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Dr Ablassé Ouédraogo à propos des réactions à son entretien dans Jeune Afrique : « Je suis content de savoir qu’il y a une conscientisation des Burkinabè sur ce genre de problèmes »

jeudi 11 juin 2015.

 

Pour avoir accordé l’interview, Dr Ablassé Ouédraogo dit assumer pleinement ce qui a été dit. Cependant, il dit regretter ‘’ l’usage ’’ qui en a été fait et l’intention qui a été prêtée à ses propos… Suite aux nombreuses réactions qu’a suscitée cette interview au sein des Burkinabè, nous avons voulu en savoir davantage auprès de l’intéressé lui-même, le candidat de Le Faso Autrement à la présidentielle du 11 octobre prochain. Dr Ablassé Ouédraogo explicite …

Lefaso.net : Peut-on restituer le contexte de l’interview qui suscite à ce jour, de nombreuses réactions ?

Dr Ablassé Ouédraogo : Je voudrais confirmer que le lundi 8 juin, le journaliste de Jeune Afrique m’a appelé pour une interview. J’ai donné mon accord et nous avons fait l’interview (elle s’est effectuée par téléphone). De ce fait, j’assume, pleinement, ce qui a été dit. Ce que je regrette, c’est parce que je considère que l’interview n’a pas été totalement délivrée ; c’est-à-dire que la transcription de ce que j’ai dit, était bien plus que les trois mots qui sont les réponses à la question : « quelles sont vos chances d’accéder au Palais de Kosyam ? » Il a présenté de façon lapidaire que mes atouts étaient d’être un moagha du plateau central, d’être musulman et d’avoir un réseau d’amitiés dehors. Je considère que pour toute personne qui est allée à l’école, être musulman, être moagha, ce n’est pas cela un atout ; c’est plutôt ce que vous êtes. Vous n’allez pas à la conquête du pouvoir d’Etat avec seulement ce que vous êtes ; il vous faut quelque chose de plus. Et ce quelque chose de plus-là, c’est la compétence, les capacités de solutionner les préoccupations des populations. C’est cela qu’on appelle un programme. Donc, je ne me dédis pas. Ce que je reconnais, et je le regrette, c’est que la retranscription n’a pas pris la totalité de mes propos et c’est cela qui est gênant.
Sinon, quand je dis que je suis moagha, c’est pour simplement dire que j’ai une origine (je sais d’où je viens et je sais où je veux aller). Quand je dis que je suis musulman, c’est tout simplement que j’ai foi en Dieu et c’est l’islam qui est ma voie, c’a une valeur. Ce que je ne comprends pas, je dis que je suis fils de cultivateur et ça, ça n’émeut personne et pourtant, c’est ce que je suis. Vous me permettez là, de dire avec clarté, qu’est-ce que Ablassé Ouédraogo a comme atouts. Le premier de mes atouts (et ça répond à la question de Jeune Afrique), c’est que je connais mon pays en profondeur. Je suis fils de cultivateur, je mène une campagne de proximité, donc je vais échanger avec le monde rural (je connais leurs difficultés, leurs aspirations, les solutions qu’ils préconisent pour résoudre leurs problèmes) et cette connaissance me donne une base pour gérer le pays parce que, 80% de la population vivent dans le monde rural et je me dis qu’avec la proximité que j’ai pu établir avec elles, au moment des votes, elles pourraient faire la différence en votant pour moi ; donc c’est un atout.
Le deuxième atout, c’est mon expérience professionnelle. J’ai eu une expérience professionnelle au dessus du lot. Je m’explique : j’ai fait plus de 30 ans dans la carrière internationale, comme fonctionnaire international aux Nations-Unies, à l’Organisation mondiale du commerce où j’ai occupé le poste de N°2 (le premier africain noir à assumer cette fonction), j’ai été au niveau de l’Afrique, un haut responsable de l’Union africaine (j’étais l’envoyé spécial de l’Union africaine sur la résolution de la crise Malgache), de la Banque Africaine de Développement. J’ai travaillé pour la CEDEAO, notamment au moment où on négociait les accords APE. Donc, quand on regarde mon parcours, j’étais toujours sur des questions de développement et de diplomatie. Et c’est cela qui m’a permis de tisser à travers l’Afrique, à travers le monde, un vaste réseau de relations (j’ai un carnet d’adresses fourni et un réseau dense d’amis) et je me dis que si je suis le locataire de Kosyam, ce sont des atouts qui vont accompagner le peuple burkinabè dans sa quête de développement et de progrès.
