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Agriculture en Afrique : Maputo 10 et peu d’avancées

jeudi 11 juillet 2013.

 

En juillet 2003 à Maputo, les chefs d’Etat africains avaient pris des engagements destinés à booster à moyen terme l’évolution du secteur. Dix ans après les résultats sont loin d’être reluisants. A ce jour, moins de 10% des 54 Etats que compte l’Afrique peuvent se targuer d’avoir alloué 10% de leur budget au secteur agricole.

Dans la plupart des régions du continent, l’on n’est encore loin du compte. Pourtant les chefs d’Etats avaient été suffisamment clairs dans leur déclaration de Maputo :
« Nous, Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine réunis en la deuxième session ordinaire de notre Conférence du 10 au 12 juillet 2003 à Maputo (…) déclarons notre engagement à redynamiser le secteur agricole, y compris l’élevage, les ressources forestières et les pêcheries par l’introduction de politiques et stratégies spécifiques au profit des petites exploitations traditionnelles des zones rurales (…) ; mettre d’urgence en œuvre le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) et les projets pilotes prévus et les Plans d’action évolutifs pour le développement agricole aux niveaux national, régional et continental. A cette fin, nous convenons d’adopter des politiques saines de développement agricole et rural et d’allouer chaque année au moins 10% de nos budgets nationaux à leur mise en œuvre, dans un délai de cinq ans (…). »

Le Burkina, ‘’bon élève’’

Néanmoins, sur cette question de la mise en œuvre des engagements de Maputo, quelques progrès sont enregistrés dans l’espace CEDEAO, notamment avec des pays comme le Burkina, le Niger, la Guinée, le Sénégal ou le Mali.

Dans ces pays que l’on pourrait qualifier de ‘’bons élèves’’, les budgets alloués au secteur agricole ont avoisiné ou dépassé la barre symbolique des 10%.

Mieux, des Etats comme le Burkina Faso, considéré comme le « champion de Maputo », n’ont pas attendu 2003 pour commencer à allouer des ressources importantes au secteur agricole. En effet, dans les années 1990, l’agriculture recevait en moyenne 15% des budgets des Etats en Afrique subsaharienne. Ainsi, en 1996, le Faso a consacré jusqu’à 30% de ses ressources à l’agriculture.

Mais, cet attachement des pouvoirs publics au secteur agricole a fait long feu au point que Maputo s’est révélé salutaire pour la relance des investissements dans l’agriculture.

« En 2003, les Chefs d’Etat Africains ont suscité de nombreux espoirs en remettant l’agriculture au cœur de l’agenda politique continental », note à juste titre Aliou Ibrahima, secrétaire général de l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS).

Mais, ces espoirs suscités par Maputo ont été de courte durée. Même en Afrique de l’Ouest. Si les Etats sahéliens peuvent être considérés comme ‘’bons élèves’’, il n’en est pas de même pour des pays côtiers comme le Nigéria. Ce pays figure parmi les Etats les moins avancés dans le classement selon la norme de Maputo, avec à peine 2% de son budget national dédié au secteur agricole, cela en dépit de l’importance de sa population estimée à 150 millions d’habitants.

« Aller au-delà des 10% de budget »

Respecter les 10% dans l’allocation des ressources budgétaires n’est pas la panacée pour assurer le développement du secteur agricole sur le continent. En tout cas, c’est le constat qu’ont fait des organisations non gouvernementales du secteur en Afrique de l’Ouest que sont OXFAM, Billital Marobe, Poscao, IPAR, RACAO, APESS, WILDAFF.

Leur constat : « Une analyse des investissements effectués ces dernières années au Niger et au Burkina Faso informe sur la qualité de la dépense publique et la capacité de ces pays à utiliser pleinement les rares ressources disponibles.

Au Niger, « le fait le plus marquant sur toute la période 2003-2007 reste le faible niveau d’exécution du budget du Ministère de l’Agriculture, avec des réalisations évaluées à 107 milliards de francs CFA sur des prévisions de 154 milliards de francs CFA… La tendance est à la baisse depuis 2004 où le taux d’exécution a atteint les 99% ».

Le cas du Sénégal illustre bien la profondeur des désaccords possibles. Alors que le Sénégal figure officiellement parmi les pays investissant le plus d’argent public dans l’agriculture proportionnellement au budget national, un rapport indépendant, réalisé en 2009 par un collectif citoyen incluant des organisations de producteurs, estimait au contraire « qu’au Sénégal 4,87% du budget national est alloué à l’agriculture, et seul 2,5% sont consacrés effectivement à ce secteur ». (http://www.cncr.org/spip.php?article390 ).

Au Burkina Faso, les dépenses exécutées au profit du secteur agricole étaient estimées à 75,94 milliards de francs CFA contre une prévision de 117,27 milliards de francs CFA, soit un taux d’exécution de 64,6% ».

Pour ces organisations non gouvernementales, il importe d’aller au-delà de la barre symbolique des 10%. Car, « si certains pays ont atteint ou dépassé, de façon épisodique ou continue, ce chiffre, la qualité de ces investissements pose question.

Au Burkina, la part du budget consacré à l’agriculture baisse régulièrement depuis 5 ans, mais surtout plus de la moitié des dépenses du Ministère de l’Agriculture sont dédiées à son fonctionnement. Au Ghana, peu de recherches permettent de conclure à la traduction de ces investissements en une croissance agricole soutenue, une meilleure accessibilité, aux intrants agricoles et aux services de base, pour les petits producteurs dans un pays ou l’accès au crédit continue d’osciller régulièrement au- delà des 20% ».

Finalement, les organisations non gouvernementales sont arrivées à la conclusion qu’ il était difficile, dans la plupart des pays, de dire de quelle façon l’argent investi répond aux priorités établies par les Etats dans les PNIA (Plans Nationaux d’Investissements Agricoles) et notamment de quelle façon ces investissements visent les femmes, qui contribuent à la production de 80% des denrées alimentaires de base mais ne représentent que 8% des propriétaires fonciers et accèdent à seulement 10% du crédit disponible dans la région.

En outre, pour contribuer à une amélioration de la situation, elles ont lancé ce mercredi 10 juillet 2013 la campagne « CULTIVONS ».

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

Source : de la campagne CULTIVONS en Afrique de
l’Ouest lancée par Billital Marobe, Poscao, IPAR, RACAO, APESS, WILDAFF et OXFAM



Vos commentaires

  • Le 12 juillet 2013 à 09:06, par jb En réponse à : Agriculture en Afrique : Maputo 10 et peu d’avancées

    la banque mondiale a relevé par deux fois le paradoxe burkinabè (2009 et 2012) on na depassé lees ratio de maputo mais les indicateurs pertinent de lettre contre la pauvrement on evolué très peu. l’injection de ressource en abondance est une condition necessaire pas suffisante pour relevé le defi du dev. il faut, la rigueur ds la gestion, un bon suivi evaluation, une bonne allocation desressources...

  • Le 12 juillet 2013 à 14:14, par Yero Salomon En réponse à : Agriculture en Afrique : Maputo 10 et peu d’avancées

    Vous ecrivez que "en 1996, le Faso a consacré jusqu’à 30% de ses ressources à l’agriculture". Est-ce que c’etait "au profit des petites exploitations traditionnelles des zones rurales"(les cultures vivrieres) comme preconise a Maputo ou au profit du coton ? Il ne sert pas a grand chose de consacrer un grand budget au fonctionnement et aux cultures de rentes comme le coton.