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Tahirou Traoré, secrétaire général national du SYNATEB : « Nous voudrions que nos préoccupations soient examinées avec beaucoup de rigueur »

vendredi 31 mai 2013.

 

Sur l’étendue du terrain national, de nombreux instituteurs ont observé des sit-in dans les DPEBA (Direction provinciale de l’éducation de base), CEB (Circonscription d’éducation de base) et DREBA pour exiger l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail le 29 mai dernier. Nous avons rencontré Tahirou Traoré, le secrétaire général du SYNATEB, structure organisatrice de la protestation. Le processus ayant conduit au sit-in, les points de revendications, le sort réservé aux examens du CEP (Certificat d’études primaires), etc. sont, entre autres questions abordées au cours de notre entretien.

Lefaso.net : Répondant au mot d’ordre du SYNATEB, des milliers d’instituteurs ont observé des sit-in sur l’étendue du territoire national le 29 mai dernier, quel est le processus qui a conduit à cette manifestation ?

Tahirou Traoré : Nous avons tenu notre conseil syndical en fin novembre, début décembre 2012. Au sortir de ce conseil, nous avons déposé notre plateforme revendicative au MENA, une plateforme en 8 points. Le MENA a eu le temps de les examiner et nous a donné rendez-vous le 13 mars pour nous rendre compte des réponses à nos préoccupations contenues dans les 8 points. Sur place, nous avions réagi parce que nous estimions que les réponses n’étaient pas satisfaisantes. Néanmoins, nous avons promis d’aller les examiner en profondeur et renvoyer notre réaction. Chose que nous avons faite, demandant encore au MENA de mieux les examiner et d’apporter des réponses concrètes à ces préoccupations.

C’est là que le MENA nous a reçu le 09 mai pour nous donner ses réponses et le 17 mai, le bureau national s’est retrouvé pour analyser ces réponses.

Lefaso.net : Au stade actuel, y a-t-il des points de votre plateforme déjà satisfaits ?

Tahirou Traoré : Sur les 8 points, nous avons constaté qu’il y avait un seul point de satisfaisant qui est la prise en charge des maîtres qui présentent leçons pendant les conférences pédagogiques à hauteur 10000f/jour.

Nous avons également remarqué qu’il y avait deux autres points qui étaient partiellement satisfaisants. Le premier point, c’est l’élaboration des fiches de préparation de leçons, leur prise en compte à la rentrée 2013-2014. Donc, sur ce point, le MENA a estimé que c’était une de ses priorités et que la DEGEB était déjà sur le chantier et que le SYNATEB allait être impliqué dans la réflexion pour l’élaboration de ces fiches.

Le 2e point que nous avons jugé partiellement satisfaisant, c’est la participation des enseignants qui sont dans les bureaux à la conférence des personnels d’administration et de gestion. C’est des enseignants qui ne sont pas dans les classes, donc qui ne participent pas à la conférence pédagogique annuelle des enseignants. Logiquement, quelque part, il faut qu’eux aussi puissent bénéficier de la formation continue. On a demandé à ce qu’ils participent à la conférence des personnels qui officient dans les bureaux. Là, le MENA nous a dit qu’il y a 903 parmi ceux qui sont aux bureaux qui avaient demandé à être nommés dans les emplois d’administration et de gestion et la fonction publique a pris un arrêté qui prend en compte 903 enseignants. Donc, eux, ils seront considérés comme nommés dans les emplois spécifiques des personnels d’administration et de gestion. Donc, eux seront intégrés à la conférence cette année, même si cela va entrainer une rallonge budgétaire.

Mais, pour le reste, les réflexions seront engagées avec l’implication du SYNATEB pour trouver une solution à leur formation continue. Nous avons trouvé que ces deux points étaient partiellement satisfaisants.

Lefaso.net : Quels sont les autres points non satisfaits ?

Tahirou Traoré : Mais, tous les autres points tels que le fonctionnement des circonscriptions d’éducation de base (CEB) des écoles, la prise en charge des encadreurs pour leur travail d’encadrement sur le terrain, la prise en charge des conférences pédagogiques, des groupes d’animation pédagogique… A ce niveau le ministère nous a fait savoir que nos préoccupations ont été transmises au ministère de l’économie et des finances

Après examen, on s’est dit que notre ministère de tutelle, c’est le MENA et non le MEF. Il appartient au MENA de discuter avec le MEF pour voir comment on peut améliorer les conditions de ceux qui sont sur le terrain au niveau de l’enseignement.

La prise en charge des groupes d’animation pédagogique, c’est 2000f pour aller à des rencontres où ils doivent se déplacer, manger à leur frais. Nous avons demandé d’augmenter cette prise en charge à 5000f pour les résidents et 10 000f pour les non-résidents. Pour les conférences pédagogiques, nous avons demandé à ce qu’on prenne en charge les résidents à hauteur de 10 000f et les non résidents à 15 000f parce que les conférences prennent plus de temps que les GAP. Comme, c’est des cadres de concertation entre enseignants, nous avons demandé 60 000f par GAP, on a demandé à ce qu’on prenne en charge les coordonnateurs à hauteur de 15000F/mois. Les membres des bureaux GAP également, il faut les prendre en charge.

Voilà autant de préoccupations que nous avons demandées en tenant compte de la réalité du terrain et des conditions dans lesquelles nos camarades sont en train de travailler. Si le MENA ne peut pas trouver des arguments auprès du ministère de l’économie et des finances pour nous défendre, nous qui n’avons pas de contact direct avec ce ministère, comment nous allons faire ? Raison pour laquelle, nous avons dit qu’il appartient au MENA de jouer ce rôle-là.

