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Médias burkinabè : les journalistes à l’école de l’éthique et de la déontologie

jeudi 16 janvier 2014.

 

« Renforcer les capacités des journalistes dans le traitement de l’information ». C’est l’objectif d’un atelier initié par l’Observatoire Burkinabè des Médias (OBM), au profit des hommes de média. La diffamation en droit burkinabè et les moyens de défense des journalistes, le respect des règles d’éthique et de déontologie qui régissent la profession, les droits et devoirs du photojournaliste et des cameramen ont été, entre autres, les points saillants de cette formation qui s’est déroulée ce mercredi 15 janvier 2014 à Ouagadougou.

Il est fréquent d’entendre, ces derniers jours, qu’un journal est traduit en justice pour diffamation. La condamnation du directeur de publication du journal l’Ouragan en 2012 qui a écopé par la suite une peine de 12 mois en est une illustration, d’après Jean Baptise Ilboudo, président de l’OBM. Aussi, la fin de l’année a-t-elle été marquée par deux procès intentés contre des journalistes pour diffamation. Selon le Secrétaire général du Ministère de la communication, Adama Barro qui représentait le ministre de tutelle à la cérémonie d’ouverture, il y’a lieu que le journaliste se demande, « chaque fois que nous écrivons, chaque fois que nous avons un travail journalistique à faire, on doit se demander et si c’était moi ?

Peut-être que si on se pose cette question, on va faire beaucoup plus attention à ce qu’on fait ». D’après le SG, on peut, « au nom de la liberté d’expression vouloir faire certaines choses en même temps, mais, il faut faire attention car en le faisant, est ce qu’on informe véritablement ou bien on crée des difficultés. Il faut bien réfléchir avant d’agir », nous confie t-il.

Jean Baptise Ilboudo, président de l’OBM souhaite que les dérives constatés jusque là ne se reproduisent plus à l’avenir. C’est la raison pour laquelle, l’institution qu’il dirige a jugé nécessaire de réunir les journalistes pour leur montrer les règles à suivre dans l’optique d’écrire correctement et éviter les diffamations et la conduite à tenir devant les juges en cas de diffamation. D’où l’atelier de ce jour se cristallisant en quatre communications et assurées par le Dr Victor Sanou, expert en communication au CAPES.

La diffamation en droit burkinabè et les moyens de défense du journaliste en cas de procès.

C’est l’intitulé de la première communication. Le Dr Sanou a défini la diffamation comme le fait de tenir des propos portant atteinte à l’honneur d’une personne physique ou morale. Selon lui, toute diffamation par voie de presse est présumée faite de mauvaise foi et constitue un délit. C’est l’article 109 et suivants de la loi du n°56/93/ADP du 30 décembre 1993, portant code de l’information au Burkina qui traite de la question en ses termes : La peine prévue sans les dommages et intérêts est de 10 000 à 300 000f envers les personnes et de 10 000 à 500 000f envers les personnes morales et d’un emprisonnement de 15 jours à trois mois).

Pour ce qui est des moyens de défense en cas de procès, le communicateur distingue le droit de réponse qui est une possibilité non contentieuse offerte au plaignant (elle se fait selon des normes, c’est-à-dire, de façon gratuite, à la même page dans les mêmes caractères, sans dépasser le double de l’article incriminé, au plus tard dans les sept jours suivant la réception du droit de réponse pour les quotidiens et dans le numéro suivant de la réponse pour les autres périodiques ).

La preuve, elle, peut s’avérer souvent difficile à produire, notamment si les faits concernent la vie privée ou un acte répréhensible non encore condamné au moment de l’allégation.

Enfin, la bonne foi s’applique lorsqu’en dehors de toute animosité personnelle, une personne fait état de faits qui bien que faux ou non démontrés, ont précédemment été imputés à une personne sans que l’auteur n’ait connaissance d’éventuels démentis. Les propos doivent être mesurés et poursuivre un but légitime (information du public). L’exception de bonne foi ne suppose pas la preuve de la vérité des faits. Le Dr Sanou souligne, toutefois, que la prescription de la poursuite pour diffamation est de trois mois.

Diffamation et vie privée, quelle attitudes devant la frontière difficilement identifiable entre vie privée et vie publique de certaines personnes ?

C’est le deuxième thème traité par le Dr Victor Sanou. Selon lui, la vie privée se distingue de la vie publique ; la loi ne protège que la vie privée ou l’intimité de la vie privée (intimité par rapport aux procédés de captage des informations situées à l’intérieur du domaine de la vie privée). A l’évidence, celles-ci s’opposent à la vie publique qui ne bénéficie d’aucune protection. Les informations qui renvoient à la vie privé sont celles qui portent sur son intimité, son état physique et sa vie sentimentale ou familiale.

Selon le Dr Sanou, il arrive souvent que la vie privée des personnes se déroule dans des lieux publics, car la distinction « vie privée/vie publique » ne recoupe pas nécessairement celle de « lieu privée /lieu public ». En effet, la vie privée des particuliers ne se réduit pas à l’intimité du foyer et seules activités poursuivies dans un lieu privé, mais peut tout aussi se dérouler dans un endroit public, (le communicateur fait allusion à l’exemple de serges Gainsbourg et Jane Birkin et leur scène de ménage dans un studio en présence de plusieurs techniciens et qui a été jugée comme publique).

Pour le formateur, lorsque des faits relatifs à la vie privée sont dévoilés par voie de presse et portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne concernée, ils tombent sous le coup du Code de l’information notamment en ses articles 109 et suivants. Il revient aux professionnels des médias de faire preuve de beaucoup de professionnalisme et de respect des règles de droit dans l’exercice de leur métier, conclut-il.

Toute personne a droit au respect de sa vie privée

C’est ce qu’on peut déduire de la troisième communication intitulée « la protection de la vie privée et la liberté de presse »

Selon le communicateur, notre constitution en son article 6 et le Code des personnes et de la famille dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée » le droit à la vie privée est, en principe, un droit absolu qui peut être revendiqué par tous.

S’agissant de la protection de la vie privée, elle est de deux ordres : sur le plan civil et sur le plan pénal. Le Dr Sanou se réfère à l’article 371 du Code pénal qui dispose que « Est puni d’un emprisonnement de deux mois à un an et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque aura volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant ou transmettant au moyen d’appareils quelconques l’image d’une personne se trouvant dans un lieu public sans le consentement de celui-ci etc. Lorsque les actes énoncés ci-dessus auront été accomplis au cours d’une réunion au vu et au su de ses participants, le consentement de ceux-ci sera présumé ».

Les droits et devoirs du photojournaliste et des cameramen/camerawemen
Dans cette partie, le Dr Victor Sanou a développé avec les participants quelques idées sur les notions d’éthique et de déontologie car dans la législation Burkinabè, jusqu’à présent cette catégorie de personnel des medias n’est pas l’objet de dispositions particulières. Il fait savoir que le photojournalisme est avant tout une forme de journalisme usant du support photographique.

Le communicateur fait savoir que les cameramen et camerawomen, sont assimilés juridiquement aux journalistes en termes de droits, puisqu’ils concourent à la collecte et au traitement des informations. Ils sont régis par les mêmes règles d’éthique et de déontologie au même titre que les journalistes. Mais pour le Dr Sanou, Éthique et déontologie ne sont pas synonymes. L’éthique fait appel à des valeurs, à la conscience de chacun. La déontologie se compose de règles que la profession s’impose à elle-même.

Par Eric Ouédraogo (stagiaire)
Lefaso.net