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Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

vendredi 2 mai 2014.

 

A l’heure où l’on parle de plus en plus d’intégration en Afrique, notamment dans sa partie occidentale, j’ai voulu partager avec les internautes quelques petites expériences que j’ai vécues durant mon séjour dans deux pays de la sous-région en mai dernier à l’occasion de mon congé.


Voici le fil des évènements :

Jeudi 16 mai 2013, 7 h 30 minutes gare de l’Est (Ouagadougou), j’embarque à bord du premier car de STAF à destination de Cinkansé. Je prends le soin de bien m’agripper au siège … Heureusement, le chauffeur du jour se montre sage !

Acte 1 :11 h 50 minutes, nous voilà à Cinkansé ! J’emprunte un « zémidjan » (taxi-moto) histoire de franchir la frontière entre le Burkina et le Togo. Au check-point situé côté togolais, des policiers sont en faction.

Vêtus d’un uniforme bariolé de couleur bleue et noire, ils rançonnent systématiquement les voyageurs étrangers. L’un d’eux me demande de montrer patte blanche avant de franchir la frontière.

Je sors ma carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) que je lui tends. Il me répond : « payez cinq cents francs ! » Face à mon refus d’obtempérer, il confisque la carte ainsi que celle d’une vingtaine d’autres personnes. Les nationaux eux passent sans problème, pourvu qu’ils brandissent le précieux sésame : la carte d’identité togolaise !

Ensuite, le policier nous demande de le suivre au « bureau » où il enregistre chacun de nous avant de procéder à l’appel. A mon tour, l’agent me demande ma nationalité, je lui réponds« burkinabè ». Il me rétorque alors « payez cinq cents ! »
J’essaie de résister mais il ne veut rien savoir. Pendant ce temps, le « Z » (conducteur de Zémidjan) qui me conduisait s’impatiente et essaie de plaider ma cause, jurant que je suis étudiant. Peine perdue, l’agent de Police reste inflexible.

Je commence à m’énerver, cependant je garde mon calme. Finalement, le « Z » me propose de payer à ma place le « droit de passage » de sorte que je lui rembourse une fois le poste de Police franchi. Devant son insistance je le laisse faire.

Cinq minutes plus tard, nous voilà à nouveau à moto en direction de la gare routière. En chemin, je fais part de mon exaspération au « Z » qui me prie de me calmer en ces termes : « ici c’est comme ça ! Tu vas parler fatiguer. Chacun a son prix. Les Maliens payent 1000 F, les Nigériens 1000 F, les Ivoiriens et les Nigérians 2000 F ». En fin de compte je lui remets son « dû » avant de prendre mon ticket pour Lomé.

Tarifs à la tête du passager

Acte 2 : Après un séjour agréable passé à Lomé, je quitte le Togo à destination du Ghana en passant par Aflaho où la frontière ne tient qu’à une grille. Avant le départ, un ami togolais me prévient de ce qui m’attend à cet endroit. « Ils volent les gens », me lance-t-il dans un accent fort togolais.

Il précise qu’on m’exigera 1000 F CFA au poste, mais qu’en résistant un peu je pourrai payer 500 F comme il avait pu le faire lui-même une fois, alors qu’il se rendait à Accra. Il me déconseille formellement de me laisser transporter par un des nombreux « Z » qui pullulent au point de passage d’Aflaho au risque de me faire plumer.

Peu après, me voici à l’endroit en question. Des écoliers facilement reconnaissables à leur uniforme traversent pedibus la frontière du Ghana vers le Togo comme s’ils passaient d’un quartier à un autre.

Le temps de dire au revoir à mon hôte (un grand ami à moi) j’aborde le premier check point non sans quelque appréhension. Dans une petite baraque en bois de couleur blanche j’aperçois un policier togolais assis à une table, vêtu d’une chemise bleue ciel, galons en exergue.

Véritable armoire à glace, l’agent dévore rageusement un morceau de « pannou » (pain sucré qu’affectionnent particulièrement les locaux et qui se consomme le plus souvent au petit déjeuner).

Un ressortissant ouest-africain, dont je n’ai plus souvenance de la nationalité, qui me précédait tente d’obtenir la clémence du policier afin de pouvoir passer sans payer, mais celui-ci est d’une humeur massacrante.

Il menace le vieil homme, puisque c’en était un, et l’oblige à payer 1000 F CFA. A mon tour, je lui adresse un bonjour auquel il ne prendra même pas la peine de répondre.

A l’expression du visage du flic, je comprends après que je lui ai remis ma pièce d’identité, que je ne pourrais pas échapper à la souricière. « Faut payer », grommela-t-il !

Me rappelant alors le conseil reçu trois quarts d’heure plus tôt, je dépose un billet de 500 F CFA sur la table. Il n’en fallait pas plus pour provoquer le courroux de l’agent de Police qui me rabroua comme un malpropre, m’ordonnant de récupérer pièce d’identité et argent, et de foutre littéralement le camp !

Alors que la situation n’avait rien de drôle, elle finit par me faire marrer. Je me retins même pour ne pas pouffer de rire. En fin de compte je suis obligé de payer le « droit de passage » fixé à 1000 F CFA pour ne pas rester bloqué à Lomé.

Une minute plus tard, je me trouve côté Ghanéen en face d’un homme en uniforme militaire qui me demande ma pièce. Il m’interroge : « where are you from and where are You going ? »

Je lui réponds : « I’m from Burkina Faso and I’m going to Accra. » Le scénario précédent se répète presque à l’identique et je me vois délesté de 1000F CFA.

