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Site d’extraction de sable de Borodougou : Une falaise en voie de disparition

mardi 3 septembre 2013.

 

Située à une quinzaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso sur la route nationale n°1 (Bobo- Ouagadougou), la falaise de Borodougou est devenue une carrière de sable. Aujourd’hui, avec l’exploitation intensive de ce site, elle risque de disparaître, si rien n’est fait.

En effet, presque tout Bobo-Dioulasso s’approvisionne en sable, sur ce site d’une superficie d’environ 10 hectares. En moyenne, 200 chargements de camions en sable fin, moyens et gros grains y sont extraits chaque jour . Rien de plus étonnant donc qu’une vieille roche se mesure plutôt en profondeur qu’en hauteur par rapport au niveau de la mer. A vue d’œil, on se croirait sur un site aurifère ou un grand chantier hydraulique. Hélas ! C’est un pan de la colline de Koro appartenant au village de Borodougou. Cette colline, célèbre pour le village pittoresque de Koro qui y est perché, se situe à la naissance de la falaise de Banfora. Elle s’élève progressivement de Koro, puis longe Banfora et se poursuit jusqu’à à la frontière avec le Mali où culmine à 749 mètres, le mont Ténakourou, le plus haut sommet du Burkina Faso.

Depuis 8 ans, la famille Dia, l’un des cinq lignages Sanou de Borodougou et propriétaire terrien, a choisi d’exploiter autrement un bout de cette longue chaine de granit devenu une immense carrière de sable. En effet, la roche naît d’une transformation géologique et meurt au terme de son « cycle géologique ». Elle devient alors une roche meuble, à l’image de la carrière de Borodougou, et est utilisée comme agrégat dans la construction. Ainsi, ce sont plusieurs dizaines de camions qui y descendent quotidiennement, à l’assaut du sable. Par voyage, chaque véhicule de 7 tonnes paye 1 500 à 2 000 F CFA à la sortie de la carrière, au comité de gestion mis en place à cet effet. Ces chargements sont revendus à 25 000 ou 30 000 F CFA en ville. Les camions « 10 roues » qui eux, payent 3.000 F CFA par voyage à la carrière, revendent leur contenu à 50 000 F CFA, une fois arrivés à Bobo-Dioulasso. Les gestionnaires tiennent une fiche de pointage à cet effet. En revanche, les autres acteurs tels que ceux qui chargent de sable les bennes à l’aide des pelles, et les creuseurs ne reversent pas d’argent aux gestionnaires du site.

Ce qui permet à tout le monde (étrangers et ressortissants) d’avoir accès à la carrière, mais de jour seulement. Creuseur de sable depuis 3 ans sur le site, Boureima Ouédraogo dit gagner 1 000 F CFA par chargement de camion et en fonction de la qualité de sable creusé ( fin, moyen et gros grains). Son voisin immédiat Moulaye Goro reconnaît aussi que ce travail leur rapporte des revenus assez intéressants, en attendant de trouver un emploi plus rémunéré et moins risqué. « Comme ce sont des falaises, elles ne sont pas fertiles. C’est pourquoi nous l’exploitons, afin de subvenir aux besoins de la famille tels que la construction des maisons, la célébration des funérailles, et même les projets de construction de CSPS ou d’écoles », a témoigné le responsable de la carrière, Koumènè Sanon, membre de la famille Dia. A travers ses explications, il ressort que le marché est abondant pendant la saison pluvieuse qui correspondrait à la période propice aux constructions, contrairement à la rentrée des classes ou pendant la saison sèche donnant lieu à d’autres préoccupations. Très réticent au départ, le guide de notre équipe de reportage, Albert Sanou, a cependant levé un coin de voile sur l’utilisation des recettes générées par l’exploitation de la carrière de sable au compte de sa famille.

« Le versement journalier se fait chaque soir chez les vieux du village, et ce sont eux qui décident », a-t-il laissé entendre. Le danger actuel, c’est l’avancée à pas géants de ce bas-fond, surtout en cette saison pluvieuse en direction de la route Bobo-Ouaga. Le guide, après nous avoir rassurés sur l’absence d’incidents, a souligné l’existence de caïmans dans les mares formées par l’eau de ruissellement au fond de la carrière. Pour la famille Dia Sanou, le gouverneur a délimité la zone d’exploitation allant sur la chaussée de la RN1, et c’est elle qui veille à maintenir l’ordre sur le site. Par ailleurs, il n’y a pas que des hommes (adultes) sur les lieux. L’autre moitié du ciel y est présente, bien qu’en petit nombre, certaines pour vendre de la nourriture, d’autres de la boisson (l’eau, le dolo, les jus de fruits). C’est le cas de Pierrette Liéhoun, une élève en classe de 4e au CEG de Dafra, devenue vendeuse de gâteaux pendant ces vacances. Elle est à sa première année, mais soutient avoir plus de marge bénéficiaire en vendant à la carrière qu’en ville. Mariam Ouédraogo qui est vendeuse de jus, exerce cette activité depuis bientôt un an sur le site. Elle dit gagner 10 000 F CFA par mois. Par ailleurs, la présence des mineurs dans la carrière est une triste réalité. A 13 ans, Mathieu Sanou, élève en classe de CM1, creuse environ un demi voyage par jour.

Mathématiquement, pour 1 000 à 1 500 F CFA dans la journée, le jeune Mathieu compte s’acheter des habits avec son gain. A une date récente, le conseil d’arrondissement de Dafra dont relève le site a posé le problème des risques environnementaux que cette exploitation à ciel ouvert pourrait engendrer. Que faire d’un précipice de plusieurs mètres de profondeurs et large d’une dizaine d’hectares ? Et les exploitants qui ne payent pas un rond à la commune de Bobo-Dioulasso ? Dans les débats, les intérêts se sont croisés, car certains membres du conseil étaient ceux-là mêmes ayant fait du commerce du sable, leur activité principale. Ils ont alors posé un autre problème. Si la commune demande aux exploitants de payer une ou des taxes, ils vont donc arrêter de payer au comité de gestion mis en place par les propriétaires terriens. Ce qui risque de créer une opposition à l’exploitation du sable, voire un soulèvement contre la pratique. La commune a dû se raviser et laisser les choses en l’état.

Mahamadi TIEGNA
Assita BARO
(Stagiaire)

Sidwaya



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