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CAPA : Coalition des Juristes pour l’Accès aux Professions juridiques Libérales dénonce l’injustice et l’iniquité dans l’accès à la profession d’avocat au Burkina Faso

vendredi 8 mai 2015.

 

La Coalition des Juristes pour l’Accès aux Professions juridiques Libérales est née dans le noble but d’œuvrer pour un accès équitable aux professions juridiques libérales (Avocats, huissiers, Notaires).
Elle a toujours eu à l’esprit qu’il était de son devoir d’attirer l’attention des premiers responsables de ce pays sur les situations d’injustice, d’illégalité, d’illégitimité et d’iniquité qui sévissent au sein de ces professions. C’est ce qu’elle a fait jusque-là. Nous pensions que rencontrer les autorités pour les alerter sur l’injustice caractérisée et l’illégalité manifeste sans faire le boucan devant la presse était non seulement un signe de respect, de sagesse mais assez responsable. Nous avons cru que sur cette montagne d’injustice quant à l’accès à ces professions, nous rencontrerons au moins des pierres d’espoir. Mais c’est dommage qu’à l’issue de ces entrevues, des promesses et de la sensibilité des autorités à la cause défendue, on en arrive à vouloir légitimer ce sinisme que le Barreau tient à réaliser. C’est la volonté manifeste d’un individu de saper les fondements de l’équité et de l’égalité d’accès à la profession d’avocat qui est cautionnée. Et, c’est très déplorable.
La Coalition ne s’est jamais opposée à l’idée du Centre de formation. Mieux elle lutte pour que sa création et son fonctionnement soient effectifs. Elle n’a jamais rejeté l’idée selon laquelle le candidat devra contribuer à sa propre formation. Elle l’a toujours relevé devant la presse, devant nos camarades ainsi que devant les autorités qu’elle a rencontrées. Ce qui pose problème---vivement que cela soit clarifiée une bonne fois pour toute---ce sont les conditions d’accès à ce centre.
D’abord, conformément à la loi organisant la profession d’avocat au Burkina Faso (loi N°16-2000 du 23 mai 2000), la formation a lieu après le certificat d’aptitude à la profession d’avocat(CAPA). Les choses sont très claires à ce niveau. Même le Bâtonnier reconnait ce fait en soutenant ouvertement devant le Président du Faso et devant le peuple burkinabé que « la formation à lieu dans le centre de formation professionnel après l’examen du CAPA comme l’indique la loi ». Mais pourquoi s’entêter à vouloir maintenir un décret qui viole de façon très flagrante la loi ? Ce décret N°693-2014 portant approbation des statuts du CFPA-BF prévoit que le CAPA sera organisé par le Centre après la formation sans dire ce que deviendront ceux qui ne réussiront pas à cet examen après la formation. Et là c’est une question d’objectivité et non d’impression personnelle ; un taux de succès à 100% comme le pense illusoirement le Bâtonnier serait l’idéal mais reste tout de même dans les rêves. Mais qu’à cela ne tienne, il nous rassure que « quand on rentre dans un centre on sort avocat ». Tant mieux. C’est aussi bien beau de dire à la nation et « pour montrer [sa] bonne foi », que son projet vise à recruter 25 personnes et « exceptionnellement, au mois de juin [il recrutera] 25 autres, ce qui fera au total 50 », c’est-à-dire qu’ « en une année, [il va] recruter 50 élèves avocats ». Nous souhaitons savoir s’il s’agit d’un examen ou d’un concours ? Peut-on prévoir le nombre de personnes qui réussiront à un examen avant l’examen ? Peu importe, certains sont passés pour maitre en prémonition au Burkina Faso, mais ce coup très risqué ne révèle-t-il pas toute la supercherie qui est cachée derrière ce lobbying ? Qu’est-ce que ces « élèves avocats » auront comme diplôme à l’issue des 18 mois de formation ? Le décret ne dit rien. Pourtant l’Ecole des avocats en France dont s’inspire grandement notre Centre, délivre un diplôme de troisième cycle, c’est-à-dire, un DESS ou un Master 2, donc avec possibilité de faire prévaloir ce diplôme en dehors de la professions d’avocat. Ici il n’en est rien, les textes sont muets. Soit. Ne sommes-nous pas fondés à croire que ce malheureux projet vise au fond à former des juristes de cabinet ? Sinon qu’est-ce qui justifie cette voie de fait ? Nous pensons que rien n’empêche, actuellement, de reformer le décret pour le rendre conforme à la loi et procéder au lancement du CAPA dans les plus brefs délais. Il ne faudrait pas que le désir de créer un centre et de tenir l’examen avant la fin du mandant du Bâtonnier en cours sapent les fondements de notre ordonnancement juridique et contribue ainsi à révéler des lacunes de notre état de droit que nous devons en toute humilité accepter de corriger au lieu de rester campé sur des positions que nous savons