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Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

jeudi 22 octobre 2015.

 

Des contrôles intempestifs, des véhicules blindés, des pickups et des deals, telle est l’ambiance sur l’axe Bobo-Samorogouan depuis l’attaque meurtrière du vendredi 9 octobre 2015 contre la Gendarmerie. Pour vous, Lefaso.net a fait le trajet, en compagnie des populations. Lisez plutôt le récit de 48 heures de voyage entre Bobo et Samorgouan.

Mardi 12 octobre 2015, il est 13h à Bobo-Dioulasso. Sous un soleil de plomb, les apprentis du mini car qui parcourent quotidiennement l’axe Bobo-Samorogouan s’activent pour les derniers réglages, avant le grand départ.

Au four et au moulin, deux des apprentis du mini car étaient chargés de changer les roues avant du véhicule. Trois autres apprentis chargeaient les bagages. Dans l’exécution de leur mission, ces jeunes placeront une vingtaine de bidons de vingt litres contenant soit de l’essence soit du gas-oil dans le porte-bagage du véhicule.

Sur le même véhicule, l’on retrouvera un instant après deux motos, des bouteilles de gaz de 12 kilos, et bien d’autres colis sur le porte-charge de l’engin.
A quelques minutes du départ, ce mini car, normalement réservé pour 16 personnes sous d’autres cieux comptait à son bord une quarantaine d’êtres humains. On y retrouve des personnes du troisième âge, une dizaine d’enfants, des jeunes et deux femmes voilées.
A 14 h 02mn, le chauffeur démarre son véhicule. Cinq minutes après, nous voilà à la Place Tiéfo Amoro de Bobo. L’édifice, encore marqué par des gravures anti Conseil national pour la démocratie (CND) retient l’attention des passagers. On échange des mots sur cette période récente de l’histoire du Burkina Faso.

Péage, premier poste de contrôle

A 14h 27mn, le mini car, comme bien d’autres transporteurs, s’arrête au péage, à la sortie de Bobo-Dioulasso. visiblement colérique, le policier en charge de la vérification des identités invite les uns et les autres à présenter leur Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB).
Menaçant, il va demander à une passagère de défaire son voile. Visiblement rassuré par la suite des évènements, notre policier tentera de rassurer la bonne dame en lui soutirant quelques sourires, par le moyen de blague… Après plus d’une heure de route nous voilà à Sambla Badara, où se dresse un autre barrage.

A 15h 47, le chauffeur stationne à nouveau à la gendarmerie d’Orodara. Après quelques échanges avec un gendarme en civile et suite au contrôle, le véhicule reprend son périple, en route pour Samorogouan.
Des minutes après, le groupe entre à Djigouera et croise une patrouille de blindé. Usés par des heures de travail intense, trois gendarmes descendent de l’engin. Les mines serrées, ils invitent les passagers à présenter leur CNIB.
Comme à la sortie de Bobo, les femmes voilées sont invitées à se défaire de leurs voiles. Déjà impressionnés par le véhicule blindé, les passagers du mini car resteront stupéfaits aux passages intempestifs d’un avion de reconnaissance, en mission de soutien aux troupes.

Dans le doute et dans la crainte malgré les patrouilles, l’on arrête les railleries, les rigolades et les taquineries qui font la particularité des transports en commun, notamment dans les dinas. Après Djigouera, Tin, Pinda et Tenasso, nous voilà à Samorogouan.

Attaqué il y a de cela trois jours, le poste de gendarmerie de la localité s’est transformé en un camp militaire. Des véhicules blindés, des pickups équipés d’armes de guerre et des gendarmes lourdement armées y sont.

Un gendarme en poste, visiblement le plus gradé, invite les passagers du muni car à descendre. Par la suite, il va donner l’ordre à ses subalternes de contrôler minutieusement les occupants et le véhicule.
Avec un brin d’humour, notre gendarme regrettera l’absence de personnel féminin dans son groupe (pour fouiller les femmes) et de détecteur pour dénicher facilement d’éventuelles armes ou d’engins explosifs.

Qu’à cela ne tienne, lui et ses hommes feront ce qu’ils avaient à faire, c’est-à-dire fouiller minutieusement les passagers et le mini car. Ceci étant fait, l’engin reprend sa marche pour s’arrêter autour de 18 h 5mn.

