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Me Mamadou Traoré, Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina : « Je n’ai pas trouvé de documents ni d’archives après mon installation… »

mercredi 29 mai 2013.

 

Elu récemment à la tête de l’Ordre des avocats du Burkina, Me Mamadou Traoré veut faire du renforcement des compétences la pierre angulaire de son mandat. Dans les lignes qui suivent, il revient sur la crise qui a secoué le Barreau et sur les conditions dans lesquelles il a été installé par ses pairs. Il annonce également l’organisation d’une nouvelle session du ‘’CAPA’’, le Certificat d’aptitude à la profession d’avocat, qui sera adossé à un centre de formation professionnelle.

Lefaso.net : Monsieur le Bâtonnier, nos internautes peuvent-ils mieux vous connaître ?

Me Mamadou Traoré : Oui, je suis Me Mamadou Traoré.
Je suis avocat, j’ai été d’abord inscrit en France. J’ai fait le Centre de formation professionnelle des avocats en France à Amiens précisément en Haute Picardie. Et après cela je me suis inscrit au Barreau de Picardie où j’ai exercé avant de rentrer en 1998 au Burkina Faso. Plus précisément en fin 1997 où j’ai ouvert un cabinet d’avocat.

Et depuis j’essaie de me battre avec les autres confrères pour que le Barreau soit un corps qui compte dans notre vie sociale. Mais également dans le processus démocratique de notre pays.

Au plan civil, je suis né le 18 mai 1959 à Bobo Dioulasso. Je suis père de deux enfants, une fille et un garçon. Pour être plus complet et pour vos internautes, j’ajoute que j’ai participé avec beaucoup d’autres jeunes à l’époque au processus révolutionnaire du 4 août 1983 ; j’ai été un des premiers responsables civils au niveau du Secrétariat général des comités de défense de la révolution ; je me suis occupé du volet jeunesse où j’ai créé et animé le mouvement des pionniers.

Je me suis également occupé du département des affaires économiques et de la mise en place de ce qui est devenu aujourd’hui les ‘’CASEM’’ (conseil d’administration des secteurs ministériels). Donc ça a été une expérience très riche du point de vue personnelle, du point de vue politique, du point de vue sociale également.

C’était une œuvre qui voulait transformer économiquement ce pays très pauvre avec très peu de ressources. Mais qui a une qualité essentielle : ce sont ses Hommes. Et il fallait mettre les Hommes au travail dans une organisation de discipline, de renaissance morale et intellectuelle. Avec des acquis qui demeurent, mais aussi avec beaucoup d’insuffisances. Mais quelle œuvre humaine peut se targuer de la perfection ?

Donc, ça a été un parcours qui m’a aidé à mieux comprendre ce pays ; à mieux connaître aussi les Hommes, à mieux parcourir et à mieux connaître l’Afrique. C’est après la fin de ce processus révolutionnaire que j’ai repris mes études en France pour terminer comme avocat, et je consacre aujourd’hui l’entièreté de mon temps à l’exercice de la profession et à son organisation en qualité de Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina.

Lefaso.net : Pourquoi avoir opté pour le Droit et pour l’avocature précisément ?

Bâtonnier : J’ai choisi le droit parce que j’ai eu la chance de faire un Bac technique. Et dans ce Bac, j’ai fait du droit de la seconde à la première et terminale. Donc, j’ai eu un amour très fort pour le raisonnement et la technique juridique.

Je peux donc dire que les études de Droit m’intéressaient. Même si dans le contexte du cinéma de l’époque, j’avais voulu faire des études de ce côté-là.

Lefaso.net : Comment avez-vous trouvé le Barreau à votre installation en tant que Bâtonnier ?

Bâtonnier : Je peux dire que j’ai trouvé un Barreau dans des sentiments contradictoires, apathique.

Apathique en ce sens que les avocats ne voyaient pas très bien où partait l’Ordre, compte tenu d’un certain nombre de problèmes internes que nous avons connus et qui ont défrayé la chronique. Mais également un barreau soif d’attente d’un Bâtonnier à même d’insuffler une dynamique de rassemblement. Un Bâtonnier capable de poser les problèmes cruciaux qui sont ceux de cet Ordre.

A savoir les questions de formation, d’organisation interne et d’unité. Egalement des questions de rayonnement de ce corps qui est un corps noble et qui donc devait retrouver toutes ses lettres de noblesses, par sa participation et eu renforcement de la crédibilisation de la justice.

