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SINISTRES DU 1er SEPTEMBRE 2009 : La galère des laissés-pour-compte

mercredi 21 mars 2012.

 

La ville de Ouagadougou a été éprouvée le 1er septembre 2009 par une gigantesque inondation, plongeant plusieurs milliers de ménages dans le désarroi. Cette catastrophe avait donné lieu à un vaste élan de solidarité nationale et internationale envers les sinistrés. Entre autres mesures prises, le gouvernement avait institué un mécanisme d’aide au relogement pour les personnes ayant perdu leurs maisons. Contrairement au satisfecit général affiché dans le bilan officiel de la gestion des victimes de cette catastrophe, certains n’ont toujours pas reçu l’aide promise. Au secteur 23 de l’arrondissement de Nongr-Massom, ils sont nombreux à avoir été recensés puis ignorés au moment de la remise de l’aide gouvernementale. Ces sinistrés qui estiment avoir été spoliés, ont même adressé une lettre au Premier ministre depuis le 15 avril 2010.

Dans cette lettre, les intéressés disent s’en remettre au chef du gouvernement pour que justice leur soit rendue. Mais jusque-là, ils ne voient rien venir…

Plus de deux ans après le sinistre du 1er septembre 2009, certaines victimes attendent toujours l’aide promise par l’Etat pour leur relogement. Dès les premiers instants du sinistre, le gouvernement avait donné le ton, en promettant un accompagnement de l’Etat pour le relogement des personnes affectées. Au total, 24 271 ménages étaient concernés. Pendant que ceux préalablement installés dans des zones inondables devraient recevoir des parcelles ainsi qu’une aide substantielle pour se reloger au niveau de la trame d’accueil de Yagma, ceux des zones non inondables devraient recevoir une aide composée de 50 000 FCFA, une tonne et demie de ciment et 20 feuilles de tôle ondulées. Au moment du bilan, les structures chargées de la mise en œuvre de l’opération ont affiché leur satisfecit. Hormis quelques difficultés relevées ça et là, l’opération s’est, dit-on, bien déroulée. Tous les sinistrés recensés ont été pris en comptes, a-t-on aussi appris en son temps.

Mais cette satisfaction générale est loin d’être partagée de tous. Du côté du secteur 23, dans l’arrondissement de Nongr-Massom, ils sont nombreux à attendre toujours cette assistance promise. Le 15 avril 2010, ils étaient environ une cinquantaine à cosigner une lettre adressée au Premier ministre d’alors, Tertius Zongo. Dans cette lettre, les intéressés n’y sont pas allés du dos de la cuillère. Très amers, ils ont décoché des flèches contre certaines personnes chargées de la gestion de l’aide au niveau de cet arrondissement. « (…) Excellence Monsieur le chef du gouvernement, nous sommes témoins que des personnes proches du maire ont utilisé nos biens à d’autres fins. Ils ont utilisé nos biens pour achever leurs villas et nous, les vrais sinistrés, sommes toujours sans gain de cause… ». Les accusations sont assez graves et la gendarmerie a été saisie. Le dossier a atterri sur le bureau du procureur depuis juillet 2010. Mais jusque-là, rien ne filtre de la suite à donner.

Vie de parias !

Un détour du côté de « Bang-pooré » (Derrière les rails), quartier périphérique de la banlieue nord de la capitale, permet de se rendre compte de la situation de ces oubliés de l’aide gouvernementale. Le ressentiment est à la taille de l’injustice vécue. De l’avis général, trop de micmacs ont émaillé la gestion des sinistrés dans cette partie de la ville. Pendant que des personnes n’ayant pas été touchées ou ayant, à tout le moins, enregistré des fissures sur leurs murs, ont bénéficié de l’assistance du gouvernement, d’autres ayant vu toutes les maisons de leurs concessions s’effondrer, ont été ignorées. Pourtant, ces personnes disent avoir bel et bien été recensées. Où est passé leur part de matériaux et d’argent ? Mystère et boule de gomme. La vieille Tènin Ouédraogo fait partie de ces infortunés. Retrouvée en cette matinée de février 2012, assise à l’ombre du morceau de mur restant de sa maison emportée le 1er septembre 2009, elle dit avoir espéré vainement l’aide promise. Aujourd’hui, elle a perdu tout espoir.

