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Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

lundi 10 juin 2013.

 

De plus en plus, les femmes au Burkina Faso fument. Féminisant ainsi la consommation du tabac. Pourquoi fument-elles ? Quelles peuvent être les conséquences pour ces « fumeuses ». Quel est le regard de la société sur elles ? Et qu’en pensent surtout les hommes ? Eléments de réponse ….

Mardi 27 mai 2013. Il est 19 heures 27 minutes dans un quartier à Bobo-Dioulasso. Priska nous accueille au bord du goudron et nous conduit chez elle en famille. Dans une cour commune ou vivent trois familles. Au salon, sa mère et ses deux frères assis devant la télévision, suivent attentivement une émission sur une chaine étrangère. Juste à côté de la table est déposé le cendrier de Priska contenant quelques mégots de cigarettes. Dans sa chambre où nous sommes rentrées pour notre entretien, elle allume d’abord une cigarette, tire quelques bouffées avant de dire : « je voudrais bien m’entretenir avec vous mais à une seule condition ». « Laquelle ? », avons-nous demandé. « Je ne voudrais pas que mon nom figure dans votre article, encore moins ma photo. Je sais que lorsqu’une fille fume, on a tendance à lui coller toutes les images négatives. Je suis jeune et je suis à la recherche d’un mari. Je ne voudrais donc pas diminuer mes chances par le fait de cet article », a-t-elle mis en garde avant tout enregistrement. Agée de 24 ans, Priska confie avoir commencé à fumer la cigarette à 16 ans alors qu’elle était en classe de 3e. Pourquoi ? Aucune réponse raisonnable. Elle fume parce que cela lui plaît. Seulement ? Et cela dure huit ans maintenant. Avec un niveau CAP, Priska mène des activités contractuelles avec des sociétés de téléphonie mobile et autres. Elle ne sait véritablement pas ce qui la motive à fumer. Pour les conséquences au plan sanitaire, à part des maux de poitrine, elle avoue ne rien sentir pour le moment comme mal lié à la cigarette. Par jour, elle peut fumer un paquet de cigarettes. Priska fume au vu et au su de ses parents. « Il arrive même, dit-elle, que sa mère lui achète de la cigarette lorsqu’elle en a besoin ». Cela, dit-elle : « le jour où ma mère m’a surprise en train de fumer, elle n’en a pas fait un problème. Elle m’a tout simplement dit de ne pas en abuser. Elle savait que même si elle m’interdisait de le faire, j’allais continuer. Vu qu’on ne peut pas contrôler de près un enfant, encore moins une fille ».

Une fumeuse n’est pas une fille de joie

Priska contredit l’idée selon laquelle une fille qui fume est sans conteste une fille de joie. « Loin de là », soutient-elle. Il y a des gens qui adorent et respectent les filles ou femmes qui fument. « Ce ne sont donc que des préjugés », à l’en croire. « Il est vrai, a-t-elle poursuivi, que la culture africaine et particulièrement burkinabè accepte difficilement ou même pas du tout, les femmes qui fument », mais elle pense que l’on doit se conformer à l’évolution des mœurs. Sur son lieu de travail, outre son patron, personne d’autre ne sait que Priska fume. En fait, elle le cache au mieux. « Lorsque je vois quelqu’un en est train de fumer, l’envie me vient. Mais je ne peux pas en demander. Il m’arrive alors de partir loin pour satisfaire mon désir avant de revenir au service », fait-elle savoir. Il en est de même pour Adjara, comptable dans un service public à Bobo-Dioulasso. Mariée depuis 13 ans (elle fume depuis 1999), elle n’a pas encore d’enfant. Agée de 38 ans, Adjara fume depuis la classe de terminale. « Ce n’était pas pour étudier », dit-elle. Unique fille de sa famille, elle informe que tous ses frères fumaient. Quoi de plus influençant pour elle qui est malheureusement tombée dans un tel monde. Pourquoi n’a-t-elle pas d’enfant ? Cela est-il lié au fait qu’elle fume ? Adjara réplique par la négative. D’ailleurs, dit-elle : « Mon mari ne sait pas que je fume. Il peut s’en douter, mais je ne fume jamais à la maison. J’attends toujours d’être loin de la maison, soit en boite de nuit ou dans un autre endroit où les gens vont l’accepter ». Tout comme Priska, Adjara reconnaît que les fumeuses n’ont pas bonne presse dans la société africaine.

Le regard accusateur de la société

« Je ne fume pas lors d’un djanjoba, encore moins au marché. Je le fais soit en boite de nuit, ou encore lors d’une soirée festive… pour éviter le regard critique de la société », révèle Adjara. Consciente des conséquences sanitaires que peut causer le tabac, Adjara tente de réduire sa consommation. C’est pourquoi, elle déconseille d’ailleurs toute personne qui serait tentée par la cigarette. Aussi, consciente du regard accusateur de la société sur les filles ou femmes qui fument, Adjara se cache pour fumer. « Je sais que beaucoup de femmes de nos jours fument du tabac, mais elles n’osent pas le faire ouvertement au risque d’être traitées de tous les noms d’oiseaux », souligne-t-elle.

