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Abattage clandestin : Agréable dans la bouche, nocif à l’organisme

mercredi 18 septembre 2013.

 

Sur des motos à deux roues ou des tricycles, à voiture ou même à vélo, des milliers de carcasses d’animaux de provenance douteuse, sont convoyées chaque jour, vers les centres de consommation de la capitale burkinabè. Pour comprendre dans quelles conditions ces viandes sont mises à la disposition des consommateurs, nous nous sommes rendu sur un sité d’abattage, le vendredi 19 juillet 2013.

Il est 5 heures du matin quand nous arrivons sur le site, situé à la sortie Est de la ville de Ouagadougou. Le site ne paye pas de mine. Par endroits, des ordures entassées sur lesquelles dégoulinent des chiens errants. L’odeur acre du sang se mêle à la pourriture ambiante des ordures. Des hommes, couteaux bien aiguisées à la main se taquinent. Le bêlement des animaux (des petits ruminants) attachés à proximité, traduit l’activité de ces hommes. Ce sont des bouchers. Nous sommes frappés par l’absence d’hommes ou de femmes commis à la tâche de vérification. Approché, celui qui fait office de doyen refuse de se faire photographier. Même pour son identité, il préfère les initiales. Nous comprenons que ses amis et lui mènent une activité illégalle. ce sont des bouchers clandestins. Ici comme ailleurs, ils pullulent, exercent en toute impunité avec cette conviction : "avec l’expérience, en regardant une carcasse, je peux dire si elle est infectée ou pas", affirme C.O, le doyen du groupe.

Alors que certains s’activent à égorger les animaux, d’autres les dépouillent, en soufflant sous la peau avec la bouche pour la séparer de la carcasse. A quelques mètres de ceux-ci, un autre groupe procède à l’éviscération, tandis qu’un autre s’attelle au lavage des abats avec de l’eau de ruissellement. Des chiens et porcs se disputent les parties jugées impropres à la consommation. Les mouches et les vautours aussi, dès les premiers rayons du soleil, annoncent leur arrivée, à travers bourdonnement et vacarme. C’est au milieu de ces déchets d’animaux et de mélange, du sang et de la boue que sont abattus des animaux destinés à la consommation des Ouagavillois.

« Nous savons que la pratique est illégale, mais nous n’avons pas le choix. A plusieurs reprises, la brigade territoriale de gendarmerie est venue ramasser nos carcasses. Ils nous ont même fait payer une amende de 12 500 F CFA par carcasse. Mais, nous sommes obligés de revenir car, nous devons nourrir nos familles », a laissé entendre C.O., le représentant des bouchers, devenu spécialiste dans l’abattage clandestin. Près de 200 têtes de petits ruminants sont abattues sur ce site par jour. Seuls les gros ruminants sont transférés à l’abattoir d’une commune voisine. C.O. affirme que ces carcasses, dont le prix varie entre 15 000 et 30 000 F CFA, sont vendues au marché, situé à l’entrée de la ville et à Ouagadougou.

L’inspection, le seul moyen pour éviter les contaminations

Ainsi, par le biais de ces « abatteurs-clandestins », de nombreuses carcasses de bovins, de petits ruminants et de la volaille, impropres à la consommation, sont écoulées dans les marchés, les gargotes et les débits de boissons. Le chef de service des inspections et de la santé publique, le docteur vétérinaire, Jean Marie Batiébo, estime que la lutte contre l’abattage clandestin est, avant tout, une question de santé publique. C’est pourquoi, selon lui, elle "ne doit pas être seulement la préoccupation des services administratifs, de la police et des services vétérinaires". Pour le Dr Batiébo, les zoonoses qui sont des maladies d’origine animale, transmissibles à l’homme et vice-versa, peuvent être transmises par le simple contact, à la consommation de la viande, du lait, des œufs infectés... C’est la raison pour laquelle, soutient-il, l’inspection des animaux avant leur abattage est nécessaire pour déceler des pathologies telles que la tuberculose, la brucellose, la rage, l’influenza aviaire, le charbon bactéridien. M. Batiébo avoue qu’une personne atteinte de l’une ou l’autre de ces maladies court le risque de mourir, si le diagnostic et la prise en charge ne suivent pas dans les meilleurs délais.

