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Accidents de la circulation : Ces pratiques qui conduisent aux urgences

vendredi 30 décembre 2011.

 

« Cessons d’accuser les autres à tout moment. Nous sommes tous responsables des accidents qui surviennent sur nos routes. Que chacun assume sa part de responsabilité ». En s’exprimant ainsi après l’accident qui s’est produit au Togo au mois de mai et qui a coûté la vie à une vingtaine de Burkinabè, le ministre Gilbert Noel Ouédraogo des Transports, des Postes et de l’Economie numérique, tapait du poing sur la table. Quelque six mois après, cette interpellation reste d’une brûlante actualité en cette fin d’année, période réputée la plus “accidentogènes” d’entre toutes. Les chiffres parlent d’eux-même : 616 accidents pour le seul mois de décembre 2008, 683 pour 2009 et 706 en 2010. Combien seront-ils, les usagers de la route, à en faire les frais au matin du 1er janvier 2012 ? En attendant que les statistiques nous fixent sur la question, plongeons-nous un instant dans la circulation courante à Ouagadougou, concentré de toutes les mauvaises pratiques et des cas d’incivisme en matière de code de la route.

A l’hôpital Yalgado-Ouédraogo, l’organisation de l’administration et le tempérament de certains membres du personnel rendent complexe la disponibilité des chiffres. L’un des travailleurs, qui requiert l’anonymat, n’arrive pas à comprendre la fréquence des accidents de la circulation : « Avant, c’est quand on avait une fête ou un événement particulier dans la ville qu’il y avait de l’affluence ; maintenant, ce n’est plus le cas, chaque jour que Dieu fait, on en reçoit : à titre d’exemple, rien que la nuit du 29 au 30 octobre 2011, les urgences ont reçu quarante (40) patients. Il y a des patients qui arrivent si ivres qu’ils ne savent même pas qu’ils ont des blessures.

Il faut alors les mettre sous perfusion et attendre carrément le lendemain pour faire un diagnostic ». Mais qui sont ceux-là qui sont chargés d’accueillir et de soigner les victimes d’accident de la circulation au sein de l’hôpital ? Eh bien, c’est une équipe composée d’un chirurgien titulaire, d’un autre en formation, de trois (03) infirmiers, de trois (03) internes, de deux (02) brancardiers dont une fille de salle.

Et en pareilles circonstances, il y a alors une « double victimisation » à la moindre affluence. « Il arrive que des malades attendent du matin au soir pour avoir une radioscopie alors qu’il faut cet examen pour guider le chirurgien dans certaines situations », affirme notre informateur. Des situations malencontreuses que personne ne souhaite vivre ; pourtant la circulation sur les différents axes routiers de la ville laisse croire le contraire.
Mercredi 14 décembre 2011, 17h 20 mn : c’est la descente des bureaux. Sur l’avenue Kadiogo, du tronçon qui va du rond-point de la bataille du Rail à l’échangeur de l’ouest, la police municipale est présente.

Avenue Kadiogo : incivisme sur une route en finition

Le motif : amener les motocyclistes à emprunter la piste qui leur est réservée ; une action de sensibilisation qui dure depuis un mois déjà, mais qui ne se fait pas sans difficultés selon le sous-officier Paulin Kaboré qui coordonne l’équipe sur les lieux. « Rien que sur 100 mètres, nous sommes obligés de placer trois (03) agents pour contraindre les gens à respecter les subdivisions de la route. Mais lorsqu’ils dépassent le 3e agent, ils se faufilent entre les piliers pour changer de voie jusqu’à ce qu’ils rencontrent un de nos éléments ; dans le cas contraire, le désordre continue », nous a-t-il confié.

Il ne croyait pas si bien dire, car pendant que nous nous entretenons avec lui, un homme la quarantaine révolue, moulé dans un costume cravate beige, en provenance du centre-ville, juché sur une moto Spark 110, ignore royalement les indications du premier policier qu’il croise au niveau du rond-point avant de se retrouver nez à nez avec un deuxième. Il dût alors se rabattre sur sa droite tout en lançant : « Il faut fixer des panneaux, s’il vous plaît ». Si la mauvaise foi tuait…

Cependant, il faut reconnaître que l’absence de signalisation à certains endroits stratégiques pose problème : la preuve, au marché de Gounghin, quelques centaines de mètres plus loin, pas de tracé ou de terre-plein pour matérialiser la subdivision de la route. Le soir venu, bouchers et vendeuses de légumes se bousculent pour installer leurs étables sur la piste cyclable et ensuite se disputer les éventuels clients qui reviennent du service. Ces commerçants connaissent-ils les limites de la route qu’ils squattent ?

