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Crise à la Société des Mines de Belahourou : La vérité selon Saïdou Idé, Directeur général adjoint

samedi 7 février 2015.

 

La société des mines de Bélahourou qui exploite la mine d’or d’Inata dans la province du Soum, vit une crise depuis le mois de décembre. A l’origine, une grève jugée illégale par la direction qui soutient qu’après plusieurs tentatives de médiation infructueuses, elle a été contrainte de prendre ses responsabilités pour ne pas engager le pronostic vital de la « maison commune ». Résultat, 397 personnes rappelées après la grève. Comment est-on arrivé à cette solution extrême ? Quelle est la situation de la mine ? SMB n’a-t-elle pas foulé au pied les droits des travailleurs ? Ce sont autant de questions que nous avons posées à Saïdou Idé, directeur général adjoint de SMB. Lisez plutôt…

Lefaso.net : Depuis quelques mois, votre société vit une crise. Quel est aujourd’hui le point que vous en faites ?

Saïdou Idé : Effectivement, en fin d’année, précisément le 4 décembre, nous avons subi un mouvement des employés qui ont décidé d’aller en grève. Malgré les différentes négociations du ministère du travail, du haut-commissaire, du gouverneur, les employés ont refusé. Nous avons été contraints de suspendre les activités au niveau de la mine. Au départ nous avons clairement indiqué que nous allons nous en tenir au droit, c’est-à-dire au code du travail. Nous avons mis fin aux contrats de tous les employés qui sont entrés en grève et qui ont refusé de rejoindre leurs postes, ceci conformément aux dispositions du code du travail.

Les employés vous reprochent d’avoir poursuivi la coulée de l’or alors que dans un Procès-verbal vous vous engagiez à la suspendre pendant au moins deux semaines. Qu’en est-il exactement ?

C’est un débat qu’il faut clore. Effectivement lors de la mission conjointe ministère des mines, ministère du travail arrivée sur le site pour constater la situation, après avoir discuté avec les employés pour leur demander s’ils étaient prêts à reprendre le travail, ils ont reçu la négative. Nous avons effectivement suspendu les opérations pendant au moins deux semaines. Comme la mission conjointe est venue pour constater une situation, pour rendre compte aux autorités, elle a écrit un Procès-verbal de rencontre. Dans ce PV, il était question, que nous suspendions la production au niveau de la mine d’Inata, que nous nous engagions à prendre contact avec le ministère des mines pour notifier notre décision de suspendre, ce que nous avons fait le 10 décembre ; il était aussi question d’écrire au ministère de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale pour lui dire les conséquences sur les contrats. Il y avait aussi une disposition qui disait que pendant la période de suspension, nous ne coulerons pas.

Après la période de suspension, nous avons écrit au ministère des mines, pour expliquer qu’on voulait reprendre la production. Cela a été fait le 22 décembre. Le 14 décembre, conformément au PV de la rencontre du travail, nous avons écrit au ministère du travail pour l’informer des conséquences sur les contrats de travail après la suspension. Le ministère des mines nous a fait comprendre, qu’étant donné que dans le PV il ne devrait pas y avoir de coulée pendant la période de suspension, il souhaitait envoyer une mission technique au niveau d’Inata pour vérifier. Cela a été fait le 27 décembre. La mission a effectivement constaté qu’il n’y a pas eu de coulée. De retour, elle nous a dit qu’à partir du moment où c’est nous qui avons demandé de suspendre et que c’est nous qui demandons la reprise, le ministère prenait acte de notre décision. C’est suite à cela que le 30 décembre, nous avons eu une coulée. Nous n’avons même pas fait une production à proprement parler parce que pendant la grève, il y avait déjà du minerais dans l’usine de traitement. Pour ne pas perdre l’or qui y était contenu, nous n’avons fait que le récupérer.

Vous êtes formel, il n’y a pas eu de coulée pendant la période de suspension ?

Absolument pas, d’ailleurs vous pouvez prendre attache avec le ministère des mines qui a envoyé une inspection qui a vérifié cela.

Ils vous reprochent également d’avoir appelé et convoyé à partir du Camp de Gendarmerie de Paspanga certains d’entre eux sur la mine…

On est d’accord que la grève, c’est le fait de refuser d’aller travailler. Il y avait des employés qui étaient en repos, parce que dans notre fonctionnement, les gens travaillent 7 jours et se reposent 7 jours. L’équipe qui était en repos n’a pas techniquement grevé, puisqu’elle ne devait pas travailler. Nous leur avons demandé de regagner leur poste. Les employés de cette équipe ont volontairement accepté de retourner pour exécuter leurs contrats de travail.

