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Diaspora : Le CDP galvanise ses troupes en Europe. (Suite et fin)

vendredi 14 mars 2014.

 

Dans la deuxième partie de son discours consacrée aux questions politiques, Salif Sawadogo est revenu sur les conclusions et décisions prises lors du cinquième congrès du CDP en mars 2012. Il s’agit principalement de l’adoption du bilan de la direction sortante, la relecture des textes statutaires, le renouvellement de la direction avec la transformation du Bureau exécutif national en Secrétariat exécutif national, composé de 38 membres et dirigé par Assimi Kouanda.

« Une des recommandations très fortes du congrès, c’est la prise en compte des jeunes et des femmes en leur accordant 30% de places dans les structures et institutions ». Une décision justifiée selon lui, d’autant que les jeunes et les femmes représentent respectivement 70% et 52% de la population et que la pérennité du CDP en tant que parti gérant le pouvoir n’est possible sans eux. « Sans ouverture vers eux, les jeunes iront ailleurs et on a connu ça », a-t-il rappelé, notant qu’en revanche, « les femmes sont restées fidèles au CDP et votent majoritairement pour nous ». Mais à l’occasion des législatives et municipales de 2012, aucun parti n’a respecté la loi sur le quota de 30% pour les femmes, et le CDP a préféré contenter certains camarades quitte à se passer de la subvention publique.

Commentant les résultats des élections couplées de 2012, il s’est réjoui de ce que le CDP est arrivé en tête et conforté sa place de parti majoritaire, « ce qui n’était pas gagné vu qu’on expérimentait pour la première fois un double scrutin avec des électeurs majoritairement analphabètes » et de rappeler les résultats. 70 députés pour le CDP, 18 000 conseillers municipaux ; UPC, 19 députés et 1600 conseillers, ADF/RDA 18 députés et 1700 Conseillers municipaux. « Il y a même des partis qui n’ont eu aucun conseiller et c’est bon d’avoir ces chiffres à l’esprit parce que certains parlent du peuple et on se demande de quel peuple il s’agit ». Idem dans les conseils régionaux où le CDP en contrôle 9/13, les autres appartenant à la majorité présidentielle.

Salif Sawadogo a ensuite évoqué la démission de certaines figures tutélaires du CDP, « des camarades avec qui nous avons beaucoup imaginé et agi », la controverse sur l’éventuelle révision de l’article 37 de la constitution et la mise en place du Sénat. Sans jamais nommément les citer, il s’est attelé à déconstruire les arguments que ses ex-camarades ont invoqué pour expliquer leur départ : le manque de démocratie interne, la controverse sur le sénat et sur l’article 37.

Sur la démocratie interne, « les principes qui gouvernent notre parti sont les mêmes qui prévalaient quand les démissionnaires étaient aux affaires », a-t-il taclé, reprenant à son compte, les termes du communiqué publié par le SEN au lendemain du départ des 75 membres du CDP. « Dans notre parti », a-t-il insisté, « il y a des mécanismes qui permettent qu’on débatte des problèmes qui viennent à se poser, à commencer par le Secrétariat exécutif national (SEN) qui se réunit une fois par mois, le Bureau politique national (BPN) qui se tient tous les 3 mois, le conseil national qui a lieu entre deux congrès et la dernière instance qui se tient tous les 3 ans, c’est-à-dire le Congrès. Au besoin, on met en place des commissions ad ’hoc ».

A l’attention des auditeurs non avertis des querelles internes du parti, Salif Sawadogo a révélé que dès la toute première réunion du bureau politique national de l’ère Kouanda, « ceux qui, aujourd’hui sont démissionnaires, ont fait des tirs nourris croisés contre la direction, et on comprend aujourd’hui », précisant que depuis lors, « ils ne venaient plus aux sessions du PBN » et que c’est avec surprise que nous avons appris dans la presse « certaines questions invoqués par les camarades ». Pour lui, on ne peut donc pas parler de manque de démocratie « alors que le débat n’a même pas été posé à l’intérieur du parti, ni sur l’article 37, ni sur le sénat ».

Répondant à Simon Compaoré qui avait accusé la direction actuelle du CDP d’avoir écarté des militants à la candidature aux législatives et municipales parce qu’ils étaient proches d’eux, le 2e secrétaire adjoint à l’organisation chargé des structures à l’étranger a nié tout en bloc.

En réalité, explique t-il, « toutes ces récriminations dans le choix des candidats remontent aux origines du CDP, un parti créé par une fusion de partis qui se réclamaient du communisme et qui sont allés par la suite vers la social-démocratie. Et pendant longtemps, le centralisme démocratique a prévalu sans que cela n’apparaisse sur les textes. C’était la direction qui choisissait les candidats à la députation, et on s’est rendu compte après que les gens bavardaient à Ouaga alors qu’ils n’étaient pas connus chez eux, et cela nous causé préjudice ». Il a fallut trouver autre chose et ce furent les primaires, « mais là également, il y a eu des difficultés parce que certains camarades sont allés avec de l’argent corrompre le collège électoral pour se faire désigner. Quand la liste arrive au niveau de la direction, on est tenu de l’adopter, sachant que les personnes n’étaient pas représentatives de la population. Nous avons à nouveau changé en essayant de concilier les deux, la base et la direction avec les risques que ça comporte. Un camarade qui est écarté et qui se sent fort va dans un autre parti et c’est ainsi que nous avons alimenté beaucoup de partis de la majorité présidentielle ».

