Retour au format normal
lefaso.net

Lazare Tarpaga, Directeur général de la Police nationale : « Les bandits ne sont pas des extra-terrestres »

vendredi 3 avril 2015.

 

Dans un entretien accordé à notre confrère de la radio Ouaga FM, le directeur général de la Police nationale, le commissaire Lazare Tarpaga a affiché la détermination de la Police à entrer en guerre contre les bandits, tout en invitant les populations à la collaboration. C’était le mardi 31 mars 2015, jour de l’enterrement du directeur provincial/ Noumbiel de la Police nationale, le commissaire Yacouba Tou, atteint par balles de bandits. Lisez un serment de vengeance !

Radio Ouaga FM : Monsieur le directeur général, dans quel état d’esprit vous êtes aujourd’hui, après la disparition d’un de vos collègues, notamment le directeur provincial de la Police nationale du Noumbiel, le commissaire Yaocuba Tou dont l’inhumation interviendra ce jour même ?

Lazare Tarpaga : Je dois avouer que je suis affligé, tous les autres policiers, comme tous ceux qui sont de notre domaine de la sécurité, de voir un de ses éléments mourir parce qu’il a été victime d’une attaque à mains armées. Ça vous déchire le cœur ; et ça vous fait comprendre que la bataille est encore rude, et qu’il faut la gagner. Je suis affligé, mais je ne baisse pas les bras. Je me dis que nous devons à tout prix assainir le milieu pour que, plus jamais, un homme de tenue ne meurt par suite d’une attaque à mains armées, pour que plus jamais aucun citoyen burkinabè ne meure par suite d’attaque à mains armées.

Je suis affligé, mais je ne baisse pas les bras. Au contraire, je vais aller plus loin, et je vais, avec les autres, me montrer plus bien galvanisé par cette mort qui n’aurait pas dû arriver.

M. le directeur général, est-ce à dire que les bandits ont franchi la ligne rouge qu’il ne fallait pas ?

Ce n’est pas la première fois, c’est vrai ! Mais je dois avouer que ça nous détermine davantage. Nous avons déjà eu des collègues qui sont morts sous les balles des bandits ; mais nous estimons que cette fois-ci, c’en est vraiment de trop. Nous allons nous battre ! Nous irons vers ces bandits. Nous allons leur faire comprendre qu’ils n’ont pas droit de cité avec nous dans la cité, comme nous. Ils doivent reculer, ils doivent cesser d’exister pour que tous les Burkinabè puissent vivre en paix, être libres d’aller où ils veulent quel que soit le moment, sans être inquiétés par des gens qui ont des armes et qui les agressent à tout moment.

Y a-t-il lieu de remobiliser vos troupes, quand on sait que chaque fois qu’un d’eux tombe, ça peut démoraliser, ça peut créer des inquiétudes au niveau des éléments sur le terrain ?

Il faut bien comprendre que nos hommes ont des motifs qui peuvent les démobiliser. Mais nous allons les galvaniser, nous allons les remobiliser ; car ce n’est pas de cette manière que nous allons venger la mort du commissaire Tou Yacouba.

Il faut que nous nous armions davantage de courage, que nous retroussions les manches et que nous rentrions dans les brousses, que nous allions un peu partout, pour traquer les bandits, afin que les citoyens burkinabè puissent vivre en paix et vaquer à leurs occupations comme il se doit, sans aucune inquiétude.

Sans aucune inquiétude, est-ce à dire que la guerre est ouverte contre les bandits où qu’ils se trouvent ?

Exactement ; comme vous venez de dire. La guerre est vraiment ouverte contre eux. Bientôt, nous allons nous faire entendre ; que ce soit au sud-ouest, que ce soit à l’est, quel que soit l’endroit du Burkina où ils se trouvent. Nous irons les chercher, et nous allons les traquer. Nous allons faire de telle sorte qu’ils cessent leurs activités pour que nous puissions tous vivre en paix.

On sait que le braquage s’est produit le 15 février dernier sur l’axe Batié – Bassoukoula. Et on sait que vous connaissez très bien les zones criminogènes au Burkina Faso. Pourquoi ne pas mettre l’accent sur ces zones où il y a des attaques à mains armées, à répétition ?

Il n’y a pas que là-bas seulement. Je vais vous dire, au centre-est, il y en a ; sur la route de Léo, sur le pont du Nazinon ; à l’est, n’en parlons pas.
Les voies sont nombreuses où les bandits sortent et empêchent les Burkinabè de circuler comme il se doit. Notre lutte ne va pas seulement concerner le sud-ouest, elle ne va pas seulement concerner la région du centre-ouest ; elle va concerner toutes les régions où les bandits empêchent les Burkinabè de circuler et de vaquer à leurs occupations comme ils le veulent.

Vous avez dit que la guerre est ouverte. Est-ce à dire qu’il y aura des opérations coups de point sur le terrain ?

Je ne vous dis pas encore ce que nous allons faire ; mais sachez que nous sommes prêts, et nous allons aller vers ces bandits pour nous faire entendre.

Il y a un vaste mouvement d’affectation au sein de la Police nationale et qui fait un peu de bruit actuellement dans l’opinion. Est-ce que toutes ces affectations sont liées à une dynamique que vous voulez impulser au sein de vos éléments ?

C’est vrai. Vous avez raison. Nous avons à faire un mouvement général. Mais ce n’est pas seulement au niveau de la Police que ça se fait sentir. Ces mouvements ont existé bien avant que nous n’arrivions. Et quand nous sommes arrivés, ces mouvements ont existé aussi.

Nous sommes dans une dynamique de changement comme cela se voit un peu partout. Et ces changements ne doivent pas être perçus comme une espèce de sanction. Il s’agit seulement de déplacer les gens. Il y en a qui ont montré ce dont ils sont capables à l’endroit où ils sont ; nous voulons qu’ils apportent leurs expériences ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous avons fait ces changements. Et c’est seulement dans cet esprit que nous avons fait ces changements.

Quelles sont vos attentes des populations, quand on sait que si les populations ne collaborent pas, ce n’est pas évident que vous ayez des résultats probants sur le terrain ?

J’aime bien votre mot, ‘’collaboration’’. C’est ce que je voudrais que la population nous apporte.
Les bandits ne sont pas des extra-terrestres ; ils vivent bien quelque part, et des gens les voient. Leur rythme de vie ne correspond peut-être pas à ce qu’ils font dans la société. Mais des gens se taisent.
Nous avons besoin de leur collaboration. Un petit indice peut nous suffire, afin que nous soyons en mesure de poursuivre et de comprendre que quelqu’un a une activité louche quelque part.
Mais si les gens ne nous disent absolument rien ; ils voient et ils se taisent. Ce n’est pas une manière de nous aider.

Nous appelons la population à collaborer et à nous dire ce qu’il en est. Aujourd’hui, certains peuvent se frotter les mains parce que ce n’est pas eux. Mais on ne sait jamais. Les balles des bandits ne choisissent pas. Vous pouvez avoir un parent qui n’est peut-être pas attaquable chez lui, mais qui peut se retrouver face à un bandit ailleurs. Quel que soit ce que vous avez, nous avons besoin de votre collaboration pour pouvoir arriver à mettre fin à ces actions des bandits contre nos populations.

Propos retranscrits par Fulbert Paré
Lefaso.net



Vos réactions (35)