Prenant en exemple l’influenza aviaire hautement pathogène (grippe aviaire), le Dr Batiébo indique que ces dernières années, la maladie, partie des volailles, a contaminé des personnes en Asie qui en sont mortes, dans la plupart des cas. Le spécialiste de la santé animale relève qu’il est important de les contenir au niveau des animaux, afin de prévenir leur transmission à l’être humain. Pour ce faire, il affirme que l’inspection reste le seul moyen de détection. « Toutes les parties de l’animal doivent nécessairement, être inspectées, avant que le produit ne soit livré à la consommation », insiste le docteur. Toutes ces mesures de précaution selon lui, ont pour finalité d’éviter que la commercialisation, le transport, les échanges des animaux et des produits animaliers ne soient des sources de danger pour les humains.

Les consommateurs risquent gros

Selon le Directeur de la santé publique, vétérinaire et de la législation (DSPVL), le Dr Adama Maïga, lorsqu’une personne consomme des produits animaliers atteints de tuberculose, elle peut contracter, soit la tuberculose intestinale ou osseuse dont les symptômes chez l’homme sont la toux chronique, la douleur à la poitrine, la fatigue, la paralysie, soit l’amaigrissement. A un stade avancé, indique le Dr Maïga, le malade crache du sang et lorsque la tuberculose n’est pas traitée, elle peut conduire à la mort. C’est pourquoi, le spécialiste conseille d’éviter de consommer de la viande issue de l’abattage clandestin. « Au cours de l’inspection, lorsque nous constatons que la maladie s’est généralisée, nous procédons à une saisie totale de la carcasse, et lorsqu’elle est localisée, c’est la partie concernée qui fait l’objet de la saisie », précise-t-il.

Outre la zoonose majeure comme la tuberculose, "la brucellose présente les mêmes signes chez l’homme et l’animal. Il s’agit du gonflement des genoux, de l’avortement ou la fausse couche chez les femmes enceintes et priapisme (état d’érection permanente, même à l’absence de toute stimulation physique ou psychologique, qui peut durer plus de quatre heures) chez l’homme", selon le Dr Maïga. Pour lui, le charbon bactéridien, bien qu’il ne soit pas une zoonose majeure, représente également un danger, aussi bien pour les hommes que pour les animaux, puisqu’il provoque des diarrhées chroniques et des infections, aux plans respiratoire, cutané et intestinal. Lesquelles se manifestent par de fortes douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, de fièvre, et des saignements au niveau des estomacs et des intestins.

Selon le Dr Maïga, l’inspection permet de déceler des parasites chez les animaux tels que les salmonelles chez la volaille et les cysticerques chez les porcs. « Lorsque vous consommez de la viande de porc mal cuite infectée de larves de cysticerques, ceux-ci migrent vers le cerveau et provoquent chez l’homme des crises épileptiformes », prévient-il.Souvent considérée par certains bouchers comme une pratique banale qui s’exerce à un endroit donné, l’inspection est une activité réglementée qui doit se faire dans les lieux indiqués par de l’autorité administrative, relève le Dr Jean Marie Batiébo. « Nous ne pouvons pratiquer l’inspection que dans les endroits ou des établissements qui ont été officiellement désignés par l’autorité administrative pour les abatages », affirme-t-il.

Abattre dans les règles de l’art

Et de souligner que lorsqu’il s’agit d’abattoirs publics, l’autorité leur délègue le pouvoir de l’accomplir. Mais lorsqu’il s’agit d’abattoirs privés, l’administration délivre des agréments d’ouverture aux promoteurs et dans ce cas, les services vétérinaires accompagnent immédiatement, ces établissements pour la pratique de l’inspection. Dans les normes, aucun agent de l’administration publique n’a le droit de pratiquer des inspections régulières et systématiques à des endroits non prévus par l’administration. Par conséquent, les contrevenants s’exposent à des sanctions "administratives et peuvent être poursuivis, sur le plan judiciaire".

Toutefois, les agents de santé ont le devoir d’accompagner les services de sécurité qui ont en charge la répression des fraudes et des abattages clandestins et d’aller dans les lieux indiqués pour des aspects techniques. Ceci, afin que les sites soient démantelés et que cette activité illégale ne se poursuive.

