Retour au format normal
lefaso.net

La question de l’esclavage : Un sujet sensible, selon le Pr Maurice Bazemo

dimanche 18 mai 2014.

 

« La question de l’esclavage pendant la colonisation au Burkina Faso », c’est autour de ce thème que l’historien Maurice Bazemo a animé le 16 mai 2014, une conférence publique dans la salle de conférences du Centre national des Archives. L’esclavage avant, pendant et après la colonisation française, le Pr Bazemo en a retracé les points saillants. L’on en retiendra que l’esclavage est aujourd’hui un sujet sensible, tant ses conséquences sociales et politiques sont nuisibles et perdurent.

Sur fond d’ethnocentrisme à dominance culturelle, presque toutes les sociétés du Burkina Faso ont, foi du Pr Bazemo, vécu avec des esclaves. Ceux-ci étaient acquis soit par la razzia au moyen de chevaux, soit par l’achat ou le troc. « La guerre dite sainte ou djihad » a également été menée pour l’obtention d’esclaves. C’étaient de véritables richesses aux mains des sociétés esclavagistes, en l’occurrence les sociétés hiérarchisées tels que les Mossi, les Peuls et les Touaregs. En effet, les esclaves accomplissaient des fonctions économiques en termes non seulement de main-d’œuvre pour les travaux champêtres, mais aussi de monnaies d’échange contre le sel, les étoffes, les chevaux, les cauris.

Des fonctions sociales et politiques, les esclaves en remplissaient également. En effet, des jeunes filles ayant été victimes de razzia ont satisfait à des besoins de mariage ; les femmes nobles étant en nombre insuffisantes à l’époque. Certaines familles qui n’avaient pas eu de garçon, en achetaient parmi les esclaves. Des esclaves servaient de garde rapprochée des chefs dans certaines sociétés. Il y ‘en a eus aussi qui assuraient la police des marchés, qui accomplissaient des fonctions de bourreaux, qui assuraient la garde des épouses du roi.

S’insurgeant contre cette pratique esclavagiste, le colon a toutefois adopté une attitude paradoxale. Avec l’instauration de l’impôt de capitation, certaines familles se sont vues obligées de vendre certains de leurs enfants, « surtout des filles » selon le Pr, pour s’acquitter de cet impôt auprès du colon. Cette vente ayant été perçue comme cautionnée par la puissance colonisatrice, des réactions n’ont pas tardé. En effet, des querelles entre la Gauche et la Droite en France métropolitaine, ainsi que la pression des autres pays européens hostiles à la pratique de l’esclavage, ont suscité la prise en date du 12 décembre 1905, d’un décret consacrant l’abolition totale de l’esclavage dans les possessions territoriales françaises en Afrique, dont le Burkina Faso.

Les esclaves sont désormais encouragés à fuir leur maître, une amende de 500 à 5000 F ou une peine d’emprisonnement est prévue à l’encontre de ceux qui tenteraient de réduire leurs semblables en esclavage. Cette dynamique de fermeté contre la pratique de l’esclavage a été soutenue par les Pères Blancs à qui étaient confiés les esclaves libérés par l’autorité coloniale. Ces derniers étaient reçus dans des « villages de liberté » crées à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso, à Lokhosso (en pays Lobi) et à Ouahigouya.

C’est ainsi que la pratique de l’esclavage – du moins dans sa forme flagrante - a été supprimée. Mais, et à en croire le Pr Bazemo, les sociétés esclavagistes ont tenté – sans succès – de se révolter contre cette suppression. En tout cas, elles ont refusé d’envoyer leurs enfants à l’école du Blanc ; seuls les enfants d’esclaves y étaient envoyés. Et la suite, c’est que ces enfants d’esclaves sont très vite devenus les premiers auxiliaires du colon et servaient d’intermédiaires entre ce dernier et leurs anciens maîtres obligés de composer avec l’autorité coloniale. En cela, le Pr Bazemo dira voir « une véritable revanche de l’histoire ».

Toutefois, dit-il reconnaître, des formes d’esclavage sont toujours pratiquées dans certaines contrées du Burkina Faso et de l’Afrique. De l’avis de l’historien, seule l’éducation peut permettre d’éradiquer complètement la pratique et les penchants esclavagistes à conséquences encore multidimensionnelles. En effet, le seul fait de dire que l’autre est descendant d’esclave est de nature à lui nuire tant socialement que politiquement. Il convient de se garder de tels propos pour un climat de paix et de cohésion sociale. Et le moins que l’on puisse dire au sortir de cette conférence, c’est qu’elle aura été l’occasion pour un public qui n’a pu être contenu par la salle, « de revisiter un pan de l’histoire de notre pays », comme l’a relevé le Directeur général du Centre national des archives, le Pr Hamidou Diallo.

Fulbert Paré

Lefaso.net



Vos réactions (5)