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Nomination au Conseil constitutionnel : Qui glisse ces peaux de banane sous la semelle de nos institutions ?

vendredi 10 avril 2015.

 

La dernière nomination au Conseil constitutionnel par le Président Kafando a été l’occasion d’une violente diatribe de la part du président de la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) du docteur Abdoulaye Soma. La réplique de la présidence de Transition n’a pas mis fin à la polémique qui enflamme la communauté juridique au-delà de nos frontières.

Pourtant cette effervescence programmée a oblitéré l’essentiel. Le ou les commanditaires qui ont ainsi mouillé le docteur Soma ne font pas du droit, mais de la politique. C’est donc sur ce terrain qu’il faut leur répondre et démonter la stratégie de suspicion généralisée qu’ils font peser sur nos institutions pour mieux vampiriser les prochaines élections.

- Tirer en public l’oreille du président
Dans la diatribe du docteur Soma, c’est la légèreté de l’argumentation juridique qui
frappe d’abord, si bien que même des doctorants ont aussitôt démonté ce violent réquisitoire contre la décision de nomination au Conseil constitutionnel prise par le président de Transition, Michel Kafando. Mais cette légèreté est loin d’être fortuite, elle cache une stratégie sans cesse à l’œuvre dans cette période de transition pour déstabiliser les institutions de notre république qui pourraient servir de garde-fous ou de contre-pouvoirs en cas de nouvelle crise, notamment électorale.
Le recours à la conférence de presse pour s’exprimer sur un sujet aussi pointu est en soi révélateur. Dans cet exercice de communication, il est très difficile d’être aussi précis que dans un article juridique où les références sont une part importante de la démonstration.
L’essentiel est de marquer les esprits, même de façon subliminale. Là où l’écrit conserve des traces, la parole proférée s’efface, ne laissant derrière elle que des impressions, des rumeurs et des approximations qui finissent par tenir lieu de vérité vraie.
Dans cet exercice, les journalistes sont d’excellents alliés objectifs, eux qui préfèrent souvent les petites phrases qui font le bonheur des flashs d’information. Le docteur Soma les a donc payés comptant avec une avalanche de "gros" mots. Viol de la constitution, anticonstitutionnel, violation de la séparation des pouvoirs, indignité, défaut technique, vice de procédure, usurpation de pouvoir... Diable, le garant de la constitution qui la violerait allègrement, c’est comme un père qui abuserait de son enfant, un monstre !
Le docteur a su ajouter un brin d’insolence à son indignation, indexant le président pour lui dire ce qu’il lui restait à faire. À travers sa docte voix, c’est la constitution elle-même qui tance le président, lui tirant les oreilles et le contraignant à réparer illico presto la bêtise qu’il vient de faire. En faisant référence à l’impotence intellectuelle des nouveaux membres-retraités du Conseil constitutionnel, le docteur renvoie aussi à l’image d’un président qui ferait mieux d’inaugurer les chrysanthèmes (ou les usines de ciment) plutôt que de "dégénérer" nos institutions avec ceux qui ont usé leurs fonds de culotte sur les mêmes bancs d’école que lui.

