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Le téléchargement gratuit des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur

lundi 7 juillet 2014.

 

On ne saurait aborder la question des téléchargements gratuits, sans pour autant définir au préalable la notion de téléchargement à travers ses différentes manifestations. La notion de téléchargement s’apparente à celle de reproduction d’œuvres littéraires et artistiques dans le domaine du droit d’auteur. La reproduction est mieux perceptible dans l’environnement analogique d’où l’expression « reproduction mécanique » connue des artistes musiciens membres des bureaux de gestion collective.

Quant à la reproduction dans l’univers numérique, elle emprunte couramment l’expression plus commode de téléchargement car, s’agit-il d’une reproduction à travers une télédiffusion par la fibre optique.

Cependant, contrairement à la reproduction, le téléchargement présente plusieurs options dont le téléchargement légal (1), le téléchargement illégal (2), et enfin le téléchargement gratuit (3).

I. Le téléchargement légal

Est légal tout acte accompli dans le respect des prescriptions convenues d’accord parties ou adoptées par la loi. Le droit d’auteur ne s’exclut pas de ce principe. En effet, la légalité d’un acte en droit d’auteur se mesure par rapport au respect dû aux règles régissant l’exploitation des œuvres littéraires et artistiques. Jouissant de l’exclusivité de tous les droits sur son œuvre, fruit de sa création, le consentement de l’auteur en vue de l’exploitation de son œuvre par des tiers, est une condition sacrée à lui conférée par le législateur burkinabè depuis la loi du 22 décembre 1999, portant protection de la propriété littéraire et artistique.

Le téléchargement ou reproduction, forme d’exploitation par excellence de l’œuvre littéraire et artistique, constitue sans doute la pierre angulaire autour de laquelle gravitent toutes les autres formes d’exploitation de l’œuvre. La gestion du droit d’auteur s’est fondée sur celle individuelle sous un régime contractuel, avant d’être érigée en la forme collective eu égard aux limites et insuffisances de la gestion individuelle. Le régime des contrats a en effet gouverné la mise en œuvre du droit d’auteur depuis sa naissance et demeure toujours en vigueur malgré les mutations technologiques le rendant aujourd’hui plus ou moins vulnérable.

A cet égard, la légalité de l’acte de téléchargement obéit à la conclusion d’un contrat. L’autorisation donnée par l’auteur en vue du téléchargement de son œuvre est matérialisée par la conclusion d’un contrat dit d’édition numérique entre lui et un éditeur de site web. Cette forme de téléchargement autorisée par l’auteur ou ses ayants droit, est dit légal car respectant la volonté de ce dernier. Il est dit illégal, lorsqu’il est pratiqué en violation des dispositions légales le régissant c’est-à-dire en violation du consentement de l’auteur.

II. Le téléchargement illégal

Exercé sans autorisation de l’auteur, le téléchargement illégal se manifeste sous plusieurs formes dont la plus pernicieuse est le « peer to peer ». Conçu au départ comme un forum de discussion entre amis, le logiciel « peer to peer » est devenu aujourd’hui un véritable instrument d’échanges et de partages de fichiers protégés. Le cercle d’amis ayant dépassé les limites du supportable, ce logiciel est devenu la meilleure des convoitises du 21ème siècle. Techniquement, ce logiciel est en soit une innovation, une œuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur et de celui des brevets.

Cependant, l’usage qui en fait, constitue une véritable violation du droit d’auteur. En effet s’exerçant en upload et en download le secret de ce logiciel est fondé sur le principe simultané de téléchargement et de téléversement c’est-à-dire, de mouvement descendant et ascendant associé l’un à l’autre sans que l’utilisateur ne puisse l’empêcher. La dualité de ce mécanisme interdépendant, a permis à certains penseurs, de nier l’illégalité du téléchargement ou Download en invoquant à son bénéfice la notion d’exception de copie privée. Le téléversement ou l’Upload serait pour eux, l’acte de représentation illégal, car n’ayant pas obtenu le consentement des auteurs. Le débat autour de cette question ne semble pas encore produit des résultats consensuels. Les successions de formules du projet de loi française « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » ayant accouché de la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) n’ont pas remporté de véritables succès dans la lutte contre la pratique du peer to peer.