Oui nous avons convoyé les employés à partir du camp de gendarmerie de Paspanga parce qu’il y avait des problèmes de sécurité qui se posaient. Vous n’êtes pas sans savoir que pendant la grève, il y a eu des menaces, des intimidations envers les employés qui voulaient aller travailler. Il y en a qui ont été qualifiés de traitres, tout simplement parce qu’ils voulaient exercer leur droit d’aller travailler. Tous ceux qui étaient au chômage technique et qui souhaitaient revenir travailler, sont revenus. Il y a trois qui ont refusé. Le reste a été rappelé. Le chômage technique était une mesure temporaire parce qu’il n’y avait pas d’ouvrages.

Le code du travail prévoit la grève, mais il prévoit aussi qu’en cas de grève, l’employé qui souhaite aller travailler peut le faire. Ce droit leur a été refusé pendant la grève. Pour éviter toute confrontation, nous avons estimé qu’il était prudent pour la sécurité des employés de les faire partir à partir du camp de Paspanga. C’est donc juste pour des questions de sécurité et non pour autre chose.

Des employés soutiennent avoir appris leur licenciement par leurs banques. Pourquoi cela ?

Vu le nombre de personnes qui étaient concernées par les fins de contrat, il était physiquement impossible de livrer les lettres à tout le monde par nous-mêmes. Nous avons donc demandé à un huissier, ce qui est une voie légale, pour qu’il le fasse à notre place. Il a appelé les employés pour qu’ils passent chercher leurs documents. Suite à une AG, les employés ont donné le mot d’ordre que personne ne récupère les lettres avec l’huissier.

L’autre contrainte qu’on avait, c’est que beaucoup d’employés avaient des prêts avec les banques. Lorsque vous signez l’accord tripartite, il est clairement dit que l’employeur a le devoir de notifier toute modification substantielle sur le contrat d’un employé à la banque. A la suite de l’huissier, nous avons envoyé des lettres aux banques pour les aviser des personnes qui ne faisaient plus partie de notre personnel, avec les montants qu’il y avait à verser pour eux. Puisque les employés ont refusé de prendre leur lettre avec l’huissier. Les banques ont reçu les lettres avant les employés.

D’aucuns ont pris des prêts bancaires avec l’aval de SMB mais sont aujourd’hui dans l’incapacité de les rembourser parce qu’ils ne travaillent plus dans votre mine. Qu’est-ce qui est prévu pour ces personnes ?

Lorsqu’un employé prend un prêt, la seule obligation que nous avons, c’est de verser le salaire sur le compte. Quand nous signons l’accord tripartite, elle dit juste que nous, SMB, nous nous engageons à virer le salaire de manière irrévocable sur le compte qui a été spécifié dans le document et qu’en aucun cas, on ne peut modifier cet acte sans l’accord de la banque. Tout ce qu’il y avait à payer aux employés, nous avons versé sur les comptes.

Le prêt, c’est entre l’employé et la banque.

Pourquoi refusez-vous d’appliquer le Code du travail pour régler le différend ?
Quel code du travail ? Le code du travail encadre clairement les conditions avant d’aller en grève. Par exemple, il doit y avoir d’abord un système de recours pour discuter, une plateforme doit être donnée à l’employeur pour discuter les points querellés. Lorsqu’il n’y a pas conciliation après l’arbitrage, il peut aller en grève.
Dans ce cas, les employés ne nous ont même pas dit qu’ils partaient en grève.

N’y –a-t- il pas eu de préavis de grève ?

Il n’y a absolument rien eu. C’est après que la grève ait été déclenchée que le lendemain matin, nous avons reçu la plateforme. Nous leur avons dit dès le départ que la grève était illégale, parce qu’elle n’a pas suivi la procédure. Le directeur régional du travail du sahel est venu discuter avec eux, il leur a fait comprendre les dispositions des articles du code du travail n’ont pas été respectées.

Malgré cela, nous leur avons demandé de reprendre le travail, étant donné que nous avons la plateforme, nous discuterons. Ils ont dit qu’il est hors de question tant que le premier point de la plateforme, c’est-à-dire le départ de deux cadres de la société, n’est pas satisfait, il n’est pas question de discuter. Nous avons tout fait, ils ont dit que tant que les deux employés ne partaient pas, il était hors de question qu’ils reprennent le travail. Nous au niveau de l’entreprise, nous avons dit, qu’il est hors de question que des employés dictent, d’une manière ou d’une autre, le départ d’un employé, quelque ce soit sa position. Même si c’est un ouvrier. Et ce sont nos principes. S’il y a des revendications, il y a d’autres manières de les porter, il y a le conseil d’administration qui est là. Ou bien nous avons une procédure de dénonciation au niveau de la société, qui permet à chaque employé d’écrire directement au siège pour tout fait condamnable au niveau de l’entreprise.

