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Fonctionnement préjudiciable de la Cour de cassation : Le diagnostic est posé

jeudi 2 octobre 2014.

 

Placée sous le thème : « les obstacles juridiques au bon fonctionnement de la Cour de cassation », la cérémonie marquant la rentrée judiciaire 2014-2015 est intervenue le mardi 1er octobre 2014 à Ouagadougou. A l’occasion, le fonctionnement de la haute juridiction de l’ordre judiciaire qu’est la Cour de cassation, a été mis à nu ; laissant transparaître une victimisation injuste des justiciables.

La rentrée judiciaire s’affiche, peut-on convenir, comme un moment fort de l’institution judiciaire. Elle constitue l’occasion, foi de la présidente par intérim de la Cour de cassation, « de réunir la grande famille judiciaire pour réfléchir sur un thème qui permet à l’institution d’aller de l’avant ». Dans cette dynamique, c’est le fonctionnement de la Cour de cassation qui a été mis au centre de la réflexion à l’occasion de la rentrée judiciaire 2014-2015. Une réflexion voulue pour diagnostiquer les imperfections non seulement des textes mais aussi de la pratique judiciaire.

Investie du pouvoir de contrôle de l’application de la loi et d’unification de l’interprétation du droit, la Cour de cassation se retrouve très souvent confrontée non seulement à l’insuffisance des textes, mais aussi à la lenteur des juges du fond. En effet, la Cour de cassation n’apprécie que l’interprétation et l’application du droit faites par les juges des Tribunaux de grande instance (TGI) et ceux des Cours d’appel (CA). Ce sont ces derniers qui examinent les faits ayant amené les parties à recourir à la justice. Après cet examen, ils décident conformément à la loi. Et ce n’est cette conformité qui intéresse la Cour de cassation. Elle devra en effet, vérifier si les motivations et la loi sur laquelle se sont appuyés les juges du fond, ‘’tiennent la route’’. Autrement, elle vide d’effets juridiques – qui voudraient que les parties s’exécutent dans tel ou tel autre sens - la décision rendue par les juges du fond, et la renvoie – généralement – devant une autre juridiction de fond. Toute chose qui permettrait au justiciable estimant que le droit n’a pas été bien dit dans une affaire la concernant, d’obtenir la rectification de la décision rendue par les juges du TGI et de la CA.

51 arrêts d’irrecevabilité en 2012

Il est donc indispensable que la Cour de cassation dispose de la décision contre laquelle s’insurge devant elle, l’une des parties. Et c’est à cette dernière de fournir ladite décision qui doit être jointe à sa requête sur papier timbré, signée d’un avocat. Une requête devant être déposée dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision judiciaire litigieuse est rendue. Mais bien souvent, « dans le délai de deux mois prescrit par la loi, la décision attaquée n’est pas rédigée par le juge qui l’a rendue, mettant aux prises juges de cassation et demandeur au pourvoi ». C’est du moins, ce qui ressort du rapport relatif au fonctionnement de la Cour de cassation, rapport présenté à la cérémonie du jour par le Conseiller Jean Kondé.

En pareille situation, c’est l’irrecevabilité de la requête qui sera servie par la Cour de cassation au requérant. En conséquence, sa requête ne peut être examinée ; la Cour étant assise sur le principe selon lequel « la forme tient le fond en l’état » de sorte que si la forme de la requête a des insuffisances, le fond ne puisse être examiné. Et Me Mamadou Traoré, Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina de s’interroger, « Comment critiquer une décision dont on a jamais vu la motivation ? ». Se pose donc à la Cour, le problème de l’identification concrète des raisons du désaccord du justiciable.

