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MAEP : Les élus locaux et les OSC à l’école de la gouvernance

samedi 26 juillet 2014.

 

Du 18 au 19 juillet, le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) a organisé un atelier de sensibilisation sur la gouvernance à l’intention d’une centaine d’élus locaux et de représentants des Organisations de la Société civile de la Commune de Ouagadougou. L’atelier a pu se tenir avec le soutien du PNUD à travers le Programme de Renforcement de la Gouvernance Politique (PRGP).

Dans son mot introductif, le Secrétaire Permanent par intérim du MAEP, Losséni Cissé a rappelé l’intérêt d’un tel atelier pour sa structure : « Il s’agit de renforcer la participation des acteurs locaux au processus du MAEP. Aussi voudrons-nous approfondir les connaissances des bénéficiaires sur la culture civique et citoyenne, vous sensibiliser sur la bonne gouvernance. Enfin susciter des réflexions et des échanges au sein de la communauté sur votre rôle dans la processus du MAEP ».

A la fin de son propos, M. Cissé a invité les participants : « A être des petites gens dans de petits coins à faire de petites choses pour la bonne gouvernance et elle s’en portera mieux ».
Pendant deux jours les participants ont eu droit à trois communications qui leur ont permis de cerner certaines questions liées à la gouvernance.

Le MAEP pourquoi et pour quoi faire ?

La première communication donnée par M. Cissé a porté sur « la présentation du MAEP, progrès, défis et perspectives ». Afin de donner un aperçu sur le MAEP aux participants, un documentaire de 50 minutes a été projeté.

Le Secrétaire Permanent par intérim Losséni Cissé a précisé que le MAEP est né de la volonté des Chefs d’Etats et de gouvernements africains de placer la gouvernance et la démocratie au cœur de la quête du renouveau social, politique et économique qui anime l’Afrique. Le MAEP dont les textes de base ont été adoptés en 2003 est un instrument d’auto-évaluation auquel adhèrent volontairement les Etats membres de l’Union Africaine.

Les maîtres-mots qui constituent les principes directeurs sont : l’engagement, l’appropriation, la participation inclusive et la transparence.

Le Burkina Faso fait partie des premiers pays de la sous-région d’Afrique de l’Ouest à mettre en œuvre le MAEP. Il y a adhéré en mars 2003 et s’est engagé dans la préparation de son Rapport d’autoévaluation. La mission d’évaluation du Pays a été effectuée du 18 février au 16 mars 2008. Cette phase s’est achevée par l’évaluation par les Pairs lors du Premier Sommet Extraordinaire du MAEP tenu le 25 octobre 2008.
L’évaluation a pris en compte quatre aspects de la gouvernance : démocratie et gouvernance politique, gouvernance et gestion économique, gouvernance d’entreprises et développement socio-économique. Le rapport du Burkina a été publié en Juin 2009.

Bon nombre d’observateurs le cite comme étant l’un des meilleurs rapports d’évaluation du MAEP. Malgré ces compliments, M. Cissé a relevé que les défis du MAEP continental sont énormes. En effet, la recherche de l’équilibre entre les différents enjeux en rapport avec la dynamique entre les principes de souveraineté des Etats et d’engagement international. Le MAEP doit avoir la capacité de répondre aux multiples attentes, en ce qu’il est plus un processus de changement des pratiques et des modes de gouvernance qu’une solution immédiate aux crises de gouvernance. Une réflexion approfondie sur les questions transversales (la diversité, le foncier, le genre, les élections, le chômage et la corruption) devrait être menée. Le renforcement de l’engagement politique des Etats participants et l’optimisation du soutien financier (ex. Etats qui ont adhéré au MAEP depuis 2003 mais qui n’ont pas encore démarré le processus) et la stratégie de communication pour faire connaître le MAEP et ses activités.

Au niveau national, les défis sont aussi énormes. En effet, il faut assurer une représentation équilibrée des parties prenantes et l’indépendance de la Commission Nationale de la Gouvernance (CNG). La participation inclusive de la société civile et l’accès des communautés locales aux espaces de participation préoccupe le MAEP. La mobilisation des ressources financières pour l’exercice d’autoévaluation et l’élaboration et la mise en œuvre du Plan d’action national (PAN), l’intensification des programmes d’information et de sensibilisation auprès de tous les partenaires et parties prenantes, la décentralisation, des structures du MAEP, le renforcement de la capacité du Secrétariat du MAEP en le dotant des ressources humaines et des moyens matériels adéquats, etc.

