Mise en accusation des dignitaires de la quatrième République : Que vaudront les arguments de l’ex-majorité devant le Conseil constitutionnel ?Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir) a saisi le Conseil constitutionnel lui demandant de déclarer inconstitutionnelles les Résolutions de mise en accusation de l’ex-président Blaise Compaoré et d’anciens ministres. Pour mieux appréhender les motivations de cette saisine, nous avons approché Me Mathieu Somé, militant du CDP. Celui-ci a relevé des ‘’défaillances’’ de forme et de fond qui ont entaché ces Résolutions, et qui fondent subséquemment la saisine du Conseil constitutionnel. Mais l’invocation de ces raisons a déjà suscité des analyses globalement contradictoires. Et l’on se demande ce qu’elles vaudront face à la conviction du juge constitutionnel. Conformément au droit que leur reconnaît l’article 157 de la Constitution, les députés Adama Séré, Awa Ouré/Zabré, Konseibo Andréa, Laurentine Kabré, Saïdou Kaboré, Raoul N. Sawadogo, François Denis Ouédraogo, Boubacar Bouda, Amadou Diabaté et Amadou Dabo, ont signé une requête par laquelle ils ont saisi le Conseil constitutionnel. Ils l’ont fait le vendredi 24 juillet dernier. Ils veulent que la haute juridiction qu’est le Conseil constitutionnel et dont les décisions s’imposent à tous, déclare non conformes à la Constitution, des Résolutions mettant en accusation des dignitaires de l’ancien régime dont l’ex président Blaise Compaoré. Des Résolutions adoptées le 16 juillet dernier par le Conseil national de la Transition (CNT) et qui précisent des actes répréhensibles qu’auraient commis des anciens ministres et l’ex-président. A la charge de ce dernier, sont mises notamment les infractions de haute trahison et d’attentat à la Constitution. Blaise Compaoré ne peut être mis en accusation qu’après la levée de l’immunité Sur la forme, relève Me Mathieu Somé, le CNT a manqué de mettre en place, conformément à son Règlement, une commission de trente membres (députés) pour apprécier les projets de Résolutions avant leur adoption en séance plénière. Cet argument, le député Anselme Somda, président de la Commission des affaires sociales et du développement durable, le rejette en précisant que ladite commission a bien été mise en place et a travaillé comme il se doit, sous la présidence du député Jean-Hubert Bazié. Majorité requise non-réunie, méthode de vote inappropriée Le troisième manquement du CNT selon l’ex-parti au pouvoir, en tout cas aux dires de Me Somé, tient à la non-satisfaction de la condition de majorité qualifiée (4/5) pour pouvoir mettre en accusation l’ancien président. Une majorité qualifiée en vertu de laquelle au moins 72 députés devraient voter pour la mise en accusation de Blaise Compaoré. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la séance plénière au cours de laquelle les Résolutions de mise en accusation ont été adoptées, n’a réuni que 64 députés. Mais à en croire le juriste Abdoul Karim Sango, enseignant à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM), « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel ici d’apprécier si cette majorité a été réunie », mais plutôt à la Haute Cour de justice, si cet argument venait à être brandi devant elle à l’occasion du jugement. M. Sango l’a dit dans une interview diffusée le 30 juillet dernier par la radio France internationale (RFI). Ni haute trahison, ni attentat à la Constitution Au-delà de ces arguments de forme, la haute trahison dont le CNT accuse Blaise Compaoré, n’est pas, de l’avis de Me Somé, constituée. Pour lui en effet, une telle infraction ne peut être retenue contre un président qu’en cas de guerre entre notre pays et une puissance étrangère, au cours de laquelle guerre le chef de l’Etat aura été de connivence avec la puissance ennemie pour déstabiliser notre pays. Or, il n’en a jamais été le cas durant les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré. Le Conseil constitutionnel ne peut donc, estime-t-on au CDP, retenir cette infraction contre l’ex-président. « S’ils sont complices, il faut que l’auteur principal soit connu » Quant aux anciens ministres mis aussi en accusation, Me Somé s’insurge contre les actes de « coups et blessures volontaires, assassinats et complicité de coup et blessures et d’assassinats » que le CNT leur reproche. Là également, le Conseil constitutionnel devra, de l’avis de Me Somé, trouver des éléments pour motiver sa décision d’inconstitutionnalité des Résolutions de mise en accusation. Fulbert Paré Liens utiles : http://www.lefaso.net/spip.php?article65888 Vos réactions (29) |