Mais également par sa participation tout simplement à l’édification du pays. Parce que le Barreau fait partie de ces institutions républicaines et à ce titre doit être présent sur toutes les questions de défense des droits de l’Homme, de bonne gouvernance, mais également sur toutes les questions d’équité sociale. Puisque notre mission est de porter la défense partout, au profit de tous les citoyens sans exception. Des plus riches aux plus démunis.

Lefaso.net : Qu’en est-il des relations entre vous et votre prédécesseur sachant qu’il n’a pas assisté à votre installation

Bâtonnier : Je pense qu’à titre personnel, je précise bien, entre mon prédécesseur et moi, il n’y a aucun problème. Ce n’est pas la langue de bois. Nous avons eu des rapports très corrects, même quand je n’étais pas dans le barreau.

Puisque Me Baadhio je le connais ; nous avons travaillé à porter sur les fonts baptismaux, ensemble, l’association burkinabè pour les nations unies. Par contre au niveau professionnel, il a des approches sur lesquelles nous avons divergé et fondamentalement. Et ça c’est tout à fait normal.

Il y a un avocat de Bobo que l’ex-Bâtonnier et le Conseil de l’ordre à l’époque avaient voulu sanctionner sur des motifs que j’ai jugés totalement fallacieux. Et je me suis constitué pour cet avocat avec d’autres confrères, près d’une quarantaine, afin que cette procédure, n’ait pas lieu. Mais pour moi ce n’est pas une divergence, c’est un acte normal de la profession d’avocat. J’ai défendu cet avocat comme je défends tous les jours d’autres citoyens.

Du point de vue de la passation de service entre le Conseil de l’Ordre sortant et le Conseil de l’Ordre entrant, là il y a eu des problèmes. D’abord sur la date. J’ai été élu le 8 juin (2012) et la période des vacances judiciaires est une période généralement consacrée à la préparation de la passation.

Et pendant tout ce temps, tous mes efforts pour que nous puissions faire la passation entre les deux Conseils de l’ordre n’ont pas eu d’échos, n’ont même pas eu la courtoisie d’une réponse. Je crois que ça, c’était un problème réel ; d’autant plus qu’il ne s’agit pas de personne, mais d’institution ; et là j’avoue que je n’ai pas compris cela.

Le deuxième problème, c’est qu’un Conseil de l’Ordre sortant avec un Bâtonnier qui a fini son mandat ou en fin de mandat décide d’organiser un CAPA. Il m’a semblé que du point de vue de l’élégance élémentaire, c’est un acte fort de mon programme et que je m’étais engagé avec le nouveau Conseil de l’Ordre à ouvrir un Centre de formation qui suppose la présence d’élèves avocats ; et dans notre programmation, après notre prise de fonction effective, nous avions l’intention d’organiser le ‘’CAPA’’.

Ce que j’ai demandé c’est que ce ‘’CAPA’ soit reporté. J’ai donc écrit au Bâtonnier sortant et au ministère de la justice. Et faute de réponse, j’ai dit qu’en tant que Bâtonnier élu, il y allait de ma responsabilité. J’ai donc fait passer un communiqué pour dire que le nouveau Bâtonnier et le nouveau Conseil de l’Ordre décalaient à une date ultérieure l’organisation du ‘’CAPA’’.

C’est pour que vis-à-vis de l’histoire, vis-à-vis de l’opinion, nous soyons quittes. Le Bâtonnier sortant a estimé avec son Conseil de l’Ordre qu’il fallait organiser ce CAPA. Ce qu’ils ont fait dans des conditions critiquables, et en un temps record, corrigé en un temps record.

Et mieux, à la veille de ma prise de fonction, on a fait prêter serment à ces candidats. Donc, c’est une fuite en avant qui ne crédibilise pas le Barreau. Parce que mon problème à moi c’est de dire que les avocats n’ont pas de centre de formation. Depuis 1990 cela était prévu, mais jusque-là ce n’est pas effectif.

Recruter des avocats, ne pas les former, c’est purement et simplement irresponsable. Et sur ce point, j’ai des divergences fondamentales avec l’ex-Conseil de l’Ordre et l’ex- Bâtonnier. Mais aujourd’hui, j’ai essayé de dépasser cette situation et de rassembler tous les avocats du Burkina, pour un Barreau fort et uni. Donc pour moi c’est du passé, même si je suis amené à gérer les conséquences de cette situation aujourd’hui.