Et, c’est ce qui a emmené le sit-in de protestation de ce matin. C’est juste une protestation pour amener l’autorité à prendre la température du degré de mécontentement des enseignants sur le terrain et d’une manière générale des travailleurs de l’éducation de base.

Lefaso.net : Pourquoi c’est maintenant que vous tenez ce sit-in ?

Tahirou Traoré : C’est le processus normal.

Lefaso.net : D’aucuns disent que c’est la période appropriée, en simulant de prendre en otage des examens…

Tahirou Traoré : Je dis que c’est le processus normal. La 1ère rencontre a eu le 13 mars et la 2e le 9 mai. C’est la manière dont le dossier a été traité qui nous a amené à cette date. Quand on s’est retrouvé le 17 mai, à l’ordre du jour, nous n’avions pas parlé de boycott des examens, de prise en otage des examens, non. Nous avions dit que nous allons protester pour que l’autorité sache effectivement que le SYNATEB n’est pas content.

Lefaso.net : Avez-vous l’impression d’avoir été entendu ce matin ?

Tahirou Traoré : Oui, la mobilisation a été monstre et c’est sur l’ensemble du pays. Depuis midi, nous avons les échos des différentes régions et provinces, des différentes CEB. La participation est très très satisfaisante. Le MENA nous a appelé demain (30 mai) à 15h pour aller les écouter sur ce qu’ils vont donner comme propositions qui vont nous permettre au niveau du bureau national de nous retrouver, de les examiner et de rendre compte à la base.

Lefaso.net : Les sit-in dans les autres régions ont eu lieu dans les directions provinciales et les CEB reculées, mais au Kadiogo, c’était à la direction régionale, pourquoi la DREBA ?

Tahirou Traoré : Parce qu’à la DPEBA, vous voyez qu’il n’y a pas d’espace. C’est un bâtiment qu’ils ont loué et il n’y a pas d’espace. C’est pourquoi contrairement aux autres provinces, au niveau du Kadiogo, le sit-in a eu lieu au niveau de la DREBA.

Lefaso.net : A combien estimez-vous le nombre d’enseignants ayant fait le déplacement à la DREBA du centre ?

Tahirou Traoré : Il faut dire des milliers. A la sortie du DR (Directeur régional du centre), sa première réaction a été de se demander s’il y avait encore des enseignants pour les autres syndicats. Venant de la part de l’autorité, ça veut tout dire.

Lefaso.net : Pourquoi vous ne vous êtes pas associés aux deux autres syndicats (SNESS et F-SYNTER) qui avaient manifesté en début mai et qui ont obtenu gain de cause auprès du gouvernement ?

Tahirou Traoré : Ces deux syndicats sont du secondaire qui, en 2011, ont obtenu un protocole d’accord avec le gouvernement et que les points d’accord n’ont pas été appliqués. Ils étaient las d’attendre et ils ont lancé le mot d’ordre de protestation.

Mais, nous étions en pourparlers. Chez nous, c’est le processus normal. Tout comme chez eux, s’il y a des actions à entreprendre, ça ne peut être que dans la période. Et c’est ce qui commence.

Lefaso.net : Et quelle est la suite ?

Tahirou Traoré : Demain soir (ndlr : 30 mai), nous allons rencontrer notre ministre. A l’issue de cette rencontre, le bureau national va se retrouver, on va examiner tout ce qui sera dit. Et la suite sera proposée.

Lefaso.net : pouvez-vous assurer les parents d’élèves que les examens du CEP ne sont pas menacés ?

Tahirou Traoré : Je dis que nous n’avons pas en tête de prendre en otage des examens. Mais notre préoccupation, en réalité, c’est de voir notre plateforme satisfaite.

Lefaso.net : Avez-vous un message particulier ?

Tahirou Traoré : En direction de nos autorités, nous disons que le dialogue social, c’est une très bonne chose. Nous sommes disposés à tout moment au dialogue. Nous voudrions également que nous préoccupations soient examinées avec beaucoup de rigueur puisqu’il y a certaines réponses quand on les donne à certaines préoccupations, ça frustre ceux qui ont rédigé ces préoccupations et le plus souvent la réaction, si elle n’est pas contrôlée, elle peut amener des débordements.

Souvent, il n’y a pas de rigueur dans l’examen des préoccupations. Et là, la réflexion pour trouver une solution au problème devient problématique, alors que c’est des choses qu’on peut éviter en examinant sérieusement les plateformes. Ça consolide le dialogue social. Nous savons que nous sommes dans un pays où effectivement, il n’y a pas assez de ressources. Mais en regardant le train de vie de l’Etat, en regardant certaines politiques, ça convainc davantage les gens qu’au niveau de l’Etat, il y a de l’argent.

Pendant que tout le monde crie que le sénat est une institution budgétivore, qu’il n’y a pas d’argent pour permettre aux enseignants, aux encadreurs de pouvoir faire leur travail comme il se doit, pour améliorer la qualité de l’éducation qui va nous permettre d’avoir des hommes de qualité qui vont permettre à ce pays de pouvoir réfléchir par lui-même, et de trouver les énergies et ressources nécessaires pour développer des stratégies qui vont développer ce pays. Et, on pense qu’on peut facilement trouver des milliards pour distribuer à des gens pour un sénat que tout le monde trouve inutile. Vous ne pouvez pas convaincre quelqu’un qui est sur le terrain, face à ses préoccupations, que le pays n’a pas d’argent. Et ça, c’est un message que nous adressons aux autorités. Il faut peser les choses avant de prendre certaines décisions.

Propos recueillis par Moussa Diallo

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