en toute honnêteté injustes et illégales. Le Bâtonnier rajoute laborieusement et laconiquement, que les « autres pays de la sous régions ne nous attendrons pas dans leurs processus de mettre en place des centres de formation » comme le recommande les règles communautaires. Mais ce qu’il oublie ou du moins ce qu’il feint d’ignorer et que nous avons souligné plus haut, c’est que nous n’avons rien contre la création d’un centre qui va faire la promotion de l’excellence ; c’est exactement le sens de toute notre lutte. Cependant, nous lui rétorquons que les autres non plus n’attendront pas que nous atteignions le nombre d’avocats inscrits dans leurs ordres avant de venir envahir notre pays. Le constat est sans en appel et choquant : le Burkina Faso est un « désert » en nombre d’avocats. Et, cela ne semble pas préoccupé pas les premiers responsables. Le projet arrêté lors du 25ème anniversaire du Barreau burkinabè c’est d’« atteindre 350 avocats d’ici à 2020 ». Un chiffre très aberrant qui illustre parfaitement l’état d’esprit du Barreau. Pensez-vous que les avocats des autres pays se feront prier pour envahir notre marché au grand dam des juristes nationaux que la volonté manifeste de fermer l’accès à la profession a contribué à réduire au chômage ? Vous comprendrez que le recrutement massif recherché par la Coalition trouve une justification non négligeable. La nécessité d’ouvrir ce corps devient un impératif, « même le corps humain à nécessairement besoin de s’ouvrir »comme nous l’enseigne une imminence. La Coalition prend acte, en attendant des actes concrets, de la prise en compte de ce dernier point dans le Pacte national pour le renouveau de la justice au Burkina Faso à son article 28 : « Les auxiliaires de justice que sont les avocats, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs et les notaires doivent être recrutés en nombre suffisant pour permettre la couverture des ressorts de toutes les juridictions du Burkina Faso.Une politique doit être définie par le gouvernement pour la formation initiale et continue de ces auxiliaires de justice. »
Ensuite, des montants faramineux sont érigés ce qui a pour conséquence de fermer hermétiquement la porte aux moins nantis. Le fils du pauvre quelle que soit son intelligence ne pourra plus jamais être avocat dans ce pays, pourtant le plus cancre, s’il a son argent, le deviendra plus facilement au grand désarroi des justiciables. Exigé la somme de 25 000F à des étudiants chômeurs au Burkina Faso comme frais de dossier est à tout le moins sinique. Par-delà les élucubrations du Bâtonnier qui se démêle vainement à justifier cette somme, aucune conscience bien établie ne saurait justifier un tel montant qui en plus varie d’une profession à une autre : les huissiers exigent 5 000Fseulement. Pourquoi donc ? En plus, exigé à ces même personnes 750 000F comme frais de formation ne saurait être un projet à cautionner si l’intention réelle des autorités en place c’est de lutter contre le chômage et l’injustice dans notre très cher pays. Il est clair que les étudiants n’adhèrent pas et n’adhèreront pas à ce projet. La forte mobilisation d’étudiants aspirant au changement (mobilisation du 06 MARS 2015) démontre à suffisance, si besoin en était, que nul étudiant ne cautionnera ce qu’il est convenu d’appeler le processus de privatisation du service public de la justice. Il appartient aux autorités de comprendre et d’accepter cette évidence. Du reste, ceux qui s’excitaient devant la presse comme étant des candidats voulant subir l’examen coute que coute sont-ils sincères dans leur démarche ? Aucunement. Ne sont-ils pas habités par l’état d’esprit que nous tentons de combattre ? L’égoïsme et l’individualisme à outrance ? « Il faut reprogrammer le test mais limité le nombre pour [leur] donner plus de chance », « il faut suspendre la lutte et permettre aux futures élèves avocats qui seront recrutés de reprendre la lutte une fois au Centre », trainer dans la boue le nom d’autorités en qui le peuple a mis sa confiance, vilipender l’Etat, etc.sont des insinuations très graves et ont un caractère diffamatoire et calomnieux. Mais restons très calme. Nous pensons que ces éléments de fait suffisent pour montrer que l’on ne se trouve pas ici, comme on a essayé de le prétendre, devant des personnes habités d’un bon esprit.L’acharnement de ces personnes ‘‘véreuses’’, la confiance en leur réussite certaine laisse planer un doute légitime. N’ont–ils pas eu des promesses ? Nous doutons simplement ?