Samorogouan, le village où le temps s’est arrêté

Longtemps épargné par les tragédies, Samorogouan croule sous le poids de l’attaque de sa Gendarmerie.

A 19 heures de ce mardi 12 octobre 2015, la plus part des portes étaient closes. Les rares jeunes qui échangeaient encore dans les rues de la localité expliquaient la peur des populations par la cruauté et la puissance de feu des assaillants du vendredi 9 octobre dernier.
Après une nuit que l’on imagine loin des meilleures, ce village s’est réveillé avec le même sujet du moment : la traque des assaillants.
Dans un des kiosques de la place, l’on échange les dernières informations. Des locataires du camp peuhl annoncent l’arrestation du principal leader religieux de leur communauté wahhabite.
L’on évoque aussi l’arrestation de Moumouni Savadogo, Lamine Kindo et Boukaré Zoungrana, des proches de feu Abdoulaye Savadogo à Tenasso.
Après de vifs échanges, des groupes de jeunes rallient le poste de Gendarmerie de Samorogouan. Avec à leur tête Drissa Traoré, le président du comité villageois de développement (CVD) et Issa Michel Traoré, ils vont désherber l’espace. Pour permettre aux pandores de travailler plus aisément.
Concomitamment, le colonel de gendarmerie Omer Tapsoba et une partie de ses hommes rentrent dans le village. A l’en croire, ils y sont allés pour une « visite de courtoisie ». Quelques minutes après le passage du colonel, le conseil des sages évoquera ses inquiétudes et l’essence des échanges avec la délégation d’Omer Tapsoba.
Non sans revenir sur la tristesse qui les anime suite à l’attaque meurtrière du 9 octobre 2015, les sages de Samorogouan disent avoir béni le colonel et ses hommes pour qu’ils arrêtent les malfaiteurs. En guise de préoccupation au cours des échanges avec Omer Tapsoba, le conseil des sages de ce village de 4.000 habitants a souhaité l’érection d’un camp militaire dans la province du Kénédougou, une région frontalière avec le Mali.

Des Fouilles incessants

Permanemment à la trousse des malfaiteurs, le mercredi 13 octobre 2015 avec l’aide des populations, les gendarmes fouilleront systématiquement toutes les personnes suspectes.
A 12 kilomètres de Samorogouan, il est 11h 45 quand des pickups encerclent une cours, non loin du domicile de feu Abdoulaye Savadogo, à Tenasso. Un monsieur d’une quarantaine d’année, certainement concerné par les investigations va être arrêté. Au cours de la perquisition de son domicile, l’on va voir trainer par terre des documents en arabe.
De retour à Samorogouan autour de 13 heures, l’on retrouve des jeunes inquiets à l’idée de regagner les champs pour les récoltes ou pour les derniers traitements. La mésaventure des éleveurs peuhls (un d’entre eux a été égorgé dans la journée du jeudi 8 octobre 2015), la découverte des armes dont des explosifs non loin de Tenasso semblent rappeler l’imminence du danger.

A défaut des travaux champêtres, les habitants de Samorogouan et des villages environnants se sont mus en des agents des renseignements burkinabè ce mercredi 13 octobre 2015. Eleveurs, chefs de villages, leaders des jeunes, anciens conseillers…, brefs toutes les forces vives de la localité ont activé leurs réseaux pour contribuer à la traque des bandits
A la chasse des bandits, Samorogouan, ou du moins sa population regagnera encore le lit autour de 19 heures. Laissant le village dans les mains des gendarmes et des éléments de la Compagnie républicaine de la sécurité (CRS).

Des gendarmes font du racket à Orodara

Après 48 heures de séjour, nous voilà dans la même dina, avec une trentaine de personne qui entendent rallier Bobo-Dioulasso ce jeudi 14 octobre 2015. A la sortie du village, les contrôles reprennent au poste de la Brigade de Gendarmerie de Samorogouan.
Comme 48 heures auparavant, les hommes du colonel Omer Tapsoba procèdent à une fouille intégrale. Chaque passager est prié de présenter sa CNIB ou tout document équivalent. Après quelques minutes de fouilles, les gendarmes isolent une jeune fille et deux jeunes hommes de 17 ans qui n’avaient pas de CNIB.