Un autre atout, qui n’est pas des moindres, Ablassé Ouédraogo est un homme propre, je suis un homme sans frontière. Et quand je dis que je suis un homme propre, cela veut dire qu’à ce jour, je n’ai aucune saleté sur moi, personne ne peut me reprocher quoi que ce soit de répréhensible (je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas détourné, je n’ai jamais fait du tort à quelqu’un, je n’ai jamais voulu du mal à qui que ce soit). Au contraire, j’essaie d’aider ceux qui viennent me solliciter. Je connais beaucoup de gens aujourd’hui dans notre pays qui ont le sommeil léger, parce qu’ils ont beaucoup de choses à se reprocher. Et quand je dis que je suis un homme sans frontière, Ablassé Ouédraogo va partout, et fait tout ce qui peut être fait avec tout le monde. Je n’ai pas d’état d’âme de m’associer à qui que ce soit. Pour moi, l’être humain à une valeur intrinsèque, ce n’est pas sa religion, ce n’est pas sa race, ce n’est pas son ethnie. Moi qui vous parle, j’ai dans ma famille, et mon épouse à commencer est chrétienne et nous avons déjà 37 ans de vie commune et ça marche très bien. Les gens qui m’entourent ne sont pas tous musulmans, ils ne sont pas tous des mossis. Mon assistant, Sébastien Diasso, ici présent, est de Léo et de la religion protestante. Donc, de par ma carrière internationale où l’intégrité, l’honnêteté, la probité et le savoir-vivre, le pouvoir-vivre ensemble sont les principaux critères pour pouvoir évoluer dans ce milieu, je n’ai eu aucun problème, j’ai déjà vécu cela.
Ce que je peux dire aussi, par rapport à ma personne, et par rapport au parti, je dirais que dans le parti, le bureau qui est d’une cinquantaine de personnes compte des Burkinabè de toutes les régions, de toutes les ethnies, de toutes les religions, ce n’est pas un parti familial. J’aimerais ajouter aussi que rien que le week-end dernier, Le Faso Autrement a validé son programme de société pour se préparer à l’élection présidentielle. Ce programme qui s’appelle « Ensemble construisons le Burkina Faso autrement » met l’homme au centre des préoccupations du développement et de la croissance. Dans notre entendement, dans notre vision, le développement doit être fait par l’homme pour l’homme. Tout commence par l’homme et tout se termine par l’homme. Et quand je parle d’homme, il faut reconnaître que notre seule ressource, qui vaille la peine, qui est une ressource sûre au Burkina, ce sont les ressources humaines, les êtres humains. Nous n’avons pas de mer, de forêt même les richesses du sous-sol, c’est maintenant que ça commence à sortir. Donc, nous disons qu’on doit mettre l’accent sur le renforcement des capacités en ressources humaines. Et pour qu’un être humain puisse avoir de la valeur, puisse être productif, il lui faut deux choses fondamentales : la santé, la connaissance et le savoir.
Pour la santé, nous disons que ça commence par pouvoir donner à chacun, le manger trois fois par jour et le boire à satiété. Quelqu’un qui ne mange pas, qui ne boit pas, n’a pas de force pour travailler. Si je reste sur la santé, vous savez tous que quand vous allez pour chercher des soins à l’hôpital, en clinique et que vos poches sont vides, votre route sur l’au-delà est immédiate. Pour la connaissance et le savoir, nous disons que nous sommes 18 millions aujourd’hui. Nous serons 50 millions dans 30 ans et 100 millions dans 50 ans. Il est exclu que l’Etat puisse donner un emploi à tout le monde. Nous disons que pour que tous les 18 millions puissent avoir un emploi, il faut commencer dès le primaire, l’apprentissage aux métiers. Tous les enfants qui feront l’école primaire, même s’ils n’ont pas la chance d’évoluer plus tard pour de longues études, ils auront un emploi en main, un métier. Et celui qui a un métier peut se trouver un emploi, peut se prendre en charge, prendre en charge sa famille et aider la société. C’est cela que nous voulons pour tous les Burkinabè. Ce sont des éléments très simples que le peuple apprécie. Voilà les atouts qui vont permettre à Ablassé Ouédraogo de faire la différence par rapport aux autres candidats, au soir du 11 octobre 2015.

