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L’enfant apatride, une vie d’isolement et d’exclusion

mardi 3 novembre 2015.

 

Au moins un million de personnes sont apatrides ou à risque d’apatridie en Afrique de l’Ouest. Plus de la moitié sont des enfants. Tous souffrent notamment de ne pas avoir de papiers.

Les facteurs de l’apatridie sont présents dans l’ensemble des pays de la région, avec tout d’abord les lacunes dans les lois qui ne permettent pas de conférer la nationalité à tous les enfants nés sur le territoire ou nés d’un ressortissant, même dans le cas où ces enfants ne peuvent obtenir aucune autre nationalité et deviendraient donc apatrides.
Il y a par exemple des lois discriminatoires qui ne permettent pas en toutes circonstances aux mères de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Cinq pays en Afrique de l’Ouest ont des lois de ce type. Ainsi des mères, bien qu’ayant une nationalité, donnent naissance à des enfants sans nationalité, avec pour conséquence que ceux-ci seront traités comme des étrangers sans droit dans leur propre pays. Les mères libériennes, par exemple, ne peuvent pas transférer leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger. On prend dès lors l’ampleur du risque d’apatridie avec les centaines de milliers de personnes qui ont fui les guerres au Libéria dans les années 1990 et 2000.
Il y a aussi des lois discriminatoires qui ne permettent pas à tous les enfants nés sur le territoire, sur la base de leur race ou de leur appartenance ethnique, d’obtenir une nationalité.
Deux pays dans la région ont des lois de ce type, refusant l’octroi de la nationalité aux enfants nés sur leur sol sur la base de leur appartenance raciale.
L’Afrique de l’Ouest est particulièrement marquée par les situations d’apatridie chez les enfants trouvés. La plupart des lois de la région n’accordent pas la nationalité aux enfants trouvés sur leur territoire, ou limitent l’acquisition de la nationalité seulement aux nouveaunés.
Plus les communautés sont frappées par la pauvreté et les conflits, plus le nombre
d’enfants abandonnés est important.
On constate d’ailleurs au Sénégal et dans tous les pays de la région, à des degrés divers, la présence d’enfants des rues. Parmi eux, de nombreux enfants sont en rupture familiale, abandonnés ou orphelins, et ne disposent d’aucune information sur leur lieu de leur naissance ou sur leurs parents. En l’absence de dispositions législatives concernant la nationalité de ces enfants, ils sont donc apatrides.
Un autre facteur de l’apatridie chez les enfants ouest-africains relève de la défaillance de l’état civil. Lorsque les enfants ne parviennent pas à établir leur identité, parce que leur naissance, et parfois même la naissance de leur parents, n’ont jamais été enregistrées, il leur sera difficile de prouver leur identité et de prouver qu’ils remplissent les critères de la loi de nationalité du pays dans lequel ils sont nés ou dans lequel leurs parents sont nés.
Or le taux d’enregistrement des naissances à l’état civil reste insuffisant dans presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Dans un pays comme le Libéria, seulement 5 % des enfants sont enregistrés à la naissance ; en Guinée Bissau, ce taux monte à 25%. Les Etats doivent assurer un enregistrement universel des naissances (100%) ce que de nombreux pays à travers le monde ont déjà réalisé. En Côte d’Ivoire, des communautés entières de migrants, n’ont pas été enregistrées dans leur pays d’origine et n’ont jamais enregistré leurs enfants à la naissance dans leurs pays de migration. Au Bénin, de très nombreuses personnes vivant dans les zones frontalières ne disposent pas d’extrait de naissance ni d’aucun document d’identité.
La migration des parents, volontaire ou forcée, peut enfin être un facteur entrainant l’apatridie de l’enfant. Souvent lorsque les parents sont en exil, dans des pays dont ils ne maitrisent ni la langue ni le fonctionnement, ils omettent d’enregistrer la naissance de l’enfant, ou peuvent ne pas avoir accès aux services d’état civil. De nombreux enfants, anciennement réfugiés, qui rentrent aujourd’hui du Liberia en Côte d’Ivoire sont affectés par cette situation.
Les Etats, s’ils ont souvent des mécanismes pour résoudre les enregistrements tardifs de naissances ayant eu lieu sur leur territoire, ne sont pas toujours équipés pour des situations où la naissance a eu lieu à l’étranger. Or un enfant sans preuve de son identité, généralement sous la forme d’un extrait de naissance, ne pourra pas le plus souvent démontrer qu’il remplit les critères de la loi sur la nationalité, et risque de rester toute sa vie sans nationalité déterminée.
L’apatridie entraine l’enfant dans un cycle inexorable d’isolement et d’exclusion. Dans de nombreux pays de la région, un enfant qui ne possède pas un extrait de naissance ne sera pas en mesure d’aller à l’école, tandis qu’un enfant sans certificat de nationalité (ou preuve équivalente) ne sera pas en mesure de passer des examens scolaires, ni d’obtenir des bourses. Certains pays de la région offrent gratuitement des services de soins de santé aux enfants en dessous d’un certain âge. Ceux qui ne détiennent pas d’extrait de naissance peuvent se voir refuser ce service, étant dans l’incapacité de prouver leur âge.
L’enfant apatride sera davantage exposé à la violence et aux abus. Les lois protectrices de l’enfance, notamment les lois contre le travail des enfants, lui seront difficilement applicables car il sera difficile de démontrer son âge. Privé de la possibilité de développer son potentiel, l’enfant apatride peut être poussé à rechercher de nouvelles opportunités ailleurs. Privé de documentation pour voyager, il devient alors la proie de toute sorte d’abus, notamment la traite humaine, y compris le travail forcé, un phénomène répandu en Afrique de l’Ouest.
En février 2015, les ministres en charge des questions de nationalité des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Abidjan, lors de la conférence régionale sur l’apatridie en Afrique de l’Ouest. A l’issue de cette conférence, organisée conjointement par le HCR et la CEDEAO, les Etats ont adopté une déclaration sur l’éradication de l’apatridie, dite Déclaration d’Abidjan, dans laquelle ils se sont engagés à assurer que tout enfant acquière une nationalité dès la naissance et que tous les enfants trouvés obtiennent la nationalité du pays dans lequel ils sont trouvés (Article 2). Ils se sont aussi engagés à garantir que chaque enfant soit enregistré immédiatement après sa naissance (Article 6).
Pour mettre fin à l’apatridie, engagez-vous dans la campagne #IBelong du HCR,
http://ibelong.unhcr.org.
Pour d’autres information et histoires sur l’apatridie en Afrique de l’Ouest : http://kora.unhcr.org
Contacts médias :
A Dakar
Hélène Caux, porte-parole régionale, caux@unhcr.org , tel : +221 77 333 1291
Emmanuelle Mitte, Administratrice de Protection (experte apatridie), mitte@unhcr.org ,
tel : +221 77 74 01 1496
Simplice Kpandji, officier pour le reporting, kpandji@unhcr.org , tel : + 221 77 333 9883
A Abidjan :
Nora Sturm, officier d’information, sturmn@unhcr.org, tel : +225 06 43 07 61
A Ouagadougou :
Paul Absalon, chargé des relations externes et de l’information
publique, absalon@unhcr.org, tel : +226 65 50 47 86