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Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

mardi 4 novembre 2014.

 

Blaise Compaoré est parti de Kosyam. Avec armes et bagages. L’ancien président du Faso est déclaré « dans un lieu sûr », son intégrité « physique et morale assurée ». Samedi 1er novembre 2014, à l’état-major des forces armées du Burkina, en présence des principaux chefs militaires, les forces armées nationales ont retenu à l’unanimité le Lieutenant-colonel Isaac Yacouba Zida pour conduire la période de transition. Les militaires sont peut-être contents, mais ce n’est pas pour ce résultat que les Burkinabè se sont battus

Cet enchainement d’événements ouvre la voie à d’autres questionnements. On dirait que nous sommes abonnés aux records. 27 ans : un seul homme pour diriger. En 48 heures : 3 hommes pour cafouiller les choses. Et rien ne dit que ça va aller. Pourtant, nous avons tous le même objectif : le développement du Burkina Faso et l’épanouissement des Burkinabè. On devrait pouvoir s’entendre. De toutes les façons, nous n’avons pas le choix. L’urgence de l’heure le commande.
Il faut que la plume du rédacteur suive la marche des choses. Pour ma part, je dois passer de mon Grand frère Blaise à mon Petit frère Yacouba. Tout en gardant la révérence due à un chef d’Etat. Pas commode pour un vieux moaga, mais il faut s’y faire. Au petit frère, on peut parler de choses qui fâchent. Au chef d’Etat, il faut y mettre les formes. Toutefois, on peut compter sur la compréhension d’un compatriote.

Au risque de laisser son esprit vagabonder, on se limitera à deux ou trois questions. Qu’est-ce qui vient de se passer dans les hautes sphères militaires au Faso ? Passation de pouvoir ? Coup de force ? Petits arrangements entre amis ? C’est un peu de tout cela à la fois. S’il s’agit d’une passation de pouvoir, on ne voit pas pourquoi l’ancien président s’est sauvé. S’il s’agit d’un coup d’Etat, on n’a jamais vu un putschiste baliser le chemin pour accompagner l’exil de son adversaire défait. Qui ne voit le risque pour l’ancien président de revenir à la tête d’une troupe puissamment armée pour reprendre sa chose. Surtout dans un proche lointain comme Yamoussoukro, précisément là où Blaise Compaoré ne manque pas d’accointances.
Reste l’hypothèse des petits arrangements entre amis. Si tel est le cas, on comprend les allers et venues et les conciliabules sans fin. Situation écœurante, quand on sait que ce genre d’arrangements se font nécessairement au détriment de quelqu’un. En l’occurrence, sur le dos de tout le peuple burkinabè.

Autre question troublante : pourquoi des militaires au pouvoir ? Dans le jargon des militaires, il y a le terme « buts de guerre ». Autrement dit, pourquoi une armée déclenche la bataille. Quels étaient « les buts de guerre » du peuple burkinabè ? Il n’est pas inutile de le rappeler ici. Nous nous sommes levés pour demander le respect de la constitution de juin 1991, principalement en son article 37. Nul n’a le souvenir d’une autre revendication. C’est seulement et principalement l’entêtement de Blaise Compaoré qui a entraîné les dernières évolutions. Si on n’avait pas abattu nos enfants, Blaise Compaoré pouvait retirer sa loi, terminer son mandat, et s’en aller vers son destin. Au soir de la journée historique du 28 octobre, personne ne demandait le départ du président. Il doit s’en prendre aux faucons de son camp pour ce qui lui est arrivé. Et s’il a sous-estimé le ras-le-bol de son peuple, tant pis pour lui. Nous ne pouvons oublier que ceux qui se disputent le trône aujourd’hui se tenaient hier encore solidement face aux manifestants. Une question qu’il faudra bien trancher un jour.

Pour l’heure, passons !

Rappelons-le : ce qui a provoqué la bagarre, c’est que nous tenions au respect de la constitution de juin 1991. Respecter la constitution, ce n’est certainement pas la suspendre. En procédant de la sorte, on nous enlève nos « buts de guerre ». Or, enlever les « buts de guerre », c’est dévoyer la cause, dévier la marche des choses, bref voler la victoire. Hier encore, Blaise Compaoré nous traitait de plaisantins. Nous voulions la démocratie et aujourd’hui encore nous voulons la démocratie. Blaise Compaoré s’est présenté maintes fois aux élections, expliquant qu’il n’avait plus le statut militaire. Un brouillard qui ne parvenait pas à masquer la réalité. Aujourd’hui, le réel apparaît tout nu : nous sommes dans un régime militaire. Un recul inacceptable. Qui a décrété qu’un civil ne pouvait pas conduire une transition ? Pourquoi faut-il en passer par un régime d’exception ? Brusquement donc, nous ne savons plus faire fonctionner nos méninges !