Lefaso.net : Vous aviez évoqué une possible reprise du CAPA ; Est-ce toujours d’actualité ?

Bâtonnier : Je pense qu’il ne faut pas confondre le principal et l’accessoire. Le principal pour moi et le nouveau Conseil de l’Ordre, c’était d’abord de rassembler les avocats parce qu’il n’y avait pas eu d’assemblée générale depuis quelques temps. En outre, il y avait une division manifeste entre les avocats qui ne comprenaient pas un certain nombre de choses.

Donc la première mission que je me suis fixée avec le nouveau Conseil de l’Ordre, c’est de réussir à unir les avocats autour des actes principaux de mon mandat. Nous avons finalement pris fonction le 1er octobre, en ayant perdu trois mois inutilement et sans pouvoir rien faire. Et quand nous avons pris fonction, nous n’avons trouvé aucun document, aucune archive sur quoi que ce soit.

Nous avons fait l’installation du Bâtonnier et du Conseil de l’Ordre, pour donner une image plus crédible de la profession d’avocat. Elle a été présidée par le Premier ministre et conduite par le plus ancien des avocats Me Pacéré Titinga. Ce qui a permis de ressouder les liens entre anciens, nouveaux et jeunes avocats. Et cela était important.

Après cela, immédiatement début novembre, nous nous sommes retrouvés à Bobo pour les premiers états généraux du Barreau pour donner la parole aux avocats sur toutes les questions, sans tabou et y compris la question de ce CAPA, pour avoir, au- delà de la légalité, une légitimité pour une feuille de route pendant les trois ans de mon mandat. C’est ce que nous avons fait.

C’est pour dire que si nous venions uniquement avec pour premier acte de reprendre le CAPA, nous allions nous retrouver dans une dynamique peut être incomprise par certains avocats.

Puisque comme je vous l’ai dit, les avocats qui ont été recrutés un peu à la ‘’sauvette’’ ont finalement prêté serment. A partir de ce moment, ils sont devenus avocats. Et toute décision que le Conseil de l’Ordre prend va impacter ces avocats-là.

Lefaso.net : Il y a eu beaucoup de cafouillage autour de cette session du CAPA…

Bâtonnier : Il est vrai que le problème se pose en deux termes. D’un côté il y a ceux qui sont admis ; ils sont au nombre de 8 et il y a la majorité qui n’a pas pu composer ; et dans cela il y a certains qui ont pu composer et qui n’ont pas réussi, d’autres n’ont pas pu composer parce qu’ils ont vu cette annonce (de report). Donc nous avons géré toutes ces préoccupations en nous donnant le temps de la réflexion.

Le Conseil de l’Ordre a statué sur la question et nous allons faire un nouveau CAPA. Mais pour être conforme avec nous-mêmes, en tenant compte de la création du Centre de formation professionnelle.

A cet effet nous avons élaboré le projet de décret qui manquait et qui est dans le circuit actuellement. C’est ce projet de décret qui peut créer le Centre. Et dès lors que le centre est créé, nous allons pouvoir recruter pour que les candidats retenus puissent avoir un statut clair. Le statut d’élève avocat dans un premier temps, après celui d’avocat stagiaire et enfin celui d’avocat plein.

C’est cette dynamique qui a manqué et c’est ce que nous reprochons aux organes qui ont fini leur mandat.

Lefaso.net : La formation n’a-t-elle pas été présente dans la marche du Barreau depuis sa création ?

Bâtonnier : Depuis que le Barreau est créé, nous ne nous sommes pas donné les moyens de la formation alors même qu’il est en train de s’agrandir.

Il y a quelques années, le nombre d’avocats était de cinquante. C’était plus facile à gérer. Aujourd’hui nous tendons vers le cap de 200. Vous vous imaginez donc que l’absence d’un Centre de formation initial et continu constitue un manque à gagner pour les avocats et surtout pour les justiciables.

Parce lorsque l’on n’a pas la compétence requise et que l’on gère des dossiers dans ces conditions, c’est dangereux pour le justiciable et pour le service public de la justice. C’est la raison pour laquelle l’alpha et l’oméga de mon mandat c’est la formation professionnelle, rattaché à un centre de formation pour tous les avocats : jeunes comme anciens. Et animé par des professionnels qui viendront d’ici et d’ailleurs.

