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Hippolyte Bado, garde de sécurité pénitentiaire, gréviste de la faim : « Nous sommes avec des détenus, mais nous ne sommes pas des détenus ! »

lundi 8 avril 2013.

 

S’il confirme avoir eu en sa possession de l’essence et un briquet lors de sa grève de la faim, l’assistant GSP (Garde de sécurité pénitentiaire), rejette l’information initiale selon laquelle il voulait s’immoler. S’insurgeant contre le gouvernement qu’il tient pour responsable de leurs conditions de vie et de travail, Hippolyte Bado a exigé la venue du Premier ministre, ou à défaut, du général Gilbert Diendéré, à qui il voulait exprimer son ras-le-bol. En tout cas, il aura été écouté par ce dernier le 6 avril 2013, jour même du déclenchement de son mouvement, à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou). Rencontré sur le même site ce dimanche 7 avril, il nous livre les fondements de son action.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous décrire un peu ce qui a failli se produire devant la MACO hier ?

Hippolyte Bado (HB) : Dire que quelque chose a failli se passer hier, franchement, je ne sais pas. J’ai observé une grève de la faim ; mais dire que quelque chose allait se passer, je n’en sais rien. Ce qui m’avait motivé à faire la grève de la faim, ce sont les conditions de vie et de travail des GSP. C’est ce qui m’a amené hier à venir m’assoir devant la porte. Et j’ai demandé à voir soit le Premier ministre, soit le général Gilbert Diendéré (Chef d’Etat-major particulier du Président du Faso). On m’a fait savoir que le général était en déplacement à Koudougou. C’est vers les 21h qu’il est venu. Effectivement, on a échangé, et il est même allé jusque chez moi, pour connaître chez moi. Il m’a dit qu’ils feront de leur mieux.

On a appris que vous avez voulu vous immoler. Vous confirmez ?

HB : Je n’aime pas qu’on me parle de ça. Je ne sais même pourquoi on parle de ça. J’ai moi-même appris que certaines disaient que j’ai voulu m’immoler. Pourquoi ? Mais pourquoi on ne parle pas aussi de mes portables que j’avais sur moi ? J’avais également ma pièce d’identité, mes clefs, mais pourquoi les gens ne parlent pas de tout ça mais de l’essence ? L’essence que j’avais avec moi ne devait pas intéresser tant les gens ; c’était déposé et j’avais mon briquet. Je ne sais même pas pourquoi les gens parlent de ça. Quand on est en grève de la faim on ne doit rien posséder ? C’est à vous que je pose la question. On ne doit pas être en possession de quelque chose ? Je n’ai jamais dit à quelqu’un que je voulais brûler l’essence ; j’étais assis avec ça seulement. Je ne veux plus parler de ça.

Mais qu’est-ce-qui justifie le fait que vous étiez en possession de l’essence à ce moment précis ?

HB : Je vous ai dit que ne veux plus parler de ça. Si vous continuez de parler de ça, j’arrête. Même hier, des journalistes m’ont posé la question, je leur ai dit que je ne veux pas parler de ça. J’avais des choses en ma possession ; mais je ne comprends pas que ce soit l’essence qui intéresse les gens.

Pouvez-vous revenir un peu en détail sur les raisons de votre mouvement ?

HB : Il s’agit essentiellement des conditions de vie des GSP. Il n’y a pas un seul fonctionnaire au Burkina Faso qui a des horaires de travail aussi longs que les nôtres. Les samedi et dimanche, nous avons près de 700 visiteurs.

Et chaque fois qu’on parle du grand banditisme, on loue le courage des autres corps, notamment la gendarmerie et la police. Or, tous ces délinquants sont conduits à la MACO pour y être gardés. Mais personne ne voit le travail des GSP dans tout ça.

Est-ce-que en ville vous croisez des GSP en tenue ? En tout cas c’est rare. Ils ne peuvent se faire identifier comme les autres corps. Si vous aviez un frère GSP, c’est sûr que très souvent il viendrait vous demander de l’argent. Et ça, moi je ne comprends pas. Nous, nous ne sommes pas des Burkinabè ou quoi ? Ou bien les gens pensent que nous avons fauté en faisant le concours de la GSP ? Nous sommes avec des détenus, mais nous ne sommes pas des détenus.

