Retour au format normal
lefaso.net

Commune de Nagréongo : L’implantation d’un collège provoque un conflit foncier

lundi 2 avril 2012.

 

Une vive tension menace la cohésion sociale dans la commune de Nagréongo, province de l’Oubritenga, région du plateau central. Une portion de terre d’un hectare a été concédée au promoteur d’un collège privé d’enseignement général par des propriétaires terriens qui n’en auraient pas la compétence ni le droit, à en croire une partie des populations de cette commune. L’acte suscite grogne et désapprobation sur fond de menaces diverses. Le projet de construction du collège s’est placé au cœur d’un conflit foncier aux multiples enjeux entre les habitants des villages dits traditionnels de Linoghin d’une part et ceux des villages relevant de l’ex Autorité des Aménagements des vallées de la Volta (AVV) d’autre part.

M. Sama Pospère, président de l’Association Voie d’espoir basée à Ziniaré tient sa lettre d’agrément N. 000682/MESSRS/SG/DGERS/DEPr du 14 mai 2010 pour la réalisation d’un établissement privé d’enseignement secondaire général, comportant le premier cycle, dénommé collège privé Wend Panga à Sargo, dans la commune rurale de Nagreongo, province de l’Oubritenga région du plateau central. Mais malgré sa volonté de faire diligence et la disponibilité des ressources mobilisées auprès de son partenaire italien l’ONG Bambini Nel deserto, le chantier de construction piétine. Un conflit né de la contestation du procès verbal de palabre autorisant la cession du terrain au promoteur par une partie des habitants de la commune a failli provoquer un drame dans la zone.

Le PV de palabre dressé le 20 janvier 2010 a été avalisé par 10 signataires identifiés comme propriétaires terriens ou personnes ressources. Compaoré Michel et Ouédraogo Lazare qui relèvent de la zone des AVV n’ont pas été contactés pour mener la transaction. Ils n’ont donc pas apposé leur signature sur le PV de palabre. Pourtant, ces derniers sont convaincus que la superficie cédée empiète sur leurs champs. Eux et leurs compagnons des AVV qui n’entendent pas avaliser une situation de fait qui pourrait menacer leur sort dans cette contrée du Burkina se montrent hostiles à l’occupation du dit terrain. Au regard du caractère litigieux du terrain, ce camp aurait proposé au promoteur l’abandon de l’espace identifié contre un terrain de 4 ha qu’ils seraient prêts à lui concéder sur un autre site où ils estiment pouvoir initier et conduire le processus en toute « souveraineté » et en toute sérénité. Cette proposition a été rappelée le lundi 23 janvier 2012 au cours d’une réunion de concertation tenue dans un des villages AVV.

L’enjeu principal du conflit foncier

« Nous ne sommes pas contre la construction d’un collège. Mais si nous laissons faire cette fois, parce que c’est un projet de construction d’une infrastructure scolaire, nous courrons le risque de perdre à court ou à long terme environ 200 ha si nous ne sommes pas nous même chassés d’ici. » Soutiennent les vieux El hadj Kaboré Madi, Nikièma Hamado, Guigma Malick et le Conseiller municipal Casimir Zoungrana.

Pour eux, ce collège ne serait qu’un prétexte et un test pour leurs « hôtes » pour planifier à terme une campagne de spoliation de terres à leur préjudice. Cette perspective serait à la base du durcissement des positions des différents protagonistes du conflit. Les habitants des villages traditionnels tiendraient à la construction du collège contre vents et marrés et cela à la grande joie du promoteur tandis que les ressortissants des AVV sollicitent la délocalisation du site pour préserver leurs acquis historiques.

En effet, c’est Par ordonnance N0 74/061/PRES/PL.DR.ET du 5 septembre 1974 que le gouvernement de l’Ex Haute Volta a créé l’Autorité des Aménagements des vallées de la Volta(AVV). C’est un établissement public à caractère industriel et commercial doté d’une personnalité morale et d’une autonomie financière. Le général Tiémoko Marc Garango qui a été un des acteurs de la mise en place des AVV à l’époque témoigne que ce fut le premier projet d’aménagement rural à avoir reçu un financement de la Banque Mondiale.