« C’est ce soir (Ndlr : 14 décembre 2011) que les policiers municipaux sont venus nous expliquer la disposition de la route. Il est vrai que, si une voiture dérape, nous allons en faire les frais, mais comme il n’y a pas d’autres aménagements, les gens vont continuer à s’arrêter ici pour acheter nos produits », explique en mooré Etienne Ouédraogo, un boucher exerçant sur les lieux depuis près de neuf (9) ans. Lui et ses collègues travaillent en complicité avec leurs clients ; aveu d’un d’entre eux qui requiert l’anonymat : « On n’a pas d’espace pour nos engins alors que les bouchers sont au bord de la route. Ils m’ont dit qu’il y a des policiers, donc aujourd’hui je ne me suis pas garé, j’ai observé juste un arrêt pour faire mes provisions ». Wendgoudi Sawadogo n’a pas eu l’information.

Avenue Yatenga : ignorance coupable du code de la route

Elle a garé sa moto en coupant perpendiculairement la piste et pris le soin de la boucler avant de se diriger vers les étables. Mémoire en défense de cette fonctionnaire prise en flagrant délit de stationnement abusif et dangereux : « On s’arrête sans tenir compte de la sécurité. C’est une mauvaise habitude qu’on a adoptée, mais qu’on peut changer » ; malheureusement, la mauvaise habitude de dame Sawadogo n’est pas un cas isolé.

Avenue Yatenga le jeudi 15 décembre 2011 : véhicules particuliers, taxis, motos, vélos et charrettes se disputent la voie, les conducteurs des uns plus pressés que ceux des autres. Vingt-sept (27) minutes se sont écoulées après dix-sept heures (17h) à son intersection avec l’avenue du Conseil de l’entente à une centaine de mètres du marché de Baskuy. Là, trois dames portant chacune un képi blanc, une chemise blanche et une jupe verte pour deux d’entre elles, un pantalon de la même couleur pour l’autre, régulent la circulation.

A l’aide de sifflets et de petits panneaux où il est inscrit « STOP », elles arrêtent alternativement les usagers de chaque avenue. « Nous sommes là trois fois par jour du lundi au vendredi. De 6h40 à 8h, de 11h40 à 13h et de 16h40 à 18h, nous facilitons la circulation ». C’est en ces termes que Fatimata Sawadogo, la responsable de l’équipe, nous situe sur leur mission. Elle s’est postée juste quelques cinq mètres avant un panneau Stop. Cette position, dit-elle, devrait amener ceux qui aperçoivent ses gestes avec un peu de retard à respecter cet « arrêt obligatoire pour céder le passage à gauche et à droite ». Que nenni !

Les usagers, tous véhicules confondus, dépassent et la bonne dame, et le panneau pour marquer l’arrêt sur l’autre route. A un moment donné où elle avait bloqué le passage à son niveau, un taximan l’ignore et continue sa route mais doit se résoudre à s’immobiliser sur le terre-plein central face aux véhicules qui viennent de sa droite. Dans la recherche d’une excuse, le conducteur trouve le temps de nous fournir les raisons de sa conduite ou plus exactement de son inconduite : « Elles sont là pour faire permuter le passage aux gens dans la circulation. Comme il n’y a personne à ma gauche, je n’avais donc pas de raison de m’arrêter ».

De telles scènes, ces agents, qui relèvent de la Brigade des jeunes volontaires pour la sécurité routière (BJVSR), en sont témoins à toutes leurs heures de service : « Les gens nous négligent particulièrement trop ici et souvent ils nous insultent. Je ne sais pas si c’est parce qu’il n’y a que des filles dans notre équipe qu’ils n’ont pas peur de nous », souligne celle qui sue sang et eau à ce service depuis deux 02) ans ; heureusement qu’au milieu de cette dérision, il y en a qui leur redonnent le sourire : « Tu as sifflé, je me suis arrêté, monte maintenant on va partir, je viens de fermer ma boutique, donc je t’appartiens », lance un usager à Fatimata qui manque pas de la lui rendre : « Pour cela, il vous faudra m’accompagner dans le travail jusqu’à la descente ». Et l’homme, un petit sac en bandoulière, roulant sur une moto sans immatriculation dont la selle porte encore son emballage, tout en lui souhaitant du courage dans ce qu’elle fait, d’assurer aller régler les commodités afférentes à un tel tête-à-tête avant de revenir la chercher. Si seulement tous les usagers de la route avaient sa discipline et surtout son humeur…