Ce n’est qu’ainsi que le Barreau du Burkina pourra retrouver ses lettres de noblesse et la place qui est la sienne au sein de toutes les institutions républicaines.

Lefaso.net : Il y a aussi la somme de 25000FCFA exigée aux candidats pour le dépôt des dossiers. Etait-ce raisonnable dans le contexte économique actuel ?

Bâtonnier : La question des 25000FCFA est née du fait que ce sont les pouvoirs publics qui ont demandé au Barreau d’organiser le CAPA. Et lorsqu’il le fait, il y a des frais administratifs à supporter, il a les frais de correction à sa charge. Il y a également des enquêtes qui sont menées sur la moralité des impétrants. On peut ergoter sur le fait que 25000FCFA c’est peu ou trop.

Ceci dit, le principe qu’il y ait des frais ne me choque pas. Pour un concours public me dira-t-on, le principe c’est la gratuité. Sauf que pour les avocats, il y a une spécificité. Nous, nous assumons une mission de service public.

Mais en même temps, nous n’avons pas les moyens des pouvoirs publics pour assumer ce service.

J’irai même plus loin pour que ce soit plus clair. Aujourd’hui dans beaucoup de pays, la formation des avocats est une formation payante. Ce n’est pas le cas du Burkina. Mais cela peut arriver.

Il n’est donc pas péremptoire que ce Centre de formation que nous envisageons mettre sur pied s’ouvre à d’autres profils en rapport avec le Droit et aboutisse à des formations qui seront sanctionnées par la délivrance de diplômes de troisième cycle.

Lefaso.net : Comment allez-vous gérer la question de l’absence de documents et d’archives évoquée ci-dessus ?

Bâtonnier : Cela a été une question grave et difficile pour moi et le Conseil de l’Ordre. Car même pour prendre des décisions simples, il faut avoir des archives. Nous nous sommes rapprochés en tout cas des organes sortants pour que les documents du mandat qui vient de finir soient disponibles…

Mais pour que les avocats comprennent qu’il ne s’agit pas d’une quelconque volonté d’en découdre avec les organes sortants, j’ai posé le problème de façon plus large et globale. Vous savez que la maison de l’avocat n’a pas toujours existé.

Cette maison de l’avocat qui est notre siège actuel a été construite sous le mandat du Bâtonnier Arouna Sawadogo. Mais avant cela il y a eu d’autres Bâtonniers et d’autres archives.

Au cours de l’assemblée générale tenue au mois de février, j’ai donc lancé un appel à tous les avocats, à tous les anciens Bâtonniers, de tout faire pour que nous puissions reconstituer la mémoire de notre Barreau qui est un barreau jeune. C’est nécessaire pour la mémoire collective…

Je profite de notre entretien pour demander à tous les avocats qui ont des documents qui concernent la profession, de les mettre à la disposition du Conseil de l’Ordre.

Lefaso.net : Quelle est la place de l’avocat dans la société burkinabè ?

Bâtonnier : Je pense que la vérité est toute simple. La profession d’avocat est totalement méconnue.

Dans le cadre de la préparation des états généraux de Bobo, j’ai fait procéder à une étude diagnostique par un cabinet externe privé sur la perception qu’avait la population de la profession d’avocat et sur le recours qui était fait à la profession par le citoyen et par les entreprises.

Et cette enquête a concerné Ouagadougou et Bobo et certaines autres régions. Et nous avons appris avec stupéfaction qu’à peine 25% de la population connaissait l’existence de la profession d’avocat et de ce qu’elle pouvait faire.

Et ceux qui s’adressaient à l’avocat pensaient que ce dernier avait seulement des missions de défense pénale oubliant qu’il a aussi des missions de conseil.

Donc, il y a une méconnaissance totale de la profession d’avocat. Pour vous répondre, je dirai donc que notre place dans la société est donc un strapontin. Et disons que nous sommes dans l’arrière-cour de la salle d’attente du pays. Ce qui nous oblige en tant qu’avocats à travailler et à communiquer plus pour faire changer cette situation.

Prenez la plupart de nos grands Hommes d’affaires qui vont à la conquête du monde et qui vont signer des contrats en Amérique, en Asie, en Europe… Mais ils vont avec qui ? Ils y vont seuls. Oubliant que le monde d’aujourd’hui est un monde Droit. Dans les grands pays vous ne trouverez pas des entreprises qui travaillent sans les conseils de cabinets d’avocats.

