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Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

vendredi 20 septembre 2013.

 

C’est le feuilleton de l’année 2013 au Burkina Faso. Après les « marches » organisées par l’opposition, la « marche-meeting » par laquelle une partie de la coalition présidentielle va répliquer (l’ADF-RDA ne s’y est pas associée), l’élection de 39 sénateurs représentant les collectivités territoriales, la « lettre pastorale » des évêques, la demande présidentielle d’un rapport sur « l’opérationnalisation du Sénat », la remise du « rapport circonstancié », voilà Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à se prononcer sur ce projet controversé de Sénat.

Normal, celui-ci est conçu comme le rassemblement de « toutes les forces vives » de la société burkinabè. Au-delà des 39 sièges d’ores et déjà attribués aux représentants des collectivités territoriales (ils ont été élus le dimanche 28 juillet 2013), les autorités coutumières et traditionnelles disposaient, dans le projet initial, de 4 sièges ; les autorités religieuses, elles-aussi, se voyaient attribuer 4 sièges (tout comme les syndicats de travailleurs et le patronat)*.

La hiérarchie catholique était montée au front la première. La « lettre pastorale », rédigée le 15 juillet 2013 par les évêques, avait fait du bruit (cf. LDD Burkina Faso 074/Lundi 22 juillet 2013). Le principe de la création du Sénat avait été accepté lors des travaux du CCRP par les représentants de la communauté catholique, considérant que « l’Eglise catholique n’a pas à faire obstacle aux choix institutionnels et à l’adoption du Sénat ». Les tensions sociales ont amené les évêques à nuancer leur point de vue : « Les institutions ne sont légitimes que si elles sont socialement utiles favorisant le bien commun, la cohésion sociale, la paix ».

Le vendredi 13 (les catholiques ne sauraient être superstitieux !) septembre 2013, une délégation conduite par Mgr Paul Ouédraogo, Archevêque de Bobo-Dioulasso, président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, a été reçue par le Président du Faso. Une audience demandée par l’Eglise. Le contenu de la « lettre pastorale » a été au cœur de l’entretien. Deux mots-clés : fidélité et cohérence. Du même coup, l’Eglise catholique a pris la décision de ne pas « s’inclure comme membre du Sénat, organe délibératif, votant des lois selon des règles de la majorité ». Explication de Mgr Paul Y. Ouédraogo : « Notre participation a un tel processus nous amènerait toujours à un alignement sur telle ou telle position et nous enlèverait ainsi toute possibilité de jouer notre rôle premier d’autorité morale qui est celui d’éclairage, de promotion de la cohésion sociale et de médiation au besoin, tant au service de la majorité que de l’opposition ».

C’est le samedi 14 septembre 2013 que le Pasteur Samuel Yaméogo, président de la Fédération des églises et missions évangéliques (FEME), a été reçu à son tour à la résidence du chef de l’Etat. Les évangéliques ont pris des positions dominantes depuis plus d’une décennie. La nomination de Tertius Zongo à la primature a renforcé leur ancrage. Il ne s’est jamais caché de ses connexions dans ce milieu, renforcées par son séjour comme ambassadeur aux Etats-Unis. Premier ministre, il a d’ailleurs été le premier à faire référence à Dieu dans ses discours officiels. La FEME n’a pas l’homogénéité de l’Eglise catholique. Et sa position sur le Sénat reste floue : « Nous avons dit que notre principe, c’est de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Donc nous attendons ». Il en ressort que la FEME prône le « dialogue » et la « persuasion », considérant « qu’il faut que les gens soient convaincus du bien-fondé du Sénat, parce que ce qui est très important, c’est la paix sociale ». Autrement dit, évitons d’aller trop vite, trop loin.