L’AVV avait pour objet la mise en valeur des zones inhabitées ou sous peuplées des vallées des Volta et leurs affluents. La création des AVV, faut-il le rappeler a été initiée à un moment où la cécité des rivières avait contraint les populations riveraines des fleuves volta et de leurs affluents à déserter les terres fertiles pour se protéger de la simulie, insecte vecteur de l’onchocercose.

L’AVV avait pour mission d’organiser le repeuplement de ces terres et de promouvoir le développement socio-économique des populations installées. 8 villages AVV ont été installés dans la zone de Linoghin.
A travers une lettre adressée au Ministre de l’Administration territoriale par voix hiérarchique, les habitants du bloc AVV ont rappelé l’historique de leur installation.

« Au moment de notre installation, les dirigeants de l’AVV avaient accordé la priorité aux populations autochtones dont les concessions se trouvaient dans le perimettre AVV, d’intégrer la structure afin de bénéficier des mêmes avantages que les producteurs nouvellement installés. Malheureusement, certains ont refusé cette proposition. Face à ce refus, les autorités de l’AVV ont aménagé des terres hors du périmètre pour ces derniers. Dès lors, beaucoup de familles ont rejoint ce nouveau site excepté la famille de M. Congo Noufou originaire du village de Sarogo et quelques uns de ses parents. Ces derniers se sont érigés en adversaires farouches des migrants que nous sommes. Leur hostilité s’est manifestée durant les premières années par des actes de sabotage tels que l’arrachage de jeunes arbres plantés au tour de nos champs et des insultes de tout genre.(…) Ces dernières années, les mêmes individus qui s’étaient opposés à notre installation procèdent sur la base de faux procès verbaux dont ils sont les signataires à l’attribution de terrains à des particuliers pour des usages divers. En flagrante violation des dispositions des articles 25 et 26 de la loi N0 34-2009 portant Régime foncier rural. »

Et de poursuivre : « c’est donc en victimes que les responsables que nous sommes, voudrions par la présente transmettre aux plus hautes autorités de ce pays, le message de détresse de nos populations. Ces braves populations qui par la sueur ont transformé cette vaste forêt abandonnée par l’homme et livrée aux animaux féroces et à la simulie en une cité prospère de près de 20 milles âmes, faisant l’objet de toutes les convoitises aujourd’hui. »

Le jeu de ping pong des autorités administratives

Au niveau local, aucune autorité n’est étrangère à ce litige qui pollue les relations entre administrés d’une même localité d’une part et entre administrés et l’administration d’autre part depuis 2010. A la faveur des troubles sociaux qui ont secoué le pays en 2011, ordre avait été donné de suspendre le chantier. Mais les travaux ont repris au mois de janvier avec la bénédiction semble t-il du Gouverneur de la région du plateau central qui aurait transmis une correspondance au promoteur en ce sens.

Pourtant, le dossier est tel que aucune des autorités n’entend pas s’arroger la prétention de maitriser ses tenants et ses aboutissants, chacun préférant renvoyer la balle à l’autre au point que le litige fait l’objet d’un jeu de ping pong entre le maire de Nagreongo Izaye Compaoré, le Haut Commissaire de la province Balima Hamidou et le Gouverneur de la région du plateau central, Blaise Corneille Ouedraogo.

Pendant ce temps, le chantier monte et monte sur une superficie de 1ha et demie alors que le PV de palabre ne concédait qu’une aire de 1ha au promoteur. De quoi raviver les inquiétudes et les tensions de ceux qui n’entendent pas vivre le pogrom un jour !

Touwendinda ZONGO

MUTATIONS , Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : Mutations.bf@gmail.com)