« Petit Papa Noel » : La lettre d’Ibrahim

Petit papa Noel, quand tu descendras du ciel
N’oublie pas mon petit souper
Y’en a plein qui te demandent des bicyclettes, des poupées
Des jeux électroniques, des souliers
Pour moi, ce n’est pas ça la priorité
Et puis de toute façon un bon plat de riz sénégalais
Ça te coutera beaucoup moins chère qu’une paire de souliers

Petit papa Noel, je sais que j’ai très peu de chances de te rencontrer
Vu que tu ne descends que dans les salons
Alors que moi je passe mes nuits sous des arbres, sous les tables et souvent sous les ponts
Parfois à noël je veille
Mais je ne te vois même pas venir du ciel
Au fait, dis-moi, comment tu fais quand tu descends ?
Bon ! Comme ici il n’y a pas la neige
Tu viens peut-être par la nage
A noël prochain j’irai me poster devant le barrage
Et je sais que cette fois-ci tu ne m’échapperas pas
Petit papa Noel, quand tu descendras du ciel
N’oublie pas mon petit souper
De préférence du riz et de la sauce arachide
Ça sera difficile de trouver du poisson là-haut
Alors tu pourrais juste y ajouter deux tourterelles
J’espère que tu ne me trouves pas gourmand de te demander tout ça
En fait je veux partager avec mon ami Ismaël
Pour lui prouver que tu es bien réel
Lui il me dit toujours que tu n’existes pas
Mais moi je t’ai vu à la télé
Dans tes bottes et ton beau bonnet
Dis, quand tu viendras, tu pourras me prêter ton manteau pour un moment
Je te le rendrai après l’harmattan

Petit Papa Noel comme tu vis là-haut
Peut-être que tu rencontres souvent ma maman
Ça fait deux ans qu’elle a rejoint mon père au ciel
Alors dis-lui que je vais bien pour ne pas qu’elle s’inquiète
Et que je travaille dur pour qu’elle soit fière
Souvent je fais la vaisselle chez madame X
Les clients me donnent des restes et quelques rares fois des pièces
D’autres fois j’aide les ménagères à transporter leurs paniers, leurs sacs et toutes sortes de bagages
Et ces bonnes dames me trouvent beaucoup trop fort pour mon âge
Petit Papa Noel, quand tu descendras du ciel
Avec leurs bicyclettes, leurs poupées
Leurs jeux électroniques, leurs souliers
N’oublie pas mon petit souper

Ça fait déjà plusieurs 25 décembre qu’Ibrahim a envoyé sa lettre
Mais personne n’est jamais venu du ciel
Alors il s’en est allé ailleurs, à la quête de son souper
Devant les restos ou à chaque feu tricolore
Vous n’aurez pas de peines à le reconnaitre
Il porte juste une sandale droite à son pied gauche
Et un tee-shirt d’au moins deux fois sa taille
Si par hasard vous avez une pièce qui traine
Donnez-la lui, il vous dira : « Merci, que Dieu vous bénisse ».

Hamidou VALIAN, slameur burkinabè