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L’enseignement primaire à l’époque coloniale

mardi 13 mars 2012.

 

L’enseignement préconisé devait favoriser un rapprochement entre les jeunes Africains et la civilisation française. La possibilité de l’adaptation de cet enseignement aux réalités locales laissait planer une zone d’ombre sur la qualité effective de ses programmes et méthodes. Malgré les limites des recommandations de Brazzaville, notamment en matière d’enseignement secondaire, on peut reconnaître que le plan proposé constituait un progrès sensible.

L’enseignement de masse préconisé par Brazzaville était certes indispensable pour un réel progrès social. Mais il ne répondait pas pleinement aux attentes des élites pour qui il fallait donner aux jeunes Africains l’équivalent de l’instruction donnée aux enfants métropolitains, puisque celle-ci symbolisait la supériorité et la modernité. La revendication de cette égalité et de la diversification de l’enseignement prit beaucoup plus d’importance avec la création de l’Union française. C’était le début d’un courant irrésistible prônant une éducation plus étendue des populations d’Outre-mer par l’école. De ce fait, il fallait dépasser les propositions de Brazzaville pour penser à l’élargissement des structures scolaires permettant un enseignement plus diversifié dans les territoires coloniaux.

Pour se conformer à l’esprit et aux recommandations de Brazzaville, l’enseignement primaire fut réorganisé en août 1945. Désormais, la distinction entre les écoles préparatoires, élémentaires et régionales disparaissait. Celles-ci prenaient toutes l’appellation d’écoles primaires et conduisaient au certificat d’études primaires élémentaires. Seul le nom du village ou du site d’implantation différenciait chaque école. La plupart des établissements étaient de type trois classes : cours préparatoire, cours élémentaire et cours moyen. Chacun de ces cours comportait deux années d’études. La durée de la scolarité fut fixée entre six et huit ans. Seuls les chefs-lieux de cercles ou les grosses subdivisions avaient des groupes scolaires de quatre, cinq, six classes ou plus. L’article 2 de l’arrêté organique d’août 1945 prônant une unification de l’enseignement primaire décrivait les objectifs de celui-ci comme suit :

“L’enseignement primaire élémentaire a pour objet essentiel d’agir sur les populations africaines en vue de diriger et d’accélérer leur évolution. Cet enseignement est donné uniquement en langue française. Il est strictement obligatoire pour les enfants de fonctionnaires et de militaires de carrière, sauf indications contraires du médecin. Les gouverneurs détermineront pour chaque colonie, les conditions dans lesquelles cette obligation pourra être imposée aux enfants des familles de chefs”.

Ce texte confirme clairement l’attachement de l’école à la langue française et l’obligation scolaire ne s’applique qu’aux enfants de fonctionnaires et de militaires, tous au service de l’administration coloniale. Dans le même temps, on constate que les fils de chefs sont de moins en moins visés, compte tenu de l’émergence des intellectuels qui consacre la mise en place d’un nouveau pouvoir dont les reines échappent au pouvoir traditionnel.

L’évolution de l’enseignement primaire dans le territoire de la Haute-Volta

L’héritage scolaire de la Haute-Volta de 1947, était essentiellement composé d’écoles primaires. Celles-ci conduisaient les élèves du cours préparatoire au cours moyen où ils étaient soumis à l’examen du certificat d’études primaires et au concours d’entrée dans les écoles fédérales. Dans le contexte colonial, la diffusion de l’instruction primaire commandait toute l’évolution culturelle, politique et économique des territoires. L’enseignement primaire était la structure de base qui permettait aux jeunes élèves de se cultiver et de participer au développement économique de leur territoire. Au début de la colonisation, le développement des écoles suivait à peu près le même rythme que celui de l’administration. La création d’un poste administratif dans une localité entraînait la mise en place des services minimums indispensables au fonctionnement du poste. La décision de l’implantation de l’école relevait du ressort de l’administrateur qui s’en référait à ses supérieurs hiérarchiques. A partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, l’école dépassa les limites des chefs lieux de cercles et atteignit certaines localités moyennes.

Dans le contexte de l’après-guerre, le territoire ne pouvait compter uniquement sur ses propres moyens pour ériger les écoles dont la demande ne faisait que croître. L’apport d’autres sources de financement était indispensable pour soutenir les efforts du territoire. A ce sujet, la contribution du F.I.D.E.S. sera très importante. A l’actif des efforts concertés du territoire et du F.I.D.E.S., le rapport annuel de l’inspection médicale des écoles de l’année 1954-1955 répertoriait 76 écoles de construction récente, contre 33 en 1953-1954. Suite à ces réalisations, le nombre d’écoles construites en banco passait de 61 à 25 et apportait une note qualitative à la présentation des infrastructures scolaires.

La politique scolaire mise en place à partir de 1947 visait la reconstruction en matériaux définitifs des écoles déjà fonctionnelles, ainsi que la construction d’un certain nombre de nouvelles écoles, jugée nécessaire par l’assemblée territoriale.

Selon le rapport sur la situation d’ensemble des écoles de 1956, le nombre de maîtres était passé de 316 en 1955 à 372 en 1956. Dans l’enseignement privé, la stratégie des missionnaires consistait à réaliser une extension la plus large possible sur le territoire. Ainsi, catholiques et protestants vont se livrer à une course vers les différentes régions du territoire.

L’enseignement privé avait été reconnu comme une activité d’intérêt public et subventionné comme tel depuis 1943. Les subventions représentaient une dépense budgétaire importante devant l’augmentation progressive du nombre d’écoles privées. A l’enseignement privé catholique s’était ajouté à partir de 1948, un enseignement protestant. Cette participation des initiatives privées à l’éducation de la jeunesse du territoire venait soutenir les efforts des pouvoirs publics. Elle fut pendant très longtemps le fait des congrégations missionnaires. Partant du fait que l’enseignement dispensé dans les écoles privées contribuait à l’éducation des enfants des territoires d’outre-mer, et que de ce fait il constituait un complément à l’école publique, les autorités politiques décidèrent d’accorder un soutien financier à l’enseignement privé. En A.O.F., l’attribution des subventions à l’enseignement privé a été réglementée pour la première fois en octobre 1943. Cette réglementation allouait, sur le budget général, des subventions calculées en fonction des succès aux examens et du nombre des maîtres diplômés chargés de l’enseignement. A partir de juin 1948, un autre régime de subventions, accordées sur les budgets locaux, vit le jour.

Source : Maxime Compaoré, L’enseignement en Haute-Volta de la reconstitution à l’indépendance, Actes du colloque international sur l’histoire du Burkina Faso, Ouagadougou, le 26 novembre 2008.

Par Bendré