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Le voile musulman : Le religieux et le conformiste

mercredi 19 septembre 2012.

 

Le "voile", le "hijab" ou la "burqua" sont des tenues que les filles ou femmes musulmanes portent selon les principes de la religion. Mais elles ne sont pas les seules. Il y a quelques années, il n’était pas répandu, mais de nos jours, le port du voile se développe et suscite souvent des débats.

Dans la ville de Ouagadougou, on croise des femmes et des filles qui portent le voile : le corps est couvert entièrement de la tête jusqu’au pied ; souvent le visage est caché et on ne peut pas reconnaître la personne. Le port du voile est obligatoire dans la religion musulmane, nous a expliqué Daouda Sanou membre de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB). Il nous a cité un passage d’un livre qui est consacré à cela. Il est écrit dans ce livre qu’il nous a présenté que “le voile, est une obéissance à Allah et à son messager“. Il est également dit que “Allah a fait du voile un signe de chasteté“ et il est exprimé en ces termes dans ce livre : « ô prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues ». Ensuite, elles “éviteront d’être offensées“. Un hadith du Prophète dit que “ le visage et les mains ne font pas partis de la “awrah” féminine qu’il faut obligatoirement couvrir“.

Dans les principes, le voile est un signe religieux pour les musulmans tout comme la croix l’est pour les chrétiens (Lire l’interview). Parmi les femmes et les filles musulmanes, on en trouve qui ont du plaisir à se voiler ou qui n’en veulent pas du tout. Toujours est-il que selon nos interlocuteurs, le voile n’est pas une fin en soi. Il indique le degré de la croyance de la personne. “Une fille qui se voile ou qui ne se voile pas, on n’en fera pas un jugement de valeur ou religieux, c’est le degré de croyance ou d’appartenance à la religion qui est mis en exergue“. Mais les musulmanes ne sont pas les seules à en porter.

Le voile voile-t-il son contenu ?

Si le voile est un signe religieux musulman, il n’en demeure pas moins qu’il fait l’objet d’une exploitation par des personnes selon leurs motivations à elles. Des femmes et filles qui portent le voile, l’on se demande souvent si elles sont toutes des musulmanes : « Je connais des femmes qui ne sont pas musulmanes, mais qui portent le hidjab. Une protestante avec qui j’ai voyagé en 2010 portait le hijab, elle m’a dit qu’elle aime cette façon de s’habiller parce que ça couvre bien le corps de la femme qui n’est pas à exposer, d’après elle ! Ça dissuade les dragueurs d’aborder les filles ou femmes habillées de la sorte, puisque, disait-elle, l’habillement en question présente la femme ou la fille comme personne sérieuse, donc on l’épargne des perversités verbales, des frivolités sexuelles... La protestante était couverte de pied en cap, excepté le visage », nous a confié un fidèle musulman. C’est donc dire que le “hidjab” n’est pas que l’affaire des femmes musulmanes mais de toutes les femmes qui veulent se “protéger” et “se faire respecter”.

D’aucuns expliquent cette multiplicité des personnes qui portent le voile, par un certain conformisme ou par simple effet de mode. Cela s’expliquerait par la libération du savoir islamique. Il y a quelques années de cela, les gens n’avaient pas la chance d’avoir des connaissances sur la religion. De nos jours, le savoir se libéralise avec ces nombreuses personnes qui partent se former du côté de l’Arabie Saoudite et reviennent pour dispenser leur savoir. Selon certaines personnes, avec nos sociétés qui n’ont plus de frontières à cause des médias, nos filles et sœurs ont tendance à tout copier à l’aveuglette. De nos jours, disent-elles, “on assiste à une invasion de nos chaînes par des téléfilms venant de certains pays islamique.

On y découvre des femmes qui s’habillent décemment avec le “hidjab” fait de façon moderne avec des “fentes” par-ci et par-là. Ces manières de s’habiller sont copiées par nos sœurs, et ce qui laissent entrevoir une forme de ce prétendu développement spectaculaire du port du voile dans notre société”.

