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Imam Halidou Ilboudo : « Nos actions d’après-Ramadan doivent nous renseigner sur la qualité de notre jeûne »

samedi 11 juillet 2015.

 

Les musulmans du Burkina observent le jeûne depuis le 18 juin dernier. Ce mois béni tire inexorablement vers sa fin. Au cours de cette dernière décade, les mosquées sont remplies, surtout tard dans la nuit (0h-4h), à la recherche de la nuit du destin ou nuit de la valeur. Pour nous éclairer sur ces nuits d’adoration intense, mais aussi les bonnes pratiques au cours de ce mois de Ramadan ainsi que le jour de la fête de l’aïd el fitr, Halidou Ilboudo, imam de l’AEEMB et du CERFI nous a accordé un entretien. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Les musulmans du monde entier observent le jeûne depuis une vingtaine de jours, rappelez-nous le sens du Ramadan ?

HalidouIlboudo :Le Ramadan est le mois au cours duquel le Saint Coran a été révélé pour servir de guide aux Hommes et c’est en considération de cela que le jeûne y a été prescrit par Allah pour amener les croyants à la piété. Le verset 183 de la Sourate 2 nous dit que Allah a prescrit le jeûne aux croyants musulmans comme il l’a prescrit aux croyants des autres confessions qui ont devancé l’islam afin qu’ils atteignent la piété. Donc, le jeûne, c’est une école de vertu morale qui vise à amener l’Homme à se dominer, à maîtriser ses instincts, à exceller dans le bon caractère pour mieux vivre avec les Hommes et on commence par mieux maîtriser ce qu’on boit, ce qu’on mange, ce qu’on regarde, ce qu’on dit, ce qu’on écoute. Ainsi, on arrive à avoir une personnalité bien faite comme l’islam le veut. Donc, voilà un peu le sens du jeûne.

Nous sommes dans la dernière décade de ce mois béni et les mosquées se remplissent toutes ces nuits, qu’est-ce qui est recherché ?

Le mois de Ramadan dans la tradition est divisé en trois parties. La première partie est dite miséricorde, la deuxième partie est pardon et la troisième partie est affranchissement de l’enfer. Donc, nous sommes dans une partie où les croyants ont bénéficié de la miséricorde et du pardon d’Allah et aspirent maintenant à la félicitée. C’est donc le moment le plus essentiel du mois de Ramadan. Cette dernière décade du mois de Ramadan est aussi essentielle que la révélation du Coran dont il est question a été faite dans cette dernière partie. Et, beaucoup de textes nous disent aux environs de la 27e nuit. C’est pour cela que cette nuit a beaucoup de valeur. Mais, la réalité est que le prophète de l’islam n’a pas précisé exactement de quelle nuit il s’agissait. Il y a des textes où il dit que ce sont les nuits impaires et vous savez comment on détermine la première nuit du Ramadan, parfois, c’est au jugé.
Donc, il y a plus de chance que nous puissions la trouver si nous incluons toutes les nuits, même les paires. Toute la dernière décade est un moment essentiel pour chercher la nuit du destin. C’était l’habitude du Saint Prophète, non pas parce qu’il ne la connaissait pas, mais c’est parce qu’il sait que dans cette période, l’adoration est beaucoup récompensée chez Allah. Pour suivre l’habitude du prophète qui, selon Aïcha, durant les dix dernières nuits, pliait sa natte, serrait sa ceinture et réveillait les membres de sa famille pour qu’ils puissent être en adoration. Donc, suivant cette habitude, il est bon que les croyants, au lieu de se contenter d’une probable seule nuit, puissent concentrer leurs efforts sur les dix dernières nuits. Et, le prophète (SAW) dit que c’est une seule nuit qui a le mérite mais les autres nuits, on aura cela aussi comme récompense en sus de ce qu’Allah va donner aux croyants.
La nuit du destin ou encore la nuit de la valeur ou du Coran, c’est le chapitre 97 qui en parle. Il est dit qu’elle est meilleure que mille mois d’adoration. Donc, c’est une nuit à ne pas rater. L’histoire dit que dans l’ancien temps, il y a des peuples qui vivaient très longtemps et qui adoraient Dieu longuement durant leur vie. Mais, dans nos siècles actuellement, la vie de l’Homme ne dépasse pas 100 à 120 ans et c’est pourquoi, il a été fait un honneur à la communauté de Mohammad (SAW) d’avoir une nuit où on peut, sans avoir vécu longtemps, avoir les mêmes mérites d’une adoration longuement suivie. Donc, c’est de cette façon que le croyant va mettre beaucoup d’entrain pour rechercher cette nuit que le Coran dit que c’est une nuit béni.

