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Justice : Les Greffiers justifient leur grève

vendredi 22 mai 2015.

 

Du 11 mai au 10 juin 2015, les agents de la Justice et les greffiers observent une grève pour, en gros, exiger de meilleures conditions de vie et de travail. Pour mieux se faire comprendre de l’Opinion publique, ils ont animé une conférence de presse dont nous vous proposons la teneur de la déclaration liminaire.

Mesdames et messieurs les journalistes et hommes de medias, merci d’avoir répondu une fois de plus à l’invitation du Syndicat National des Agents de la Justice (SYNAJ) et du Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB). En acceptant de couvrir cet événement, vous nous donnez sans nul doute l’occasion de porter à la connaissance des citoyens et des justiciables burkinabè les préoccupations des greffiers du Burkina Faso d’une part, et d’interpeller le Gouvernement sur l’impérieuse nécessité de respecter les lois de la république.
Comme vous auriez bien pu le constater, depuis le 11 mai 2015, les greffiers du Burkina Faso, à l’appel du Syndicat National des Agents de la Justice (SYNAJ) et du Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB), sont en grève. Cette grève, prévue pour durer un mois, soit du 11 mai au 10 juin 2015, est menée pour exiger une nouvelle fois du gouvernement l’édiction des décrets d’application restants de la loi n°054/12/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Notre déclaration s’articulera autour des trois grands points suivants :
I- L’exposé des motifs de la grève ;
II- Un appel au respect du droit de grève ;
III- Appel au soutien des acteurs de la justice.

I- Les motifs de la grève du 11 mai au 1O juin 2O15

L’opinion publique et les justiciables pourraient en toute légitimité se poser les questions suivantes : pourquoi tant de grèves à la Justice ? Pourquoi une grève d’une durée d’un mois ?
En rappel, la loi n°054/12/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers, votée en application de l’article 101 de la Constitution du 02 juin 1991, dispose en son article 45 que : « Des décrets pris en conseils des Ministres sur proposition conjointe des ministres chargés des finances et de la justice fixent :
  Le classement indiciaire des emplois de fonctionnaires du corps des greffiers et la valeur du point indiciaire ;
  Le taux et les conditions d’attribution de l’allocation familiale ;
  La nature, le taux et les conditions d’attribution des indemnités visées à l’article 42 ci-dessus ;
  La détermination des avantages en nature et les conditions de leur application ».

L’opinion publique se souviendra que, pour exiger la prise des décrets prévus audit article, les greffiers sont, déjà allés à maintes reprises en grève. Elle se rappellera également que lors de la dernière grève au mois de mars dernier, Madame le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, tout en reconnaissant la justesse et la légitimité des revendications des greffiers, s’engageait à tout mettre en œuvre pour y trouver une solution définitive et consensuelle dans un bref délai. À cet effet, par correspondance en date du 11 mars 2015 adressée à la Garde des Sceaux, le Ministre de l’Economie et des finances demandait la mise en place d’un comité interministériel chargé de finaliser les textes d’application restantsde la loi portant statut du personnel du corps des greffiers à savoir les avant-projets de décrets portant grille indiciaire et régime indemnitaire. Il faut souligner qu’au départ, cette proposition n’avait pas recueilli notre approbation. Nous avions émis de sérieuses réserves quant à l’utilité d’un tel comité et ce d’autant plus que le travail demandé audit comité avait déjà été fait par un précédent comité de même nature mis en place en 2013 qui a élaboré les avant-projetsde décrets d’application, lesquels sont en souffrance sur la table du Ministre en charge de l’économie depuis 2013. Mettre en place un nouveau comité en 2015 était dès lors perçu comme étant superfétatoire et surtout comme étant des manœuvres dilatoires.
Désireux de favoriser un apaisement et lapromotion du dialogue d’une part, et voulant donner l’occasion aux autorités de la transition de prouver leur bonne foi d’autre part, nous avons, en dépit des réserves sus-évoquées, accepté de participer aux travaux du comité proposé. Et à la sollicitation de la Garde des Sceaux nous avons communiqué les noms de nos représentants audit comité le 18 mars 2015et levé le mot d’ordre de grève en cours.
Il est très important d’informer les citoyens burkinabè qu’une fois la précédente grève interrompue, le Ministère de l’Economie et des Finances qui a été à l’initiative de la mise en placedu comité est entré dans un mutisme incompréhensible. Deuxmoisse sont écoulés sans que l’arrêté de mise en place du comité voit le jour a fortiori commence à travailler.Ila fallu que nous déposions le préavis de la présente grève pour que le gouvernement sesouvienne de son engagement. Là encore, dans un but purement dilatoire, le Ministère en charge de l’Economie et des Finances, s’est précipité de convier nos représentants à une rencontre des membres du comité dont l’objet serait de voir comment on doit prendre l’arrêté de mise en place.
Tels comportements montrent à suffisancel’incurie du gouvernement quant à nos revendications, sa mauvaise foi manifeste, son manque de sérieuxet son intention d’user de méthodes frauduleuses et dilatoirespour renvoyer aux calendes grecques l’adoption des règlements d’application.
Par ailleurs, il convient de rappeler à l’opinion nationale, que le PACTE NATIONAL POUR LE RENOUVEAU A JUSTICE, issu des travaux des Etats Généraux de la Justice ayant regroupé toutes couchessociales de la population burkinabè, prescrit au gouvernement d’adopter dans un bref délai les décrets d’application de la loi portant statut du personnel du corps des greffiers. Plus d’un mois après la signature du dudit pacte, aucun acte n’a été accompli dans ce sens par le gouvernement.Ce qui témoigne une fois de plus l’intention malicieuse et dilatoire du gouvernement.
C’est pour toutes ces raisons que, pour vaincre la mauvaise foi et la malice du Gouvernement et en particulier du Ministère de l’Economie et des Finances, nous avons décidé cette fois-ci d’observer une grève d’un mois car nos multiples et précédentes grèves de 120 heures ou de 72 heures semblent laisser les autorités insensibles. A ce propos, l’actuelSecrétaire Général du Ministère de la Justice, dans une de ses correspondances, a bien pu donner ce conseil aux syndicats des greffiers : « Il vaut mieux cesser vos multiples grèves qui n’ont rien apporté ». La grève d’un mois est sans doute une thérapie de choc à la hauteur du mal qui gangrène les greffes.