Il existe bel et bien des mécanismes africains pour dissiper les rancœurs. Car il est plus que nécessaire de dissoudre les haines accumulées. On ne va pas s’enfoncer dans un cycle infernal de vengeances vengeant des vengeances. Le Burkina Faso ne manque pas de vieux sages à même de conduire la transition. Plus que jamais, il nous faut une autorité morale, c’est-à-dire une autorité au-dessus des diplômes, des titres et des grades. Quelqu’un qui n’a aucun intérêt à brouiller le jeu. Quelqu’un qui sait qu’il ne travaille pas seulement pour lui-même, mais pour tous les Burkinabè. Pour aujourd’hui, et pour l’avenir. Comment voudrait-on que l’on puisse faire confiance à un gradé issu des rangs du RSP, le nouveau nom du Conseil ? Même sans ces fantômes qui hantent les têtes, avec les militaires, on est maintenant habitué au provisoire qui dure.

Nous devons rétablir la constitution, car il faut un cadre pour l’action. Il importe de sortir au plus vite de ce pouvoir d’exception qui ne dit pas son nom. Les ambiguïtés et les feintes des temps passés nous ont coûté assez cher comme cela. Il faut en tirer les leçons. Il faut retravailler cette constitution, car ce sont justement les failles de ce texte qui nous valent nos malheurs actuels. Depuis le début, cette constitution a été rédigée de façon bancale pour servir un homme. Et même quand on faisait des révisions, ces mêmes révisions contenaient des pièges. Pour s’en convaincre, il suffit relire le projet de loi du 30 octobre 2014. « Je déverrouille pour moi, et je dispose autrement pour mes successeurs. » Pourquoi donc garder en l’état un texte qui permet de telles entourloupes ?

Nous ne sommes pas idiots. Par conséquent, si nous sommes réellement honnêtes, nous devrions pouvoir corriger les insuffisances de cette constitution. Regardez la constitution des USA. Une page ! Regardez la Déclaration universelle des droits de l’homme. Une page ! Une page et ces textes ont traversé le temps.

Sayouba Traoré
Ecrivain, Journaliste



Vos commentaires

  • Le 4 novembre 2014 à 06:52, par Yelwingtiim En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Bonjour et merci pour cette analyse très pertinente comme à vos habitudes M. TRAORE,
    Plus le temps passe, moins nous croyons à honnêteté de nos leaders politiques, civils et des militaires usurpateurs ;
    Alors, qu’ils s’attendent à payer cela un jour,comme l’ancien Président. La déception gagne progressivement les rangs des braves burkinabé qui ont lutté pour obtenir le retrait du projet de loi.
    J’ose croire que le délai de 15jours donné à l’armé pour une transition civile démocratique par l’Union Africaine sera trop long pour ces concertations sans fin.
    Merci !

  • Le 4 novembre 2014 à 07:30, par toega En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Oui grand frère Sayoba, vous vous êtes battu comme un lion à votre façon. Cette fois ci, n’écrivez pas seulement dans les journaux, il faut adressez des messages et propositions constructives à tout les décideurs du moment. Mon message est : ne ratons pas le train de la liberté, elle est là garée.vives le Burkina Faso.

  • Le 4 novembre 2014 à 11:24, par Abel Romejko En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Encore merci pour la pertinence de tes écrits ! J’espère bien que nos politiques, civils et militaires ou leurs conseillers, ont le temps de les lire et faire bon usage.