Au cours de cette nuit, certains disent qu’il faut faire la prière seule, d’autres préfèrent la faire en groupe… finalement qu’est-ce qui est recommandé ?

Les textes nous disent que c’est l’adoration qui est recommandée et l’adoration peut prendre plusieurs formes. On peut lire le Coran parce que le prophète (SAW) lisait abondamment le Coran, que ce soit au cours de la prière ou une lecture simple. On peut ne pas faire la prière mais lire le Coran chez soi la nuit, c’est accepté. On peut aussi faire la prière à la mosquée, avec le groupe, ça donne plus d’entrain, plus d’engouement et ce que peut-être, on ne va pas ressentir comme fatigue et lassitude quand on est seul chez soi, on pourra peut-être dominer ces éléments. Le prophète (SAW) éveillait sa famille pour qu’ils puissent adorer, donc, il n’y a aucun mal à ce qu’on puisse le faire à la mosquée. C’est une question de choix, on ne peut pas dire que c’est ceci ou cela qui est meilleur. Chacun, selon son choix, va voir ce qu’il peut faire pour mériter cette nuit-là. On peut ajouter aussi les invocations, le fait de supplier à Allah, de lui demander, de le louer, de faire du zhikr. Ce sont des actes recommandés durant le mois de Ramadan.
Il y a aussi le fait de faire des aumônes. C’est pourquoi, vous voyez les gens faire des galettes au cours de la 27e nuit. Les textes disent que le prophète (SAW) était généreux en tout temps, mais il l’était encore plus durant les dix dernières nuits quand il rencontrait l’ange Gabriel. Et, Aïcha dit que le prophète était plus généreux que l’air qui souffle. C’est pour dire qu’il n’y a pas d’acte spécifique. Mais, peut-être que l’acte le plus commun, le plus facile que les gens puissent faire, c’est la prière et c’est pourquoi il y a plus d’engouement dans cette prière.

A la 27e nuit, on a souvent l’impression que c’est la fête, avec des galettes et autres repas copieux…

C’est une nuit de prière. C’est une nuit au cours de laquelle, on doit beaucoup invoquer Allah, on doit lire le Coran. Ce n’est pas une fête, ce n’est pas des réjouissances et on devrait pouvoir recentrer les actes autour de cette nuit-là sur des activités spirituelles, des activités d’adoration, d’imploration d’Allah.

Cette nuit est-elle différente des neuf autres dernières nuits ?

Elle n’est pas différente. C’est la même nuit qu’on recherche. Mais, il y a beaucoup de textes qui ont parlé de la 27e. Il y a eu des années avec le Saint prophète où ça a été la 27e avec des signes évidents. C’est pourquoi cela est resté dans la mémoire collective des musulmans.

Chaque année, le CERFI et l’AEEMB célèbre cette nuit sur le site du SIAO, qu’est-ce qui est au programme cette année ?

Chaque année, nous faisons des prières dans les mosquées, mais nous choisissons la 27e nuit pour y ajouter à ce que nous faisons à la mosquée, une grande conférence. Cette année, on va parler de l’islam et du développement, quelles sont les contributions que les musulmans doivent pouvoir apporter pour le développement de leurs pays.

Nous sommes pratiquement dans les dernières journées du Ramadan, les organismes sont assez éprouvés, quels conseils pratiques pouvez-vous donner aux fidèles musulmans afin de terminer sereinement ce mois béni ?