- De la politique, pas du droit
La charge est frontale, les mots sont lourds et le travail de désinformation est mené avec une maîtrise quasi militaire. Ce n’est pas la réalité juridique qui compte, mais la portée
symbolique des mots. Une très belle construction mentale où un érudit fait plier un président parjure à ce livre sacré de nos républiques qu’est la constitution, jusqu’à en appeler au Peuple lui-même pour redresser le fauteur de torts. Le docteur Soma ne récite pas une leçon de droit constitutionnel et ceux qui se sont précipités pour combattre les arguments juridiques du docteur sont tombés dans le panneau en prenant l’ombre pour la proie. Le docteur Soma ne fait pas du droit, mais de la politique.
Le docteur a définitivement brouillé les pistes en feignant d’être déçu que sa technicité
juridique ne lui ait pas ouvert les portes du Conseil constitutionnel. Là encore, c’est un
trompe- l’oeil, car le docteur sait que dans cette séquence, il a d’abord fait preuve d’immaturité, d’une absence de culture de gouvernement (ce qui est hélas le cas de l’écrasante majorité de cabinets et conseillers ministériels de la Transition) et d’une confusion des genres. Imagine-t-on cet homme admis au sein des sages lorsque ceux-ci viendront à prendre une décision contraire à la façon dont lui "vit" de l’intérieur et "parle" à haute voix la constitution burkinabè ? Que ferait - il, par exemple, si le conseil Constitutionnel continuait, en sa présence, d’entériner la jurisprudence créée par l’avis n° 2007-11/CC du 20 juillet 2007 et désormais constante, par lequel les sages ont admis qu’un accord, en l’occurrence avec la Banque islamique de développement, dont l’exécution et l’interprétation sont soumis aux principes de la charia islamique est malgré tout conforme à notre constitution, alors que l’article 31 de celle-ci dispose que "le Burkina Faso est un État démocratique, unitaire et laïc. Le Faso est la forme républicaine de l’Etat" ? À coup sûr, on aurait droit à une crise d’hystérie constitutionnelle devant les médias, avec les mêmes gros mots et les mêmes justifications...
Le docteur Soma avait d’autres voies, plus discrètes et moins traumatisantes, pour faire entendre au président Kafando et à son staff de juristes ses griefs contre un décret
qui ne fait que reproduire la forme et la procédure suivie par presque tous les
précédents décrets de nomination au Conseil constitutionnel. Le président Compaoré ne
s’embarrassait pas de tant de précaution, puisque le premier décret de nomination au
Conseil constitutionnel (2002-537-PRES-PM-MJ) reprend dans le même texte les neufs
membres sans tenir aucun compte de la séparation des pouvoirs, et sans que cela
n’émeuve qui que ce soit, y compris au Conseil constitutionnel qui comptait alors un
éminent juriste comme le professeur Filiga Michel Sawadogo.

- Des arguties pour cacher la main de l’ombre
Un personnage à ce point pénétré de notre constitution et qui savait que trois membres
au moins devaient être remplacés depuis novembre 2014 n’a pas pu être pris de court par
le décret présidentiel. Au contraire, le docteur Soma a dû laisser faire pour attendre le
président Kafando au tournant. C’était le moyen le plus efficace de servir les desseins du
ou de ses commanditaires, quitte à écorner la solidarité gouvernementale ou l’obligation
de réserve, d’ailleurs comme le directeur de l’ENAM. À l’évidence, tous deux sont en service
commandé. De l’aveu même du docteur, d’autres logiques se cachent derrière cette comédie, comme au moment de la brouille entre le Premier ministre Zida et le RSP, où les uns menacent de débarquer manu militari celui-là pour mieux faire installer à l’état-major particulier de la présidence les hommes que l’on souhaite voir tenir au pantalon le président de Transition. Le leurre est une arme redoutable, et le drame c’est qu’à chaque fois au Faso, elle marche à merveille. Pourtant les enfants savent cela sur le bout des doigts, pour obtenir
la main il faut demander le bras. Plutôt que de polémiquer sur les arguties du docteur
Soma, il vaudrait mieux se demander quelle main son ou ses commanditaires veulent gagner
et à quelles fins. Le second allié objectif du docteur Soma, ce sont les conseillers juridiques de la présidence.
Il en connaît les faiblesses, la tournure d’esprit et le style de vie. Il les sait plus enclins
à parader matinalement sur la terrasse des cafés de Ouaga que préoccupés par le
chemin de procédure à suivre pour les nominations au Conseil constitutionnel. Sa sortie
médiatique va les tétaniser, et avec eux le président. Dans un premier temps, ces conseillers
ne comprennent même pas la charge du docteur, parce qu’ils découvrent avec lui
la réalité de la question juridique. Visiblement, ils ont fait du copié-collé comme une
simple secrétaire. Le docteur a-t-il tort ou a-t-il raison ? Aucun ne sait répondre au président,
faute d’avoir ouvert un livre de droit à ce propos.
La conférence de presse du docteur Soma n’est qu’un exercice de crash-test, auquel le
service juridique de la présidence a échoué, comme d’ailleurs le service de la communication
dans la séquence des ambassadeurs rappelés. Avec quelques arguties tonitruantes, le
docteur met à terre le bataillon de conseillers de la présidence et focalise leur activité intellectuelle pendant de longs jours sur la réponse la plus appropriée à donner à ses arguties. Les militaires appellent cela de la diversion, quand ils font passer un simple feu d’artifice pour une préparation d’artillerie, alors qu’une offensive majeure s’organise sur un
autre front. Dans la lutte pour le pouvoir que se livrent les protagonistes sérieux des prochaines élections, certains estiment qu’ils doivent au préalable redessiner à leur mesure certaines institutions, soit pour les neutraliser, soit pour en profiter au cas où. La présidence est ici en première ligne et les hommes du président, le rempart stratégique qu’il leur faut démanteler. Si un conseiller est payé pour anticiper un problème (juridique) ou
une question (de communication) avant même que ce problème ou cette question ait pu
germer dans l’esprit de qui que ce soit, alors la conclusion que doit tirer de cette séquence
le président Kafando tombe sous le sens : ou c’est la fin des farandoles, ou c’est la fin des
haricots à Kosyam...