Quand la mission des ministères des mines et du travail est arrivée sur le site, ils leur ont fait comprendre que le départ d’un employé ne fait pas partie des revendications reconnues pour la grève. La grève est assujettie à des problèmes professionnels. Ils leur ont dit de revenir dans la légalité et d’accepter le principe de retourner pour discuter sans préalable. Ils ont refusé. À partir de ce moment, nous n’avons fait qu’appliquer la loi.

L’article 388 du code du travail dit clairement que toute grève avant épuisement des procédures de conciliation et d’arbitrage fixée est interdite. Et l’article 389 du même code dit que la grève pratiquée en violation des dispositions de l’article 388, entraine pour le travailleur, la perte du droit de l’indemnité de préavis, ainsi que les dommages et intérêts pour rupture de contrat. Et l’article 382 ajoute que la grève est une cessation du travail concertée et collective du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles et d’assurer la défense les intérêts matériels et moraux des travailleurs.
Nous n’avons rien inventé, on a fait qu’appliquer la loi. Nous l’avons toujours dit aux employés, l’entreprise est une personne morale. Elle a des droits, mais aussi des devoirs, tout comme les employés.

Selon le Procès-verbal vous deviez suspendre vos activités en décembre 2014 pour au moins deux semaines. Mais dès le 27, vous avez repris les activités. Comment cette reprise s’est-elle opérée ?

L’usine a été arrêtée pendant près de six semaines. On ne pouvait pas redémarrer en y mettant du minerai, pour des raisons techniques. Nous n’avions plus suffisamment d’employés pour faire tourner la mine, et on ne pouvait pas rappeler tout le monde en même temps. Une unité industrielle, une fois qu’elle est arrêtée, il faut la redémarrer par étape. On a donc juste commencé à faire tourner l’usine en utilisant le stock de minerais qu’on avait pour redémarrer. Jusqu’à présent, nous ne sommes qu’à cette phase encore. C’est-à-dire la partie, extraction, mine, est suspendue jusqu’à présent, parce qu’on n’a pas d’effectif pour le faire, et puis il fallait parer au plus presser. Entre décembre et janvier, on a perdu entre 7 milliards de f CFA de recettes. On a des engagements avec des fournisseurs, il faut continuer à payer, le préjudice est réel aussi pour nous.

Pour une reprise des activités de la mine, on a cru comprendre qu’il fallait les accords des ministères des mines, de l’emploi et des délégués du personnel…
Non. Le PV qui a été rédigé après les discussions avec la mission conjointe rend compte juste de ce qui s’est passé.

Le PV ne fait donc pas état des conditions de reprise…

En aucun moment, il n’y a pas eu une discussion de condition de reprise, le PV est là et peut être consulté. Il faut attirer l’attention des gens que SMB est une société privée de droit Burkinabè, donc régit par le code du travail.

Il se dit que vous refusez de reconnaître certains délégués parce qu’ils sont entrés dans le bureau après leur licenciement. Que s’est-il passé ?

Je pense qu’il ne faut pas faire d’amalgames sur ce qui s’est passé. Après la fin des contrats, vers le 15 décembre, nous avons reçu une lettre de la CNTB(Confédération nationale des travailleurs du Burkina) nous avisant qu’un certain nombre d’employés faisaient partie de leur bureau au niveau de la centrale. Nous avons reçu la liste et nous avons dit que certains employés sont considérés comme licenciés et ne font plus partie de notre personnel. C’est tout. Nous sommes dans un Etat de droit, s’ils estiment que le droit n’a pas été dit, il y a des juridictions compétentes pour déterminer si nous sommes allés dans le sens du droit ou pas.

Les employés vous reprochent également d’avoir licencié certains le 12 décembre avant de le notifier au Ministère des Mines le 15 décembre. Est-ce vraiment la procédure normale dans le cas d’espèce ?

A-t-on besoin d’avertir le ministère du travail quand on prend des sanctions contre un employé ? On a signé des contrats individuels de travail avec les employés. Nous avons estimé qu’ils ont posé un acte grave qui mettait en péril même l’existence de l’entreprise et nous avons agi en conséquence. Nous avons juste écrit au ministère du travail pour indiquer que nous allons appliquer le code du travail. Dans le protocole, il n’est pas écrit à quelque part qu’on devait informer le ministre avant de faire quoi que ce soit.

