent un déni de droit de la jeune fille aux conséquences dévastatrices. Conscient de cette réalité, Christian Children’s fund of Canada (CCFC) a organisé, une marche silencieuse pour interpeller les populations de Fada sur le mariage précoce des jeunes filles. A cet effet, des élèves allant des tout-petits aux grands accompagnés des parents, enseignants, des leaders coutumiers et religieux, et des acteurs de développement, ont défilé, brandissant des pancartes et des slogans. Ainsi, l’on pouvait lire entre autres, « le mariage forcé est une prison d’amour forcé », « oh jeune fille, c’est clair, le mariage forcé est un obstacle à ton épanouissement », « Papa, maman, ami, frères, levons-nous pour lutter contre le mariage forcé. Plus jamais ça à la province ». Pendant plus d’une heure de marche, le cortège des marcheurs s’est ébranlée de la Place de l’unité, la mairie puis à la radio Temba jusqu’à la Banque BOA, le marché central de Fada N’gourma, et retour à la Place de l’unité pour une animation musicale ponctuée par des discours des officiels.

Après les salamaleques, le représentant de l’évêque de Fada N’Gourma, a fait savoir que le phénomène du mariage forcé est une pratique qu’ils combattent depuis belle lurette mais sans un succès notoire et significatif. A l’entendre, l’ampleur du problème est une préoccupation de nos jours pour toutes les personnes éprises de justices et de paix. Voila pourquoi, le vicaire général estime qu’il est grand temps de se donner la main, de travailler en synergie pour toucher les causes profondes du mariage forcé et ou précoce qui est un système contraignant et inhabilitant issu de nos traditions ancestrales et coutumières. « Une prise de conscience généralisée des conséquences et des méfaits de ce phénomène converserait la tendance afin que nos enfants d’aujourd’hui et de demain s’épanouissent en convolant en noce à l’âge de 18 ans et plus. Et dans une liberté totale dans le choix de leur conjoint ou conjointe » a-t-il expliqué.

Le gouverneur de la région de l’Est, Hyacinthe Yoda, quant à lui, a dit être animé par un sens du devoir parce que le rapt des jeunes filles constitue un véritable problème dans la région. D’où sa présence effective à cette marche. Aussi, a-t-il ajouté, un sentiment de joie m’anime parce que la population a adhéré à l’appel de CCFC pour dire non à cette pratique. « Nous espérons marquer les esprits et nous espérons que ça portera fruit » a-t-il dit, avant de se prononcer sur le mariage précoce : « Il est intimement lié aux pratiques ancestrales que nous n’arrivons pas à dominer, ni à dépasser. C’est une tare que nous trainons derrière nous et il faut qu’à partir de maintenant les communautés prennent conscience et arrêtent ce phénomène ». M. Yoda s’est dit confiant parce que les leaders d’opinion, les traditionnels et religieux sont tous d’accord que c’est un phénomène nuisible qu’il faut travailler à éradiquer.

De son côté, la représentante du MFSNF, Honorine Ouédraogo a fait ressortir un visage peu reluisant de cette pratique au Burkina Faso. Selon l’enquête démographique et de santé au Burkina, de 2010, une femme sur 10 est en union dès l’âge de 15 ans, 53% étaient déjà en union en atteignant 18 ans. Quant à l’âge médian d’entrée en première union chez les hommes, il est de 16,1 dans la région du sahel, de 17,2 dans la région de l’Est et de 17,6 dans la région de la Boucle du Mouhoun. Cette pratique, foi de la représentante du MFSNF, est lourde de conséquences. Elle prive les filles de leur enfance, perturbe leur éducation scolaire, limite leurs perspectives d’avenir, accroit pour elles les risques de violence et de sévices (…). Ainsi, ces enfants se voient très tôt arrachés à leur tendre enfance et confrontés à la réalité de la vie adulte. En effet, s’indigne t-elle, « étant trop jeune pour avoir des relations sexuelles et supporter une grossesse, elles meurent très souvent en couches ou survivent avec de graves séquelles sur le plan de leur santé. Ces grossesses, qui entrainent souvent des complications, sont la première cause de mortalité chez les jeunes filles. Aussi, le mariage d’enfants en plus d’être une violation des droits humains, constituent un obstacle pour le développement ».

Cadre d’intervention

En guise de solution, a annoncé Mme Ouédraogo, le conseil des ministres a adopté à Dori, la stratégie nationale de prévention et d’élimination du mariage d’enfants pour la période 2016-2025. Pour la coordination des activités de la stratégie, elle a rassuré qu’une plateforme multisectorielle est mise en place. « Elle regroupe des départements ministériels, les partenaires techniques et financiers, les associations, les organisations non gouvernementales, les coutumiers et religieux. Cette plateforme est un cadre de concertation ouvert à tous les acteurs » a conclu la représentante du MFSNF.

Pour le directeur pays de CCFC, Jérémie Ouangrawa, la marche silencieuse revêt un caractère symbolique. « Nous l’avons voulue silencieuse car les grandes douleurs sont muettes. Quelques fois le sentiment s’exprime mieux dans le silence. Et nous osons croire que ce silence qui a prévalu tout au long de ce circuit a été un signal fort qui a su traduire aux yeux de tous, notre engagement et notre détermination à ne jamais lâcher prise face au phénomène des mariages forcés et/ou précoce, jusqu’à la victoire totale » a-t-il lancé. Pour lui l’adhésion de la population témoigne de leur engagement pour la protection des droits de la femme en général, de la dignité et à la promotion de la jeune fille au Burkina en général, et à celle de l’Est en particulier. L’évènement, a poursuivi la même source, a bénéficié du soutien de OCADES Fada, EE/SIM, IDEES/ACG, Fonds enfants et SOS villages d’enfants au Burkina Faso…

En prélude à la marche, un concours de slogans et de citations a été organisé en décembre 2015. Cette marche a été l’occasion de remise officielle des prix aux lauréates dudit concours. C’est Rachida Léonnelle Sow du lycée Saint Joseph qui est arrivé en tête remportant ainsi la coquette somme de 100.000 FCFA, une attestation plus un trophée. La seconde place est revenue à Adiara Ouoba du Lycée communale de Diapaga. Elle a reçu la somme de 75.000 FCFA plus une attestation.

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

Encadré : Propos de la 1ère au concours

« Le mariage précoce prive la jeune fille de sa liberté, de son enfance. Alors à bat le mariage forcé. J’invite tous ses parents qui s’adonnent à cette pratique, d’y renoncer. Laissez le champ libre à la jeune fille de décider de son avenir et de son amour car un mariage sans amour est une vie de désespoir, voir une criminalité. A mes sœurs, vous aussi, n’hésiter pas de dénoncer les auteurs. Que Dieu m’en garde, mais si je me retrouvais dans une situation pareille c’est sûr que je serais triste mais je vais leur demander des explications ».



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