  • Le 4 novembre 2014 à 11:32, par Yatenga Forces En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    No comment grand frère. Merci, il est grand temps que tu rentres pour contribuer activement au debat

  • Le 4 novembre 2014 à 12:04, par La doctrine En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Bonjour.
    Je crois personnellement qu’il faut peut-être éviter au stade actuel des expressions comme "militaires usurpateurs", "voler la lutte" etc. Je ne suis pas pour la transition militaire mais je crois que si le 31 octobre, aucun militaire n’avait pris le pouvoir de fait, le chaos serait plus grave que ce que nous avons vu et cela aurait chassé aussi des investisseurs de notre pays et paralysé l’activité économique un tant soit peu. Ce qui se passe actuellement est une situation de fait qui ne doit certes pas durer mais il faut que le peuple burkinabè cesse de proférer des expressions de haines et autres à l’armée, au Lieutenant-Colonel ZIDA et à tous ceux qui sont engagés dans le processus de transition et des concertations en cours. Je crois que ce n’est pas en cela que nous résoudrons le problème. Je rappelle que c’est le peuple qui avait appelé l’armée à prendre ses responsabilité depuis le 30 et ce jusqu’au 31 et pour un militaire, face à un poste de présidence vacant, ça veut dire quoi, "prendre ses responsabilités" ? Je crois qu’ils ont fait ce qu’ils ont compris et même quand on scandait le nom du Général Kouamé Lougué, c’est bel et bien un militaire. De grâce, travaillons à faire sortir notre pays de l’impasse actuelle ; s’il y a des questions de justice, laissons cela à l’institution judiciaire qui fera son travail. Sinon, dans des troubles, nous ne ferons que des règlements de compte qui terniront notre image et celle de notre révolution. Que Dieu bénisse le Burkina Faso.

  • Le 4 novembre 2014 à 12:35, par Alexio En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Si ces elements de la RSP ce sont vetus en peau d agneau,alors que ce sont des lups ravisseurs,ils seront demasques. Et la communaute Internationale endossera cette victoire du peuple a sa juste valeur. NOTRE DUE FONDAMENTALE EST L INSTAURATION DE LA VRAIE DEMOCRATIE ET L EGALITE DE LA CHANCE A TOUS LES FILS DU FASO INDEPENDAMENT DE L ADRESSE FAMILIALE ET DU TITRE QUI NA RIEN AVOIR AVEC LES LIBERTES INDIVIDUELLES FONDAISON DE LA DEMOCRATIE.

    L armee doit retourner au bercail et ne doit plus se meler a nos affaires politiques. Elle est un PATRIMOINE du peuple Finance par le peuple.
    Sa MISSION PRINCIPALE EST LA DEFANCE DU TERRITOIRE ET NON PROTEGER
    LA MAGOUILLE MILITARO-POLITIQUE MAINTES FOIS ECHOUEE
    Nous ne voulions plus que ce outil soit utilser pour des fins personelles et claniques,
    comme celle des 27ans du regime de Blaise Compaore.

    LE MONDE N A PLUS DE PLACE POUR LA DICTATURE MILITAIRE. PAS MOINS AU FASO.

    VICTOIRE AU PEUPLE VAILLANT DU FASO.

    NB:Webmaster, laissez passer mon Message.

  • Le 4 novembre 2014 à 15:17, par PIT En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    Merci pour votre analyse. La difficulté que nous avons actuellement, ce n’est pas trouver un homme/une femme à même de diriger la transition ; c’est trouver un homme/une femme de consensus qui soit au-dessus de tout soupçon ; celui-là ou celle-là dont l’intégrité et la probité n’ont jamais été remises en cause et dans lequel/laquelle l’ensemble des couches sociales, des forces vives et les différentes communautés accepteront de placer sans hésiter leur confiance. Je n’ai malheureusement pas de proposition ; peut-être vous ?!

  • Le 4 novembre 2014 à 17:01 En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    A PIT. Le Burkina a de la chance. IL a une jeunesse courageuse. Et puis, nous venons d’avoir un Cardinal tout neuf. Pourquoi ne pas faire appel a cette autorité morale ?

  • Le 5 novembre 2014 à 08:20, par ARMAND KERE En réponse à : Sayouba Traoré : « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie »

    SACRE PETIT YADGA.ON DIRAIT QUE TU LIS TOUJOUR DANS MON ESPRIT QUAND TU ECRIS.BELLE ANALYSE COMME A TON HABITUDE.TU ES UN DIGNE FILS SOUCIEUX DU DEVENIR DE TA PATRIE.MERCI DE CONTINUER CAR ON TE SUIS AUSSI DEPUIS LES USA ET CA NOUS FAIT UN GRAND BIEN.