Une lutte sans merci

Pour permettre aux agents vétérinaires d’exercer en toute légalité, des textes législatifs et réglementaires ont été élaborés. Néanmoins, l’exercice de la profession requiert des qualifications certifiées. Ces derniers peuvent exercer, aussi bien dans l’administration publique, comme vétérinaires officiels, mais également en tant que vétérinaires privés, mandatés par l’autorité publique. Le Dr Batiébo précise qu’en ce qui concerne l’exercice à titre privé, il y a une réglementation qui prévoit que le vétérinaire privé soit mandaté par l’administration. Le texte indique que même à titre privé, celui-ci reste un auxiliaire de l’administration dont on peut requérir souvent les services.
Le directeur adjoint de la police municipale, Jean Marie Ouédraogo, fait le constat suivant : Les débits de boissons sont inondés de viande foraine (viande abattue hors des limites communales) et parfois clandestine estampillée (souvent falsifiée), mais des bouchers s’opposent à la saisie de cette viande, soit disant qu’elle a été inspectée. Des cas flagrants d’opposition qui ont souvent contraint le commandant de la BLAC à surseoir au contrôle ont été observés dans le marché de Mankoudougou, de la Zone du bois et de Baskuy yaar. Comme pour rappeler toute la difficulté que ses services éprouvent dans l’accomplissement de leur mission. Toutefois, il salue l’esprit de collaboration de certains bouchers, qui se disent prêts à accompagner les autorités communales pour démanteler les sites d’abattage clandestin. Il a promis de poursuivre la lutte, afin d’offrir de la viande de qualité à la population.

Donald Wendpouiré NIKIEMA
nikdonald@yahoo.fr


Prenons nos responsabilités !

En dépit des multiples répressions de la brigade de lutte contre les abattages clandestins, on assiste à une prolifération de la pratique, au vu et au su de tous, dans la ville de Ouagadougou et de ses environs, mettant ainsi en danger la santé de la population. Et la démographie galopante de la capitale, qui est passée de cinq arrondissements à douze, avec une population qui avoisine deux millions d’habitants, rend l’équation plus difficile à résoudre, dans la mesure où la distance entre les différents arrondissements et l’Abattoir frigorifique de Ouagadougou est énorme. Cela devrait-il amener les uns et les autres à baisser les bras et à laisser faire ? N’y a-t-il pas lieu que chacun se sente concerné par cette pratique de l’abattage clandestin, vu que personne n’est à l’abri des conséquences, parfois dramatiques ! De ce qui précède, la protection des consommateurs devra être prise, à bras le corps, par les autorités communales et les premiers responsables de la Ligue des consommateurs. Ce, afin d’éviter la contamination des consommateurs par des viandes malsaines. Et c’est pourquoi des mesures comme la construction d’aires d’abattage supplémentaires, s’avère nécessaire afin de remédier, un tant soit peu, au phénomène. Mais, il appartient aussi aux consommateurs de dénoncer toute activité suspecte visant à porter atteinte à sa santé. Après tout, c’est le consommateur le premier responsable de sa santé.

DWN


Etat de la situation, selon le dernier rapport de la BLAC

Du dernier rapport de la Brigade de lutte contre les abattages clandestins (BLAC), il ressort que sur la période allant d’avril à mai 2013, la BLAC a mis la main sur 83 carcasses de moutons et de bœufs, 172 gigots, 15 animaux vivants, 875 kg de viande, trois sacs de boyaux, 69 têtes, 46 peaux, 5 personnes interpellées et des engins saisis.



Vos commentaires

  • Le 19 septembre 2013 à 13:55, par Alexio En réponse à : Abattage clandestin : Agréable dans la bouche, nocif à l’organisme

    Une mauvaise culture qui doit etre eradiquer par tout Burkinabe qui aime ce pays a denoncer les forfaitaires qui ne voient pas les consequences que les avantages financiers de cette activite illicite. A Goungin, un rotisseur m avait avertit a l epoque de me mefier justement de la source de ses volailles. Parfois des cadavres des poulets provenant de la garre( RAN) qui etaient destinees pour la Cote d Ivoire. Malheurement les cages de volailles pleinent a craquer, tuaient ses betes pour mauvaise condition de transport.