Seulement pour le délégué du personnel, il est dit qu’avant son licenciement, on doit avoir l’autorisation de l’inspection du travail. On a écrit à l’inspection du travail de Dori qui nous a répondu que pour différentes raisons, elle ne pouvait pas donner l’autorisation de licencier des délégués, bien qu’elle reconnaisse que la grève était illégale. Donc ils sont toujours suspendus. Nous avons fait une lettre de recours auprès du ministre du travail, comme le veut la loi, et nous attendons sa réponse.
Nous devons rendre compte au marché. Même si les dirigeants d’Avocet avaient fait cela, ils auraient été sanctionnés au siège.

Aujourd’hui l’investisseur, SMB n’a pas encore récupéré 1 franc Il a investi à peu près 125 milliards sans avoir récupéré 1 f. pendant tout ce temps, les employés ont toujours eu leurs salaires, et ce n’est pas n’importe quel salaire. C’est l’un des meilleurs salaires payés au Burkina. C’était soit perdre 300 emplois, ou perdre plus de 1500 emplois. Ce n’est pas seulement la mine qui est là. Si on avait continué dans ce sens, ce sont tous nos employés qui seraient licenciés, parce que la mine allait arrêter, les sous-traitants se seraient retrouvés sans activités et tout l’impact socio-économique qu’il y a dans les régions où nous sommes présents aurait pris un coup.

Quelle est aujourd’hui la situation de la mine ?

On essaie tant bien que bal de reprendre les activités. Si nous nous battons depuis tout ce temps, c’est que nous croyions en cette mine. Il faut qu’on puisse travailler à rendre pérenne cette société qui est la nôtre.

Quel a été l’objet de la grève des travailleurs ?

Pour être honnête moi-même je ne pourrai vous dire quand et comment est-ce qu’elle a commencé. Au niveau du secteur minier, depuis un à un an et demi, il y a énormément de difficultés notamment à cause de la baisse du cours de l’or, d’à peu près 40%. Le secteur minier est spécifique parce que le prix de l’or est fixé par le marché, nous vendons un produit dont nous ne contrôlons pas le prix. Quand le prix baisse, la seule manière pour une entreprise de survivre, quel que soit le pays, c’est le même dilemme, il faut réduire les couts. Suite à cela nous avons engagé une discussion avec le délégué du personnel à travers un atelier pour donner les informations de la situation réelle de la société aux employés. Pendant trois jours,

nous avons expliqué les difficultés que la société traverse et nous avons demandé leur aide pour surmonter la situation. Il était prévu à la fin de l’atelier qu’on se rencontre en début janvier pour voir ensemble les points qu’on pouvait mettre en œuvre. Le directeur général a été clair pendant l’atelier en disant qu’aucun des points soulevés pendant l’atelier ne seraient mis en application avant concertation.
L’atelier a pris fin le samedi et dès le mardi, des SMS ont commencé à circuler, réclamant entre autre le départ de certains employés, l’augmentation de 25% sur les salaires, 100% GA, le 13ème mois, tout cela circulait déjà avant le jeudi, jour où devait avoir lieu l’AG. . J’ai personnellement appelé un délégué qui a dit qu’il n’était pas au courant de la situation

Le mercredi soir, le directeur général a encore appelé le délégué du personnel pour leur dire qu’une grève ne ce reste que d’un jour va créer d’énormes difficultés à l’entreprise. Le DG a même proposé de faire la restitution de l’atelier, mais après s’être consultés les délégués ont estimé que ce n’était pas nécessaire. Tout en prenant acte, le DG s’est montré disponible à apporter des éclaircissements même à la dernière minute. A 19h l’AG a commencé, alors qu’un délégué avait commencé lecture du PV de l’atelier, il a été interrompu par un autre. Il y en a qui ont commencé à dire trop, c’est trop, ça suffit, puis, sur le champ, ils ont débrayé.

On nous dit qu’il y a des mesures draconiennes que l’entreprise voulait prendre à l’endroit des travailleurs. Aucune décision n’a été prise lors de l’atelier. Et vous pouvez contacter toux ceux qui étaient là. On a donc été surpris par ce mouvement. Jusqu’à présent je ne connais pas la cause du mouvement. Si un problème avait été posé, on se serait assis pour discuter. Le13ème mois avait déjà fait l’objet de discussion, on leur a dit qu’au regard de la situation actuelle de l’entreprise, elle ne pouvait pas payer un 13ème mois. La masse salariale est autour de 600 millions de Fr CFA. Si on doit payer un 13ème mois, ce sont 1 milliards 200 qu’il faut payer au mois de décembre. La prime de production dont ils ont parlé, on leur a dit qu’elle n’a jamais été retirée, le problème, c’est qu’on a jamais atteint les objectifs de production qu’on s’était fixé.

Propos recueillis par Tiga Cheick Sawadogo
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