En plus de la jeune fille, ils sensibiliseront et sermonneront les deux jeunes, non détenteurs de CNIB (l’un avait un acte de naissance délivré en côte d’ivoire).
Après le feu vert de la gendarmerie, le mini car reprend son trajet. La musique mandingue, des rumeurs sur la traque des djihadistes animent les discussions. Arriver à Tenasso, l’on indexe la maison de feu Abdoulaye Savadogo.
Après Tenasso, Pinda, Djigouera, Tin…c’est la détente dans le mini car. L’on blague, l’on sourit. Comme si l’on était à l’abri des « yeux et des oreilles de Samorogouan », des passagers osent enfin évoquer des failles qui ont « facilité » l’assassinat des gendarmes au petit matin du vendredi 9 octobre 2015
Un ancien militaire évoque « l’inattention des jeunes (parlant des gendarmes victimes de l’attaque du 9 octobre) ». Pour ce doyen qui a servi dans l’armée burkinabè durant des dizaines d’années, les jeunes ont fait preuve de négligence. Pour lui, les engins récupérés aux brigands devraient être dégonflés, et des gendarmes aux aguets tout autour de leur brigade pour contrecarrer toute menace… « Au lieu de cela, ils sont restés dans la brigade, en train de dormir ou se reposer avec des sandales », renchérit-il.
Sans s’en rendre compte, nous voilà à Orodara, la cité des mangues. Comme à Samorogouan, les trois non détenteurs de CNIB sont interpellés, sensibilisés et sermonnés. Le voyage reprend son cours, pour un court instant.
A la sortie de la ville, un autre barrage de gendarmerie, signalé par une pancarte « Halte, la Gendarmerie nationale », force l’arrêt du mini car. Les deux jeunes hommes qui n’avaient pas leurs sésames sont encore interpellés et conduits dans une maisonnette, sans porte.
Quelques secondes après ils regagnent leurs places. Des échanges avec les autres passagers, l’on apprend que Drissa Sankara et Soumaila Savadogo, les deux jeunes sans papiers sont des orpailleurs en herbe.
Venus de Bakôrô pour le premier et de la Côte d’Ivoire pour le second, ils disent être en route pour Gaoua, en quête de l’or.

Comme pour témoigner de la dangerosité de l’acte des « indélicats », l’on revient sur le parcours des « djihadistes » qui ont criblé de balles la brigade de Samorogouan. S’il est encore difficile d’établir leurs parcours à tous, l’histoire retiendra qu’au moins deux d’entre eux (les assaillants) ont rallié Samorogouan via Bobo-Dioulasso.

En effet, les apprentis d’un des trois mini cars qui font quotidiennement l’axe Bobo-Samorogouan s’en mordent encore les doigts. Leur car aurait embarqué des éléments qui ont attaqué la brigade de gendarmerie de Bobo jusqu’à Tenasso, chez leur « hôte ».

Indignés, les passagers de l’axe Samorogouan-Bobo vont continuer leur chemin. Après avoir parcouru plus de 110 kilomètres, nous voilà à Koumi. « C’est le village de Soungalo Appolinaire Ouattara », lance une passagère à son interlocuteur.

Le temps des échanges sur les mésaventures de l’ex président de l’Assemblée nationale burkinabè, nous voilà au poste de péage, un autre barrage en vue. Avec son arme, un policier s’avance tranquillement vers le chauffeur. Il demande aux passagers de rester sur place et de présenter leur CNIB.
Pour non détention de la fameuse carte et d’aucuns documents d’état-civil, Soumaila Savadogo va être conduit, une fois de plus au poste. Contrairement aux gendarmes d’Orodara, les policiers sermonnent le jeune homme de 17 ans et le laisseront passer, sans prendre de l’argent.

« Ils ne savent pas que ce sont ces genres d’enfants qui ont semé la terreur à Samorogouan. Celui qu’on a enterré (l’assaillant tué à Samorogouan) n’avait pas de barbe, je me demande même s’il avait 17 ans », lance Malick Traoré, un quadragénaire.

Ousséni Bancé
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 22 octobre 2015 à 21:22, par le russe En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    courage a nos FDS, mais je pense qu’il vaut mieux concentrer l’attention ailleurs, car les terroristes ne sont pas betes pour se resignaler de si tot la ou on les cherche. Quand aux fouilles des femmes, vivement qu’elles se fassent femmes. Ou sont passees les gendarmettes, policieres et militairettes. Affectez-les aussi en brousse au nom de l’emancipation.