Sur le champ je repense au fameux principe de libre circulation des personnes et des biens, aux sacro-saints droits de résidence, d’établissement et autres si chers à mon professeur de Droit communautaire du temps où j’étais encore étudiant à l’Université de Ouagadougou. Ah, si je pouvais voyager avec les traités constitutifs de l’UEMOA et de la CEDEAO ! Mais de toute façon qu’est-ce que cela aurait changé à la situation ?

Payer, payer et encore payer, sinon pas bouger

Acte 3 : Une centaine de kilomètres après Aflaho où nous avons embarqué à bord d’un minicar à destination d’Accra, nous marquons un arrêt obligatoire au checkpoint de Sogakopé tenu par les services ghanéens de l’immigration.

Une jeune policière imposante par la taille et la forme, la trentaine environ, s’approche du véhicule. « Passeports », nous crie-t-elle ! Vis-à-vis de ceux des passagers qui s’aventurent à la supplier elle se montre intraitable. Quant à ceux qui disposent de documents d’identification nationaux, ils ne sont pas inquiétés.

Pour nous autres, c’est direction la cabane d’à-côté où nous attend une autre dame en uniforme, en jupe cette fois. S’adressant aux « fautifs » que nous étions, elle lance en anglais « if you don’t have passport, You pay 3 cedis and you go ! »

Là encore pas de choix possible si ce n’est payer. Le montant que nous déboursons (environ 750 F CFA) me fait sourire, mais je commence à enrager quand je pense aux milliers de voyageurs qui subissent le même sort chaque jour que Dieu fait sur les routes de cette sous-région, et je comprends que l’industrie du racket a encore de beaux jours devant elle !

SOME Saoraza Philippe



Vos commentaires

  • Le 1er mai 2014 à 22:10, par revena En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    on sangaba la mon frère,tu sais pas ou aller te plaindre ? depuis 2013 et c ’est maintenant que tu te rend compte pour nour parler.toi tu rêve,je sais pas que y’a des gens qui croient a cette libre circulation des personnes et des biens en afrique et en afrique de l’ouest particulièrement.c’est de la tiorie et non de la pratique ce machin la mon ami.

  • Le 2 mai 2014 à 01:17, par c’est vrai En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    la police des frontières ivoirienne rackette 1000 francs cfa par passager des tous les cars entrant et sortant du territoire ivoirien : une véritable arnaque organisée.

  • Le 2 mai 2014 à 08:23, par Horologbô En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    cette intégration est un non sens dans la mesure où nos dirigeants ne prennent les actions en vue de son effectivité.

  • Le 2 mai 2014 à 11:55, par kk En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    A la frontiere du Burkina et la RCI, precisement à Yederé, les policiers prennent une somme de 1000frs avec leurs freres burkinabes munis de la carte consulaire.

  • Le 2 mai 2014 à 14:17, par Abdel Khalifa Diarra En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    Merci de contribuer à la mise à nue du rackettage sur nos routes. comme le disait Norbert zongo, c’est le silence des gens biens qui détruit ce monde et non la méchanceté des gens mauvais. les gens dise : je ne veux pas de problème, mon problème, c’est de ne pas avoir de problème, et ça le danger. j’ai écrit un article en deux phases sur ce rackettage et des gens ont eu le courage de m’écrire inbox pour me dire de m’occuper de mes affaires, du moment où on ne m’extorque pas. comment ceux qui doivent faire respecter la loi peuvent se comporter ainsi ? je pense que nos autorités ne bougerons pas le petit doigt pour sanctionner les agents racketteurs, nous devons alors, nous, ressortissants de l’espace UEOMA, prendre à bras le corps se problème.

  • Le 2 mai 2014 à 16:32, par voyageurburkinabe En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    C est une realité que j ai vecu a plusieurs reprise. Dans la sous region, je ne connais pas le Nigeria, mais le Mali est pire que tous les autres depuis bien avant la crise. En quitant le Burkina pour Bamako vous payerez au moins 2x1000f avant d arriver. En empruntant certaine compagnie comme rakieta ou Tcv vous ne payerez qu une fois. Et si de Bamako vous souhaitez rallier Dakar c est le pire scenario. Les bus quittaient à l aube 4h du matin. Avant de quitter meme la ville des policiers vous faisaient payer 1000f des que vous etes etranger. A qlq km de Bamako le QG des putchistes Kati. Vous payez 1000f aux militaires positionnés au peage. Aujourd hui ces 2 poste improvisés n existent plus. Cependant au poste de controle a la sortie de Kati on vous fait payer 1000f depuis qlqs mois. A 5heure de route de Bamako se trouve une petite ville Diema. Vous payez 1000f. A 5heure de route de cette ville vous arrivez à Kayes. Chose incroyable vous payez 1000f à l entree de la ville puis 1000f à la sortie comme si cette ville n est pas du Mali. A 1heure 30 de Kayes vous etes a la frontiere. Meme scenario. Vous payez 1000 coté malien puis 1000f coté senegalais. Ce qui est surprenant les policiers maliens n enregistre meme pas l indentite des passagers etrangers qui entrent ou qui sortent. Leur seule preoccupation c est les 1000f. Les pociciers senegalais de la frontiere kidira font payer par contre ceux de la frontiere Mousala (route kati-kita-Moussala-kedougou-dakar) ne prennent pas d argent aux etrangers en regle. Au burkina depuis un certain temps la police et la gendarmerie a faramana font payer 1000f et 2000f aux etrangers a chacun des 2 postes juxtaposés. Actuellement je pense que le Togo senegal et cote d ivoire sont mieux car le racket est une fois 1000f donc moins grave.

  • Le 2 mai 2014 à 18:25, par Nyansi le Cantiniste En réponse à : Intégration en Afrique de l’Ouest : Rackets et tracasseries policières toujours d’actualité

    Beau style narratif, monsieur Some. Oui, ces flics sont a l’image des irresponsables qui nous gouvernent. Tous des ripois.