Le rôle des OSC dans la gouvernance

Cette communication a été donnée par le juge Réné Bagoro. Il a fait remarquer que : « la contribution de la société civile dans la promotion de la bonne gouvernance est un impératif dans un État de droit. Dans le processus de construction d’un État de droit comme le notre, la participation citoyenne, qu’il s’agisse de citoyens individuels ou s’exprimant dans le cadre de la société civile, constitue un pilier essentiel de la construction démocratique ». Il ressort de cette communication que la Société civile a un rôle multidimensionnel : l’intervention dans tous les domaines de la vie nationale, la diversité des missions poursuivies, etc.

C’est au regard du rôle combien important de la Société civile que le juge Bagoro a indiqué qu’elle a aussi des défis à relever pour une contribution plus efficace à la bonne gouvernance : la formation, la synergie d’actions, l’autofinancement, et la transparence, etc. Le communicateur Bagoré a exhorté les participants à travailler à les relever pour une société civile plus forte parce que sa ferme conviction est que : « La place de la société civile dans un État de droit est une donnée naturelle. En effet, on ne peut pas prétendre gérer le pouvoir par le peuple et pour le peuple en l’excluant totalement des cercles de décisions et en le confinant au simple rôle d’électeur. En exigeant la transparence dans la gestion des affaires publiques et le respect de l’obligation de rendre compte, la société civile remet fondamentalement en cause, les modalités d’exercice du pouvoir d’État afin qu’elles soient recentrées sur la prise en compte de l’être humain et de tout l’être humain ».

La situation nationale à lumière du rapport du MAEP

Pour cette dernière communication, M. Abdoul Karim Sango avait la charge de s’entretenir avec les participants. Il s’est agi de revenir sur les recommandations contenues dans le rapport du MAEP dont l’application aurait permis des avancées en matière de démocratie et de gouvernance.

Le communicateur Sango a introduit son propos par la crise politique actuelle que traverse le Burkina Faso.

Il a souligné que le rapport du MAEP avait recommandé que si l’article 37 devait faire l’objet d’une modification, il fallait un large consensus. Selon lui, la mise en place et la tenue des travaux du Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP) n’ont pas été consensuelles parce qu’elles ont été boycottées par l’Opposition et des organisations de la Société civile. Au résultat, ceux (majoritairement favorables au pouvoir) qui ont participé n’ont pas aussi trouvé un consensus sur l’article 37. Il dit alors ne pas comprendre l’entêtement du pouvoir à vouloir convoquer un referendum pour le modifier. Une option qui, selon lui, va continuer à diviser les Burkinabè.
D’autres recommandations sont relevées dont la matérialisation permettra des avancées démocratiques. L’instauration des candidatures indépendantes, une question de principe qu’il dit défendre. Une recommandation qui empêche d’accorder le monopole du jeu politique aux partis politiques.
La dépolitisation de l’administration publique est d’actualité parce que le clientélisme politique est devenu le seul critère de nomination à des postes administratifs.

L’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs est vitale pour la démocratie. M. Sango a souligné que les pays francophones traînent les tares d’un système judiciaire mal copié sur la France. Parce que l’Exécutif peut faire injonction sur la justice, contrairement aux Etats-Unis. Il a précisé qu’en France, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Les dernières actualités sur l’ancien président Sarkozy en sont les preuves.

Le communicateur Sango a insisté sur la dépénalisation du délit de presse et sur l’application d’une Convention Collective pour les journalistes afin, qu’ils travaillent dans la quiétude et la sérénité.
Il a aussi cité la recommandation sur la mise en place d’une administration électorale pour capitaliser les expériences de la Commission Electorale Nationale indépendante (CENI).

A l’issue de chaque communication, les participants ont soulevé des préoccupations sur l’état de la démocratie et de la gouvernance au Burkina, le rôle des acteurs politiques et de la Société civile. Au Secrétaire Permanent par intérim de rappeler que « la racine du mot gouvernance comporte deux notions : gouvernants et gouvernés. Chaque entité doit jouer le rôle qui lui incombe pour une bonne gouvernance ».

B.M

Pour Lefaso.net