Ce sont les derniers jours, mais c’est aussi les jours où il y a plein d’activités comme la prière qu’on fait actuellement dans la nuit. Donc, je demande aux gensde pouvoir aménager leur temps de repos, surtout quand on est dans une fonction et qu’on est sous ordre qu’on doit exécuter. On doit effectivement pouvoir faire son travail de tous les jours. Le Ramadan n’est pas un mois de repos, c’est un mois où le musulman doit mener ses activités habituelles mais aussi adorer intensément Allah. On peut ressentir de la lassitude, mais si on aménage bien son programme, on essaie de voir tous les facteurs qui peuvent disperser notre temps comme le fait de rester longuement éveiller après la prière de Ichah (2e prière de la nuit) alors qu’on doit revenir à minuit. Donc, c’est bon de pouvoir trouver un temps pour se reposer ; et aussi au cours de la journée bénéficier d’une petite sieste. Et même à la mosquée ou à la maison, qu’on puisse donner au corps son droit parce que le corps a un droit sur nous. Il est même dit que le sommeil du jeûneur, c’est une adoration parce que son corps est fatigué et il reçoit le besoin de se reposer.En ce moment, ça fait partie toujours de l’adoration. Donc, ce n’est pas la peine, à mon avis de s’esquinter jusqu’à un certain stade alors que Allah ne nous demande pas cela.
Je voudrais ajouter aussi, parmi les activités qu’on fait durant ces dernières nuits, la retraite spirituelle. C’est le fait que dès la 20e nuit, on reste à la mosquée et on laisse toute activité et on se consacre à l’adoration jusqu’à la parution de la lune. C’est une façon de rechercher l’aid el kadr. Mais, même dans ça, on ne va pas demander à tous les musulmans de quitter leurs services, sauf ceux qui sont en congés par exemple. Donc, c’est vraiment à nous de nous aménager, que ce soit dans le temps, dans l’espace, individuellement ou de façon collective, pour pouvoir vivre la ferveur de Ramadan, mais aussi participer au développement de notre pays, aux travaux de tous les jours parce que l’objectif c’est aussi ça. Pourquoi on veut être pieux, pourquoi on veut se rapprocher de Allah, pourquoi on veut s’améliorer pour être au service de l’humanité ? On ne doit pas jeûner pour jeûner ou bien prier pour prier, c’est pour être meilleur et apporter quelque chose de plus à ce que nous faisons tous les jours.

Après tout ça, c’est la fête de Ramadan et ce jour est souvent celui de tous les excès y compris des interdits, quels conseils pouvez-vous donner à ce sujet ?

Pour la fête du Ramadan, le premier d’abord c’est l’esprit du partage. Quand nous jeûnons, malgré les efforts, il y a des petits péchés que nous allons faire. La langue peut fourcher, le regard peut trainer sur l’interdit… Pour pardonner ces choses, Allah nous a prescrit la Zakat el fitr, l’aumône de la rupture qui est une aumône dont l’objectif est double. C’est d’abord donner de quoi manger aux indigents ce jour jour-là et aussi purifier nos impuretés. Donc, il faut que nous voyions dans la fête, l’esprit de partage et prendre en compte tout le monde pour que personne ne se sente lésé ou délaissé alors que c’est le jour de fête. Alors, on ne devrait plus parler d’excès parce qu’on devrait pouvoir partager ce qu’il y a en excès. Malheureusement, même durant les 30 jours, les gens préparent à l’excès et on a des poubelles qui sont remplies alors que nous sommes dans un pays aux maigres ressources. Ce n’est pas normal. Le Coran dit que les gaspilleurs sont les frères de Satan. C’est vraiment le moment d’interpeller tout le monde que même si c’est un jour de fête, on peut prendre des dispositions pour qu’il n’y ait pas d’excès dans la nourriture.
On peut aussi parler d’excès quand on regarde aussi les comportements, que ce soit au niveau de la circulation, que ce soit au niveau des réjouissances, parfois les comportements que le Ramadan est venu pour combattre dès la vue du Croissant lunaire. Ce n’est pas un signe que nous avons bien jeûné. Si tu veux savoir que ton jeûne est accepté, regarde tes actions d’après Ramadan. Donc, nos actions d’après-ramadan doivent nous renseigner sur la qualité de notre jeûne. Donc, c’est le moment d’appeler chacun à la retenue, que ce soit dans la consommation de la nourriture, que ce soit dans les réjouissances ou que ce soit dans la circulation, on doit savoir que c’est un moment de louanges, on loue Allah pour avoir bénéficié du mois, pour avoir bénéficié de l’enseignement du Ramadan qui nous a rendu meilleur et on doit traduire cela sur le terrain par un bon comportement.

Entretien réalisé par Moussa Diallo
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