La rue Ousmane-Sibiri : Un cas d’école

Tous les maux et cas d’incivisme qui gangrènent la circulation routière dans notre pays se retrouvent concentrés dans la rue Ousmane-Sibiri-Ouédraogo et ses environs immédiats à Ouagadougou.
- Stationnements interdits, mal effectués ou encombrants
C’est le spectacle quotidien, aggravé surtout les mardis, les mercredis après-midi et parfois jusque tard dans la nuit.
- Occupation anarchique de la voie publique
Par les marchands de gros, demi-gros et détail, tous produits confondus. C’est pas par là certainement que vous irez faire du lèche-vitrine. Ce sont en effet des rues où on ne se hasarde à aller que quand on n’a vraiment pas le choix.

- Non-respect des panneaux de signalisation
Empruntez la rue de la Chance dans le sens nord-sud et vous courez le risque de vous retrouver nez à nez avec un mastodonte de 50 tonnes venant en sens inverse, malgré les plaques qui l’interdisent.
- Non-respect de la circumambulation autour de Rood-Woko
Ouagadougou est la seule capitale dont le grand marché peut être contourné en véhicules 2 ou 4 roues dans tous les sens. Ailleurs en effet (voire tout près de nous à Bobo-Dioulasso), le grand marché se contourne toujours dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Rappelons à ce titre qu’à Ouaga, il en a été ainsi depuis les années 1950 et ce, jusqu’à une date récente où la fronde des commerçants a fait reculer la mairie.

Notre journal n’a cessé d’interpeller les autorités municipales depuis les premiers signes de ce capharnaüm. Hélas, aujourd’hui le mal est si profond que le pauvre Simon et sa police municipale n’y peuvent plus grand-chose. C’est devenu bel et bien un problème d’Etat, tant l’intérêt à basculer pour ramener l’ordre est grand.
Seulement, plus on ferme les yeux sur cette poudrière, plus on court le risque qu’elle explose comme en 2003, où un incendie avait ravagé le marché.

Bon à savoir

Tout piéton doit veiller à utiliser les passages, les trottoirs ou allées à lui réservés lorsqu’ils existent ; circuler à droite lorsqu’il est en groupe, colonnes, convois ou procession ; se signaler la nuit lorsqu’il est en groupe, colonnes, convois ou procession, à l’avant par une lumière blanche et à l’arrière par une lumière rouge ; traverser la chaussée perpendiculairement à son axe et continuer à regarder à gauche et à droite.

- Malgré le fait que son moyen de déplacement soit le plus utilisé sur toutes les routes du Burkina Faso, le cycliste n’est pas sans certaines obligations : il doit éviter de rouler de front avec un (01) conducteur ou plus ; de se lever pour pédaler, car cela est souvent source de déséquilibre ; remorquer ou de se faire de remorquer ; de transporter plus d’un passager ou un enfant de moins de cinq (05) ans sans dispositif spécial ; de s’adonner à la pratique du “laisse guidon” et de prendre un passager sur le cadre de son vélo ; d’emprunter la voie des automobilistes lorsque la piste ou la bande cyclable existe.
- Toutes les substances psychoactives (drogues) sont des produits qui agissent sur le cerveau et sont incompatibles avec la conduite d’un véhicule. Les tests mettent en évidence des altérations du comportement du conducteur qui a consommé de la drogue, comparables à celles constatées avec l’alcool : troubles de la vision, surexcitation, surestimation des capacités de conduite, modification de la perception visuelle. Les effets de la drogues sont multiples, commencent par une seule prise et diffèrent d’une drogue à l’autre.

Quid de la Brigade des volontaires ?

La Brigade des jeunes volontaires pour la sécurité routière (BJVSR) est une association de jeunesse créée en 1996, reconnue en 1999 et présente dans trois communes qui sont Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Boromo. Elle a un effectif de cent vingt (120) jeunes environ, soit 75 femmes et 45 garçons chargés, entre autres, de lutter contre les accidents de la circulation routière et la pollution générée par les véhicules à moteur, de vulgariser les textes et lois en matière de sécurité routière, de protéger des vies humaines.