Se voiler pour arriver à des fins

Des filles se voilent, pas toujours par conviction, mais pour des buts précis. Elles espèrent avoir un bon “mari” dans une société où “les lieutenants de Dieu”, “les vrais”, ne sont pas faciles à avoir”. Autrement dit, certaines filles particulièrement se voilent pour espérer avoir un mari dans une société ou les hommes refusent de plus en plus d’assumer ce devoir sociétal et civique.

Il y en a aussi qui en portent par besoin de se mettre à l’abri des assauts d’une masculinité draguant, conquérante. Des filles portent enfin le voile sous la pression familiale, elles ne le font pas par conviction et en ce moment, elles ignorent les principes fondamentaux de la religion et les bafouent. Dans ce cas, le port du voile n’a pas de sens et elles sont au même titre que les filles qui ne se voilent pas, c’est-à-dire que, leur degré de croyance est le même.

Entre exclusion et accusation de fanatisme

Les avis et les appréciations sont divers quant à la question du voile dans nos sociétés. Les uns y voient une espèce de domination masculine ou atteinte à la liberté et aux droits de la femme. En quelques mots une sorte de ségrégation des genres au détriment de la femme. A cela, certains ajoutent une espèce de suivisme de part des religieux musulmans. Pour d’autre par contre et comme nous l’avons souligné plus haut, le voile fait partie intégrante de la tradition musulmane : au lieu d’être une corvée, c’est plutôt un honneur pour les femmes et les filles d’en porter.

Bref, certains débats sur le port du voile semblent s’orienter vers des considérations liées à la laïcité. Ismaël Tiendrebéogo, dans un de ces écrits adressé au Ministre de le Fonction publique sur l’exclusion de certaines filles musulmanes voilées et qui se voient refuser l’accès à la salle de composition pendant les concours, avait tenu à rappeler ceci : « Certains de mes concitoyens le croient et appellent à preuve, la compréhension et l’application de la laïcité par la France. Le modèle français de la laïcité, il faut bien le comprendre, n’est pas particulièrement un modèle respectueux des droits et libertés individuels. Car, comme l’a rappelé sur LCP (La Chaîne parlementaire), Daniel VAILLANT, député PS et ancien ministre de l’Intérieur et du Culte de la France, la laïcité est la possibilité donnée à chacun de pouvoir pratiquer dignement sa religion et d’être respecté par les autres dans sa différence… ».

A-t-on aussi le droit de s’habiller à moitié nu, seins et cuisses à l’appât des hommes, nombril dehors, slip expressément en partie “montrée” ? Ou encore, a-t-on le droit d’entraîner la croix partout où on part ? S’est interrogé un de nos interlocuteurs ; pour dire que la question s’applique à différentes situations, pas aux femmes musulmanes entièrement couvertes seulement ! Autrement dit, c’est au nom du principe de la laïcité avec en ligne de mire les regards de catégorisation pas toujours tendres envers le voile.

Au nom de quelle prétendue loi ou morale sociale doit-on exclure les filles qui se voilent, se demande-t-on. Selon lui, s’il y a « exclusion, ça sera ou devrait être les filles “nues” en première, puisque la morale sociale est quasi puritaine, et celles qui laissent les seins et les slips ou les cuisses dehors sont vues comme des “toubabesse”, des négresses qui font les “modernes”, mais avec une certaine liberté de disposer de leur corps comme elles veulent, quand elles veulent... Si pour ces dernières l’exclusion ne s’est pas encore produite, ce n’est pas pour celles qui se couvrent bien, par pudeur, même excessive, que l’exclusion doit se produire », s’est-il insurgé. Sauf si la laïcité est synonyme de combat contre les habitudes religieuses. Auquel cas, laïcité et la modernité à l’occidentale seront synonymes parfaits.