- Le président, une menace à neutraliser
La première victime de cette comédie jouée par le docteur Soma, son ou ses commanditaires, c’est le président Kafando, dont la figure de bon père vole en éclats, au profit d’une sorte de gâteux ne maîtrisant plus rien et piégé par l’incompétence de ses services au point de devenir une menace pour la démocratie et donc pour la poursuite du processus de transition. Pour le ou les commanditaires du docteur Soma, une menace, on la neutralise, ce qu’ils se proposent de faire, à mots à peine couverts. Pour les acteurs de la Transition en souffrance d’inclusion, cette offre de service n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd... Réduire les prérogatives présidentielles à une peau de chagrin, de sorte que le président devienne un figurant, à l’instar du monarque dans les monarchies constitutionnelles, au profit d’un Premier ministre gonflé des pouvoirs réels. C’est la leçon que le lieutenant-colonel Zida, et avec lui tous les militaires-candidats à la prochaine présidentielle, a tiré de sa migration de la présidence à la primature. Pour tout le monde, y compris et surtout pour les puissances étrangères qui n’entendent pas que leur dispositif militaire soit bousculé par les velléités démocratiques de notre Peuple, il est préférable qu’un militaire occupe la primature plutôt que la présidence où il est démocratiquement correct de faire émarger un pur civil. C’est le deal que négocie actuellement l’armée avec le MPP. Aux déçus de Compaoré et du CDP version Assimi leur revanche à Kosyam, aux militaires la continuation de leur emprise sur le pouvoir à partir de Koulouba. Voilà pourquoi tous ces militaires tiennent coûte que coûte à participer aux élections, qui seront leur investiture populaire pour espérer entrer à la primature. Sans élections, pas de légitimité par les urnes pour faire oublier l’épisode sanglant du mouvement citoyen du 30 octobre où les militaires ont gaillardement mitraillé la foule avant de crânement rafler la mise !
L’escarmouche juridique du docteur Soma s’inscrit dans cette logique de dépeçage de la
fonction présidentielle, et sans doute d’un changement dans la nature même du régime,
qu’il faudra à un moment ou un autre inscrire dans une constitution. Il est évident qu’un
Premier ministre fort s’accommode mieux d’un régime de type parlementaire que d’un
régime purement présidentiel. Pour les protagonistes qui agissent dans l’ombre et dont le
docteur Soma est l’artisan zélé, il ne reste que quelques mois pour boucler cette séquence
et permettre à celui qui fait figure de favori parmi les militaires, Djibrill Bassolé, d’accéder
à un poste de Premier ministre, y compris à titre de symbole de réconciliation...
C’est donc de la capacité du président de Transition Kafando à résister que dépendent
l’avenir de notre démocratie et la nature du futur régime politique. Plus on le ridiculise
ou plus on le pousse à la faute et moins la fonction présidentielle garde de valeur et
d’efficacité aux yeux de nos concitoyens. Pour conduire cette bataille où la vision stratégique est essentielle, le président Kanfando doit pouvoir compter sur les bonnes personnes,
avec les bonnes compétences et les bons réseaux, en étant certain que ces personnes
ne travaillent pas en sous-main pour d’autres intérêts ou même ne risquent pas
d’être retournées par l’adversaire. Le docteur Soma, son ou ses commanditaires, viennent
de montrer au Burkina tout entier que Kosyam est un château de sable où certains conseillers sont plus armés pour un diner de gala que pour une bataille d’experts...