Que répond t-il à ceux qui considèrent que la FEDAP/BC a fagocité le CDP ? « C’est une association créée pour soutenir l’action du président Blaise Compaoré où on y trouve des militants du CDP tout comme des gens qui n’appartiennent à aucun parti politique », réplique t-il, avant de s’interroger : « Quand on est du CDP, comment peut-on être en opposition avec une structure qui soutient le président du Faso ? ». Il a révélé être un des membres fondateur de l’association, son nom figurant sur le récépissé reconnaissant la FEDAP/BC. Pour lui, l’association a même le mérite de retenir des camarades dans la majorité présidentielle alors qu’ils sont tentés d’aller dans l’opposition.

Sur la mise en place du sénat, Salif Sawadogo estime qu’en politique, il n’y a jamais de mesure consensuelle, l’essentiel étant qu’on « soit convaincu du bien fondé de ce qu’on fait ». A ceux qui estiment que les termes actuels de l’article 37 sont une recommandation du Collège des sages qui ont été acceptés de façon consensuelle dans un contexte de crise suite à l’assassinat de Norbert Zongo, et qu’il faut donc le garder en l’état, il a rétorqué en disant que les propositions et recommandations n’engagent pas le président. « Le chef de l’Etat est élu par le peuple burkinabè et les recommandations ne s’imposent pas à lui en fonction du climat politique national, il juge de l’opportunité ou pas de la mise en œuvre de telle ou telle recommandations ». L’article 37 sera donc révisé par voie référendaire parce que dit-il, « juridiquement, il n’y a pas de problème » et ceux qui « se rabattent sur des considérations morales après avoir perdu sur le combat juridique » n’y pourront rien.

Aux amnésiques, il a rappelé que c’est « au congrès de 2009 que nous avons pris cette décision alors que les démissionnaires étaient aux affaires. Aujourd’hui, ils font leur mea culpa qu’on respecte, mais nous restons conformes à la décision du 4e congrès ». Une position dictée par le souci de « permettre au peuple burkinabè d’être souverain sur toutes les grandes décisions qui engagent son présent et son avenir » et non comme certains le craignent, « pour que Blaise Compaoré reste ad vitam au pouvoir, surtout qu’il ne nous a pas encore dit qu’il veut être candidat, mais force doit rester au peuple et sur cette question, nous appelons à la tenue d’un référendum pour que les Burkinabè puissent donc se prononcer ».

La rencontre ayant eu lieu à la veille de la reprise de la médiation, le principal orateur de la délégation a indiqué que « nous avons été surpris de voir que la position du président et celle de sa majorité, rendue publique par les médiateurs, n’était pas la même, ce qui pose problème ». D’où le souhait exprimé par la majorité de se retirer pour se concerter et obtenir des informations auprès du président pour y voir clair. Or, révèle t-il, « le président du Faso nous a dit n’avoir pris aucun engagement, mais juste avoir reçu l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo qui lui a soumis des propositions ». Ceci explique t-il qu’à la reprise, l’opposition ait demandé un mandat du président autorisant sa majorité à parler en son nom ? « Une demande culotée parce que nous ne voyons pas de quel droit elle peut demander un mandat à la majorité présidentielle, le peuple nous ayant donné un mandat ». Comme il l’avait annoncé, il n’y a pas eu de mandat et la médiation ayant échoué, un échec qui incombe à l’opposition aux yeux de Salif Sawadogo.

Dernier point développé, le Front républicain qui « réunit une quarantaine de partis pour défendre la république et promouvoir l’idée et les valeurs de la constitution » et dont « dans les jours à venir, vous allez en entendre parler en termes d’actions et d’initiatives sur le terrain ».

Les trois membres de la délégation ont ensuite répondu à quelques questions, notamment la loi sur l’école pour tous qui n’est pas appliquée partout dans le pays, comme dans certains villages de Boulsa, la récurrence de la méningite qui sème la tristesse chaque année, les tueries dans certains localités qui s’apparent à des lynchages ethniques ou encore, la couverture maladie qui devrait être une priorité et non le sénat.

Sur l’école, c’est le Professeur Joseph Paré, ancien ministre des Enseignements secondaires et supérieurs qui s’y est collé, expliquant que l’état fait des efforts dans ce secteur, en subventionnant pour près de 15 milliards par an assurer le repas, le logement, les transports et les soins des étudiants. Dans le primaire, le Burkina serait sur le point de parvenir à la parité entre les sexes, l’écart étant seulement de 0,9% en faveur des garçons. Une des difficultés dans l’acquisition des structures d’accueil des élèves, réside, selon Joseph Paré, dans le manque d’expertise des entreprises. « Vous attribué le marché de construction d’un collège à une entreprise pour une durée de 6 mois et au bout de 12 mois, ce n’est pas terminé et vous n’êtes pas sûr qu’une autre ferait mieux. On fait comment ? », interroge t-il.

D’où le recours aux classes sous paillottes, une solution de fortune en attendant d’avoir des bâtiments normaux. Sur la méningite, il est difficile, explique t-il, de prévoir des vaccins par anticipation parce qu’il est impossible de savoir à l’avance le type de méningocoque auquel on fera face, une explication soutenue par un docteur présent dans la salle. « Ceux qui sont contre le référendum agissent comme les esclavagistes dans l’histoire qui déniaient les droits aux Nègres », s’est enflammé, Oualian, un des dirigeants de la défunte FEANF et ex membre du bureau de la section France du CDP.

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)



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