Une virée en boîte de nuit dans la ville de Sya et sur la place de quelques marchés du sexe, le vendredi 31 mai 2013, on se rend compte que les filles n’ont cure de ce que pensent les uns et les autres des fumeuses. « Je fume pour attirer la clientèle. Généralement, dans une boîte de nuit, lorsqu’une fille fume, cela reflète sa personnalité. Il faut donc se distinguer des autres filles », lance Leslie sans vergogne. Moussa Sanou journaliste à Bobo-Dioulasso condamne la cigarette, encore plus les femmes qui fument. « Je ne suis pas pour les filles ou femmes qui fument vu les conséquences que cela peut avoir sur la santé humaine. D’ailleurs, les conséquences sont doubles chez elles. Encore plus pour son enfant », a-t-il dit. Pourtant, Zantigui Coulibaly chauffeur ne trouve pas un problème en ce que les filles ou femmes fument. « J’adore d’ailleurs les filles qui fument », dit-il sans se sourciller. Des responsables religieux et coutumiers que nous avons rencontrés, condamnent tous naturellement ce phénomène qui, si l’on n’y prend garde est véritablement en train de prendre des proportions inquiétantes.

De plus en plus de consommatrices et quelles conséquences !

« Il n’y a pas d’égalité entre l’homme et la femme devant le tabac », a fait savoir Dr Emile Birba. Bien que le tabagisme soit essentiellement masculin, la consommation féminine est en train de prendre un pas. Le taux de prévalence qui était de 0,5% est aujourd’hui de 2% chez les jeunes filles de 25 à 36 ans. « Heureusement, a-t-il ajouté, le tabagisme féminin n’est pas une consommation régulière et intense ». Pourtant, les effets sont proportionnels à l’intensité du tabagisme. Au titre donc des conséquences que la femme fumeuse peut encourir, il y a les accouchements prématurés, les accouchements multiples, les saignements au cours de l’accouchement, les problèmes cardiaques… et pire les décès subits. La différence n’est pas seulement sexuelle. Elle est aussi individuelle. Aussi ajoute le spécialiste, « les femmes aiment soigner leur apparence, mais on n’a jamais vu un fumeur beau. Le teint est ciré, les lèvres sont noires. Et une fumeuse n’est pas une belle femme ». Docteur Emile Birba soutient comme bon nombre de personnes que les gens fument en croyant pouvoir résoudre un problème social, économique…, car la cigarette contient un bon antidépresseur. « Elle reste alors le dernier recours pour ces gens », fait-il savoir. Et pourtant, elle crée plus de problèmes qu’elle n’apporte des solutions.

Bassératou KINDO

Encadré

Les filles et femmes plus consommatrices… les enfants aussi

A entendre Docteur Emile qui reçoit en consultation au moins 10 patientes par an, ce sont les jeunes filles et femmes qui restent souvent impuissantes face à un problème qui fument le plus. Celles qui ont des enfants les exposent sans doute davantage à la fumée. Consommateurs passifs donc, les enfants apprennent petit-à-petit à fumer eux aussi mais de façon passive. Ils ne sont pas ainsi épargnés des problèmes respiratoires à savoir les bronchites, les pneumonies….Pour celles qui n’ont pas encore d’enfant, le tabagisme peut entrainer l’infertilité.

Sept filles sur dix fument

Selon l’avis du spécialise, sept filles sur dix fument dans les boîtes de nuit. Le constat qui se fait corrobore justement ces chiffres. En effet, de façon générale dans ces endroits, il n’est pas rare de voir des jeunes filles fumer. Laetitia, une étudiante soutient qu’elle ne fume que dans les boites de nuit, car c’est l’endroit le mieux indiqué pour elle.

Des contraventions

Est puni d’une amende de dix mille (10 000FCFA) à quinze mille (15 000 FCFA) quiconque fume dans un lieu public clos ou ouvert qui accueille du public ou qui constitue un lieu de travail. Est aussi puni d’une amende de cinq mille (5 000 FCFA) à dix mille (10 000 FCFA) quiconque fume dans un espace public clos ou ouvert, dans des établissements d’enseignement publics et privés, des universités, ainsi que des établissements destinés à l’accueil, à la formation, à l’hébergement ou à la pratique sportive des mineurs.

Bassératou KINDO



Vos commentaires

  • Le 10 juin 2013 à 23:55, par Ezali Kitoko En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    Bel article. Continuez à sensibiliser vos sœurs. C’est dommage, mais le ver est déjà dans le fruit. Bonne chance tous tous mais surtout pitié pour les générations futures

  • Le 11 juin 2013 à 08:28, par Rita Bictogo En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    cet article devrait aller plus en profondeur et toucher le fond du problème ; qui est la législation favorisant l’industrie du tabac au Burkina faso...

  • Le 11 juin 2013 à 08:41, par Regis En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    Bon vent à elles.Esperons que d’ici là elle pousseront des queues et enc...leront les hommes.Evolution !