Lefaso.net : D’aucuns estiment qu’évoquer même les aspects ethnique et religieux, est une manière voilée de toucher à la sensibilité des électeurs…

Dr Ablassé Ouédraogo : Je crois qu’il faut être honnête, l’électeur doit savoir qui il a en face de lui, pour pouvoir faire le bon choix. Je ne peux pas me cacher. Tout le monde sait qu’Ablassé Ouédraogo est un moagha, son village c’est Dabaré, c’est dans la province du Kadiogo qui fait partie du plateau central (ça, ce n’est un secret pour personne !). Tout le monde sait que je suis musulman, je fais mes prières comme tout le monde, je suis allé à la Mecque (je suis El Hadj) et tout ce qui est lié à l’islam, je pratique parce que c’est ma croyance et c’est ma liberté aussi. Mais si vous voulez diriger le pays et vous voulez vous cacher pour que les gens ne vous connaissent pas, quand vous allez arriver sur le fauteuil présidentiel comment vous allez vous comporter ? Imaginez que je me cache, j’arrive à Kosyam, il y a la prière de Tabaski et je veux aller prier avec les fidèles musulmans à la Place de la Nation, les gens diront mais attend, ça a commencé depuis quand ? Voyez-vous ! Je pense donc qu’il faut être ce que l’on est et il ne faut pas essayer de jouer avec le peuple ; il faut lui dire la vérité. Si vous lui convenez il vous accepte si vous ne lui convenez pas, il vous laisse tomber. Chez moi, honnêtement, ce n’est pas du drame. Mais, je voudrais, en toute humilité, dire à tous les compatriotes, si la transcription tronquée de mes propos a pu choquer, blesser qui que ce soit, je présente mes excuses. Ablassé Ouédraogo veut être la cristallisation de l’incarnation de l’unanimité des Burkinabè. Je veux être le conciliateur, le rassembleur. Je veux être celui qui sait écouter et entendre les Burkinabè dans leurs aspirations auxquelles il faut positivement répondre. Compte tenu de tout cela, Ablassé Ouédraogo a besoin de tous le Burkinabè, de leurs voix ; une voix est une voix et quand je le dis, je suis conscient qu’on ne peut pas accéder à Kosyam sur la base du fait que vous êtes musulman ou que vous êtes moagha (ça, c’est ce que vous représentez). Mais pour aller à Kosyam, il faudrait rassurer les électeurs que vous avez des compétences, des capacités, des atouts qui peuvent aider les populations à avoir leurs problèmes résolus. Et nous, nous disons et réitérons que nous avons besoin de tout le monde. Nous ne faisons pas de distinction ; que vous soyez blancs, noirs, rouges, musulmans, chrétiens, animistes, etc., nous sommes tous des êtres humains et chacun ses croyances, chacun ses origines et notre pays est avant tout un pays laïc. Donc, Ablassé Ouédraogo n’a aucun problème avec ce qui a été écrit et qui a été mal transcrit. Sinon, effectivement, j’ai eu l’entretien et j’assume.

Lefaso.net : Il y aussi cette opinion qui pense que vous n’avez fait que dire tout haut ce que pensent certains tout bas. Ayant été un des maillons forts du CFOP-BF, ces considérations ethnique et religieuse ont-elles souvent été ressenties dans certaines actions communes … ?

Dr Ablassé Ouédraogo : Je crois qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont. Dans tous les pays du monde, les problèmes ethniques existent. La seule différence au Burkina Faso, c’est que sur la base de trois valeurs, nous arrivons à les gérer. D’abord, nous savons pardonner (on n’oublie rien mais on pardonne). Ensuite, au Burkina, nous sommes tolérants. Et, enfin, au Burkina, nous avons l’amour pour notre pays (pour notre patrie). Ces trois éléments-là font que, quelle que soit la situation, nous arrivons à retrouver un équilibre. Et puis, si vous voulez voir, la soupape de sécurité que nous avons dans la gestion des différences ethniques et religieuses, c’est par exemple la parenté à plaisanterie. Si ce que Jeune Afrique a écrit, je l’avais dit dans le cadre d’une parenté à plaisanterie, personne n’allait s’offusquer. Donc, c’est une réalité et il faut garder les yeux sur cette réalité. Ce qui arrive chez les autres peut arriver ici et moi qui vous parle, en tant que ministre des affaires étrangères qui présidait le conseil des ministres de l’Organisation de l’Unité africaine, j’ai eu à faire une mission au Rwanda et je suis allé à Kabouyé (sur le lac) où on venait de déterrer 300 corps. Je suis entré dans la salle (où je n’y suis même pas resté une minute) mais j’ai gardé sur moi, et pendant au moins quinze jours, l’odeur de la chair humaine. Donc, les problèmes ethniques, les différences entre les êtres humains, c’est un danger. Prions pour qu’au Burkina Faso, nous en soyons épargnés.

Lefaso.net : En tant que personne avertie donc, comment faut-il faire pour que ces valeurs de cohésion sociale soient préservées au Burkina ?