Donc il nous appartient de travailler avec nos opérateurs économiques pour leur dire que nous sommes dans un système mondialisé. Par conséquent, ce n’est pas lorsqu’il y a des problèmes qu’il faut chercher un avocat.

J’ai par exemple des clients qui signent des conventions dans lesquelles il est écrit que lorsqu’il y a problème que ces sont des tribunaux non burkinabè qui sont compétents. Ce qui est source de problème.

Puisqu’à la rédaction du contrat fait par des avocats de pays donnés, ils ont pris toutes les dispositions pour qu’il y ait cette clause de rattachement à des juridictions de leur pays. Mais également dans le corps même puisqu’ils ont pris toutes les dispositions pour que ‘’vos’’ failles soient sanctionnées et que celles de leurs clients le soient moins.

Dans ce sens je mène une réflexion avec un certain nombre de personnes que j’ai contactées pour proposer aux avocats et au monde des affaires, une journée économique du Barreau pour échanger sur la problématique de la place de l’avocat. Sur ce qu’il peut faire pour les Hommes d’affaires et vice-versa.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui pose le plus problème dans cette perception de l’avocat ? Les aspects culturels ou économiques ?

Bâtonnier : Il y a les deux aspects. Nous sommes dans une société d’arrangement, dans une société de tradition orale et informelle. Donc, déjà il faut que culturellement, on puisse expliquer et faire comprendre à tous les citoyens que la question de la liberté, de la démocratie est une question individuelle.

Nous sommes dans une société de liberté. Et que lorsqu’il y a une atteinte à cette liberté, c’est son droit constitutionnel de se faire assister et défendre par un avocat. La question économique vient beaucoup plus après.

Sur ce dernier point il faut savoir que la loi dit que la relation entre l’avocat et son client est libre. C’est une relation de discussion dans leurs deux parties échangent sans tabou sur les termes et les modalités qui leur conviennent en termes de coût.

Même là encore c’est une question culturelle liée à la méconnaissance des paramètres qui permettent d’évaluer ou de déterminer le coût d’un dossier ; c’est la méconnaissance de ce que ça peut induire comme exigence qui fait souvent que la question du coût de l’avocat est posée. Mais encore une fois je dis que la question peut être résolue.

Et même que dans tous les cabinets d’avocats, nous sommes parfois amenés pour des considérations humaines à défendre des clients qui n’ont pas d’argent.

Lefaso.net : L’avocat burkinabè vit-il bien de son métier ?

Bâtonnier : Les temps sont durs pour les avocats ! Pour la simple raison que nous vivons des honoraires des clients. Lorsqu’il y a la crise économique qui frappe les sociétés, l’Etat, les citoyens, ça veut dire que les prestataires de service que nous sommes, sont en première ligne, lorsqu’ y a des coupes sombres à faire, lorsque les gens veulent faire des réductions de budget. Et même lorsqu’on ne peut pas supprimer son intervention, on se dit qu’on va négocier à la baisse au maximum avec l’avocat.

Il y a aujourd’hui énormément de problèmes chez les avocats du point de vue de notre domaine d’intervention qui est attaqué par les concurrents déloyaux. Mais aussi par des problèmes de contestation, de retard de paiement pour les procès qui sont remportés…

Mais rendons grâce à Dieu, il y a des avocats qui s ‘en sortent bien et mieux que les autres et pour diverses raisons qui sont liées à l’ancienneté, à la clientèle, à la bonne collaboration avec les clients qui les comprennent…

Lefao.net : La justice burkinabè est critiquée par les citoyens parce que ne jouant pas suffisamment sa partition dans la construction et la promotion de l’Etat de droit et de la démocratie voire de la bonne gouvernance. Jusqu’à quel point les avocats burkinabè se sentent-ils concernés par ces critiques récurrentes ?

Bâtonnier : Sans ambages et sans détour, je le dis, nous faisons partie du problème. Il n’y a pas de honte à le dire. Lors des états généraux du Barreau, il y a des avocats qui ont même dénoncé la pratique des ‘’SCAM’, c’est-à-dire les sociétés civiles avocats magistrats.

Nous sommes donc au cœur du problème. La question du dysfonctionnement de la justice, de sa lenteur… concernent en premier chef les magistrats. Mais elle interpelle également les avocats. Même si ce n’est pas le seul problème. Car, il y a également la question des délais et bien d’autres points. Et sur cela, il faut que nous trouvions ensemble des solutions.

Interview réalisée par Juvénal Somé

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