Les musulmans ont été reçus dans l’après-midi du samedi 14 septembre 2013. D’emblée, Souleymane Compaoré, secrétaire général de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), a affirmé que les musulmans représentaient 60 % de la population burkinabè. Pour le reste, il n’a aucun état d’âme : « Nous sommes toujours d’accord pour aller au Sénat parce que les musulmans trouvent leur intérêt dans le Sénat […] Vous parlez de controverses, nous on a nos intérêts ». On ne peut pas être plus clair. Par contre, le raisonnement de Souleymane Compaoré est plus confus en ce qui concerne l’engagement politique des musulmans. Il se refuse à être une « organisation politique », un « contre-pouvoir » mais souligne que « les musulmans sont des citoyens et ils doivent faire de la politique. Ce n’est pas interdit à un religieux de faire de la politique […] Ce que les musulmans ne vont pas faire c’est la politique politicienne, être dans des combats alignés derrière des groupes pour des intérêts partisans, ça ce n’est pas possible ! »**. Là encore, tout est dit : « Les musulmans trouvent leur intérêt dans le Sénat » mais se refusent à être « alignés derrière des groupes pour des intérêts partisans ».

La confusion est telle que deux organisations autonomes, membres de la FAIB, l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB) et le Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques (CERFI), « qui ont pris part à la rencontre préparatoire et répondu présent à l’audience avec le chef de l’Etat, ne se reconnaissent pas dans de telles affirmations qu’ils jugent personnelles ». Ajoutons à cela la polémique sur la contribution gouvernementale (500 millions de francs CFA) à la FAIB dans le cadre du Hadj ; une contribution que certains considèrent comme la contrepartie au soutien de la FAIB au projet de Sénat. Commentaire de l’édito du quotidien Le Pays de ce matin (lundi 16 septembre 2013) concernant ce week-end très religieux : c’est « le festival de la cohérence et du clair-obscur ». Mais, ajoute Le Pays, « aucune confession religieuse n’aura l’excuse facile de dire devant l’Histoire qu’elle n’avait pas entendu la clameur des Burkinabè sur le sujet ».

Aujourd’hui, lundi 16 septembre 2013, c’était au tour des « coutumiers » de faire le déplacement jusqu’à Kosyam. Il y avait là le Moogho Naaba Baongho et quelques rois : ceux de Tenkodogo, Gulmu, Ouahigouya, Boussouma, sans oublier une flopée de chefs. Une invitation au palais présidentiel, cela ne se refuse pas. Et c’est Blaise Compaoré qui voulait ouvrir le dialogue avec ceux qui, sur le terrain, sont au contact au quotidien avec les Burkinabè. Ce n’est donc pas que la question du Sénat qui a été à l’ordre du jour. Les entretiens ont porté, aussi, sur les tensions évoquées sans langue de bois, voici quelques mois, par les évêques dans leur « lettre pastorale » : « une poudrière sociale » ! C’est poser le problème de façon cohérente : s’il n’y a pas la paix sociale, il ne sert à rien de vouloir conforter la démocratie burkinabè en instituant un Sénat. Et si cette question du Sénat est, justement, une des clés de la paix sociale, eh bien il faudra prendre la décision adéquate.

C’est dire que le dossier est loin d’être refermé. Blaise va s’envoler pour Bamako pour assister à la prestation de serment (version internationale) de Ibrahim Boubacar Keïta avant de prendre la direction de New York où se tient l’Assemblée générale des Nations unies. Demain soir, mardi 17 septembre 2013, le premier ministre Luc Adolphe Tiao va participer à l’émission télévisée « Dialogue avec le gouvernement ». Occasion de commenter, bien évidemment, ce dossier. Avant que d’autres, tout aussi cruciaux en cette période, ne remontent à la surface avec, notamment, la rentrée scolaire et universitaire, un moment toujours délicat au Burkina Faso.

* Par ailleurs, dans le projet initial, les Burkinabè vivant à l’étranger disposaient de 5 sièges et le président du Faso nommait
29 sénateurs.

** Toutes les déclarations reprises dans cette « Dépêche » sont tirées d’un papier de San Evariste Barro et Kadi Rabo publié par L’Observateur Paalga du lundi 16 septembre 2013.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique



Vos commentaires

  • Le 20 septembre 2013 à 18:15, par LE SAGE En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    le moogho de plus en plus mal en point.il est temps de savoir raison gardée sinon notre roi soleil d’en tant ne serait qu’"un vautour au soleil de la patrimonisation du pouvoir"

  • Le 20 septembre 2013 à 18:50, par Ruetanes faché En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    Mettons-ns tous a pries seulement maintnant. C’est ca la solution

  • Le 20 septembre 2013 à 23:16, par aristide BRIAND En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    tout a eté dit dans la lettre pastorale . Il ne reste que 2 choses : soit Blaise abandonne le senat soit il fait un passage en force . Et bonjour a l’acte 4 du feuilleton !

