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AFFAIRE DU VERGER D’ANACARDIERS DE YENDERE : 20 jeunes attraits devant la Justice

mercredi 23 mai 2012.

 

L’affaire dite « du verger d’anacardiers de Yendéré », localité située à une dizaine de kilomètres de Niangoloko, connaît depuis quelques mois de nouveaux rebondissements et se déporte devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora. En effet, suite à une plainte formulée par le repreneur du domaine, une vingtaine de jeunes dudit village, soupçonnés d’avoir incendié le verger en janvier 2011, ont été invités à comparaître au TGI de Banfora. C’était le mercredi 9 mai dernier, mais en raison de l’absence du syndic liquidateur, l’audience a été reportée au 16 puis au 23 mai 2012.

On en sait un peu plus sur l’affaire « du verger d’anacardiers de Yendéré », village situé à une dizaine de kilomètres de la commune urbaine de Niangoloko à laquelle il est rattaché. Un verger qui aurait été vendu au cours de l’année 2009, selon les habitants, à leur grand dam. Depuis lors, ils ont mené plusieurs actions de contestation. Selon une ordonnance aux fins d’autorisation de vente produite par le TGI de Ouagadougou, il ressort que la vente du verger litigieux a été autorisée par ordonnance n°1097 en date du 16 février 2009 au même titre que plusieurs autres parcelles appartenant à la société Flex-Faso.

Le même document indique que l’acquéreur du verger répond au nom de Haoua Ouédraogo et qu’elle a participé à un appel d’offres suite à une annonce légale relative à la liquidation des biens de la société Flex-Faso. Architecte de profession et basée à Ouagadougou, elle aurait, toujours selon les termes de l’ordonnance, acheté le site à 92 millions de F CFA dont 60 millions devaient être versés à la conclusion du contrat et le reste, à savoir les 32 autres millions, à la remise des documents.

« Nos parents n’ont jamais vendu le domaine »

Les habitants de Yendéré, surtout les jeunes, n’entendent pas la chose de cette oreille. Pour eux, il n’a jamais été question pour les vieux de vendre les 508 hectares de terres sur lesquelles le projet anacarde a été mis en œuvre. « Nos parents n’ont pas conclu un accord de vente avec le Blanc qui a été le premier à occuper le domaine. En son temps, il a été clairement dit que lorsque le projet arriverait à son terme, le domaine qui reste une propriété du village lui reviendrait pour toute fin utile », a indiqué le responsable des jeunes de Yendéré, Tahéré Soma, que nous avons rencontré le 9 mai 2012. Selon lui, Yendéré se retrouve dans une situation de manque de terre qui s’est amorcée depuis de longue date. Le village est limité d’une part, par la frontière naturelle avec la Côte d’Ivoire et, d’autre part, par une aire classée.

« Les seules terres qui nous restent et qui sont capables d’accueillir de nouvelles infrastructures que le développement du village pourrait engendrer restent le verger d’anacardiers en question. Nos parents ne pouvaient donc pas le vendre et aujourd’hui nous, jeunes de Yendéré, avons besoin de ce site », a précisé le représentant des jeunes, l’air désemparé. A Yendéré, la population se demande toujours comment les choses ont évolué pour que le verger devienne entre-temps la propriété de Flex-Faso au point qu’aujourd’hui, ladite société décide de le vendre afin d’apurer son passif. C’est en ce moment que le nom de Joachin Soulama est évoqué comme étant au courant de beaucoup de choses. Ex-employé dans le verger et actuellement opérateur économique établi à Niangoloko, il aurait été chargé de gérer les affaires courantes après le départ de la plupart des repreneurs du projet.

4 500 000 pour réparer les dégâts

Les jeunes de Yendéré refusent de voir leur « dernier espoir » en matière de terre leur échapper. Toute chose qui les a amenés à entreprendre des actions de diverses formes. Cependant, ils récusent l’accusation selon laquelle ce sont eux qui auraient mis le feu au verger, en guise de protestation, le 30 janvier 2011 comme mentionné dans un procès-verbal, de constatation d’un incendie. Un acte qui, selon les termes du même procès verbal, a détruit 650 pieds d’anacardiers de 29 ans chacun sur une superficie de 6 hectares. Et la valeur pécuniaire du préjudice s’élèverait à 4,5 millions de francs CFA à raison de 7 000 F CFA le pied d’anacardier. En plus de cet incendie, les actuels employés du verger se plaignent de menaces et de mises en garde de la part des jeunes du village tendant à les empêcher de travailler.

C’est pourquoi l’avocat-conseil de Haoua Ouédraogo a introduit auprès du Tribunal de grande instance de Banfora une assignation en référé pour que soient ordonnées la cessation de la voie de fait et l’expulsion des accusés du domaine du verger. Une autre assignation en responsabilité civile et en réparation de préjudice subi a été introduite pour demander aux 20 personnes mises en cause de payer la somme de 44 550 000 francs CFA. En outre, le conseil de Haoua Ouédraogo invite le liquidateur de Flex-Faso à garantir à sa cliente la jouissance paisible des lieux.

« On veut nous intimider »

Tahéré Soma et ses autres co-accusés se portent en faux par rapport aux termes du procès verbal de constatation et d’évaluation de l’incendie qui les accuse. « Nous n’avons pas mis le feu au verger le dimanche 30 janvier 2011, a-t-il confié. D’ailleurs, personne d’entre nous n’est allé vers le verger ce jour. Comment pouvons-nous détruire un domaine qui revêt une grande importance à nos yeux et que nous revendiquons du reste ? ». Ce jour-là, reprend le responsable des jeunes de Yendéré, « je revenais du marché de Niangoloko et tout comme la plupart de mes camarades, nous avons aperçu la fumée qui montait dans le ciel. Nous nous sommes gardés de nous approcher de peur qu’on nous accuse d’en être les auteurs. Pour ma part, je pense que cette action en justice vise à nous intimider », poursuit Tahéré Soma qui précise que les jeunes de Yendéré ne vont jamais céder. En attendant que cette affaire soit définitivement tranchée, les habitants de Yendéré se posent de multiples questions.

Comment et par qui le domaine a pu être vendu sans que le village ne soit impliqué ? Pour les moins radicaux, une telle transaction devrait au moins prévoir la part du village dans les fruits de la vente. D’autres pour leur part, pensent que les habitants de Yendéré ne disposent pas suffisamment d’informations sur le statut du verger. Toujours est-il que l’affaire a été reportée au mercredi 16 mai 2012 parce qu’une des parties, le liquidateur, de l’avis des jeunes de Yendéré, ne s’était pas présentée au palais le 9 mai dernier. Mais cette date n’a pas vu le dénouement de l’affaire, et elle a été encore reportée au 23 mai.

Mamadou TRAORE

Le Pays



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