Retour au format normal
lefaso.net

Spiruline : L’aliment aux multiples vertus nutritionnelles et thérapeutiques

jeudi 7 février 2013.

 

Lutte locale contre la malnutrition, amélioration des défenses immunitaires pour les enfants et les adultes des populations déshéritées, retardement de vieillissement sont entre autres vertus reconnues à la spiruline. Considérée comme l’aliment le plus complet connu, la spiruline est cultivée dans nombre de localités du Burkina Faso. A la découverte de cette « algue » avec la ferme Nayalgué à Koudougou avec le responsable à l’exploitation, Jean Zoungrana. Dans cet entretien à bâton rompu, il nous parle de cette algue dont on loue les vertus, de sa culture et de son avenir au Burkina Faso.

Le Progrès (L.P) : Pouvez-vous présenter brièvement la spiruline ?

Jean Zoungrana (J.Z) : Communément appelée complément alimentaire, la spiruline est de la famille des algues. Elle se cultive dans l’eau. Ce n’est pas une plante en tant que telle, non plus un animal. Mais elle a, à la fois, les deux aspects. Elle (algue) possède en elle-même beaucoup d’éléments nutritionnels. Elle a été découverte dans un lac. À travers des études, des scientifiques ont essayé de reconstituer son milieu de vie via des bassins d’eau dans lesquels on ajoute des intrants pour qu’on essaie d’équilibrer pour lui permettre de se développer.
Elle renferme plusieurs éléments comme la vitamine A, les vitamines B1 à B12. Sa force essentielle est la protéine qu’elle renferme à 60% (contrairement à 40% pour l’œuf et 20% pour la viande). Elle est également très riche en fer. On y trouve également le magnésium, le calcium, le zinc à des pourcentages variés.

L.P : Depuis quand êtes-vous en exploitation ?

J.Z : Le projet est en construction depuis 2005. Mais l’exploitation (ensemencement des bassins et la culture du produit) à proprement dit a commencé en fin 2006.

L.P : Comment se passe, techniquement, l’ensemencement ?

J.Z : Je parlais tantôt de reconstitution du milieu de vie du produit pour mieux le cultiver. Cela voudrait tout simplement dire qu’il faut d’abord reconstituer, dans un bassin, l’eau et les différents éléments dans lesquels elle (l’algue) vit. Ce milieu dans lequel elle vivait quand on l’a découverte. C’est après la reconstitution du milieu qu’on verse ensuite la souche du produit.

L.P : Combien de personnes emploie l’entreprise de nos jours ?

J.Z : Nous avons 19 permanents. Mais nous tournons autour de 32 car nous travaillons avec des contractuels et autres personnes parallèles.

L.P : Quelle est la capacité de fonctionnement actuelle de l’entreprise ? A-t-elle atteint son fonctionnement optimum ?

J.Z : Nous fonctionnons proportionnellement à la capacité du marché. Nous avons même quatre bassins disponibles qui n’attendent qu’une réaction du marché pour exploitation. Nous avons ce qu’il faut mais nous avançons au prorata de la demande, aussi bien nationale qu’internationale.

L.P : Certains n’hésitent pas à qualifier la spiruline de « plante miraculeuse ». Qu’en est-il au juste ?

J.Z : Il faut juger la spiruline comme tout autre aliment, puisque c’est un complément alimentaire. C’est comme si l’on disait aujourd’hui que les feuilles du baobab contiennent toutes les vitamines. Ça a été découvert naturellement, c’est un don de la nature. On l’a découverte, et on essaie de la cultiver pour que plusieurs personnes en bénéficient. On ne peut pas aller au-delà de cet aspect naturel. C’est à travers des analyses approfondies qu’on a découvert les éléments qu’elle contient. Ces éléments ne sont pas du fait de l’homme, mais ils viennent de la nature.

L.P : Sous quelle forme peut-on l’utiliser ?

J.Z : La spiruline est séchée sous forme granulée. Une partie est ensuite transformée en poudre pour être vendue dans le même type d’emballage. La partie en poudre est aussi utilisée pour être conditionnée en gélules ou des comprimés ; mais cette dernière forme n’est pas encore sur le marché. Elle y sera sous peu.

L.P : A quand cette forme sur le marché ?

J.Z : Les gens ne sont pas encore informés, mais je sais qu’ils sont intéressés et l’attendent. Les comprimés seront produits et mis incessamment sur le marché.

L.P : Avez-vous senti la nécessité… ?

