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Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

vendredi 11 septembre 2015.

 

Quelle que soit la réponse que le conseil constitutionnel donnera aux recours en éligibilité déposé contre les candidats à la présidentielle du 11 octobre 2015, cela constitue un signe avant-coureur des nouvelles alliances politiques en construction.

En effet, entre Bénéwendé Sankara qui déclare n’avoir aucune raison juridique et politique d’attaquer la candidature de Roch Marc Christian Kaboré et Ablassé Ouedraogo qui accuse ce dernier d’être le maître d’ouvrage dans la volonté du régime déchu de modifier l’article 37 de la constitution, on devine aisément qui peut facilement s’allier à qui en cas de besoin. Idem entre Zéphirin Diabré et Bénéwendé Sankara quand on sait que le parti du premier nommé avait déposé des recours devant le tribunal administratif contre des candidats à la députation, partisans du deuxième. A la vérité, « la loi Chérif » n’a pas seulement exclu des candidats de l’ex-majorité, il a achevé de désunir les partis précédemment dans l’opposition et affiliés à l’institution chef de file de l’opposition.
Cette désunion était prévisible et s’explique par des raisons objectives et subjectives. Les raisons objectives sont liées d’une part à l’histoire politique du Burkina Faso, aux circonstances de naissance de chaque parti et d’autre part aux enjeux des élections qui s’approchent à grand pas.
Les raisons subjectives étant liées à des querelles d’ego dont les motivations ne sont pas évidentes à décrypter, nous nous intéresserons surtout à celles objectives liées à l’histoire et aux enjeux de la dévolution du pouvoir post transition.

Ainsi à la lumière de l’histoire politique du Burkina, il apparait que la scène politique est une mosaïque de partis dont les principaux animateurs ne sont pas des poussins d’hivernage en matière d’engagement militant. Le MPP, le parti de Roch Kaboré, c’est connu, est née d’une scission du CDP, le parti de Blaise Compaoré. Cette scission s’explique en grande partie, par la mise à l’écart des instances du CDP de ceux qui sont aujourd’hui les principaux maîtres à penser du MPP. Après avoir attendu vainement d’être désigné dauphin de Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré, s’est senti à l’étroit dans l’ancien parti majoritaire où le frère cadet du président était devenu omnipotent. En mars 2012, désormais convaincu que la mise à l’écart de Salif Diallo, trois ans plus tôt, n’était pas une balise pour qu’il émerge définitivement comme successeur de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat, il a peu résisté à la prise totale du contrôle de l’appareil du CDP par François Compaoré. Au demeurant, les assises de ce Vème congrès ordinaire du CDP de 2012 avaient pris une résolution sur la modification de l’article 37 de la constitution indiquant clairement que le parti souhaitait que Blaise Compaoré se succède à lui-même. Que cette résolution ait fait l’objet d’un large débat ou pas, à l’évidence, le CDP n’était plus un terreau favorable aux ambitions présidentielles de Roch Marc Christian Kaboré. Simon Compaoré qui a longtemps été secrétaire général du CDP, n’était plus, lui-aussi à l’aise dans le parti où les transfuges de la FEDAP/BC avaient pignon sur rue avec les bénédictions de François Compaoré. La « patrimoinisation » de l’Etat dont avait parlé Salif Diallo quelques années plus tôt, avait poussé des métastases dans le parti majoritaire. Roch, Salif et Simon après le Vème congrès du CDP, comprirent qu’ils n’avaient plus d’avenir politique avec Blaise Compaoré. D’un, parce que ce dernier ne leur faisait plus confiance et de deux, parce que le régime commençait à montrer des signes d’essoufflement. Les mutineries de 2011 étaient présentes dans les mémoires et la coalition contre la vie chère continuait ses coups de boutoir « décrédibilisateur » du régime.
Pourquoi Blaise Compaoré ne faisait plus confiance à ces trois mousquetaires qui ont si vaillamment défendu son pouvoir par le passé ? Parce que, selon bien d’observateurs, leur position stratégique dans l’appareil d’Etat et du parti leur servait à développer un clientélisme politique à leur compte personnel. Ce clientélisme comportait des relations avec des leaders de l’opposition notamment Bénéwendé Sankara, Arba Diallo, Emile Paré… tandis qu’au CDP, il servait à pistonner des obligés qui ont crée aujourd’hui des partis satellites au MPP : Sara Séré /Sérémé avec le PDC ou Vincent Dabilgou avec le NTD.
On pourrait remonter aux associations et mouvements étudiants des années 1970 et 1980, à la période révolutionnaire et aux partis dits communistes et clandestins qui soutenaient le Conseil National de la Révolution pour expliquer les alliances « naturelles » que l’on voit se dessiner aujourd’hui entre l’UNIR/PS, le FSS, le FASO YIRWA, le PDS/Metba et le MPP. C’est grosso modo la Gauche, ceux qui estiment, plus ou moins tardivement, que Blaise Compaoré a trahi Sankara, la révolution et l’idéal social démocrate qui se regroupent.
A l’opposé de ce premier groupe, des ex partis de l’opposition, il y a l’UPC qui depuis sa naissance en 2010 ne cache pas ses options libérales. Idem pour Ablassé Ouedraogo et son « Faso Autrement ». Ces deux personnalités aux ambitions politiques fortes, bien qu’ayant travaillé avec Blaise Compaoré, n’avaient aucune chance d’être accueillies les bras ouverts au CDP. Elles n’ont même pas essayé d’y militer, préférant se forger leurs propres appareils de parti pour espérer prospérer politiquement.
Ces deux partis pourraient être la locomotive d’un autre pôle de regroupement attirant à eux, pour des raisons subjectives de leurs ténors, d’autres partis qui ne veulent pas être là où sont Roch, Salif, Simon et Bénéwendé parce qu’ils estiment qu’ils ont, soit trop collaboré avec Blaise Compaoré soit mal géré le label de parti sankariste dont le dernier nommé se gargarise. Suivez notre regard vers le parti La Convergence pour l’Espoir de Jean Hubert Bazié, le PRIT /Lanaya de Kabré Mahamadou, l’URD/MS de Jean Baptiste Natama ou le MAP de Victorien Tougouma.