  • Le 22 octobre 2015 à 22:07, par Kanzim En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    L’article donne de bonnes informations. Cependant il pêche par un subjectivisme qui n’est pas acceptable, tant il donne l’impression que l’auteur M Bancé, prend une position contre le travail de la gendarmerie. En voici des preuves : l’article caractérise les centrioles d’intempestifs. Il se trouve que que, est intempestif,n ce qui arrive en temps non convenable, non planifié, embêtant...etc. Pour un journaliste et au nom de son devoir de contribution à la mobilisation contre l’insécurité, il devrait avoir des mot moins négatifs à l’endroit du travail des gendarmes grâce aux efforts de qui il a écrire son artcicle, la sécurité étant mère de toute action de développent et de travail intellectuel. Ensuite M Bancé poursuit en disant "avec son arme, un policier s’avance tranquillement vers le chauffeur". Ceci est digne d’un roman du raciste Gérard de Villiers, dont le héros est son altesse sérénissime Malko Linge (SAS). M Bancé sans le savoir j’ose l’espérer, décrit le policier dans son noble travail de sécurisation, comme un vulgaire coupeur de route ou un rebelle. Et l’accusation grave de racket, sans démonstration aucune finit par convaincre du peu d’approfondissement de l’observation et de l’investigation nécessaires dans ce genre de déclaration. Enfin, le style utilisé dans cet article me déçoit et je me demande si c’est réellement Ousséni Bancé dont je connais la qualité de la plume, qui l’a écrit. Si c’est vraiment lui, alors qu’il se ravise.

  • Le 23 octobre 2015 à 07:29, par Zongo En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    Merci M. Bance pour ce récit. Tu nous a fais voyager avec toi c’est ça qu’on appelle du journalisme. juste exprimer mes inquiétudes quand aux contrôles de façade des gendarmes et policiers sur la route. comment comprendre que dans ces périodes de danger on puisse laisser des individus voyager sans pièces d’identité de Samorogouan à Bobo ? Les temps ont changé et il faut que les brebis égarées des FDS changent aussi sinon le pays sera toujours en danger. Félicitations aux FDS qui font honnêtement leur travail et bonne mission à eux.

  • Le 23 octobre 2015 à 09:29, par Filsdupaysan En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    « Dans l’exécution de leur mission, ces jeunes placeront une vingtaine de bidons de vingt litres contenant soit de l’essence soit du gas-oil dans le porte-bagage du véhicule.
    Sur le même véhicule, l’on retrouvera un instant après deux motos, des bouteilles de gaz de 12 kilos, et bien d’autres colis sur le porte-charge de l’engin.
    A quelques minutes du départ, ce mini car, normalement réservé pour 16 personnes sous d’autres cieux comptait à son bord une quarantaine d’êtres humains. On y retrouve des personnes du troisième âge, une dizaine d’enfants, des jeunes et deux femmes voilées »
    Récit rigolo, drôle de contrôle.
    Comment peut on faire un contrôle et ne pas arrêter ce cercueil ambulant ? On dira après que c’est l’imprudence du chauffeur.
    Toi journaliste, tu ne vas pas me dire que tu étais aussi dans ce cercueil ambulant !

  • Le 23 octobre 2015 à 09:52, par Tchièba En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    Article très intéressant. Merci au journaliste pour son compte-rendu ! Courage au journaliste et au Lefaso.net.

  • Le 23 octobre 2015 à 10:47, par OZ En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    Article amusant, mais qui entérine la thèse djihadiste, tout comme l’autre article qu’on trouve sur le site, et sur le même thème. Or, il circule dans le Kénédougou une histoire fort intéressante que les journalistes feraient bien d’aller vérifier : Près de Samrogouan se trouve une forêt classée dans laquelle des cultures illégales (entre autres de coton) se sont étendues, jusqu’à ce que l’Etat décide d’intervenir, et de détruire les dites cultures. D’où le mécontentement des cultivateurs et l’idée d’une vengeance.
    Remballez les djihadistes et creusez de ce côté. Enquêtez auprès des Eaux et forêts...

  • Le 23 octobre 2015 à 18:46, par Fils du Faso En réponse à : Axe Bobo-Samorogouan : la sécurité est renforcée

    Du courage à nos gendarmes, policiers et de tous les autres corps. Nous sommes avec vous. A nous autres civiles acceptons ces contrôles, c’est pour notre bien.