J.Z : Oui ! Une autre raison est qu’il y a des gens qui sont rétissants par rapport aux gélules. On ne sent pas ça trop au Burkina, mais à l’extérieur, des gens voudraient savoir de quoi est faite cette gélule. Ils se posent la question de savoir si c’est de l’animal, du végétal… ?
Au Burkina, les gens estiment plutôt que le coût est élevé. Si on arrive donc à lancer le comprimé, le coût sera certainement moins cher que la gélule.

L.P : Quelle est votre capacité de production annuelle ?

J.Z : Elle est moyenne de 3 tonnes et demi 4 tonnes par an.

L.P : Vous faites à la fois du commercial et de l’humanitaire. Cela ne joue-t-il pas sur votre fonctionnement ?

J.Z : On essaie de s’en sortir. Mais comme nous n’avons pas à 100% une vocation commerciale, ce n’est pas aussi aisé.
Nous sommes-là aussi pour avoir une satisfaction morale, sociale, tout en essayant de maintenir le fonctionnement de l’unité du point de vue financier. Les débuts du projet ont voulu qu’il y ait 45% d’humanitaire et 55% de commercial. Les 45% sont distribués à des coûts 2 à 3 fois moins chers que le coût de production. Les 55% sont vendus sur le marché local et à l’extérieur à des prix variés, de sorte à compenser ce que nous pouvons appeler le manque à gagner du fait de la distribution à but humanitaire.

L.P : Qui peut bénéficier de la vente à titre humanitaire ?

J.Z : Nous passons essentiellement par des associations, des centres de santé ou des orphelinats etc. Pour un individu, il est difficile de prouver qu’il répond aux critères de personne défavorisée. Tout comme on ne demandera pas à une personne de venir nous prouver qu’elle est malade du VIH/SIDA. Ce, d’autant que l’objectif est de permettre également aux associations, qui œuvrent dans le domaine du VIH/SIDA, de pouvoir en distribuer à leurs membres. Mais si quelqu’un arrive à le prouver par des documents, on peut lui vendre à un prix humanitaire. Autrement, ce sont les associations qui nous approchent pour prendre des stocks pour leurs membres. Ce sont aussi des orphelinats, des centres de récupération des enfants malnutris (CREN) qui viennent acheter pour les enfants.

L.P : Comment conseilleriez-vous le produit aux populations ?

J.Z : Il faut en faire une habitude alimentaire. Ce n’est pas un traitement pour cause de tel ou tel mal. C’est une habitude alimentaire comme le fait de consommer du maïs tous les jours ou 2 à 3 fois par semaine. C’est par manque de moyens que nous nous limitons à des campagnes publicitaires périodiques, sinon nous aurions voulu communiquer de façon permanente sur le produit afin que tout le monde puisse s’en approprier car, de par ses nombreuses vertus, il peut rendre beaucoup service aux gens. Le produit fait énormément du bien, et chaque jour, nous recevons des témoignages venant tant de l’intérieur que de l’extérieur du pays.

L.P : Dans quelles conditions peut-on l’utiliser comme complément alimentaire ?

J.Z : On peut l’utiliser dans nos plats quotidiens. Seulement, il ne s’associe pas à la cuisson. C’est-à-dire qu’il faut tout simplement saupoudrer son plat déjà servi. En Europe par exemple, les gens préfèrent plus le granulé parce qu’ils aiment en général croquer en mangeant. On peut le consommer bien dans du yaourt, la soupe, le haricot bref, dans tout type de plat. Pour ceux qui ne voudraient pas la poudre ou qui sont ‘’hostiles’’ à la couleur (verdâtre), nous avons la gélule pour eux. Elle se prend comme du comprimé en raison de deux matin et deux le soir.

L.P : Quels sont les avantages liés à la consommation de la spiruline ?

J.Z : Je précise que la spiruline n’est pas un médicament contre un mal ou une maladie déterminée. C’est au regard de ses composantes qu’on est arrivé à la conclusion selon laquelle elle permet d’éviter tel ou tel autre mal. En général, beaucoup de maux sont dus à des carences de vitamines. Or, la spiruline contient beaucoup de vitamines. Sa consommation régulière permet de donner à l’organisme tout ce dont il a besoin. Elle régénère en quelque sorte les cellules en manque d’éléments nutritifs, etc. Elle permet également à l’organisme d’éviter les surplus de stock en termes de graisse etc.

L.P : Quel est votre circuit de commercialisation ?

J.Z : Nous poursuivons deux objectifs à savoir, l’humanitaire et le commercial.
L’humanitaire est uniquement réservé aux nationaux. L’objectif commercial concerne aussi bien le marché national qu’international. Nous le faisons par la voie des pharmacies et à travers nos points de vente dans certaines villes. Nous travaillons aussi avec certaines grands magasins et boutiques et magasins. La spiruline étant à la fois un médicament et un aliment, nous faisons une sorte de mixage dans les points de vente entre voie pharmaceutique et boutiques ou magasins.