Le Bâtonnier soutient qu’ « un avocat sans formation, est un corrompu en puissance… ».a entendre de telles affirmations, l’on est en droit de se poser la question, d’ailleurs légitime, de savoir s’il s’est donné le soin d’avoir la pleine mesure de ses propos. Ces propos signifient que ‘‘tous’’ les avocats du Burkina Faso, qui par ailleurs n’ont pas bénéficié de cette formation dans un centre, sont des vendus, ce qui est une atteinte à l’intégrité de la justice burkinabè. Le Burkina se trouve diminuer par ce propos regrettable. Il donne une très mauvaise impression du fonctionnement de la justice Burkina devant le monde entier avec tout ce que cela comporte comme conséquences en termes de préjudices pour le pays. Ce faisant, il porte atteinte aux intérêts du Pays. L’Etat Burkinabè perdra sa face en soutenant ouvertement ce projet qui tend à instaurer une discrimination entre les fils et filles de ce beau pays. Laquelle discrimination fondée sur la fortune est interdite par notre loi fondamentale en son article 1er alinéa 3 et le pacte international relatif aux droits civiques et politiques de 1966 en son article 26 auquel est partie le Burkina Faso. C’est dommage que nous contribuons nous même à violer nos textes. Pour une fois, nous avons l’occasion de faire ce qui est juste, vraie et légale. Ne ratons pas ce rendez-vous ! Un individu veut imposer sa logique à tout un pays encore que cette logique remet en cause le sens profond de notre lutte, dirions-nous de notre insurrection populaire des « 30 et 31 octobre 2014 ». Soutenir un tel projet et vouloir « assurer la sécurité » comme si nous étions des anarchistes voyous, pour permettre une telle forfaiture c’est manifestement être dans l’erreur. Nous dénonçons ce fait avec véhémence. Si par impossible être anarchiste c’est œuvrer pour qu’il y ait plus de justice ; si être anarchiste c’est demander à l’Etat de permettre au plus grands nombre de participer à un examen de recrutement de chômeurs en revoyant en baisse les différents coûts exigés ; si être anarchiste c’est exiger le respect de notre Etat de droit, faire en sorte que les plus démunis aient la même chance que les plus riches, alors nous clamons haut et fort que nous sommes fiers de l’être. Nous serons fiers de le demeurer parce que nous refusons d’être complices de ce lugubre projet. Car nous pensons qu’il n’y a pas de honte à soutenir le bien, le juste et le vrai. Ghandy ne nous enseigne-t-il pas que « si tu as raison et que tu le sais, laisse parler ton esprit, même si tu n’es qu’une minorité, la vérité reste la vérité » ? Martin Luther King nous apprend que face à certaines situations, la conscience doit se poser la question : « Est-ce juste ? ». Nous souhaitons soumettre aux consciences avertis de choisir entre la justice et l’injustice, entre les forces de la lumières et celles des ténèbres. ? Que voulons-nous laisser à la postérité ? Voulons-nous fixer à jamais les bases solides de notre état de droit ? Ou bien voulons nous cautionner l’arbitraire ? Messieurs les premiers responsables de notre très cher pays, nous vous demandons de prendre toute la mesure des implications qu’un tel projet pourrait engendrer . Nous avons placé notre confiance en vous, le peuple a placé sa confiance en vous, la jeunesse à placé sa confiance en vous, en vous confiant sa destinée. S’il vous plait, ne trahissez cette confiance. La jeunesse burkinabè consciente est désormais déterminée à lutter et à accepter des sacrifices jusqu’à ce que les murailles de l’injustice, de l’iniquité, de l’égoïsme tombent complètement en ruines sous les coups de boutoirs des béliers de la justice. Si un tel projet est maintenu, des milliers de juristes formés et destinés inéluctablement au chômage vivront dans la nuit désolée de l’amertume, et leur principal héritage sera le règne infini du chaos. La seule et difficile perspective qui leur restera serait incontestablement la révolte et la coalition qui aura déjà alerter les autorités décline toutes responsabilités. Nous méritons mieux. La lutte que nous menons n’est point une marque d’inimitié contre quiconque. Elle se justifie par le noble désir d’instaurer plus de justice et d’équité dans l’accès à la profession d’avocat . Ayons une hauteur de vue et sachons baisser nos gardes parfois pour mieux voir afin de donner une orientation sûre à nos actions. La coalition, demande aux autorités politiques de la transition d’ordonner l’annulation pure et simple du test prévu pour se tenir les 09 et 10 MAI 2015 afin que nous puissions nous donner le temps de réviser le décret incriminé et réorganiser le CAPA sur des bases légales et non discriminatoires.
Mesdames et Messieurs les autorités de la transition !nous osons espérer que vous saurez donner un sens profond a ce slogan : « plus rien ne sera comme avant ». Le Burkina ne doit plus être le pays où la volonté inique de nuire d’un individu doit triompher.

Le Comité exécutif



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