Le téléchargement illégal, c’est aussi cette pratique des détenteurs de plate-forme audiotel contenant des œuvres fixées à des fins de téléchargement payant. Le téléchargement illégal c’est également ce phénomène devenu aujourd’hui, le sport favori des burkinabè. Installés aux abords des artères des grandes villes, des individus, à l’aide d’un microordinateur et d’une clé de connexion, procèdent au transfert de sons musicaux ou au téléchargement de sons de leur ordinateur au téléphone portable munis de cartes mémoires des clients moyennant une rémunération. Cette pratique illégale est une véritable atteinte au droit d’auteur des artistes. Il s’agit purement et simplement d’actes de piraterie. Invoquer à sa décharge, la copie privée ne sied pas en l’espèce, car, le téléchargement ou la reproduction n’est pas fait par et pour les besoins privés et personnels du copiste (ce que la loi admet), mais au profit des tiers c’est-à-dire à des fins collectives. La loi burkinabè portant protection de la propriété littéraire et artistique qui sanctionne les actes de piraterie est malheureusement muette sur les atteintes au droit d’auteur dans l’environnement numérique.

En France, une charte a été élaborée afin de formaliser la volonté d’endiguer le phénomène du peer to peer. Il s’agit de la charte d’engagement pour la lutte contre la piraterie et le développement des offres légales de musiques en ligne signée le 28 juillet 2004 entre les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI), les distributeurs en ligne, les sociétés de droits d’auteur et les producteurs.
Qu’en est-il alors des téléchargements gratuits ou libres ?

III. Le téléchargement gratuit

Face à l’usage abusif de la notion de copie privée et aux limites et insuffisances des dispositions juridiques susceptibles de réprimer ces pratiques illégales et préjudiciables aux intérêts des auteurs et producteurs des œuvres, il a été imaginé des dispositions techniques à même d’empêcher la copie de l’œuvre quitte à porter atteinte à l’exception de copie privée qui demeure toutefois une exception et non droit. Les Mesures Techniques de Protection (MTP) sont des dispositions techniques qui ont fait leur apparition dans l’univers de l’Internet, suite aux actes de reproduction excessive des œuvres contenues dans les supports numériques.

A cet égard, les producteurs des œuvres musicales et cinématographiques ont décidé d’insérer désormais dans ces supports numériques, des dispositifs techniques empêchant leur copie. Malheureusement, l’imagination des pirates a encore pu contourner ces mesures techniques de protection. Pour mieux les encadrer, les traités OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), conclus le 20 décembre 1996, et communément appelés traités internet, ont adopté des dispositions juridiques sanctionnant le contournement des MTP.

Aussi, lassés de toutes ces tergiversations technico juridiques et parallèlement à ces mesures techniques, certains producteurs d’œuvres musicales et éditeurs de site web, ont alors initié d’autres alternatives dans la sphère de diffusion des œuvres musicales en ligne. Il s’agit des téléchargements gratuits issus de l’application des licences libres inscrites au sein du mouvement du « copyleft », signifiant littéralement « copie laissée », s’opposant au copyright. Il faut entendre par licence libre, la possibilité donnée par un auteur à un utilisateur de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer ses œuvres. Les licences libres se justifient souvent par la structuration de la toile, fondée sur le partage et la gratuité avec pour objectif de partager les créations aux fins d’enrichir le patrimoine commun d’une part, et d’autre part, par la facilité de circulation des œuvres en toute légalité et gratuitement.

Cependant, la gratuité pour l’utilisateur de l’œuvre ne signifie nullement l’absence de rémunération pour l’auteur. La gestion des œuvres musicales amorce ainsi l’application de nouveaux modèles économiques. Des sites web sont aujourd’hui utilisés par les artistes ou producteurs de musique, à des fins de téléchargement gratuits, mais, sont rémunérés par les retombées publicitaires qu’engrange le site.

Le site www.jamendo.com/fr/ donne la parfaite illustration avec plus de 40.000 titres sous licence libre, gratuitement et légalement mis à la disposition du public depuis 2007 avec un programme de partage des revenus publicitaires aux artistes participant à son essor. Une formule assez intéressante permettant aux artistes non membres des sociétés de gestion collective d’avoir la possibilité d’être rémunérés, même si la pratique remet en cause les fondamentaux des modes traditionnels de gestion des droits des artistes en glissant vers une gestion individuelle des droits par l’artiste lui-même.

Permettre ainsi aux utilisateurs d’écouter et de télécharger de la musique librement et gratuitement peut être certes, considéré comme un nouveau modèle économique d’exploitation des œuvres musicales, mais qui demeure toutefois, tributaire des dispositions contractuelles devant régir l’application des principes de gestion des droits d’auteur.

En conclusion, télécharger gratuitement des clips vidéo à partir de certains sites web comme Youtube est bien légal, parce que cette pratique n’occasionne pas de perte financière pour l’artiste. Il est rémunéré sur les gains publicitaires qu’engrange le site.

Jacques TRAORE



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