  • Le 21 septembre 2013 à 15:07, par PAP En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    AEEMB,CERFI ? la communauté musulmane vous remercie de votre loyauté votre clairvoyance et votre détermination à défendre la religion islamique.? En démarquant des propos tenus par monsieur compaoré vous venez de convaincre les plus sceptiques qui pense que L’islam et Barbarisme ne font qu’un. Franchement si ce n’est du Barbarisme comment accepter de donner quitus à un monsieur qui résolument cherche à plonger son pays dans chao total. Au nom de de quels principe de la religion vous entendez dire aux musulmans pour les convaincre d’adhérer à vos projets combien diaboliques .De par le passé vous avez cautionné certaines dérives dictatoriales tout en jetant du discrédit sur toute la famille islam. cette vieille classe digestive doit se rendre à l’évidence qu’elles est désuète. Leur comportement n’est ni plus moins du terrorisme et cela se comprend aisément si les autres confessions religieuses traitre les musulmans comme telle. votre rôle messsieurs les "gardiens" du temple c’est de le défendre et d’amener les sceptiques à adhérer à l’islam. par vos action vous ne rendez pas service aux croyants ; heureusement qu’il y a la nouvelle classe celle dirigée par CERFI ET AEEMB ;

  • Le 21 septembre 2013 à 15:09, par PAP En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    AEEMB,CERFI ? la communauté musulmane vous remercie de votre loyauté votre clairvoyance et votre détermination à défendre la religion islamique.? En démarquant des propos tenus par monsieur compaoré vous venez de convaincre les plus sceptiques qui pense que L’islam et Barbarisme ne font qu’un. Franchement si ce n’est du Barbarisme comment accepter de donner quitus à un monsieur qui résolument cherche à plonger son pays dans chao total. Au nom de de quels principe de la religion vous entendez dire aux musulmans pour les convaincre d’adhérer à vos projets combien diaboliques .De par le passé vous avez cautionné certaines dérives dictatoriales tout en jetant du discrédit sur toute la famille islam. cette vieille classe digestive doit se rendre à l’évidence qu’elles est désuète. Leur comportement n’est ni plus moins du terrorisme et cela se comprend aisément si les autres confessions religieuses traitre les musulmans comme telle. votre rôle messsieurs les "gardiens" du temple c’est de le défendre et d’amener les sceptiques à adhérer à l’islam. par vos action vous ne rendez pas service aux croyants ; heureusement qu’il y a la nouvelle classe celle dirigée par CERFI ET AEEMB ;

  • Le 22 septembre 2013 à 08:31, par YELSIDA En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    Ce n’est pas facile ! Vous savez que devant Blaise certains hommes perdent leur latin. Et même nos hommes de DIEU si vous n’êtes pas bien solide dans votre foi vous pouvez vaciller. Ce n’est pas du tout facile yeux dans les yeux devant Blaise que tout le monde connait maintenant bien d’être soi-même . Pourquoi Blaise persiste-t-il malgré la réprobation presque générale ? Nos hommes de DIEU, il faut les comprendre. Pardonnons-leur leurs différentes déclarations face à la presse qui déçoivent nos différentes communautés qu’ils sont allés représenter. Ne nous laissons pas démonter par cette opération qui, apparemment semble être orientée dans le désir de déplacer notre attention, de déplacer la crise.

  • Le 22 septembre 2013 à 19:59, par Dieu Seul Sait En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    J’espère que le Moogho Naba place au centre de sa position, l’intérêt supérieur du Moogho et de ses alliés, au lieu de celui d’un homme et d’une famille. J’ai fois, Moogho Naba = Sagesse

  • Le 23 septembre 2013 à 13:27, par Y En réponse à : Dieu, Allah et les « coutumiers » appelés à rescousse du projet de Sénat au Burkina Faso.

    Je demande à tous les burkinabès de prier.L’horizon est sombre !!