II- Appel au respect du droit constitutionnel de grève

Il nous est revenu de constater avec désolation que le Ministère de la Justice, notamment par le truchement de son Secrétaire Général, a entrepris des actes de sabotage de la grève en servant des réquisitions massives et intempestives à nos militants. Ces velléités d’entrave au droit de grève qui est reconnu par notre loi fondamentale n’entameront aucunement la ténacité de non militants.
Le Syndicat National des Agents de la Justice (SYANJ) et le Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB) dénoncentsolennellement l’acharnement, les tentatives d’intimidation, les propos désobligeants et la pléiade de réquisitions servies aux greffiers en violation des principes du droit de grève et de la liberté syndicale.A titre d’exemple, certains chefs de juridictions ou magistrats, imbus d’autorité,commettent des voies de fait et exercent des violences morales sur nos militants. C’est le cas à Bobo-Dioulasso où une militante en position de SND et officiant dans un cabinet d’instruction, s’est vueinvitéepar un juge d’instruction d’assurer le fonctionnement de tous les autres cabinets dont les greffiers sont en grève sous peine de représailles lors de la notation à venir. C’est aussi le cas à Diapaga où un juge au siège, outrepassant ses compétences, a osé requérir la gendarmerieafin qu’elle retire la clé du bureau du Greffier en chef, chef de greffe, dépositaire des scellés et régisseur de recette, pour un stagiaire. Bref, pour ne citer que ces deux cas, les syndicats des greffiers condamnent avec la dernière énergie ces excès.
Il n’est nul besoinde rappeler au Secrétaire Général du ministère de la Justice, ancien leader syndical, et à tous ses complicesque le droit de grève est une garantie constitutionnelle et que les réquisitions doivent viser uniquement à assurer un service minimum et non un fonctionnement normal pendant les périodes de grève.
Face aux dérives graves et autoritaires constatées, nous lançons un appel à tous nos militants de ne pas déférer aux réquisitions à venir. Par ailleurs, nous avertissons les autorités que tout acte supplémentaire de sabotage de la grève ou d’intimidation de nos militants en grève, en stage probatoire, en SND ou réquisitionnés nous obligerait à ordonner les greffiers ayant déjà reçu des réquisitions d’en faire fi et de rejoindre les piquets de grève.

III- Appel à la solidarité des acteurs de la justice

Le Syndicat National des Agents de la Justice (SYANJ) et le Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB) voudraient remercier tous acteurs de la justice (avocats, GSP, magistrats, huissiers …) qui nous ont apporté leur soutien et qui continuent de le faire. Nous lançons particulièrement un appel aux différents syndicats de la magistrature de faire davantage preuve de solidarité en manifestant publiquement leur soutien à la cause des greffiers comme ils l’ont en 2009. La solidarité sans faille des acteurs, manifestée à l’occasion de l’agression d’un magistrat du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou en début d’année 2015a permis de trouver un début de solution à l’insécurité ambiante dans les palais de justice mais aussi a permis à la légitimité de l’emporter sur une supposée illégalité de l’arrêt de travail observé.
Pour terminer nous tenons à remercier une fois de plus la presse pour son accompagnement à travers la couverture médiatique de nos luttes. Nous nous excusons des désagréments qui pourraient être causés aux justiciables par le fait de cette grève. Nous en imputons l’entière responsabilité au gouvernement qui, en violation de l’article 63 alinéa 3 de notre Constitution, refuse d’édicter les règlements d’application de la loi n°054/12/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Nous saluons le courage et la ténacité de nos militantes et militants qui ont su braver les intimidations et menaces et les appelons à rester sereins pour la suite de la lutte qui durera jusqu’à l’adoption effective des décrets d’application de la loi portant statut du personnel du corps des greffiers.

Merci pour votre attention soutenue.



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