Malheureusement, ces requêtes sans la décision visée, font légion. A titre illustratif, rappelle M. Kondé, « au cours de l’année 2012, sur 114 arrêts rendus par la Cour, 51 ont prononcé des irrecevabilités, soit un taux de 44,73% ».
La non-rédaction par le juge d’une décision de justice est, de l’avis du Procureur général près la Cour de cassation, « constitutive d’une faute professionnelle ». Cela est d’autant plus inquiétant que la Cour de cassation ne peut enjoindre aux juges du fond de rédiger avec célérité, les décisions qu’ils rendent. « Il appartient, préconise le ministre de la Justice, Dramane Yaméogo, aux chefs de juridictions de premier et de second degré, de redoubler d’efforts dans le suivi et le contrôle de la rédaction des décisions rendues par les magistrats exerçant sous leur autorité et leur contrôle ». Et d’ajouter, « Il est important d’insister sur la nécessité de tendre vers des décisions disponibles au moment de prononcer le délibéré à l’audience ».

Contradictions et insuffisances de textes

Une autre entrave au bon fonctionnement de la Cour de cassation se rapporte à la contradiction entre les articles 78 et 613 du Code de procédure civile (CPC) ; un Code adopté depuis 1968. En effet, tandis que l’article 78 accorde des délais de distance (15 jours pour les personnes domiciliées hors du siège de la juridiction ayant rendu la décision attaquée, et deux mois pour celles qui résident à l’étranger) pour la comparution, l’article 613 les exclut. Face à la situation, confie le Conseiller Jean Kondé, même le recours au principe selon lequel ‘’ les dispositions spéciales ou particulières dérogent aux dispositions générales’’ n’est pas d’un grand secours pour les juges de cassation qui se retrouvent très souvent dans « l’embarras ».

En disposant que les parties sont tenues, sauf dispositions légales contraires, de se faire représenter par un avocat devant la Cour de cassation, l’article 594 du CPC exposent les juges de cassation à une interprétation complexe lorsque le requérant est lui-même un avocat. En effet, la loi ne précise pas s’il faut le soumettre ou non à l’obligation qui pèse sur le justiciable ordinaire en dépit de sa qualité d’avocat. De même, les dispositions relatives à la régularisation de la requête devant la Cour, comportent des insuffisances face auxquelles, confie M. Kondé, « les juges de cassation ont le plus souvent eu des interprétations divergentes ».

Par ailleurs, l’institution de la procédure de sursis à exécution en vertu duquel le juge de cassation peut être amené à prononcer la suspension de l’exécution d’une décision attaquée devant la Cour de cassation, est de nature, foi de M. Kondé, à faire de la Cour, une juridiction de troisième degré. En effet, le prononcé du sursis à exécution requiert de connaître – en détail – les faits qui ont justifié la saisine de la justice. Or, la Cour de cassation ne peut juger qu’en droit en se contentant de vérifier si le juge du fond a dit le ‘’droit juste’’ au regard de la loi.

Des entraves non-juridiques aussi

Ce sont là, autant d’entraves juridiques au bon fonctionnement de la Cour de cassation. Il y a en plus, relève Me Mamadou Traoré, des entraves non-juridiques qui plombent ladite Cour. A en croire le Bâtonnier, des magistrats affectés à la Cour de cassation depuis plus de 12 mois sont sans bureau. Et l’autre entrave non-juridique, selon lui, se rapporte à l’insuffisance numérique des ressources humaines pour animer la Cour.
Ces entraves non-juridiques, le gouvernement, foi du ministre de la Justice, en prend acte. Le ministre Dramane Yaméogo a également saisi l’occasion pour inviter les acteurs du monde de la Justice, à s’investir davantage dans le combat contre la corruption en milieu judiciaire ; sa conviction étant « qu’une justice débarrassée du fléau de la corruption est possible au Burkina Faso ».

