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Soutenance de thèse en histoire : Boubié Bazié analyse la colonisation des Lobi du Burkina par la France

mercredi 20 janvier 2016.

 

Il y a 5 ans de cela, pour l’obtention de son DEA, Boubié Bazié traitait de l’acculturation des Lobi du Burkina par le pouvoir colonial français et ses auxiliaires. Samedi 16 janvier 2016, ce passionné de la culture lobi a défendu sa thèse de doctorat unique en Histoire. « La colonisation des Lobi du Burkina Faso par la France : de l’insoumission au changement social (1897-1960) », ce thème nous éclaire davantage sur la politique coloniale conduite par la France, la résistance du peuple lobi et le changement social qui a fini par advenir en dépit de la résistance des populations. Le travail du nouveau docteur a été sanctionné par la mention très honorable.

Certes, des études ont été déjà faites dans le domaine, mais Boubié Bazié, après les observations personnelles et les travaux de ses devanciers, dit vouloir remplir une lacune historiographique. « Des études ont été faites mais ne s’étalent pas sur toute la période coloniale. Raison pour laquelle, nous avons décidé de mener cette étude », a-t-il indiqué.

De l’avis de Boubié Bazié, si pendant la période coloniale, les Dioula voyaient les français comme des libérateurs face à Samory Touré, les Lobi trouvaient en eux des concurrents dont l’objectif était de mettre fin à leur indépendance. Ainsi, l’organisation administrative française a dû faire face à une grande résistance en pays Lobi, la plus longue d’ailleurs en Afrique selon l’auteur. Et si la résistance était farouche au point que la France a maintenu une administration militaire en Haute-volta, la société lobi a été cependant ébranlée par la politique coloniale française.

Dans un document de 446 pages, le chercheur présente la colonisation des Lobi du Burkina par la France en trois étapes

La première période : 1897 – 1918 est considérée par l’auteur comme étant « l’apprivoisement des lobi ». Et si le terme apprivoisement est employé pour les animaux sauvages, le chercheur précise que le colonisateur dans son esprit avait à faire à des sauvages, à des gens qu’il taxait de sauvages. Par conséquent, le colonisateur a estimé que pour pouvoir coloniser les Lobi, il fallait utiliser une méthode qui consistait à les domestiquer, les apprivoiser. Cela s’est fait par une politique de pacification, de répression des résistances pour obtenir l’insertion des Lobi dans l’ordre colonial.

La seconde période désignée « période de l’association », commence à partir de 1921. Selon l’auteur, Il ne s’agissait plus pour le colonisateur d’assimiler les populations africaines, mais de les associer à l’œuvre coloniale. Cette nouvelle politique de l’association permettait aux colonisateurs de pouvoir exploiter les colonies. Cela consistait par exemple, à mettre en place des conseils de notables et de là, le colonisateur arrivait à mobiliser les populations africaines autour des objectifs de la colonisation. Ainsi, les chefs de canton étaient chargés de mobiliser les populations sur les chantiers coloniaux, de collecter les impôts, ou d’assurer la sécurité des territoires. Il s’agissait dans l’ensemble, d’informer le colonisateur sur ce qui n’allait pas dans leurs cantons et d’assurer le rôle de la justice coutumière.

La troisième période, celle de la décolonisation commence à partir de 1946 avec la seconde guerre mondiale. A ce niveau, Boubié Bazié note la mise en place des infrastructures et la libération du travail forcé avec la loi Houphouët Boigny. Cette loi a permis de libérer les populations des contraintes coloniales, et donc du travail forcé (les gens furent invités à travailler pour recevoir en contrepartie une rémunération). Cette période sera marquée par le changement du Lobi. « Avant cela, le Lobi résistait, il rejetait tout ce qui venait du blanc. Le Lobi ayant compris qu’en résistant à tout bout de champ, il perd, il va accepter de soigner son enfant dans les dispensaires, envoyer son enfant à l’école, accepter de travailler comme auxiliaire de l’administration. Le Lobi ira plus loin, il va se rendre compte qu’il y a des colonies qui sont des pôles de développement telles que la Gold Coast et la Cote d’Ivoire. Cette nouvelle période qui commence est pour le Lobi, une sorte d’initiation pour celui qui n’avait jamais voyagé et ce sera une expérience pour avoir séjourné en dehors du terroir local », a renchéri Magloire Somé, directeur de thèse.

L’appréciation du Jury

Le jury composé du professeur Kouamé Aka de l’Université Félix Houphouët Boigny (président du jury), de Michèle Cros de l’université Lyon 2 de France (membre), de Magloire Somé (directeur de thèse), de Palm Domba Jean-Marc (rapporteur) et de Maurice Bazémo de l’Université de Ouagadougou ont apprécié le travail dans l’ensemble. Pour le directeur de thèse, l’œuvre de son étudiant est de belle facture, « sa thèse est un document de référence que nous allons déposer en bibliothèque pour que la postérité puisse s’en inspirer et suivre le même exemple ». Il lui recommande surtout de prendre en compte les critiques du jury pour améliorer le travail avant publication.

A la fin, le nouveau docteur se dit heureux d’avoir abouti à ce document après cinq années de travail et présente de nouvelles ambitions : « Je compte poursuivre la recherche et être pourquoi pas, un enseignant chercheur ».

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net



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