Qu’on ne nous considère pas comme des détenus aussi, mais comme des fonctionnaires de l’Etat. Comment quelqu’un comme moi en catégorie C1 avec près de 10 ans de service et je suis obligé chaque de faire un découvert à la banque. Si la banque coupe ses crédits, je n’ai pas 50 000 F CFA à la fin du mois. Pourquoi cela ? Pendant ce temps, d’autres personnes dans d’autres corps, touchent le double de mon salaire. Je trouve que cela n’est pas normal. Soit nous sommes Burkinabè et nous avons le même traitement, soit nous ne sommes pas des Burkinabè.

Dans le contexte de la mutinerie de 2011, j’ai entendu le Premier ministre dire que c’est seule la gendarmerie qui n’a pas manifesté ; ce n’est pas intéressant. Est-ce qu’en ce moment vous avez entendu qu’un GSP a brandi une arme quelque part ? Et le président du Faso a dit que ce que les autres corps auront, on va avoir aussi ; mais on a rien eu jusqu’à présent. Et quand on veut parler, on nous dit toujours de patienter. On ne peut plus continuer dans ce sens.

La GSP peut aussi prendre des armes aujourd’hui pour se faire entendre, mais nous on se dit que la population burkinabè ne veut plus de ces genres de situation. C’est pourquoi, moi j’ai décidé de faire grève de la faim. Et au cas où je mourais, que le peuple burkinabè sache que c’est le gouvernement qui est à la base de ma mort.

J’ai aussi remarqué que chaque fois qu’on arrête des bandits c’est vous les journalistes qu’on appelle pour venir animer des conférences de presse. Mais à la MACO, je n’ai jamais vu un journaliste venir un jour ouvrable pour savoir ce qui se passe chez nous. Et vous aussi, je vous accuse. C’est pour tout cela, que j’ai décidé de faire une grève de la faim.

Pire, notre milieu de travail est invivable. Souvent, tu es assis en train de manger, et caca de détenu quitte là-haut et tombe à côté de toi. Vous croyez qu’on peut travailler dans un tel milieu ? Si le gouvernement pense qu’on n’a plus besoin de GSP, qu’on nous incorpore ailleurs, ou qu’on privatise le service et quelqu’un va mieux s’occuper de ça. Je suis d’accord qu’on mette tout en œuvre pour arrêter les délinquants ; mais je trouve important qu’on mette les moyens pour entretenir et le milieu où ils se trouvent en détention et ceux qui les gardent. Tu ne peux pas faire une bonne garde quand tu sais que ta famille est dans la faim. Et on est constamment sous les menaces des détenus.

Peut-on dire que la cause des détenus aussi fonde votre combat ?

HB : Les mots me manquent pour vous répondre par l’affirmative. C’est sûr que si nous, nous sommes à l’aise, les détenus le seront aussi. Quand j’ai parlé des déchets de détenus que nous recevons, c’est parce que les tuyauteries sont foutues. Notre lutte pourrait aboutir à la réparation de ces tuyauteries ; ce qui leur permettra d’être aussi à l’aise.

Et souvent, certains parents de détenus se voient obligés d’attendre des heures sous le soleil pour pourvoir apporter de la nourriture à leur proche. Parfois, il y a des vieilles parmi. Si dans ces conditions quelqu’un tombe, on va dire que c’est du fait des GSP. Ces gens pensent que ce sont les GSP qui les mettent dans de telles situations, sans chercher à comprendre. Or, il suffirait qu’on leur construise un coin pour qu’ils s’asseyent en attendant leur tour.

Peut-on en savoir sur l’essentiel des échanges qu’il y a eus entre le général Diendéré et vous ?

HB : Ça c’est un truc entre lui et moi. Je vous ai dit qu’il a promis de grouiller pour que nous soyons dans les conditions ; c’est bon. Le reste là, laissez ça. Je ne peux rentrer dans les détails qui sont d’ordre militaire.

Peut-on dire que vous êtes satisfait ?

HB : Bon, en parole, oui d’abord. Mais comme il ne s’agit pas pour le général d’appuyer sur un bouton et automatiquement tout rentre dans l’ordre, je ne peux rien dire d’abord. Je vais attendre de voir ce que ça va donner.

Tenez-vous encore à échanger avec le Premier ministre ?

HB : J’avais dit que je voulais recevoir soit lui, soit le général. J’ai reçu le général, ça me suffit.

Entretien réalisé par Fulbert Paré
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