Retour au format normal
lefaso.net

Nouveau code électoral : Le diagnostic de l’ANC et de JND

mercredi 24 juin 2015.

 

Adopté le 7 avril dernier, le code électoral n’a pas encore, sur bien d’aspects, convaincu l’ensemble des Burkinabè. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre l’Alliance des Nouvelles Consciences (ANC) et Jeunesse Nouvelle Dynamique (JND) qui ont fait, à travers une conférence de presse conjointe tenue dans la soirée de mardi 23 juin 2015 à Ouagadougou, un diagnostic de la loi électorale.

Cette sortie médiatique s’inscrit dans la suite d’un point de vue juridique publié par la JND le 11 juin dernier sur certaines dispositions du code électoral et qui a, selon ses auteurs, suscité de nombreux questionnements auprès des citoyens tant sur le plan technique que sur les motivations de sa publication. Un point de vue que l’ANC a par ailleurs approuvé. D’où cette initiative conjointe pour mieux informer l’opinion publique sur leur analyse critique de la loi électorale.
Voulues par leurs géniteurs comme des organisations de jeunesse œuvrant à l’ancrage démocratique, la JND et l’ANC « se sont donc senties interpellées » sur la nécessité d’apporter leur concours à la compréhension de la loi dans ses dispositions « particulièrement sensibles ». Dans leur déclaration liminaire, les responsables de ces structures disent être convaincus que la grande majorité des Burkinabè qui dénoncent cette loi ou la soutiennent ignorent tout son contenu réel et ses implications.
« Malheureusement, la polarisation du débat politique sur le code électoral est telle que toute analyse, fut-elle technique, est interprétée comme étant un service rendu à un camp ; ce qui est triste car certains intellectuels, fuyant cette stigmatisation, préfèrent la résignation, exposant la République aux erreurs inhérentes à tout acte de colère comme celle qui a accompagné l’insurrection d’octobre 2014 », ont-ils déploré dans leur diagnostic de la situation.
Selon Bernard Tago, et se référant à sa publication du 11 juin dernier, les imprécisions du code vont engendrer des faiblesses dans son application aux événements d’octobre 2014. « Pourtant, il se trouve curieusement parfait pour s’appliquer au cas de janvier 1997 », a-t-il pointé. A l’en croire, le nouveau code, en disposant entre autres que « …sont inéligibles …toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandat présidentiel ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement », s’applique à ceux qui ont soutenu la modification constitutionnelle de janvier 1997 qui instaurait le mandat renouvelable de façon illimitée. Il s’appuie sur deux raisons. Il s’agit de l’emploi, dans la disposition, du mot « notamment » qui implique que le changement anticonstitutionnel qui porte atteinte à l’alternance démocratique pouvant entraîner l’inéligibilité n’a pas besoin nécessairement d’être accompagné d’insurrection ou de soulèvement quelconque. La deuxième raison est qu’il n’y a pas de rétroactivité car celle-ci s’apprécie en fonction de la situation juridique qu’elle régit. « La situation juridique régie par la loi portant code électoral, c’est précisément les élections. On pourrait dire que cette loi est rétroactive, si elle s’appliquait aux élections déjà passées ; ce qui n’est pas le cas. Cette loi ne régit que les élections à venir, elle dispose alors pour l’avenir. Cependant, l’existence de causes d’inéligibilité s’apprécie au moment des élections. A ce moment précis, il s’agira de vérifier pour chaque candidat s’il existe ou non de faits constitutifs de causes d’inéligibilité sans considérations du moment où ces faits se sont produits (1995, 2008, 2013 ou à toute autre date) ; c’est pourquoi, bien qu’adoptée en 2015, les faits de 2014 comme ceux de 1997 qui sont tous antérieurs à son adoption pourraient être pris en compte dans l’appréciation des causes d’inéligibilités sans qu’on ne puisse parler de rétroactivité », a expliqué Bernard Tago.

L’invite au courage des acteurs pour des élections crédibles

Sur un autre volet, Bernard Tago relève qu’en disposant que « les pratiques publicitaires à caractère politique, l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylos, porte-clés, calendriers et autres objets de visibilité à l’effigie des candidats ou symboles des partis ainsi que leur usage, les dons et libertés ou les faveurs administratives faits à un individu, une commune, ou à une collectivité quelconque de citoyens à des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote sont interdits 90 jours avant tout scrutin et jusqu’à son terme », le code électoral interdit du coup les « affiches et autres posters de campagne ». Ce qui s’illustre selon M. Tago, par l’intégration dans ces interdictions du passage : « autres objets à l’effigie des candidats ou symbole des partis ». Pour lui, l’interdiction de tissus, de tee-shirts, de stylos, porte-clés, calendriers est pertinente et devrait même s’étendre au-delà des 90 jours précédents les scrutins pour minimiser les distributions massives à l’approche de la période concernée et qui est susceptible d’influencer le choix des élections. Par contre, ces organisations perçoivent mal l’interdiction des affiches et autres posters de campagne qui, selon elles, est une véritable catastrophe pour l’électorat du milieu rural. Pour les responsables, les populations sont en majorité non alphabétisées et ne disposent pas (pour beaucoup) d’instruments d’informations ; elles n’ont pas, de ce fait, la possibilité d’identifier les candidats et les symboles des partis politiques pour les distinguer dans l’isoloir.

« Le contenu de ce code ne reflète pas toujours et nécessairement la volonté du législateur du CNT qui l’a adopté encore moins, celle des citoyens », a étayé M. Tago, ajoutant que cet article pourrait transformer les élections à venir en un grand jeu de hasard où seuls les candidats les plus chanceux s’en tireront à bon compte.

Les responsables de ces organisations de la société civile déclarent être convaincus que les affiches et autres posters de campagne sont indispensables pour la communication politique en milieu rural, sans pour autant être un moyen de corruption électorale à partir du moment où elles ne sont pas fondamentalement utiles pour elles en dehors de la campagne.
Pour eux, ne pas permettre aux citoyens de suivre les activités politiques, c’est les maintenir dans l’ignorance.
Concluant que le code comporte des « imperfections majeures » à même de compromettre la qualité des élections, ils ont noté la nécessité qu’il y a pour les acteurs de prendre leur courage pour reconnaître ces imperfections. Cela en vue de rechercher dans l’urgence un consensus dans l’intérêt de tous.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net



Vos commentaires