Deux camps d’alliance antagonique se dessinent donc dans l’ancienne opposition. En face il y a l’ancienne majorité composée de ce qui reste du CDP, de l’ADF/RDA, de l’UNDD, « l’autre Burkina » et de l’UPR, rejoint par la NAFA et l’UBN. A défaut de candidat à la présidentielle du fait des restrictions d’exclusion par la « loi Chérif », il y a fort à parier que les élus de ses partis coordonneront leurs points de vue et leurs votes au parlement. A défaut d’y détenir la majorité absolue, ils auront assurément une minorité de blocage et quelque soit le président élu, il devra compter avec eux pour gouverner où a contrario, travailler à les désunir pour renforcer sa majorité au parlement.
Mais la politique n’est pas une science exacte et selon les résultats qui sortiront des urnes, des retournements de veste de l’un ou l’autre parti avec pour conséquence une recomposition des alliances, n’est pas à exclure.

Derbié Terence Somé
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 11 septembre 2015 à 23:48, par eliane En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Les alliances sont vraiment nécessaires afin de combattre et d’anéantir la forfaiture qui se trame a travers la transmission du pouvoir au Mpp par la transition.

  • Le 12 septembre 2015 à 00:14, par Encore, encore En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Chapeau bas M.Some. vous etes un fin connaisseur du microcosme politique burkinabe. Les partis dont les presidents ont ete exclus vont certainement voter un candidat a defaut. A defaut de la mere, on tete la grande mere.C’est le moins qu’on puisse dire. Que tout se passe dans la paix seulement.

  • Le 12 septembre 2015 à 00:45, par Moi le burkindi En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Monsieur Somé arrété vos délations et diffamation, affirmé que le jeu des alliances tel que confoguré selon vous est définitif est FAUX et ARCHI FAUX, tout d’abors, je pense qu’en politique, il n’y’a rien de préétablit surtout au Burkina Faso, Le Faso Autrement, Tout comme l’ADF/RDA et la NAFA, peuvent finir par soutenir le MPP, par ailleurs le PDC, tout comme l’UNIR/PS peuvent soutenir l’UPC, et vis versa. Dans notre pays tout dépendant des jeux d’intérêts. par ailleurs c’est assez grossier d’affirmer que le PDC, est un parti satellite du MPP. EN effet pourquoi la candidate du PDC, c’est présenté à l’élection présidentielle alors les autres ont vite fait de soutenir ROCK et même le PDP de qui Zerbo. Par ailleurs, que c’est tuer les aspiration au changement du peuple burkinabé que de pratiquement affirmer que ceux qui seront les gagnat sont l’UPC et le MPP. selon moi, le vrai changement au burkina ne sera effective que si c’est un parti différent de l’UPC et du MPP qui arrive à prendre le pouvoir.
    Rendez-vous le 11 et 12 octobre.

  • Le 12 septembre 2015 à 07:12 En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    trop de faux. jean baptiste natama n’a pas de parti politique.il est un candidat indépendant. il est peut-être soutenu par des partis ou regroupement de partis politiques tels que UPR/MP et non ce que vous aviez écrit

  • Le 12 septembre 2015 à 08:30, par Encore, encore En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Maitre sankara avec les bourreaux de sankara. Ah la politique......

  • Le 12 septembre 2015 à 09:14, par Encore, encore En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Je retiens que c’est la perte du pouvoir qui a fait partir roch, simon et salif du cdp et non la question de la modification de l’article 37. Voila qui est clair pour ces opportunistes assoiffes de pouvoir. Je retiens aussi que zeph n’a jamais ete cdp. Il s’est forge son image et son parti. Maintenant si par la loi cherif, des alliances nouvelles se redessinent, ce n’est la faute a personne. C’est le contexte politique qui le veut et le president qui saura rassembler dans la paix sera le bienvenu. Maitre sankara avec les bourreaux de sankara, il faut etre en politique. Interet personnel ou rien.