- Le Conseil constitutionnel, une bombe à retardement
Pour le ou les commanditaires du docteur Soma, la première étape vers le pouvoir, c’est
l’acte et le dépôt de candidature, dont le censeur suprême sera le Conseil constitutionnel
dans sa capacité à éventuellement apprécier en droit ou en opportunité la prochaine révision du Code électoral. Voilà donc le cœur de cible de l’attaque perpétrée par le docteur
Soma. Nombre de professeurs, docteurs et doctorants lui ont fait un grand honneur en
répondant à chacun de ses arguments de paille. Un exercice facile, puisque rien ne tient
la route et que l’enjeu apparent est dérisoire. Forcer le président Kafando à réécrire un
décret, sans que cela change quoi que ce soit au fond, c’est à la limite du caprice.
Le docteur a donc allumé un contre-feu assez ardent pour attirer l’attention du pays tout
entier, tandis que d’autres, avec des intentions innocentes, vont mettre le feu à une institution majeure de notre démocratie, le Conseil constitutionnel. Ici, les alliés objectifs du
docteur Soma, ceux qui vont finir par procuration son travail de sape, ce sont ces éminents
juristes qui se précipitent dans les journaux pour montrer à notre docteur que des
anomalies beaucoup plus graves hypothèquent le rôle d’arbitre suprême que doit jouer
cette institution dans les mois à venir.
La stratégie du docteur Soma est efficace. Le buzz prospère sur tous les réseaux et dans la
presse, les conseillers juridiques du président consultent tous azimuts pour trouver une
réponse technique à ses arguties et tout ce que le Burkina Faso compte de juristes se
chamaille pour mettre à nue les failles de notre système constitutionnel. Pour un petit
décret mal tourné, voilà que le docteur Soma, son ou ses commanditaires, jette à terre le
Conseil constitutionnel. Cette suspicion légitime qui s’insinuent peu à peu dans l’esprit
des gens, à propos de la présidence de Transition comme du Conseil constitutionnel, tous
deux garants mais à titre différent de la constitution, sera très difficile à combattre, car
elle cesse rapidement de reposer sur des éléments tangibles, au profit d’un simple sentiment
qu’il suffit de réactiver pour qu’il figure la vérité vraie.
Le bon fonctionnement du Conseil constitutionnel, comme celui de toutes les juridictions
de contrôle final que sont la Cour de cassation ou le Conseil d’État, et surtout sa légitimité
à s’imposer à tous, est la garantie que les décisions prises par les juridictions de base ou
les textes soumis à censure n’ont aucune chance de prospérer dans l’erreur ou le déni de
notre droit fondamental. Selon son degré d’audace ou de couardise, il peut contrarier ou
favoriser les projets de conquête du pouvoir, d’où la tentation de certains de le mettre à
leur botte ou de le neutraliser. Gageons que la polémique actuelle a au moins l’avantage
de ranimer dans la conscience de nos sages le fameux débat sur le devoir de gratitude ou
d’ingratitude vis-à-vis de l’autorité de nomination. Ce débat est loin d’être une fiction,
comme le montre les motifs quasi surréalistes qui sous-tendent l’avis juridique rendu
jadis sur la conformité à la constitution du Statut de Rome sur la CPI.
Par opportunisme politique, les pouvoirs publics ne sont pas reste en passant parfois allègrement outre les avis de nos sages, ce qui fut le cas à propos de la ratification de l’Acte
constitutif de l’Union africaine où l’ex-président Compaoré a préféré, en pleine affaire
Norbert Zongo, se dispenser d’un référendum comme l’exigeait l’article 147 de la constitution. Pour des raisons internes ou externes, à chaque fois que l’infaillibilité et l’irréprochabilité du Conseil constitutionnel sont mises à mal, c’est la constitution voulue par le pouvoir constituant au nom du Peuple qui est bafouée. Mais souvenons-nous de ce qui
s’est passé il y a peu en Côte d’Ivoire : quand le Conseil constitutionnel a définitivement
montré son impuissance à dire le droit au nom de l’État avec force légale, les canons, y
compris étrangers, ont commencé à tonner...