  • Le 11 juin 2013 à 09:16, par Tarrick En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    J’ai quitté une fille que je voulait épouser, parce qu’elle se cachait pour fumer !
    En faite, j’ai découvert après qu’il s’agissait d’une fille de joie qui tentait une reconversion.
    Vraiment Dieu m’a sauvé, car c’est généralement des femmes frustrées , nerveuses , inconstantes qui ne supportent pas la contradiction et qui ne tiennent pas longtemps dans un foyer !
    PERSONNE ne pourra me convaincre qu’au Burkina, une femme qui fume n’est pas de une fille de joie. Moi je les met dans le même sac./

  • Le 11 juin 2013 à 09:29, par moctar belmoctar de ouaga En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    priska si on t’attrape on va te donner 100 coups de fouet au nom de la charia. boko ram !! ahlou akbar !! achaadou ana la i lala mohamad darasourila !!.

  • Le 11 juin 2013 à 09:40, par Donmozoun En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    Je sais ce que vaut le tabac pour avoi fumé pendant de longues années. Je suis sorti aussi avec des femmes qui fumaient et j’avoue que c’est difficile pour un non fumeur de comprendre un fumeur. A présent je suis sorti de cercle et je prie Dieu ne plus jamais tombé dedans. LE tabac ruine à petit feu la santé et l’on ne se rend compte de cela que lorsqu’il est un peu trop tard.
    LE tabac est l’une des pires expériences de ma vie et j’ai failli foiré ma vie de couple à cause du tabac parce que mon épouse ne supportait pas l’odeur. LE fumeur sent toujours le tabac, à une mauvaise haleine, bref, est dégueulasse. JE m’en excuses mais c’est réel. J’ai arrêté toutes relations avec les fumeuses avec qui je sortais parce que je ne supportais plus l’odeur du tabac et je trouvais que sa bouche était comme un cendrier quand je l’embrassait.
    J’exhorte et j’encourage les frères et soeurs à faire cet effort surhumain pour s’en sortir. ce n’est pas facile mais s’il ya de la volonté (la vraie), on finit par arrêter un jour. Courage.

  • Le 11 juin 2013 à 09:50, par Le Chinois du Burkina En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    Elle fait des investigations journalistiques pas communes aux femmes. J’ai lu l’article sur les "filles de joie" dans la cité de Sya. Elle semble bien aimer le terrain. En cela, elle a des qualités de sociologue. Je ne sais pas s’il elle en a fait, sinon, elle gagnerait à s’inscrire en socio. Elle ferait long et glorieux chemin dans son métier (conseil de sociologue). Pas facile ce genre de sujets sensibles ; pour avoir soutenu sur le divorce à Ouaga, j’en sais un pan. Joli article, en tout cas, contrastant avec la de la société bobolaise forgée aux temps forts de Bobo, capitale économique, vivant un rythme des unités industrielles où le chômage et la précarité relavaient de l’exceptionnel. Aujourd’hui c’est a bérézina, plus 70% des unités industrielles sont à Ouaga ( sans eaux, matières premières). Bref, ma cher journaliste les phénomènes de déviance ne font que commencer. Le pire est à craindre tel les ventes d’organes pour survivre, etc. .

  • Le 11 juin 2013 à 12:28 En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    Quand j’ai vu le titre j’étais convaincu que l’article étai par Bassératou et les exemples Bobolais. Mais je tiens à lever tout amalgame, il n’ y a pas qu’à bobo que les femmes fument. Ma collègue à Ouaga fume, mais se cache. J’ai une amie qui fume depuis plus de 15 ans, elle est à Ouaga. On ne peut pas continuer à se voiler la face.

  • Le 11 juin 2013 à 13:45, par leu En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    un chauffeur qui ne trouve pas d’inconvénient à ce qu’ une fille fume.Je me demande si ce monsieur est réellement un Burkinabè ? si c’est un burkinabè il doit consulter un psychiatre car sa matière grise est défaillante ,excusez moi car je suis sidéré par une telle irresponsabilité sociétale qui entretient la dépravation des moeurs .la terre est déjà en chute libre mais ne la précipitons dans le chaos .

    • Le 11 juin 2013 à 20:01 En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

      Leu c’est toi qui doit consulter un psychiatre. Dans ce burkina on va bientôt marier les Gays. Ouvre les yeux. Une femme qui fume n’est pas forcement pute. En europe Le pourcentage de femmes qui fument est plus élévé que les hommes qui fument, mais c’est pas des putes. C’est peut être pas de bons exemples, mais on ne peut pas contourner l’invasion de la culture européenne ( télés, radio, internet...). La preuve, à ouaga les filles et les garçons ne jurent que par la mode Occidentale. Mr Leu je parie que vous ne vous s’habillé pas en faso danfani.

  • Le 11 juin 2013 à 17:58, par Tas En réponse à : Tabagisme au Burkina : Quand le mégot se teint au rouge à lèvre

    A l’anonyme qui parle de ouaga, sachez que la journaliste parle de bobo parce qu’elle y réside. Si elle travaillait à ouaga, elle parlerai de ouaga,c’est tout. Tout se qui se déroule à ouaga se passe à bobo et vice versa.