Pour cela, ses membres, ayant pour tenue un képi blanc et une chemise blanche accompagnés d’une jupe ou d’un pantalon de couleur verte, assistent et facilitent surtout la circulation routière au niveau des carrefours non munis de feux tricolores et devant certaines écoles. Pour la BJVSR, « La route tue et tuera si chacun de nous ne fait pas quelque chose. Ensemble, luttons contre les accidents de la circulation routière, car ça n’arrive pas qu’aux autres », d’où sa devise « Engager pour servir ». Elle vit exclusivement du volontariat de ses membres, des dons ou legs de ses partenaires, et son siège se trouve sur l’a venue Nakomsé au secteur 2, quartier Bilbalogho de Ouagadougou.

L’Observateur Paalga



Vos commentaires

  • Le 30 décembre 2011 à 10:05, par dieuestfort En réponse à : Accidents de la circulation : Ces pratiques qui conduisent aux urgences

    Bonjour,
    Il faut que l’état restaure son autorité aulieu de laisser ces commercants faire leur loi ! faite un tour oci du coté du marché de la cité an 2 !!! il fo raser ce marché et laisser les habitants de la cité trankil car les commercants non ocune limite !!!! le Burkinabais devient de plus en plus incivique et brouillon ! il fo kon ce ressaisise et tres vite ! Monsieur les maires faite quelquechoz olieu de laisser les choses pourir !!!!

  • Le 30 décembre 2011 à 11:15 En réponse à : Accidents de la circulation : Ces pratiques qui conduisent aux urgences

    Le problème des accidents de la circulation est lié aux mots que connaissent le Burkina : incivisme généralisé, manque de l’autorité de l’état... les forces de l’ordre et autres représentants du pouvoir public sont devenus impuissants. Ainsi comment comprendre que les forces de l’ordre négocient avec les contrevenants de la circulations ; comment comprendre qu’il faut la présence d’un agent pour qu’un usage respecte à peine un feu tricolore mis en place à cout de million pour éviter les accidents ? quant est-ce que la sensibilisation va laisser la place au moins à la répression car on ne réveille pas celui qui ne dort pas selon nos parents. Pendant que les forces de l’ordre sont sur les routes entrain de sensibiliser <> les contrevenants de la routes , les grands criminels attaquent les citoyens sur les routes ou dans les domiciles. oh burkinabe à quand la prise de conscience ?

  • Le 30 décembre 2011 à 12:12 En réponse à : Accidents de la circulation : Ces pratiques qui conduisent aux urgences

    L’incivisme caractérisé vient d’en haut et est descendu jusqu’en bas de la société. A qui la faute ? Nous sommes tous responsables et, en premier, nos autorités incapables de gouverner correctement. Tout le reste est bavardage inutile ! Il faudrait des hommes intègres capable de réprimer sévèrement les récalcitrants qui ne respectent pas le code de la route. Mais, malheureusement, où les trouver ?

  • Le 31 décembre 2011 à 01:32, par Xamos En réponse à : Accidents de la circulation : Ces pratiques qui conduisent aux urgences

    Bel article sur la realite ! Je remarque cependant que les gens s’interessent moins a ce sujet.
    Pour ma part, je pense que la resolution de ce phenomene passe par une vraie sensibilisation prenant en compte tous les Burkinabes, meme les habitants des villages les plus reculer parce que tous sont des imigrants dans Ouagadougou(la majorite en tout cas) !!. Ce qui est compliquer...

    Comme ce danger ne concerne pas ceux de la hautlas c’est une affaire sans suite...parce que quand eux ils passent, meme les fourmis doivent disparaitre de la chaussee pour qu’ils passent...2011 a ete l’annee du proverbe ; mille jour pour le voleur et un seul jour pour le propietaire. Ce fut l’annee du peuple qui est rester pendant longtemps sans action sur la gouvernance. 2012 le sera d’avantage et ainsi de suite....
    Donc nos autorites ont trop de chose a faire au lieu de se flatter avoir fait beaucoup ou le necessaire.Non !! l’essentiel de l’essentiel qui est la perservation de la vie humaine reste sans attention au Faso.

    Bravo quand meme a Simon qui se fait milliardaire avec l’argent des contraventions !!!