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Fait divers : Quand les masques affrontent la population

vendredi 9 mai 2014.

 

Les pratiques traditionnelles dans les sociétés africaines sont de nos jours confrontées au problème d’urbanisation galopante. Un peu partout, même dans les grandes villes, des lieux de rite y demeurent toujours et créent souvent d’énormes difficultés de cohabitation. Dans la commune de Fara, non loin de Poura-Mine, les Bobo Dioula viennent de célébrer les 72 heures de leur rite traditionnel. Un professeur de la localité est rentré chez lui avec une chaussure, et sa moto a failli être saccagée. Il doit dire merci à ses jambes qui l’ont sauvé du pire. Suivons les faits.

Chaque année, la population de Fara comme d’autres localités du Burkina célèbrent des fêtes coutumières afin d’implorer la grâce et le soutien des ancêtres sur la population. Certains de ces rites se passent dans une festivité sans commune mesure. D’autres par ailleurs sont plus violentes et mettent en péril certaines activités. C’est le cas de la fête des masques célébrée à Fara les 3, 4 et 5 mai 2014. Ces 72 heures sont consacrées à des sacrifices et à des prestations de danses de masques. Toute la population est alertée par les griots et même des communiqués diffusés à la radio locale. Pas donc d’excuse pour qui se laisserait prendre au piège.

C’est généralement dans l’après midi que les masques font leur sortie. Le bosquet, lieu de sacrifice est à moins de 200 mètres du grand marché et du grand axe, carrefour – frontière du Ghana. Aucun problème à les observer à distance, mais s’approcher d’eux constitue une véritable infraction et très punissable. C’est pour cette raison que les classes sont fermées les après midis durant ces périodes pour que les élèves ne tombent pas innocemment dans leurs mains. Les moments les plus redoutables sont les nuits où ils sont encore très agressifs. Les avertis laissent le grand axe et empruntent des déviations.

Professeur de son état, mon ami est sorti le week-end avec son petit frère en balade du côté de Fara et au retour chez lui aux environs de 19 heures, il a pris le grand axe alors que les masques avaient déjà envahi la voie. A sa grande surprise, son phare les a braqués et voyant le danger imminent il a fait un demi-tour pendant que d’autres masques étaient postés juste à côté de lui. Il a donc pris les champs en otage. Les buttes ne lui ont pas permis d’aller plus loin. La seule solution possible et sans hésitation c’est d’abandonner la moto et en toute sportivité, mon cher ami a pris ses jambes à son cou avec derrière lui son compagnon de voyage qui se débattait tant bien que mal.

Les masques les ont poursuivis à vive allure. Si Monsieur le professeur est rentré chez lui avec une seule chaussure, son compagnon, lui, était pieds nus. La moto ainsi récupérée par les masques était sur le point d’être saccagée ; elle doit son salut à un du village qui a dû négocier pour rentrer en possession de la moto. Les roues et une bonne partie des capots avaient déjà subi leur sort.

La question de la cohabitation entre pratiques traditionnelles et urbanisation se pose avec acuité. Faut-il délocaliser ces lieux de rites ? Je ne le crois pas. Faut-il assouplir un peu ces pratiques pour les adapter à l’évolution de la société ? Peut être une alternative. S’il est difficile d’interdire de telles pratiques dans les grands centres urbains, une solution doit être trouvée. Imaginer une ville où chaque groupe ethnique voudrait pratiquer sa tradition.

Quoiqu’il advienne, des précautions doivent être prises pour assurer la sécurité de la population lors de ces manifestations sinon des attitudes imprévisibles des victimes peuvent créer un climat malsain et détériorer les rapports au sein de la société. Les autorités locales doivent jouer leur partition pour éviter une telle dérive. Chacun devrait faire sienne cette assertion qui stipule que « la liberté des uns s’arrêtent là où commence celle des autres »

KABORE Karim
Intendant au Lycée Départemental de Poura-Mine
abdoulkaka@yahoo.fr



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