Dr Ablassé Ouédraogo : Je pense qu’il faut continuer de se parler. Il faut continuer d’expliquer et de sensibiliser que nous sommes tous les mêmes, il n’y a pas de différence. Ce n’est pas parce que vous êtes moagha que vous respirez deux fois plus d’aire qu’un samo, ce n’est pas parce que vous êtes un gourounsi que vous avez besoin de boire plus qu’un bissa (rires). Nous sommes tous les mêmes et tout le monde doit comprendre que chacun a sa place dans ce pays-là. Le Burkina Faso nous appartient tous et c’est ensemble que nous allons le construire, c‘est d’ailleurs le titre de notre programme de société.

Lefaso.net : L’entretien a suscité beaucoup de réactions de la part des citoyens et de la classe politique ; qu’est-ce que cela vous laisse comme analyse ?
Dr Ablassé Ouédraogo : Ce qui me fait plaisir, c’est que tout le monde sait que les problèmes liés aux ethnies, à la religion, à la race sont des problèmes dangereux. Et en cela, je suis content de savoir qu’il y a une conscientisation des Burkinabè sur ce genre de problèmes qui pourraient amener notre pays dans le chaos comme cela a pu se passer ailleurs. Je me dis qu’en débattant comme cela, on arrive aussi à éliminer tous les tabous. J’ai écouté certaines radios dans des émissions interactives, où il y a beaucoup d’auditeurs qui ont appelé pour dire non, Ablassé Ouédraogo a raison, il dit tout cruellement, ce que les autres n’osent pas dire tout haut. Dans sa chronique politique sur la radio Oméga, Newton Ahmed Barry a dit qu’en fait, moi, je lève le lièvre ; que le faute d’Ablassé c’est d’avoir dit ça. Donc, ça veut dire que quelque part, je ne suis pas du tout attristé par ce que j’entends parce que finalement, Jeune Afrique a rendu service au Burkina Faso. Et je me dis qu’à partir de maintenant, et dorénavant, une place spéciale sera donnée à l’attention donc des Burkinabè par rapport à ces questions-là que tout le monde semblait vouloir occulter alors que c’est une réalité. Tout le monde connaît mon tempérament, moi, je ne connais pas cacher quoi que ce soit. Je dis tout avec ma franchise, avec ma vérité. Quelques fois, ça ne plaît pas mais plus tard, les gens me donnent raison. Il y a beaucoup de cas que je peux citer. Donc, pour moi, toute la tempête qui était en train de se développer est en train de se juguler depuis que j’ai eu la chance d’expliquer de moi-même ce que j’ai voulu dire à Jeune Afrique et qu’il (Jeune Afrique) n’a pas pu rendre. Mais je remercie Jeune Afrique parce que, ce journal-là a aidé Ablassé Ouédraogo et le parti Le Faso Autrement qui, certainement, capitalisera dans toutes ses réactions, des aspects positifs. Comme on le dit, un être humain est neuf, il n’est jamais dix.
Ce qui a été dit donc dans Jeune Afrique, ne reflète pas ma vision, ma pensée, mon comportement. Tout le monde connaît Ablassé Ouédraogo, c’est un être de tolérance avec un humaniste sans égal, prêt à aider et à servir autrui.

Lefaso.net : Investi, il y a seulement 72 heures par votre parti comme candidat à la présidentielle, quelles sont les actions immédiates que vous envisagez ?

Dr Ablassé Ouédraogo : Nous avons essayé avec le millier de congressistes et après leur choix, je l’ai dit dans mon discours, nous ne devons pas perdre le temps, nous allons attaquer le terrain et comme le parti est implanté dans toutes les 45 provinces et autour de 300 communes, nous allons nous rendre autant que faire ce peut dans toutes ces provinces avant que la saison des pluies ne tombe afin de faire la pré-campagne parce que nous n’avons pas le choix, nous devons entrer à Kosyam et comme on le dit, on ne chasse pas le levraut en rigolant. On dit aussi que mieux vaut se lever tôt que de se précipiter pour arriver. Nous comprenons ces deux adages et c’est pour cela que nous nous attelons pour aller sur le terrain. D’ailleurs, dès vendredi, 12 juin, nous irons à une soixantaine de kilomètres d’ici, dans la commune de Koubri qui s’appelle Peelé, parce que les gens nous y attendent. De retour, nous envisageons une autre sortie le samedi. C’est vous dire qu’à partir de maintenant, Ablassé Ouédraogo sera rarement assis à Ouaga. Tout simplement parce que dans notre stratégie, notre vision, l’élection se décidera non pas dans les grands centres comme Ouaga et Bobo mais plutôt dans les campagnes. C’est là-bas qu’il y a le vivier électoral, 80% de la population vivent dans le monde rural. C’est cela le travail que nous devons faire.

Réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net



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