Juger, et bien juger

En attendant, la présidente par intérim de la Cour de cassation, a rappelé à ses collègues, que « Le serment du juge renferme en lui-même l’obligation de juger, et de bien juger, en toute indépendance et impartialité et ce, au regard de la loi et du droit ». Le respect de la liberté, et de la dignité, l’égalité de traitement entre justiciables, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, du principe du contradictoire, doivent, de l’avis de la présidente par intérim, guider l’esprit de créativité en cas de lacunes de la loi. En tout état de cause, précise-t-elle, « Il est indispensable que les différentes chambres de la Cour harmonisent leurs interprétations sur la procédure de pourvoi dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et dans l’intérêt du justiciable ». Sur la question, le Procureur général près la Cour de cassation dit estimer que la Cour gagnerait à développer sa propre jurisprudence, en attendant une éventuelle réforme législative.

Signalons que la Cour de cassation, est la juridiction supérieure de l’ordre judiciaire qui regroupe l’ensemble des juridictions du fond (en l’occurrence les Tribunaux d’instances, TGI, Tribunaux de commerce, Cours d’Appel) ayant compétences pour connaître des litiges nés entre personnes privées et pour sanctionner les auteurs d’infractions aux lois pénales. C’est une juridiction permanente et unique sur l’ensemble du territoire, siégeant à Ouagadougou, dans l’enceinte de l’ancienne Cour suprême créée en 1962 dont elle est d’ailleurs l’émanation de sa Chambre judiciaire. Elle dispose en son sein, d’une Chambre civile, d’une Chambre commerciale, d’une Chambre sociale et d’une Chambre criminelle. Elle doit faire en sorte que le droit soit bien appliqué ou interprété de la même manière par toutes les juridictions du fond qu’elle chapeaute.

Fulbert Paré
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 2 octobre 2014 à 19:10, par youssouf En réponse à : Fonctionnement préjudiciable de la Cour de cassation : Le diagnostic est posé

    tous a ete dit dans l’article mais la seule chose qui a ete omis c’est bel et bien la date de la tenue de notre truck,les gars car si ceux qui sont entrée dans la sale on eu a décider que le référendum est le seul moyen de trancher entre les burkinabés je crois que personne ne peut nous dit le contraire de cela.
    vraiment,pardonner donner nous la date et on s’aura comment vont s’arranger les choses entre les burkinabés.nous sommes que dans le respect de la légalité et cela doit être très bien fait

  • Le 2 octobre 2014 à 19:19, par youssouf En réponse à : Fonctionnement préjudiciable de la Cour de cassation : Le diagnostic est posé

    comme le stipule l’article lui même,le vin est déjà tirer il faut le donner au peuple ils vont boire,pour atténuer leurs soif.et non les ranger comme des diplômes qu’on mets dans le placard.la constitution il faut l’appliquer sinon elle risque de nous faire des sales jeux comme dans certains de l’Afrique.

  • Le 3 octobre 2014 à 09:34, par Ka En réponse à : Fonctionnement préjudiciable de la Cour de cassation : Le diagnostic est posé

    Quelle justice parlons –nous au Burkina ? il n, y a jamais eu aucune justice dans notre pays depuis ce 15 Octobre 1987 à 16h20. Le régime sanguinaire du capitaine président complexe Blaise Compaoré a enterré tous nos droits, nos institutions, même notre constitution pour instaurer l’injustice, l’impunité, et la justice de celui qui a des armes. Tuer qui il veut, ou il veut. Vos robes rouges ne sont que des reflets que du sang du peuple meurtri par la répression, les tortures et les crimes des employés de maisons, des juges et journalistes. Nous parlerons de la justice au Burkina, quand l’alternance politique déterrera la vraie justice qui protège le peuple. Mesdames Messieurs, déshabillez-vous des robes rouges symbole de la justice neutre. Vous n’êtes que des magistrats corrompus par un système pourri

  • Le 3 octobre 2014 à 12:44, par Le Pic de la Mirandole En réponse à : Fonctionnement préjudiciable de la Cour de cassation : Le diagnostic est posé

    Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il snobé cette rentré judiciaire préférant présider le Conseil des Ministres ? Cela s’apparente fort à un crime de lèse-majesté