L.P : …Donc l’humanitaire ne concerne que le plan national ?

J. Z : C’est ainsi parce que le projet a été financièrement soutenu par l’Etat burkinabè. Et nous pensons que cet effort déployé par l’Etat doit d’abord bénéficier à la population nationale.

L.P : La spiruline retarderait le vieillissement …

J.Z : Des spécialistes, qui ont travaillé une trentaine d’années dans la spiruline (notamment le docteur Louis VIDALO) , ont expliqué dans des documents comment la spiruline peut lutter contre le vieillissement, et comment elle aide beaucoup les personnes vivant avec le VIH/SIDA (je ne dis pas qu’elle lutte contre le VIH/SIDA). Au niveau du vieillissement par exemple, elle permet d’évacuer les cellules « fatiguées » en maintenant l’organisme « neuf ».

L.P : Les populations burkinabè consomment-elles assez la spiruline ?

J.Z : La consommation locale est faible. Mais si on associe la part humanitaire à la consommation commerciale, la part locale devient plus importante que l’exportation. Autrement dit, plus de la moitié de la part commercialisable (55% de la production) est exportée.

L.P : Vous- êtes-vous posé la question de savoir pourquoi c’est ainsi… ?

J.Z : On peut relever plusieurs considérations. D’abord, le Burkinabè en général accorde beaucoup plus d’importance à ce qui est importé.
Il est difficile de prouver à une certaine classe qu’on peut produire ce qui est bien au Burkina. Il y a ensuite, le manque de moyens financiers.
Quand on prend la population de façon générale, la préoccupation, c’est plutôt comment faire pour répondre aux besoins des 2 ou 3 plats quotidiens. C’est un complément alimentaire, ce qui voudrait dire qu’il faut d’abord assurer le plat avant de compléter… A cela, faut-il ajouter que nombre de personnes ne connaissent pas encore la spiruline.

L.P : Peut-on s’attendre à ce qu’il y ait baisse du prix pour le bonheur des populations ?

J.Z : C’est vraiment notre souhait au quotidien. Mais le problème est que les prix qui sont appliqués de nos jours sont ceux qui datent de 2007. Ces prix n’ont connu aucune évolution depuis le début de l’exploitation.
Comparativement aux prix des intrants que nous utilisons pour la culture, aux charges qui ont connu une hausse de plus de 50%, voire 75%.
La question est de savoir pourquoi ne pas augmenter le prix ? Mais nous sommes conscients que nous ne sommes pas à une étape où le produit est très bien connu. Il ne serait donc pas intéressant pour nous d’augmenter le prix actuellement parce que ça va même émousser les efforts que nous avons déployés. Nous sommes donc conscients que pour survivre, il faut hausser le prix. Si on en arrivait, nous préférerons voir cette hausse avec la part exportée qu’avec la part vendue sur le marché local.

L.P : La spiruline est cultivée également dans d’autres centres du pays. Comment êtes-vous organisés pour pouvoir tirer profit… ?

J.Z : Nous sommes organisé en association professionnelle, bien structurée, qui regroupe tous les producteurs de spiruline du Burkina Faso. Nous avons des rencontres régulières pour partager des informations et les difficultés rencontrées par les uns et les autres. Nous utilisons le même label sur le marché. Il y a une complémentarité et au-delà du marché local, chacun a ses contacts à l’extérieur.

L.P : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre fonctionnement ?

J.Z : La période des pluies constitue pour nous une période de basse production. La difficulté est aussi bien au niveau des bassins de production que du séchage du produit.
Nous avons aussi le prix qui est une difficulté à laquelle nous sommes confrontés. C’est une difficulté parce que nous ne pouvons pas l’augmenter actuellement. Or, nous faisons face à la hausse régulière des intrants.

L.P : Qu’avez-vous à ajouter pour terminer notre entretien ?

J.Z : Je voudrais vraiment inviter les populations à s’intéresser davantage à la spiruline.
Nous avons la chance d’avoir des aliments naturels. Ce n’est pas seulement la spiruline. Mais cette dernière a l’avantage de renfermer beaucoup d’éléments qu’on peut retrouver dans la nature. C’est une chance pour nous d’avoir ces produits naturels beaucoup prisés en Europe.

Entretien réalisé par Oumar OUEDRAOGO

Le Progrès, Bimensuel d’informations générales



Vos commentaires