Sur la question du fanatisme : Les religieux expliquent que le voile ne peut en aucun cas entraîner un fanatisme religieux, surtout que dans une même grande famille, on a des fils et filles de religions différentes qui se fréquentent, partagent tout, “vénèrent” le sang qui les lie. Donc, le fanatisme dans le contexte burkinabè, on n’y croit pas du tout. Peut-être dans 50 ans, ironise-t-on.

Ce qui n’est pas le cas pour cet autre croyant que nous avons rencontré. Pour A. T, si la loi n’interdit pas le port du voile, vite il faut l’adopter parce que les dérapages ne sont pas loin. Il fait référence à la situation malienne avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui veut instaurer le Charia dans une partie du Mali contre le gré des populations. Pour répondre à certains accusateurs, d’aucuns s’interrogent : « Pensez-vous qu’au nom de la liberté religieuse, peux-t-on s’habiller légèrement en mini-jupe avec le nombril dehors, parce qu’on est chrétien ou je ne sais quoi, et se pavaner en Afghanistan ou en Iran ».

Dans ce pays, nous dit M. X, une certaine catégorie de citoyens voient toujours la musulmane ou le musulman comme l’analphabète qui ne doit jamais lever le petit doigt, même ne serait-ce qu’interpeller l’autorité. Comment une interpellation de l’autorité peut-elle s’apparenter à de l’intolérance religieuse, ou fondamentalisme religieux ou à un non-débat ? On est au bord des énervements et des débordements. La tolérance, le respect et le dialogue devraient permettre aux uns et aux autres de s’accepter, de se comprendre. Dieu le créateur ne dira pas le contraire.

Par Akim Amazebo


Imam Halidou Ildoubo : " Nous vivons dans une République laïque "

Le port du voile, un principe religieux ou une obligation religieuse ? C’est à cette interrogation que nous avons voulu répondre en nous entretenant avec Halidou Ilboudo. M. Ilboudo est un encadreur et Iman au sein de la mosquée de l’Association des Elèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB). Dans la vie professionnelle, il exerce le métier enseignant. Avec lui, il a aussi été question de l’utilité du port du voile et de son degré d’appartenance à la religion.

Quelle est l’utilité du voile dans la religion musulmane ?

Parlant d’utilité du port du voile dans la religion musulmane, j’allais dire que le voile fait partie de l’habillement islamique. Je parle d’habillement islamique parce que dans toute société, il y a un code de comportement et le code vestimentaire fait partie des règlements de l’islam. Et dans ce code vestimentaire au niveau de la femme, il est fait mention du fait de couvrir sa tête comme les autres parties de son corps. Malheureusement, le voile a peut-être été isolé pour être un objet d’attention particulier. Dans la réalité, il s’agit de l’habillement décent. L’islam a définie et pour l’homme comment il devrait s’habiller et pour la femme comment elle devrait s’habiller. En clair, l’islam dit que la femme, en s’habillant doit couvrir tout son corps à l’exception du visage, des mains et des pieds. Maintenant que le voile soit une partie du vêtement qu’on enlève ou qu’on met, ça c’est un autre problème. En fait, la loi dit qu’elle couvre tout son corps et excepté son visage et ses mains.

Pourquoi excepté ces éléments ?

Le visage et les mains ne font pas partie parce qu’on a besoin de ces éléments dans l’action de tous les jours. Il y a des moments, quand elle est en famille avec les membres de la famille ou avec ceux dont il existe une relation de parenté, elle peut laisser apparaître certaines parties de son corps. Mais au grand public, il est dit que la femme musulmane s’habille en couvrant tout son corps et excepté le visage et les mains dans l’entendement de la majorité des savants musulmans. Maintenant, vous allez trouver d’autres savants qui pensent que quand on est dans une société ou les mœurs sont corrompues, il est bon pour elle qu’elle se couvre le visage mais on ne peut pas trouver un texte qui i l’oblige.

