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Kounkoufoanou : une opération de déguerpissement sur fond de terreur ?

jeudi 18 juin 2015.

 

La section provinciale du Gourma du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) a animé une conférence de presse dans la matinée du mercredi 17 juin 2015, à Ouagadougou. A travers cette sortie, le MBDHP a voulu attirer l’attention de l’opinion publique sur ce qu’il qualifie de « drame » dont sont victimes les populations du village de Kounkoufoanou.

Populations soumises à la débandade, leurs habitations incendiées ou décoiffées, c’est en ces termes que la situation qui sévit à Kounkoufoanou a été décrite. 30 habitants dudit village arrêtées, seraient en garde-à-vue à la Maison d’arrêt et de correction de Fada N’Gourma. Et la population serait sans nouvelles de trois enfants, dont un de trois ans, un de sept ans et un de douze ans. Une scène de terreur, sinon de détresse, est-on tenté de déduire.

Aux dires de Moussa Diabouga (visiblement désemparé), habitant de ce village et qui est venu avec la délégation de la section Gourma du MBDHP, ce sont des gendarmes, des militaires, des policiers, des agents des Eaux et forêts, qui agissent ainsi depuis la veille 16 juin 2015. A l’en croire, ceux-ci sont venus dans huit cargos sur lesquels cargos il était écrit ‘’Gendarmerie nationale’’ ou ‘’CRS’’. D’autres seraient venus à motos.
Depuis ce 16 juin, les populations de six autres localités voisines de Kounkoufoanou vivraient dans le même climat de terreur. Les populations ne chercheraient qu’à sauver leur peau, emportant ce avec quoi ils peuvent détaler. Elles se retrouveraient en brousse ou dans des villages ‘’paisibles’’ pour celles qui ont suffisamment de souffle.
Et le motif officiel de ce déguerpissement sous violence se rapporte, selon les conférenciers du jour, à l’exigence du gouvernement de faire libérer une zone pastorale étalée sur 51 000 hectares. Une exigence exprimée par le Conseil des ministres en sa séance du 18 février 2015.

Une zone aurifère également

En plus d’être une zone pastorale, c’est qu’en réalité, la zone concernée regorge de ressources minières. Une zone sous menace de plusieurs exploitants miniers qui utiliseraient des produits toxiques dont le cyanure. C’est du moins, ce qui a été révélé à la conférence de presse, avec la précision que parallèlement aux démarches gouvernementales visant à opérer le déguerpissement, une société minière est venue, elle aussi exiger le départ de populations de ladite zone.
De la déclaration liminaire, il ressort en effet, que « En février 2014, une société minière dénommée ‘’COURAGE MINING’’ demandait aussi le déguerpissement d’une partie de la population de Kounkoufoanou au motif qu’elle serait sur sa zone d’exploitation ».

Le gouvernement et le CNT interpellés

Au MBDHP, l’on dit que quoi qu’il en soit, la sécurisation – même juste - des zones pastorales ne saurait fouler au pied les exigences de moralité et d’utilité devant nécessairement guider une telle opération de déguerpissement. De l’avis du Secrétaire général du MBDHP, Aly Sanou, le minimum pour des populations soumises à une telle exigence, c’est de les reloger sur un autre site avec tout l’accompagnement nécessaire à une vie humaine.
Du reste, le Mouvement dit condamner « fermement l’opération systématique d’incendie d’habitats et de biens des populations victimes ». Il dit également exiger « la libération sans délai de la trentaine de paysans gardés à vue pour rébellion ». En sus, il exige que des mesures urgentes soient prises non seulement « pour assurer la protection des populations et leur garantir un droit aux logements, à l’alimentation, à la santé », mais aussi pour que « les élèves puissent achever leur année scolaire dans de meilleures conditions ». Aux dires de Moussa Diabouga qui confie avoir déjà ensemencé un champ de deux hectares en cette période de début d’hivernage, les enseignants ont fui, et les élèves des classes du CM1, CE2 et CP1 n’ont pas pu faire leur composition de fin d’année.
L’interpellation du MBDHP est également dirigée vers le Conseil national de la Transition (CNT). Cette Représentation nationale investie de la mission de contrôle de l’action gouvernementale, le Mouvement l’invite à demander « des comptes au gouvernement sur toutes ces opérations d’incendie d’habitats et de biens de populations burkinabé ».

Fulbert Paré
Lefaso.net



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