C’est pourquoi, après la longue attente sans gain de cause, elle s’est résolue à revenir raccommoder les ruines de sa maison, avec l’aide de bonnes volontés, pour pouvoir s’abriter. Assèta Sampebgo est une autre oubliée. Son époux est en Côte d’Ivoire et elle vit dans sa cour depuis plusieurs années avec de nombreux enfants. Après avoir tout perdu lors de la catastrophe, elle avait fondé beaucoup d’espoir dans le discours officiel qui tendait à rassurer tous les sinistrés. Plusieurs fois, raconte-t-elle, des agents recenseurs sont passés et elle dit avoir fourni tous les renseignements demandés. Puis, plus rien. En désespoir de cause, son époux a été obligé de rentrer pour construire la maison où il réside aujourd’hui avec ses enfants. Le vieux Wambi Kaboré est un autre exemple vivant de cette injustice à Bang-pooré. Toute sa concession avait été rasée lors du sinistre. Selon de nombreux témoins, il fait partie de ceux qui ont été les plus affligés. A ce qu’on dit, plus rien ne restait dans sa cour au lendemain du malheureux événement. A ce titre, si aide il devait y avoir, pense-t-on, il devrait faire partie des premières personnes à en bénéficier. Mais paradoxalement, il fait partie des oubliés.

Que d’affairisme sur le dos des sinistrés !

Comment a-t-on pu en arriver là ? Pour beaucoup, la rigueur a manqué dans la gestion des sinistrés au niveau de l’arrondissement. Que d’affairisme et de favoritisme dans la gestion du dossier. Certains membres de la commission mise en place à cet effet auraient préféré travailler pour leur propre compte au détriment des sinistrés. A en croire des témoignages concordants, des réseaux mafieux ont dévoyé l’opération. Le procédé était tout simple : des gens n’ayant subi aucun dommage lors du sinistre ont été inscrits sur les listes. Des aides leur ont été attribuées et, en retour, ils doivent faire le partage avec leurs complices au sein de la commission. A Bang-pooré, la pratique semble avoir eu pion sur rue. Des noms circulent et cela est même de notoriété publique, puisque certains de ces bénéficiaires frauduleux n’hésitaient pas à se vanter publiquement de leur « exploit ». Dans la lettre adressée au Premier ministre, les frondeurs en veulent visiblement à une dame, Alizéta Congo.

Son nom revient par intermittence dans la lettre. Conseillère municipale, elle était la première responsable de la gestion des sinistrés du secteur 23. Aux yeux de nombreux sinistrés n’ayant pas bénéficié de la prise en charge, elle est vue comme la source du malheur. A peine si elle n’est pas accusée d’avoir tripatouillé les listes : « (…) Nous avons voulu voir clair dans le fameux recensement de Mme Congo. Elle nous envoya d’aller vérifier à la mairie afin de nous assurer que la liste a bien été transmise. Arrivé, on a été grandement étonné de voir une liste qui ne portait pas nos noms ». Et ce n’est pas tout. Il est aussi question de vivres destinés aux sinistrés qui auraient connu une autre destination. Mme Congo aurait fait transporter les vivres chez elle avec des véhicules bâchés. Contactée, l’intéressée se défend.