- Une nouvelle constitution en ligne de mire
Pour jeter la suspicion sur le Conseil constitutionnel, le moyen le plus efficace est la confusion. Avec cette constitution sursitaire depuis l’introduction du sénat dont l’installation
a été différée, chacun y puise ce qui l’arrange. Tout est dans tout, personne n’a tort et personne n’a raison, tant les interprétations sont ouvertes. Imaginez que dans ces refontes
incessantes, on a oublié de fixer la durée du mandat du président élu du Conseil constitutionnel
 ! À quoi bon tous ces constitutionnalistes gribouillant des jours entiers notre
constitution pour faire des erreurs qui n’échapperaient pas à la vigilance d’un bailleur,
même analphabète, dans un contrat de location.
Si le mot de la fin n’appartient pas au droit, il ne peut résulter que d’un rapport de force, à
la maîtrise duquel le ou les commanditaires du docteur Soma veulent aboutir. En dénigrant
ainsi notre constitution, le président et les sages qui veillent sur son application, on
prépare l’opinion, au mieux à sa révision et au pire à la rédaction d’une nouvelle constitution
consacrant une orientation parlementaire de notre régime politique, avec un Premier
ministre fort et responsable devant le parlement, et sans doute un Conseil constitutionnelle
reformaté pour accompagner ce virage à 90° de notre démocratie.
La première plaie qui ronge le Conseil constitutionnel, c’est que le compte des nominations
n’y est pas. Trois mandats sont arrivés à terme le 8 novembre 2014, ceux de Mesdames
Oui et Yoni et de Monsieur Ilboudo. S’y ajoute le mandat du juge Nébié, dont le
décès oblige à son "remplacement par l’autorité de nomination", le nouveau membre
"achevant le mandat commencé." Il devrait y avoir trois nominations et un remplacement.
Sur le site internet du Conseil constitutionnel, impossible de savoir qui a nommé qui, et
par conséquent qui devait nommer qui, pas plus d’ailleurs que la qualité de juriste ou non
des personnalités à nommer ou à remplacer, ce qui est un comble pour une institution
vouée aux détails formels...
La seconde plaie révélée, c’est la nomination de son président au lieu de son élection
comme le prévoit la constitution révisée de 2012, une nomination qui a eu lieu selon les
mêmes formes que pour les derniers membres, ce que le Conseil constitutionnel concède
en indiquant sur son site que Kassoum Kambou a été nommé "en Conseil des ministres."
Surprenant que cette nomination soit passée comme une lettre à la poste. Surprenant
aussi que le juge Kambou ait accepté d’être nommé en prenant le risque de passer pour
l’incarnation d’un déni de constitutionnalité, sans lever au préalable le doute et en
s’exposant à la polémique. Surprenant enfin que le Conseil constitutionnel lui-même,
comme l’y autorise l’article 157 de notre constitution, ne s’auto-saisisse pas de toutes ces
questions qui semblent relever de sa compétence. Avéré ou pas, ce vice sera de toutes les
intrigues qui viseront à discréditer les prochaines décisions du Conseil présidé par Kassoum
Kambou.
La troisième plaie, c’est la nomination d’un nouveau membre pour un mandat de 9 ans
en lieu et place du remplacement du juge Nébié jusqu’au 22 décembre 2017. On ne peut
pas faire mieux comme symbole que de pourvoir au remplacement du juge Nébie en tordant
littéralement la constitution, alors que nombre de nos concitoyens présument que le
juge a été tué justement parce qu’il n’acceptait pas que l’ex-président Compaoré tripatouille
l’article 37 de notre constitution.
Tous ces faiblesses mises à nue ternissent encore l’image d’une institution qui n’a pas fait
preuve de vitalité, d’impartialité et d’audace sous le régime de l’ex-président Compaoré.
Le mal est fait et il faudra plus que la nouvelle rédaction du décret présidentiel pour
donner au Conseil constitutionnel les moyens de jouer sereinement le rôle que l’on attend
de lui dans cette période de fortes tensions. La balle est dans le camp des démocrates
pour l’épauler et le président Kafando, comme autre garant de la constitution, est maintenant
averti des enjeux qui pèsent sur ses épaules et des risques que la moindre inadvertance
peut générer.