  • Le 12 septembre 2015 à 09:17, par Encore, encore En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Je retiens que c’est la perte du pouvoir qui a fait partir roch, simon et salif du cdp et non la question de la modification de l’article 37. Voila qui est clair pour ces opportunistes assoiffes de pouvoir. Je retiens aussi que zeph n’a jamais ete cdp. Il s’est forge son image et son parti. Maintenant si par la loi cherif, des alliances nouvelles se redessinent, ce n’est la faute a personne. C’est le contexte politique qui le veut et le president qui saura rassembler dans la paix sera le bienvenu. Maitre sankara avec les bourreaux de sankara, il faut etre en politique. Interet personnel ou rien.

  • Le 12 septembre 2015 à 09:55, par Joseph En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Tout juste pour dire à Mr Somé qu’Abassé OUEDRAOGO et Zéphirin DIABRE ont bel et bien appartenu au CDP avant de prendre leur clique et claque. Il faut le rectifier auprès des lecteurs que Ablassé et Zéphirin ont milité et ont été des dirigeants du parti présidentiel CDP, seul parmi les opposants Me Sankara n’a jamais et au grand jamais souper avec Blaise COMPAORE

  • Le 12 septembre 2015 à 11:32, par MERDE En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    MOI JE PENSE QUE GILBERT NOEL N’IRA PAS Là OU EST L’UNDD(famille yamweogo et gilbert ces la haine)

  • Le 12 septembre 2015 à 17:09, par Vigilance En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Merci pour cette analyse objective. Mais il est intéressant de noter que le MPP, avec les intrigues qui caractérisent la gauche, ont déjà contacté des partis de l’ex majorité et font croire que l’UPC qui a une alliance avec le CDP. Le parti contacté exige de rendre officielle l’alliance ce que refuse le MPP. C’est de bonne guerre car tout analyste de la scène politique sait que les voies de l’ex majorité compteront pour la victoire finale. C’est à cette ex majorité de savoir en tirer profit car ils connaissent mieux leur compagnon d’hier et une fois la victoire acquise ils ne tiendront pas parole même en cas d’alliance formelle.
    Quant à maître Sankara on sait qu’il travaille pour le compte du pouvoir depuis donc pas étonnant qu’il soutienne le MPP.

  • Le 12 septembre 2015 à 19:03, par L’alternateur En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Bonjour chers internautes
    La loi shetif est la loi la plus esclavagiste votée par une assemblée d ’ insurgés haineux . Elle comporte en elle les germes d’une fracture sociale et pires de revendications civiques dénonçant vigoureusement les injustices criardes de la transition bâtarde selon l’expression de SOUMANE ,dont l’objectif est d’anéantir tout ce qui touche au régime déchu par ses mesures d’exclusions au vu et au su de tous les citoyens à leur encontre.
    Pouvons nous aller sereinement à des élections apaisées, transparentes, inclusives, participatives, dans un tel contexte où le bilan de la transition est d ’ oeuvrer à la transmission programmée du pouvoir à un clan.
    Nous sommes en plein état d’exception.

  • Le 12 septembre 2015 à 19:46 En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Ce qui me réjouit d’être Burkinabè, c’est la grandeur d’esprit des uns et des autres. L’insurrection populaire a conscientise les pros et les antis de la gouvernance de BLAISE COMPAORE. Si certains leaders politiques recalés avaient commencé à demander une désobéissance civile à leurs militants(es), ils se sont vite ressaisis en ayant pour amour la patrie, l’intérêt du peuple parce que si le BURKINA FASO s’enflamme, on est tous foutus surtout qu’on n’a pas de cacao, arbres fruitiers pour survivre. Réjouissons-nous donc que les quelques rares esprits d’ethnicités, régionalistes n’ont pas pu nous contaminer. Même notre RSP a su cette fois-ci resté sage c’est-à-dire républicain. N’est-ce pas ce qui nous distingue des autres pays ? Prions pour la Côte D’Ivoire qui actuellement bascule vers le chaos. La communauté africaine, particulièrement la Côte D’Ivoire ne doit-elle pas se faire former à l’école Burkinabè ? L’AMBASSADEUR AMERICAIN N’A-T-IL PAS RAISON D’AFFIRMER QUE NOUS CONSTITUONS UN EXEMPLE ?

  • Le 12 septembre 2015 à 23:25, par ouedraoog biiga En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    article intéressant, cependant, pas un mot du PAREN qui compte sur la scène politique nationale. De même, aucun mot sur l’alliance UPC-CDP qui n’est qu’un secret de polichinelle.

  • Le 13 septembre 2015 à 13:51, par Encore, encore En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Si les militants cdp decident de voter tel ou tel parti, le cdp lui meme ne pourra les empecher. C’est leur droit et aucun parti ne peut rejeter des votes d’autres burkinabes. Le mpp lui meme continue de recruter dans le cdp. On connait les politiciens.

  • Le 13 septembre 2015 à 17:35, par ouedraogo En réponse à : Partis politiques au Burkina : Quand la « la loi chérif » redessine les alliances

    Bel article, j’aime.