« Tout cela n’est que pure manipulation », dit-elle. Lorsque le sinistre s’est produit, explique-t-elle, « la mairie a pris un arrêté nommant un certain nombre de personnes pour la gestion des sinistrés au niveau du secteur 23. Tous les conseillers du secteur étaient concernés. J’ai été désignée comme première responsable du groupe. Nous n’avons pas été impliqués ni de loin ni de près au recensement. C’est le ministère de l’Habitat qui est venu faire son recensement. Nous n’avons recensé que ceux qui dormaient sur le site ». Et elle est formelle : « Tous les sinistrés dont les maisons sont effectivement tombées et qui ont séjourné sur le site ont été pris en compte ». Toute chose que contestent les sinistrés de Bang-pooré. Mais Mme Congo ne s’arrête pas là.

Grossier montage ?

Elle contre-attaque et en appelle à la diligence de la Justice. « Je suis pressée que la justice soit faite. Après tout ce que nous avons fait comme sacrifices, si on ne peut pas nous remercier, il ne faut pas nous diffamer. Nous avons perdu notre temps et notre énergie sur le site pendant que d’autres conseillers désignés n’y ont jamais mis pied », s’indigne-t-elle. S’agissant des vivres qui auraient été détournés, Mme Congo indique que tout cela n’est qu’un grossier montage qui participe de la stratégie de diffamation de ses contempteurs. Selon elle, cela est l’œuvre de « politiciens véreux » tapis dans l’ombre, qui veulent profiter de cette malheureuse situation. La preuve, c’est le fait que certains signataires ne sont même pas informés de l’existence de cette lettre.

Du côté de la mairie, on pointe un doigt accusateur sur le ministère en charge de l’habitat. Celui-ci aurait fait le recensement et décidé des sinistrés à prendre en charge sans tenir compte de certaines observations de la mairie. Cela a eu pour conséquence que certains sinistrés soient ignorés. Au ministère chargé de l’habitat, l’information sur la gestion des sinistrés s’avère difficile à obtenir. On évoque le temps passé et le fait que certains responsables ayant géré le dossier ne soient plus à leurs postes pour ne fournir aucune information.

Par Y. Ladji BAMA

Le Reporter



Vos commentaires

  • Le 21 mars 2012 à 02:36 En réponse à : SINISTRES DU 1er SEPTEMBRE 2009 : La galère des laissés-pour-compte

    éhhh le faso émergent,meme pas de pitié pour les vieux les vieilles les enfants,ces gourous se sucrent sur eux et tant pis si des gens dorment dehors. la morale est morte dans ce pays.
    en plus relisez la derrière phrase de l’article pour comprendre la mauvaise foi de certaines personnes car comment comprendre que dans un ministère,il n’y a pas des archives puisque à les comprendre,il suffit que quelqu’un soit muté de son poste pour qu’il n’y a plus de traces des activités antérieures de cet agent. vrai fuite en avant pour se moquer de notre intelligence et à mon intime conviction,c’est bien dans le ministère de l’habitat que se trouve les vrais coupables de ce détournement honteux. devant le bon dieu,vous allez le payer. inch allah

  • Le 21 mars 2012 à 08:37 En réponse à : SINISTRES DU 1er SEPTEMBRE 2009 : La galère des laissés-pour-compte

    Qu’on remettre aux demunis ce qu’on leur doit. C’est le minimum qu’on puisse faire. D’ailleurs ils ne demandent pas plus. S’il vout plait ne les spolier pas. Ils ont aussi droit au bien etre !

  • Le 21 mars 2012 à 12:30 En réponse à : SINISTRES DU 1er SEPTEMBRE 2009 : La galère des laissés-pour-compte

    Ayez pitié de ces vielles personnes et restituer leur ce qu’elles devaient avoir. Pourquoi prendre ce qui ne vous appartient pas ? Vous avez pris, mangé, digéré. Les bandits armés en font autant. Dieu vous voit et allez payer (vous et vos enfants) sur terre en attendant votre transfert à l’enfer

  • Le 21 mars 2012 à 13:33, par TOE En réponse à : SINISTRES DU 1er SEPTEMBRE 2009 : La galère des laissés-pour-compte

    remettez s’il vous plait aux victimes les 500 millions de gbagbo Laurent.