En d’autres termes, la fille musulmane ne peut pas se passer du voile.

Dans les enseignements de l’islam, pour la femme musulmane ou la fille musulmane qui a atteint l’âge de la puberté, il lui est fait obligation de couvrir tout son corps à l’exception de son visage et de ses mains. De ce point de vue, on peut dire que le port du voile est obligatoire parce que nous voyons cela dans le coran notamment dans les versets 59 de la sourate 33 et les versets 30 à 32 de la sourate 24. Ces versets disent aux femmes de couvrir effectivement leur cheveux et de ne pas montrer de leurs atouts sauf à ceux qui leurs sont interdits au degré de mariage.

On confond souvent le port du voile à du fanatisme religieux !

J’ai déjà parlé de cet amalgame. C’est parce qu’on a excepté le voile et on en a fait un habillement à part. Si on comprend que c’est l’habillement de la femme musulmane, il n’y a pas de problème. Il y a ceux-là qui pensent que c’est du fanatisme, tout comme il y a des femmes musulmanes qui n’ont pas compris et qui pensent que le voile c’est le fait de porter un foulard sur la tête. Ainsi donc, elles portent des habillements transparents qui montrent d’autres parties de leur corps qu’elles gagneraient même à couvrir mais comme elles ont couvert la tête, elles disent qu’elles ont porté le voile. Quand vous lisez réellement les textes de l’islam on ne parle pas du port du voile. On parle de couvrir les parties pudiques du corps de la femme. Et dans les parties pudiques tout le corps s’y trouve sauf le visage et les mains.

En s’habillant de la sorte est-ce à dire que c’est la foi qui se raffermit ou un simple respect du principe religieux ?

On peut voir cela dans tous les deux sens. Par exemple, une fille musulmane qui, au début ne portait pas le voile quand bien même elle s’habillerait décemment exposait d’autres parties de son corps. Quand elle apprend, qu’effectivement ça fait partie de ce qu’on doit couvrir, elle se met à obéir. On peut dire que c’est un acte de foi. Mais pour celles aussi qui voient les gens faire et elles font comme les autres, c’est juste un principe qu’elles respectent. Ça dépend du chéminement de la personne pour voir est-ce qu’elle a évolué au point d’adopter cela comme faisant partie des règlements de l’islam ou elle fait pour ressembler aux autres.

Il y a un écrit tout récemment qui fait cas des pratiques discriminatoires à l’encontre des filles qui portent le voile notamment dans certaines activités.

S’il y a un principe que j’ai à dire c’est qu’effectivement nous vivons dans une république laïque qui respecte aussi les convictions de ses citoyens et qui est à équidistance de toutes les confessions religieuses. Donc, il faudra que ceux qui sont commis aux tâches administratives de l’Etat comprennent bien ce principe là et ne posent pas un acte que la loi ne leur permet pas de poser. Maintenant aussi aux filles musulmanes qui sont dans ces conditions, il y a des règlements qui régissent leur vie dans la cité. Leur vie en tant que musulmane dans une cité laïque comme la nôtre. Si je suis par exemple examinateur dans une salle de concours, effectivement je dois voir qui vient se présenter. Ce qui signifie que je dois contrôler l’identité des personnes en comparant la persone qu’on me montre sur la carte d’identité avec le visage de la photo.

C’est normal que la personne puisse se découvrir à l’entrée et même durant le concours. Le contrôle durant les concours est permanent et ce n’est pas à l’entrée seulement, même au moment des épreuves. De part et d’autre, je pense que les gens doivent faire des efforts quand ce n’est pas une prescription si c’est juste pour contrôler l’identité. Il n’y a pas de problème, les filles musulmanes doivent comprendre cela et accepter le faire. Si c’est parce que la personne porte un foulard sur la tête simplement et qu’on l’exclut, ça aussi c’est un abus et je pense que les gens devraient s’en éloigner.

Par Akim Amazebo

Par Bendré