Pour un 30 octobre des urnes

Celui ou ceux qui, dissimulés derrière les extravagances médiatiques d’un docteur Soma
ou d’autres affidés, contestent aujourd’hui un décret de nomination, chahutent les membres
de la Transition ou entravent la bonne marche de nos institutions finiront demain
par demander la tête de notre constitution, parce qu’elle gêne simplement leurs ambitions
politiciennes de préserver le pouvoir que la rue et ses vilains sont venus leur ôter
un certain 30 octobre 2014. C’est un discours qui ne tardera pas à occuper l’espace public
et que le docteur Soma vient de préparer. Le temps est au dénigrement et nous n’avons
pas fini de voir défiler des individus aussi érudits que ce docteur pour nous assener des
leçons de droit sensationnel...
La conclusion de cette séquence doit rester politique. Qui veut tirer en coulisse les ficelles
de notre démocratie au point de transformer toutes nos institutions en marionnettes. Qui
veut une présidence de Transition et un Conseil constitutionnel peuplés de moutons ? A
voir l’arrogance avec laquelle les militaires et les ex-CDP annoncent leur retour, ou encore
font campagne dans le fond du fond de la moindre province, à l’instar des Diendéré qui se
paient des écrans de pub à la RTB ou dont le fils s’affiche en donneur de sang dans tous
les journaux du pays, on devine qui a le plus à craindre d’institutions fortes et capables
de déjouer leurs entourloupettes. Leur sort est entre les mains du Conseil constitutionnel,
dont ils espèrent qu’il pourra censurer les articles les excluant dans le nouveau code électoral et validera leur candidature aux prochaines élections d’octobre 2015.
Pour tous ceux sur lesquels le Peuple compte pour gérer politiquement et socialement
l’héritage du 30 octobre, notamment les partis politiques de l’ex-opposition, il est temps
de voir que les conditions sont posées pour que les prochaines élections leur échappent
en toute légalité. Dans nos institutions, dont les piliers que ce sont la présidence
de Transition et le Conseil constitutionnel sont démantelés par un travail de sape.

Sur le terrain, où les militaires et les ex-partis de la majorité présidentielle verrouillent toutes
les provinces avec l’appui des autorités coutumières, des représentants musulmans et de
ces bataillons de maires auxquels on promet le retour aux affaires contre le vote groupé
de leurs administrés.
Les forces progressistes ont oublié que les révolutions se font dans les villes, mais que les
élections se gagnent dans les provinces, voire dans les mosquées, les églises et les temples.
Quelles que soient les pétitions de principe qu’on affiche, dans nos provinces le vote
est d’abord collectif, et aucune stratégie électorale ne mènera à la victoire si elle tourne le
dos à cette réalité. Pendant qu’on s’émeut à Ouagadougou des arguties d’un docteur Soma,
d’autres tel un cancer poussent leurs métastases partout pour travailler au corps ces
influenceurs qui feront voter comme un seul homme des millions de gens en faveur de
leurs mentors.
Au-delà des risques qui pèsent sur le président de la Transition, le Conseil constitutionnel
et notre constitution, le risque majeur c’est que les ex-partis de l’opposition jouent les seconds rôles lors des prochains scrutins et servent de caution démocratique à ceux qui
veulent revenir au pouvoir. En l’état actuel du tiercé, le second dans les urnes au premier
tour sera in fine le dernier, car aujourd’hui le premier et le troisième roulent si ouvertement
ensemble qu’ils sont certains de se partager Kosyam et Koulouba. À moins de faire
dès maintenant le deuil des espoirs nés le 30 octobre, qu’attend-on pour les prendre la
main dans le sac ? L’épisode de la place de la Nation où le Peuple a vu son mouvement
confisqué n’a-t-il pas été assez cruel pour laisser les mêmes récidiver dans les urnes en
octobre prochain ?

Évariste Konsimbo
Président du Cercle d’Éveil



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